Juillet 2022
7 juillet 2022 par Eric Toussaint
Résumé :
À travers une lecture critique de Diplomaties de la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
souveraine. Repenser la dette souveraine, des empires coloniaux à l’hégémonie, dirigé par Pierre Pénet et Juan Flores Zendejas, Éric Toussaint revient sur deux siècles (19e et 20e) de diplomatie autour des dettes souveraines, sur le concept de dette odieuse
Dette odieuse
Selon la doctrine, pour qu’une dette soit odieuse, et donc nulle, elle doit remplir deux conditions :
1) Elle doit avoir été contractée contre les intérêts de la Nation, ou contre les intérêts du Peuple, ou contre les intérêts de l’État.
2) Les créanciers ne peuvent pas démontrer qu’ils ne pouvaient pas savoir que la dette avait été contractée contre les intérêts de la Nation.
Il faut souligner que selon la doctrine de la dette odieuse, la nature du régime ou du gouvernement qui la contracte n’est pas particulièrement importante, puisque ce qui compte, c’est l’utilisation qui est faite de cette dette. Si un gouvernement démocratique s’endette contre l’intérêt de la population, cette dette peut être qualifiée d’odieuse, si elle remplit également la deuxième condition. Par conséquent, contrairement à une version erronée de cette doctrine, la dette odieuse ne concerne pas seulement les régimes dictatoriaux.
(voir : Eric Toussaint, « La Dette odieuse selon Alexander Sack et selon le CADTM » ).
Le père de la doctrine de la dette odieuse, Alexander Nahum Sack, dit clairement que les dettes odieuses peuvent être attribuées à un gouvernement régulier. Sack considère qu’une dette régulièrement contractée par un gouvernement régulier peut être considérée comme incontestablement odieuse... si les deux critères ci-dessus sont remplis.
Il ajoute : « Ces deux points établis, c’est aux créanciers que reviendrait la charge de prouver que les fonds produits par lesdits emprunts avaient été en fait utilisés non pour des besoins odieux, nuisibles à la population de tout ou partie de l’État, mais pour des besoins généraux ou spéciaux de cet État, qui n’offrent pas un caractère odieux ».
Sack a défini un gouvernement régulier comme suit :
« On doit considérer comme gouvernement régulier le pouvoir suprême qui existe effectivement dans les limites d’un territoire déterminé. Que ce pouvoir soit monarchique (absolu ou limité) ou républicain ; qu’il procède de la « grâce de Dieu » ou de la « volonté du peuple » ; qu’il exprime la « volonté du peuple » ou non, du peuple entier ou seulement d’une partie de celui-ci ; qu’il ait été établi légalement ou non, etc., tout cela n’a pas d’importance pour le problème qui nous occupe. »
Donc, il n’y a pas de doute à avoir sur la position de Sack, tous les gouvernements réguliers, qu’ils soient despotiques ou démocratiques, sous différentes variantes, sont susceptibles de contracter des dettes odieuses.
et l’attitude des élites du sud face à l’endettement de leurs pays.
Au cours de la première partie de l’étude, sont passées en revue quatre périodes distinguées par Pierre Pénet et Juan Flores Zendejas. Leur distinction porte sur la perception et le traitement de la question des dettes souveraines par les États et les créanciers privés. La première période (1820-1933) correspond à des décennies de réponses impérialistes aux crises de dettes souveraines. Par exemple, quand leurs débiteurs rencontraient des difficultés pour rembourser leurs dettes, la Grande-Bretagne et la France prenaient le contrôle de l’État en question et de ses ressources. Le remboursement de la dette leur a servi de prétexte lors de la colonisation de l’Égypte et de la Tunisie. Ensuite, de 1960 à 1980, période de transitions postcoloniales, le droit international passe d’un instrument au service des créanciers à un outil potentiel pour les pays surendettés. Le droit international fait débat sur la question des dettes souveraines. Plus tard, après la Guerre Froide, la tendance est à nouveau vers la protection des créanciers privés par les États, notamment ceux du Nord qui utilisent le FMI
FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.
À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).
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et la Banque mondiale
Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.
En 2022, 189 pays en sont membres.
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pour assurer le remboursement des dettes et imposer des politiques d’austérité.
La deuxième partie de l’étude se concentre sur le concept de dette odieuse, pilier des revendications du CADTM. Éric Toussaint revient sur la définition donnée par Alexander Sack :
Il explique qui était Alexander Sack et quel était l’objectif de ce conservateur, fervent défenseur des créanciers, quand il a élaboré le concept de dette odieuse. Par la suite, Éric Toussaint analyse, du point de vue du droit international, la réalité et la pertinence du principe de succession des dettes d’un gouvernement à un autre. Il mobilise plusieurs exemples historiques qui prouvent que la transmission d’une dette lors d’un changement de gouvernement n’est pas du tout automatique. Il montre également que le droit international prévoit la non-transférabilité des dettes issues d’une colonisation au moment de l’indépendance, via l’article 16 de la Convention de Vienne de 1978. L’auteur de l’étude s’appuie également sur un arrêt du Tribunal de la Cour de justice de l’Union européenne pour prouver qu’un État peut parfaitement modifier ses obligations
Obligations
Obligation
Part d’un emprunt émis par une société ou une collectivité publique. Le détenteur de l’obligation, l’obligataire, a droit à un intérêt et au remboursement du montant souscrit. L’obligation est souvent l’objet de négociations sur le marché secondaire.
en matière de dettes, de façon unilatérale. Enfin, Éric Toussaint précise que la position du CADTM diffère de cette d’Alexander Sack concernant les dettes contractées par un régime despotique. Pour le CADTM, une dette contractée par un tel régime a forcément servi à asseoir son pouvoir, elle est donc odieuse et doit être annulée par le régime qui lui succède.
La troisième partie de l’étude se focalise sur l’endettement au Sud de la planète. Sont d’abord montrés les intérêts des élites économiques du Sud dans les politiques conservatrices de gestion de la dette internationale qui ont été menées dans leurs pays. Cela leur permet de payer moins d’impôts, de se procurer des devises étrangères pour leur usage personnel, et de toucher des intérêts car ces classes possèdent elles-mêmes des titres de la dette
Titres de la dette
Les titres de la dette publique sont des emprunts qu’un État effectue pour financer son déficit (la différence entre ses recettes et ses dépenses). Il émet alors différents titres (bons d’état, certificats de trésorerie, bons du trésor, obligations linéaires, notes etc.) sur les marchés financiers – principalement actuellement – qui lui verseront de l’argent en échange d’un remboursement avec intérêts après une période déterminée (pouvant aller de 3 mois à 30 ans).
Il existe un marché primaire et secondaire de la dette publique.
souveraine. Éric Toussaint revient ensuite sur l’origine des tribunaux d’arbitrage souvent basés à New York ou à Londres, qui défendent quasiment toujours les intérêts des créanciers et des fonds vautours
Fonds vautour
Fonds vautours
Fonds d’investissement qui achètent sur le marché secondaire (la brocante de la dette) des titres de dette de pays qui connaissent des difficultés financières. Ils les obtiennent à un montant très inférieur à leur valeur nominale, en les achetant à d’autres investisseurs qui préfèrent s’en débarrasser à moindre coût, quitte à essuyer une perte, de peur que le pays en question se place en défaut de paiement. Les fonds vautours réclament ensuite le paiement intégral de la dette qu’ils viennent d’acquérir, allant jusqu’à attaquer le pays débiteur devant des tribunaux qui privilégient les intérêts des investisseurs, typiquement les tribunaux américains et britanniques.
lors d’un litige entre ces derniers et un pays endetté. L’étude se termine par la démonstration d’un début de riposte des États contre les abus des créanciers privés. En effet, certains pays comme la Belgique, la France, ou même la Grande-Bretagne ont adopté des lois limitant les droits de créanciers privés comme les fonds vautours. Le CADTM a joué un rôle majeur dans l’adoption de cette loi en Belgique.
Docteur en sciences politiques des universités de Liège et de Paris VIII, porte-parole du CADTM international et membre du Conseil scientifique d’ATTAC France.
Il est l’auteur des livres, Banque mondiale - Une histoire critique, Syllepse, 2022, Capitulation entre adultes : Grèce 2015, une alternative était possible, Syllepse, 2020, Le Système Dette. Histoire des dettes souveraines et de leur répudiation, Les liens qui libèrent, 2017 ; Bancocratie, ADEN, Bruxelles, 2014 ; Procès d’un homme exemplaire, Éditions Al Dante, Marseille, 2013 ; Un coup d’œil dans le rétroviseur. L’idéologie néolibérale des origines jusqu’à aujourd’hui, Le Cerisier, Mons, 2010. Il est coauteur avec Damien Millet des livres AAA, Audit, Annulation, Autre politique, Le Seuil, Paris, 2012 ; La dette ou la vie, Aden/CADTM, Bruxelles, 2011. Ce dernier livre a reçu le Prix du livre politique octroyé par la Foire du livre politique de Liège.
Il a coordonné les travaux de la Commission pour la Vérité sur la dette publique de la Grèce créée le 4 avril 2015 par la présidente du Parlement grec. Cette commission a fonctionné sous les auspices du parlement entre avril et octobre 2015.
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