Appel de l’expert de l’ONU – La loi Belge contre les fonds vautours doit être préservée

16 juin 2016 par Juan Pablo Bohoslavsky , United Nations - Human Rights


Conférence de presse du 15 juin 2016 - le CADTM, le CNCD et 11.11.11 annoncent qu’ils défendront la loi belge contre le fonds vautour NML Capital

GENEVE (15 juin 2016) – l’Expert indépendant des Nations Unies sur la dette extérieure et les droits de l’homme, Juan Pablo Bohoslavsky, a exprimé aujourd’hui l’espoir que les dispositions centrales d’une loi belge qui limite les litiges impliquant les fonds vautours survivront à une contestation de droit constitutionnel.



La loi, adoptée par le Parlement belge en 2015 pour éviter que les « fonds vautours Fonds vautour
Fonds vautours
Fonds d’investissement qui achètent sur le marché secondaire (la brocante de la dette) des titres de dette de pays qui connaissent des difficultés financières. Ils les obtiennent à un montant très inférieur à leur valeur nominale, en les achetant à d’autres investisseurs qui préfèrent s’en débarrasser à moindre coût, quitte à essuyer une perte, de peur que le pays en question se place en défaut de paiement. Les fonds vautours réclament ensuite le paiement intégral de la dette qu’ils viennent d’acquérir, allant jusqu’à attaquer le pays débiteur devant des tribunaux qui privilégient les intérêts des investisseurs, typiquement les tribunaux américains et britanniques.
 » tirent d’énormes profits des crises financières, a été attaquée par un fonds spéculatif basé aux îles Caïmans, devant la Cour constitutionnelle de Belgique.

Les fonds vautours rachètent la dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
publique des États insolvables à des prix très réduits, refusent délibérément de participer aux efforts de restructuration de cette dette, et essayent ensuite des profits en multipliant les procédures judiciaires à l’encontre des États pour obtenir le remboursement intégral de la valeur nominale de la dette plus intérêts.

« Les litiges impliquant les fonds vautours ont considérablement augmenté au cours des dernières décennies. Ils encouragent un comportement non-coopératif et compliquent la résolution de crises financières de manière rapide, équitable et ordonnée », a noté Bohoslavsky. « Les accords tardifs de restructuration de la dette augmentent les souffrances des populations dans les pays affectés par des crises financières. »

L’expert indépendant a souligné que « les litiges des fonds vautours entrainent des coûts financiers important pour certains États, en détournant ainsi, au profit de formes douteuses de service de la dette Service de la dette Remboursements des intérêts et du capital emprunté. , des fonds publics qui pourraient plus utilement être utilisés à des fins tels que la lutte contre la pauvreté, l’amélioration des services de santé publique ou d’éducation, et pour stimuler l’économie de l’État débiteur. »

« Comparé au une loi similaire au Royaume-Uni qui protège les pays très pauvres lourdement endettés, la loi Belge est unique car offre une couverture plus complète contre les exigences financières excessives des fonds vautours », a dit l’expert.

La loi belge limite la capacité des créanciers de poursuivre devant des tribunaux Belges des demandes de remboursement qui sont manifestement disproportionné par rapport aux sommes que les créanciers ont eux-mêmes dépensé pour racheter les créances en cause. Vu que beaucoup de fonds vautours sont basés dans des paradis fiscaux Paradis fiscaux
Paradis fiscal
Territoire caractérisé par les cinq critères (non cumulatifs) suivants :
(a) l’opacité (via le secret bancaire ou un autre mécanisme comme les trusts) ;
(b) une fiscalité très basse, voire une imposition nulle pour les non-résidents ;
(c) des facilités législatives permettant de créer des sociétés écrans, sans aucune obligation pour les non-résidents d’avoir une activité réelle sur le territoire ;
(d) l’absence de coopération avec les administrations fiscales, douanières et/ou judiciaires des autres pays ;
(e) la faiblesse ou l’absence de régulation financière.

La Suisse, la City de Londres et le Luxembourg accueillent la majorité des capitaux placés dans les paradis fiscaux. Il y a bien sûr également les Iles Caïmans, les Iles anglo-normandes, Hong-Kong, et d’autres lieux exotiques. Les détenteurs de fortunes qui veulent échapper au fisc ou ceux qui veulent blanchir des capitaux qui proviennent d’activités criminelles sont directement aidés par les banques qui font « passer » les capitaux par une succession de paradis fiscaux. Les capitaux généralement sont d’abord placés en Suisse, à la City de Londres ou au Luxembourg, transitent ensuite par d’autres paradis fiscaux encore plus opaques afin de compliquer la tâche des autorités qui voudraient suivre leurs traces et finissent par réapparaître la plupart du temps à Genève, Zurich, Berne, Londres ou Luxembourg, d’où ils peuvent se rendre si nécessaires vers d’autres destinations.
, la loi vise particulièrement les créanciers domiciliés dans les paradis fiscaux ou dans des États qui refusent de participer aux échanges automatiques d’informations fiscales.

En vertu de cette loi qui limite les activités des fonds vautours, les créanciers ne pourront pas réclamer le remboursement intégral de la dette publique détenue par eux, si ces paiements compromettent considérablement les finances publiques de l’État débiteur ainsi que le développement socio-économique de sa population.

« Il est nécessaire de réguler le fonctionnement des fonds vautours afin de garantir une résolution rapide des crises financières et dans le plein respect des droits économiques et sociaux », selon Mr. Bohoslavsky. « Je suis convaincu que la Cour constitutionnelle belge est consciente de l’importance internationale de cette loi nationale actuellement soumise à son examen, et de son incidence sur les droits de l’homme. »

« Je me réjouis du fait que la loi Belge mette en œuvre une recommandation clé contenue dans une résolution [1] du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies, qui appelle les Etats à envisager la mise en place de cadres juridiques afin de restreindre les activités prédatrices des fonds vautours dans leur juridictions », a conclu l’Expert.


Les Experts indépendantes font partie de ce qu’on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme. Les procédures spéciales qui constituent le plus grand groupe d’experts indépendants dans le système des Nations Unies des droits de l’homme, sont les mécanismes indépendants d’enquête et de surveillance du Conseil qui traitent, soit de situations spécifiques de pays ou de questions thématiques dans toutes les régions du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent sur une base volontaire ; ils ne sont pas fonctionnaires de l’ONU et ne reçoivent pas un salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou organisation et siègent à titre individuel.

Pour en savoir plus


Nations Unies, Droits de l’Homme, fiche pays – Belgique : http://www.ohchr.org/FR/Countries/ENACARegion/Pages/BEIndex.aspx


Notes

[1Voir la résolution 27/30 du Conseil des droits de l’homme du 26 Septembre 2014 : www.undocs.org/A/HRC/RES/27/30

Juan Pablo Bohoslavsky

Expert indépendant chargé d’examiner les effets de la dette extérieure et des obligations financières internationales connexes des États sur le plein exercice de tous les droits de l’homme, en particulier les droits économiques, sociaux et culturels (De juin 2014 à mai 2020)

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