12 juin 2020 par CADTM , Collectif , CADTM Pakistan
Le coronavirus a dévoilé le spectre d’une crise plus importante. Depuis la crise des subprimes de 2008-2009, la majorité des économies de la planète étaient déjà en proie à une surproduction, à une stagnation et même à une récession, qui s’ aggravaient de jour en jour. La pandémie n’a fait qu’exacerber la situation. Les chiffres du chômage augmentent chaque jour et on s’attend à la faillite de nombreuses petites entreprises et même de quelques plus grosses sociétés. Cette crise sanitaire et ses conséquences économiques en cascade pourraient bien plonger de nombreux pays du Sud dans une crise sans précédent, précipitant des millions de personnes dans la misère.
Nous allons vers une nouvelle crise de la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
. Déjà en juillet 2019, le FMI
FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.
À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).
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signalait que parmi les pays à faibles revenus, 9 étaient surendettés et 24 sur le point de le devenir. La dette souveraine extérieure des pays du Sud est une source d’inquiétude, notamment en raison de son augmentation spectaculaire au cours des deux dernières décennies et aussi en raison des similitudes avec la situation d’endettement des pays du tiers monde avant la crise, dans les années 1980. En outre, la crise économique signifie que les pays du Sud qui dépendent de leurs exportations auront du mal à faire rentrer des devises fortes, que les transferts de fonds vont diminuer considérablement et que les investissements financiers seront faibles. La capacité de ces pays à assurer le service de la dette
Service de la dette
Remboursements des intérêts et du capital emprunté.
existante sera donc mise à rude épreuve. Les gouvernements renfloueront également les entreprises privées, ce qui ajoutera une pression énorme sur le trésor public.
L’Asie du Sud ne fait pas exception et se trouve dans une situation similaire. La région est confrontée à d’énormes défis pour faire face à la pandémie de Covid-19 et à ses conséquences. La principale préoccupation de la région est, bien évidemment, la fragilité des systèmes de santé. L’annonce quotidienne des décès et des hospitalisations a intensifié les craintes liées au virus, aggravées par l’absence d’un système de santé publique viable. À cela s’ajoutent la pauvreté, la vulnérabilité, l’insécurité et la précarité généralisées qui ne manqueront pas de s’amplifier avec la propagation de la pandémie. Une certaine morosité règne alors que nous terminons plus de deux mois de confinement.
Dans la région, cette catastrophe exacerbe l’insécurité et la précarité déjà existantes. En raison des privatisations agressives menées au cours des trois dernières décennies, les infrastructures de santé publique de la région ne peuvent pas faire face à une pandémie d’une telle ampleur. L’Asie du Sud est loin de disposer de normes de soins de santé adéquates, notamment en ce qui concerne les médecins, les infirmières, les sages-femmes, les lits d’hôpitaux et les centres de soins de santé de première ligne. L’écrasante majorité de la population n’a pas accès aux soins de santé publics et pendant la pandémie les établissements privés se sont révélés totalement irresponsables en refusant de soigner les personnes atteintes de Covid-19 en qui ils voyaient des vecteurs de contamination. Cela a entraîné un accès difficile aux soins, en particulier pour les femmes, les enfants et les autres groupes sociaux défavorisés.
Outre les menaces qui pèsent sur les soins de santé, dans toute la région, des millions de travailleurs migrants et de salariés journaliers sont restés bloqués pendant des mois, impuissants, loin de chez eux, faisant face à un avenir incertain sans argent, sans nourriture et sans emploi. Selon l’OIT
OIT
Organisation internationale du travail
Créée en 1919 par le traité de Versailles, l’Organisation internationale du travail (OIT, siège à Genève) est devenue, en 1946, la première institution spécialisée des Nations unies. L’OIT réunit les représentants des gouvernements, des employeurs et des travailleurs, dans le but de recommander des normes internationales minimales et de rédiger des conventions internationales touchant le domaine du travail. L’OIT comprend une conférence générale annuelle, un conseil d’administration composé de 56 membres (28 représentants des gouvernements, 14 des employeurs et 14 des travailleurs) et le Bureau international du travail (BIT) qui assure le secrétariat de la conférence et du conseil. Le pouvoir du BIT (Bureau International du Travail) est très limité : il consiste à publier un rapport annuel et regroupe surtout des économistes et des statisticiens. Leurs rapports défendent depuis quelques années l’idée que le chômage provient d’un manque de croissance (de 5% dans les années 60 a 2% aujourd’hui), lui-même suscité par une baisse de la demande. Son remède est celui d’un consensus mondial sur un modèle vertueux de croissance économique, ainsi que sur des réflexions stratégiques au niveau national (du type hollandais par exemple). L’OIT affirme qu’il est naïf d’expliquer le chômage par le manque de flexibilité et que les changements technologiques n’impliquent pas une adaptation automatiquement par le bas en matière de salaires et de protection sociale.
, près de la moitié de la main-d’œuvre mondiale - 1,6 milliard de personnes - est en danger immédiat de voir privés de tout moyen de subsistance. Il est clair que l’Asie du Sud sera disproportionnellement impactée, car les économies régionales abritent le plus grand nombre de travailleurs précaires de la planète. Pour des millions de travailleurs, l’absence de revenu signifie pas de nourriture, pas de sécurité et pas d’avenir. Des millions d’entreprises dans le monde respirent à peine et ce sont les plus petites qui ont le moins recours aux ressources nécessaires en temps de crise aussi grave. Les travailleurs indépendants et contractuels sont également en danger imminent de voir leurs moyens de subsistance disparaître.
Les dangers multiformes dus à la pandémie ne peuvent être combattus qu’en reconstruisant les systèmes de santé publique, en renforçant les mesures de protection sociale, y compris les allocations de chômage et les indemnités de subsistance, en particulier pour les personnes travaillant dans l’économie informelle et les autres personnes vulnérables. Cela impliquerait d’énormes dépenses publiques et des investissements dans le secteur social, mesures qui ont été supprimées au cours des quatre dernières décennies.
Les difficultés sont aggravées par la dette publique extérieure des économies régionales qui a presque doublé entre 2009 et 2018, passant de $366,201 milliards à $730,063 milliards. Cette dette est imposée par les institutions financières internationales (BM
Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.
En 2022, 189 pays en sont membres.
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et FMI) avec la complicité des classes dirigeantes de nos pays. Il est à noter que la plupart des pays consacrent une part importante de leurs revenus au service de la dette, le Sri Lanka et le Pakistan ayant la dette la plus élevée par rapport au PIB
PIB
Produit intérieur brut
Le PIB traduit la richesse totale produite sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées.
Le Produit intérieur brut est un agrégat économique qui mesure la production totale sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées. Cette mesure est notoirement incomplète ; elle ne tient pas compte, par exemple, de toutes les activités qui ne font pas l’objet d’un échange marchand. On appelle croissance économique la variation du PIB d’une période à l’autre.
et également, le ratio dette/revenus le plus haut. La crise de la dette va aggraver une situation déjà mauvaise en ce qui concerne la capacité de ces pays à rembourser leurs emprunts. L’Asie du Sud elle-même était déjà l’une des régions les plus pauvres. Si le fardeau actuel de la dette n’est pas allégé, les pays de cette région seront plus vulnérables et pris au piège de la crise.
En l’état actuel des choses, la crise de la dette a une dynamique d’auto-renforcement. L’augmentation du service de la dette et la détérioration des investissements dans les pays en développement se traduiront par des transferts nets de ressources des pays en développement vers les pays développés. Cela empêchera la formation de capital intérieur et entraînera également une ponction sur les précieuses recettes en devises.
Toute lutte efficace contre la pandémie de Covid-19 nécessite d’énormes ressources et, par conséquent, les ressources limitées des pays d’Asie du Sud devraient être consacrées à la lutte contre la pandémie plutôt qu’au remboursement des créanciers internationaux. Dans ces circonstances, nous demandons l’annulation de toutes les dettes illégitimes des pays d’Asie du Sud. Organe des Nations unies chargé des questions de commerce, d’investissement et de développement, la CNUCED
Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement
CNUCED
Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement. Elle a été créée en 1964, sous la pression des pays en voie de développement pour faire contrepoids au GATT. Depuis les années 1980, elle est progressivement rentrée dans le rang en se conformant de plus en plus à l’orientation dominante dans des institutions comme la Banque mondiale et le FMI.
Site web : http://www.unctad.org
reconnaît également que les dettes de nombreux pays du Sud doivent être annulées. Elle a également précisé que les pays débiteurs peuvent se déclarer unilatéralement en cessation de paiements sans que les créanciers puissent exiger des arriérés à l’avenir.
L’annulation de la dette extérieure des pays de la région leur permettrait de libérer des ressources vitales pour reconstruire les infrastructures de santé publique, ainsi que de satisfaire d’autres besoins urgents dans ce contexte économique, menacé par une forte baisse des revenus, une perte d’impôts et de recettes et une augmentation des dépenses.
Il est également nécessaire de s’engager sur une voie de développement qui donne la priorité aux besoins des peuples plutôt qu’aux intérêts des puissants et de la classe possédante. Les ressources nécessaires à de tels développements pourraient être libérées par l’annulation des dettes publiques. Un audit citoyen est également nécessaire pour identifier les parties illégitimes, odieuses et illégales et exiger leur répudiation. Les arguments juridiques de l’état de nécessité, du changement fondamental de circonstances et/ou de la force majeure pourraient être invoqués pour soutenir une telle répudiation souveraine unilatérale.
Nous exigeons aussi :
Signatories :
Individu/e/s
Traduction vers le français par Christine Pagnoulle et Mike Krolikowski
Signatures à envoyer à
saape.network chez gmail.com ou/et
info chez cadtm.org
12 septembre, par CADTM
10 septembre, par CADTM , Nina Guesne , Rouvenn Mikaya
1er septembre, par CADTM
Cycle de formation du CADTM
Nouvelle crise bancaire internationale24 juillet, par CADTM , Eric Toussaint
14 juin, par CADTM , Eric Toussaint
12 juin, par CADTM , Collectif , CNCD , Entraide et Fraternité , CETRI (Centre Tricontinental)
Cycle de formation du CADTM
Les fonds vautours (avec focus sur les cas de l’Argentine et de la Zambie)10 mai, par CADTM , Pablo Laixhay , Pierre-François Grenson , Maxime Perriot
25 avril, par CADTM , Ecologistas en acción , ATTAC Espagne , Plateforme espagnole de lutte contre les fonds vautours , Audit de la santé , Coordination pour le droit au logement à Madrid
25 avril, par CADTM , Maxime Perriot
3 avril, par CADTM , Eric Toussaint , Collectif , Anaïs Carton
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Université d’été du NPA 2023
Quel nouvel internationalisme ?14 septembre, par Eric Toussaint , Collectif , Christine Poupin , NPA
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18 avril, par CADTM France , Collectif
3 avril, par Eric Toussaint , Collectif , Olivier Bonfond , Christine Pagnoulle , Paul Jorion , Jean-François Tamellini , Zoé Rongé , Économistes FGTB , Nadine Gouzée
3 avril, par CADTM , Eric Toussaint , Collectif , Anaïs Carton
Communiqué de presse
Pakistan : Des partis politiques appellent à l’annulation de la dette extérieure et lancent un mouvement contre la dette4 septembre 2010, par CADTM Pakistan , Labour Relief Campaign Pakistan