11 juillet 2005 par Collectif
Nous publions ci-dessous une déclaration en provenance du Mali où s’est tenu le 4e Forum des Peuples, en contrepoint du sommet du G8 de Gleneagles. Le texte a été rédigé par Victor Nzuzi (R.D.Congo), Jean Mpélé (Congo Brazzaville), Olivier Bonfond (Belgique), délégués du réseau CADTM international.
Du 6 au 8 juillet 2005, dans le village de Fana au Mali, paysan/nes, éleveurs, chasseurs, pêcheurs, femmes, travailleurs et travailleuses victimes des privatisations et des licenciements, jeunes, chômeurs et chômeuses, intellectuel/les, mouvements sociaux d’Afrique et du monde entier, se sont réunis en plein air et en toute transparence, dans le cadre de la 4e édition du « Forum des peuples », contre-sommet africain au G8 G8 Ce groupe correspond au G7 plus la Fédération de Russie qui, présente officieusement depuis 1995, y siège à part entière depuis juin 2002. .
Initiative unique en terme de mobilisation populaire et d’immersion en milieu rural, ce Forum a pour objectif de s’appuyer sur l’intérêt des populations, en particulier des couches paysannes (80% de la population africaine vit de l’agriculture) pour élaborer des alternatives et des stratégies de résistances et d’action
Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
.
Pendant 4 jours d’échanges et de débats, les paysan/nes et les autres participant/es ont discuté des différents thèmes de résistance à l’ordre néolibéral, dont ceux relatifs à l’agriculture, tels les OGM
OGM
Organisme génétiquement modifié
Organisme vivant (végétal ou animal) sur lequel on a procédé à une manipulation génétique afin de modifier ses qualités, en général afin de le rendre résistant à un herbicide ou un pesticide. En 2000, les OGM couvraient plus de 40 millions d’hectares, concernant pour les trois-quarts le soja et le maïs. Les principaux pays producteurs étaient les USA, l’Argentine et le Canada. Les plantes génétiquement modifiées sont en général produites intensivement pour l’alimentation du bétail des pays riches. Leur existence pose trois problèmes.
Problème sanitaire. Outre la présence de nouveaux gènes dont les effets ne sont pas toujours connus, la résistance à un herbicide implique que le producteur va multiplier son utilisation. Les produits OGM (notamment le soja américain) se retrouvent gorgés d’herbicide dont dont on ignore les effets sur la santé humaine. De plus, pour incorporer le gène nouveau, on l’associe à un gène de résistance à un antibiotique, on bombarde des cellules saines et on cultive le tout dans une solution en présence de cet antibiotique pour ne conserver que les cellules effectivement modifiées.
Problème juridique. Les OGM sont développés à l’initiative des seules transnationales de l’agrochimie comme Monsanto, pour toucher les royalties sur les brevets associés. Elles procèdent par coups de boutoir pour enfoncer une législation lacunaire devant ces objets nouveaux. Les agriculteurs deviennent alors dépendants de ces firmes. Les États se défendent comme ils peuvent, bien souvent complices, et ils sont fort démunis quand on découvre une présence malencontreuse d’OGM dans des semences que l’on croyait saines : destruction de colza transgénique dans le nord de la France en mai 2000 (Advanta Seeds), non destruction de maïs transgénique sur 2600 ha en Lot et Garonne en juin 2000 (Golden Harvest), retrait de la distribution de galettes de maïs Taco Bell aux USA en octobre 2000 (Aventis). En outre, lors du vote par le parlement européen de la recommandation du 12/4/2000, l’amendement définissant la responsabilité des producteurs a été rejeté.
Problème alimentaire. Les OGM sont inutiles au Nord où il y a surproduction et où il faudrait bien mieux promouvoir une agriculture paysanne et saine, inutiles au Sud qui ne pourra pas se payer ces semences chères et les pesticides qui vont avec, ou alors cela déséquilibrera toute la production traditionnelle. Il est clair selon la FAO que la faim dans le monde ne résulte pas d’une production insuffisante.
, la souveraineté alimentaire, la réforme agraire (accès à la terre aux paysans, notamment aux femmes, contre leur spoliation par l’agrobusiness multinational et les classes dominantes locales)...
Au même moment, en Ecosse, les mouvements sociaux et altermondialistes de tout bord contestaient énergiquement la rencontre, dans la forteresse de Gleaneagles, des dirigeants du G8, en présence de 7 chefs d’Etats de l’Union Africaine ainsi que des musiciens Bono et Bob Geldof, venus se réunir pour discuter, en toute opacité, de l’avenir de la planète.
Le G8, institution illégitime, a placé au centre de ses discussions la réduction de la pauvreté en Afrique et la question du réchauffement de la planète. Mais, les solutions préconisées n’ont consisté une fois de plus qu’en promesses d’actions de charité qui ne s’attaquent nullement aux causes profondes de la croissance de la pauvreté et des inégalités, à savoir les politiques néolibérales.
En effet, le doublement de l’aide publique au développement prête à « sourire » lorsqu’on sait que l’engagement pris il y a 35 ans (0,7 % du PNB
PNB
Produit national brut
Le PNB traduit la richesse produite par une nation, par opposition à un territoire donné. Il comprend les revenus des citoyens de cette nation vivant à l’étranger.
) n’est toujours pas respecté.
Par ailleurs, l’annonce de l’annulation de la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
multilatérale de quelques pays pauvres ne va en rien mettre un terme à la tragédie de la pauvreté, ni à l’esclavage de l’endettement.
Quant à la suppression des subventions à l’exportation, les agriculteurs du Tiers Monde doivent se contenter d’une vague promesse de réalisation « à une date crédible ».
La reconnaissance subite par Georges Bush du lien existant entre les déséquilibres grandissants de l’écosystème et « l’activité humaine », ne s’accompagnant même pas d’une promesse de ratification du Protocole de Kyoto, révèle tout le cynisme du G8, cautionné par les représentants de l’Union Africaine.
Dans ces conditions, le Forum des peuples s’est engagé à mieux lutter solidairement contre l’ordre néolibéral, en particulier pour :
Une annulation totale et inconditionnelle de la dette publique des pays d’Afrique et du Tiers-Monde.
L’arrêt immédiat de la privatisation des entreprises publiques, la rétrocession immédiate des entreprises privatisées aux pouvoirs publics, sous le contrôle actif
Actif
Actifs
En général, le terme « actif » fait référence à un bien qui possède une valeur réalisable, ou qui peut générer des revenus. Dans le cas contraire, on parle de « passif », c’est-à-dire la partie du bilan composé des ressources dont dispose une entreprise (les capitaux propres apportés par les associés, les provisions pour risques et charges ainsi que les dettes).
des travailleurs et travailleuses en particulier, et du peuple en général.
L’accès à la terre pour la petite paysannerie, en particulier l’accès des femmes paysannes à la terre et aux autres facteurs de production.
La cessation de tout projet d’introduction voire d’expérimentation des OGM, ainsi que l’instauration d’un véritable ordre écologique mondial.
La mise en place de règles internationales justes en faveur d’un commerce équitable et favorisant la souveraineté alimentaire des peuples d’Afrique et du monde.
Des politiques économiques qui placent en priorité la satisfaction des droits humains fondamentaux tel que l’eau, l’emploi, la santé, l’éducation par les services publics
La cessation des conflits, trop souvent orchestrés pour le contrôle néocolonial des ressources.
La mobilisation massive à l’occasion des prochaines échéances, telles que l’arrivée de la Marche Mondiale des femmes à Ouagadougou en octobre 2005, le Forum Social Mondial polycentrique de 2006 à Bamako...
Commencé sous la pluie, le Forum de Fana s’est aussi terminé sous la pluie, promesse de fertilité de la lutte des peuples africains.
Ecrit à Fana (Mali) le 10 juillet 2005. Signé : Victor Nzuzi (R.D.Congo), Jean Mpélé (Congo Brazzaville), Olivier Bonfond (Belgique), délégués du réseau CADTM international.
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