Lettre ouverte aux altermondialistes
23 octobre 2002 par Arnaud Zacharie , Alterecho
Le Premier ministre belge Verhofstadt a écrit une nouvelle « lettre ouverte aux altermondialistes », publiée dans plusieurs journaux.
Commençons par le chapeau : « Cette lettre ouverte constitue un appel à la formulation de propositions d’action
Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
et de réforme qui seront abordées le 26 novembre 2002 dans le cadre de la deuxième Conférence internationale sur la mondialisation
Mondialisation
(voir aussi Globalisation)
(extrait de F. Chesnais, 1997a)
Jusqu’à une date récente, il paraissait possible d’aborder l’analyse de la mondialisation en considérant celle-ci comme une étape nouvelle du processus d’internationalisation du capital, dont le grand groupe industriel transnational a été à la fois l’expression et l’un des agents les plus actifs.
Aujourd’hui, il n’est manifestement plus possible de s’en tenir là. La « mondialisation de l’économie » (Adda, 1996) ou, plus précisément la « mondialisation du capital » (Chesnais, 1994), doit être comprise comme étant plus - ou même tout autre chose - qu’une phase supplémentaire dans le processus d’internationalisation du capital engagé depuis plus d’un siècle. C’est à un mode de fonctionnement spécifique - et à plusieurs égards important, nouveau - du capitalisme mondial que nous avons affaire, dont il faudrait chercher à comprendre les ressorts et l’orientation, de façon à en faire la caractérisation.
Les points d’inflexion par rapport aux évolutions des principales économies, internes ou externes à l’OCDE, exigent d’être abordés comme un tout, en partant de l’hypothèse que vraisemblablement, ils font « système ». Pour ma part, j’estime qu’ils traduisent le fait qu’il y a eu - en se référant à la théorie de l’impérialisme qui fut élaborée au sein de l’aile gauche de la Deuxième Internationale voici bientôt un siècle -, passage dans le cadre du stade impérialiste à une phase différant fortement de celle qui a prédominé entre la fin de Seconde Guerre mondiale et le début des années 80. Je désigne celui-ci pour l’instant (avec l’espoir qu’on m’aidera à en trouver un meilleur au travers de la discussion et au besoin de la polémique) du nom un peu compliqué de « régime d’accumulation mondial à dominante financière ».
La différenciation et la hiérarchisation de l’économie-monde contemporaine de dimension planétaire résultent tant des opérations du capital concentré que des rapports de domination et de dépendance politiques entre États, dont le rôle ne s’est nullement réduit, même si la configuration et les mécanismes de cette domination se sont modifiés. La genèse du régime d’accumulation mondialisé à dominante financière relève autant de la politique que de l’économie. Ce n’est que dans la vulgate néo-libérale que l’État est « extérieur » au « marché ». Le triomphe actuel du « marché » n’aurait pu se faire sans les interventions politiques répétées des instances politiques des États capitalistes les plus puissants (en premier lieu, les membres du G7). Cette liberté que le capital industriel et plus encore le capital financier se valorisant sous la forme argent, ont retrouvée pour se déployer mondialement comme ils n’avaient pu le faire depuis 1914, tient bien sûr aussi de la force qu’il a recouvrée grâce à la longue période d’accumulation ininterrompue des « trente glorieuses » (l’une sinon la plus longue de toute l’histoire du capitalisme). Mais le capital n’aurait pas pu parvenir à ses fins sans le succès de la « révolution conservatrice » de la fin de la décennie 1970.
qui se tiendra à Louvain (Belgique). Les jeunes sont tout particulièrement encouragés à participer au débat (voir le site www.globalisationdebate.be). » En effet, sur le site, les jeunes de 18 à 25 ans sont invités à envoyer une dissertation sur base de laquelle 40 jeunes seront sélectionnés pour venir débattre avec le 1er ministre. Pourquoi des jeunes et pas des experts ? Mystère.
La guerre imminente en Irak est balayée d’un revers de la main : « Alors que le monde entier a les yeux rivés sur l’évolution de la crise irakienne, des questions plus urgentes ont disparu de l’actualité. » Plus urgentes, et sans rapport ? A chacun de juger, on y reviendra avec Arnaud Zacharie. Ensuite, Verhostadt divise le monde en 3 groupes : 2 milliards de crève-la-faim, un demi milliard de poules de luxe, et entre les deux : 3 milliards de « moyens », qui profitent de la mondialisation (il s’agit de « peuples principalement asiatiques »), ce qui constituerait la meilleure preuve que « le marché et le libre échange constituent la meilleure méthode, la seule méthode avérée, pour triompher de la pauvreté. » Par conséquent, Verhofstadt exige plus de libéralisme et critique la fermeture des marchés, notamment européen, mais surtout américain, aux produits issus du tiers monde, en particulier des produits agricoles. Il plaide également pour un allègement de la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
des pays du tiers monde et un accroissement (un quadruplement) des budgets de la coopération au développement. Au passage, il critique vertement les ONG, trop bureaucratiques et trop paternalistes, qui « se substituent parfois aux gouvernements des pays pauvres, alors que l’émancipation de la population est essentielle pour conduire au développement et à la prospérité ». Les multinationales, comme Shell qui co-dirige le Nigeria ou Total qui fait de même en Birmanie ? Verhofstadt n’a pas l’air au courant. Les coupables, c’est MSF et le CNCD... Pour terminer, le premier ministre propose d’ériger des structures politiques continentales qui collaboreraient étroitement avec les pays pauvres ; il évoque en particulier une coopération entre l’UE et l’Union Africaine. Encore faut-il faire confiance à l’UE pour diminuer la pauvreté et œuvrer pour un intérêt mondial plutôt que pour les intérêts de pays membres. Vu l’histoire de l’UE, on se dit : bof. Dans le dernier paragraphe, alors qu’on croyait à une invitation à un dialogue ouvert, on apprend brusquement la vraie vérité sous la plume de Guy Verhofstadt : « La pauvreté de par le monde requiert une approche commune. La ligne à suivre - le libre-échange mais pas rien que le libre-échange - a été arrêtée depuis longtemps. » Ah bon ? Où ça ? Et par qui ? En tout cas, je ne me souviens pas avoir été consulté. En bref, Verhofstadt fait quand même de bonnes propositions, en tout cas en apparence : vive le commerce équitable et l’allègement de la dette, notamment. On voit aussi qu’il a bien compris certains mécanismes en matière agricole : l’aide au développement est anéantie par le déversement à prix cassés de produits agricoles européens largement subventionnés sur les marchés des pays pauvres qui en bénéficient. Pour éviter de se laisser jeter de la poudre aux yeux par Baby Thatcher, nous avons demandé à Arnaud Zacharie (Attac, Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde) ce qu’il pense de cette nouvelle lettre aux altermondialistes.
Pour écouter l’émission (n°62) dans son intégralité, visitez le site web http://alterecho.collectifs.net/.
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