Il a fallu les cataclysmes des deux guerres mondiales pour imposer aux possédants des taux d’imposition sur les revenus et sur les patrimoines qui bloquent provisoirement la tendance spontanée du capital à s’accumuler au delà de toute mesure. Quand les 10% les plus riches gagnent plus de la moitié des revenus, et quand les 1% les plus fortunés détiennent plus de 50% du patrimoine total, la démocratie et la paix sont gravement menacés. C’était le cas en Europe au début du XXè siècle, on a vu le résultat. On y est déjà presque aux États-Unis et on y sera dans quelques années en Europe.
La nouveauté du XXIè siècle, que ne souligne pas assez Piketty, c’est qu’à la crise économique et démocratique provoquée par l’augmentation démesurée des inégalités, s’ajoute la crise écologique. Le club de Rome prévoit pour les alentours de 2030 un effondrement économique mondial suite au dépassement des limites en ressources naturelles. La prévision est sûrement imprécise de quelques années, voire décennies. Mais les tensions géostratégiques autour de l’accès aux ressources vont indéniablement renforcer les risques de guerres. Le recours aux bouc-émissaires en sera facilité.
Qui croit vraiment que les classes politiques actuellement en place pourraient prendre les mesures radicales qu’imposent ces dangers ? Le spectacle pathétique que donnent les dirigeants européens, François Hollande en tête, est édifiant à cet égard, tout comme l’élégante impuissance d’Obama. Avec la vague de mouvements sociaux démocratiques (Indignés/Occupy) initiée en 2011, et qui s’est étendue à de nombreux pays depuis, les citoyens explorent de nouveaux rapports à la politique, visant à dépasser le régime représentatif en y insufflant de fortes doses de démocratie directe et de contrôle citoyen. L’espoir vient de ce côté.
Au plan économique nous connaissons les solutions : l’annulation des dettes, une réforme fiscale fortement redistributive (incluant l’impôt mondial progressif sur le patrimoine de Piketty et la taxe Tobin Taxe Tobin Taxe sur les transactions de change (toutes les conversions de monnaie), proposée à l’origine en 1972 par l’économiste américain James Tobin pour stabiliser le système financier international. L’idée a été reprise par l’association ATTAC et par d’autres mouvements altermondialistes dont le CADTM, dans le but de diminuer la spéculation financière (de l’ordre de 1.200 milliards de dollars par jour en 2002) et de redistribuer le bénéfice de cette taxe aux plus démunis. Les spéculateurs internationaux qui passent leur temps à changer des dollars en yens, puis en euros, puis en dollars, etc., parce qu’ils estiment que telle monnaie va s’apprécier et telle autre se déprécier, devront payer une taxe minime, entre 0,1 % et 1 %, sur chaque transaction. Selon ATTAC, elle pourrait rapporter au moins 100 milliards de dollars à l’échelle mondiale. Qualifiée d’irréaliste par les classes dirigeantes pour justifier leur refus de la mettre en place, l’analyse méticuleuse de la finance mondialisée menée par ATTAC et d’autres a au contraire prouvé la simplicité et la pertinence de cette taxe. ), des investissements publics et privés massifs dans la transformation écologique des modes de production et de consommation, une réduction du temps de travail… Mais rien de tout cela n’adviendra sans la mobilisation décisive des sociétés civiles, au plan local, national, européen, mondial.
Voilà pourquoi le mouvement altermondialiste se trouve investi bien malgré lui de lourdes responsabilités. En son sein Attac se conçoit comme un outil au service des citoyens qui veulent construire et coordonner les résistances et les alternatives à cette démesure qui nous écrase. Un outil pour faire de la politique autrement, sans briguer ni postes ni avantages, avec pour seul objectif d’aider les mouvements à converger et les citoyens à renforcer leur pouvoir d’agir.
Fête des 15 ans d’Attac
15 novembre (Paris). Attac fête ses 15 ans au Cabaret sauvage, Parc de la Villette, avec la participation de Christophe Alévêque, Fantazio, HK & les Déserteurs et Emel Mathlouthi. 15 à 20 euros la place.
Un article de Thomas Coutrot, porte parole d’ATTAC France dans Alternatives économiques
www.alternatives-economiques.fr/attac--15-ans-apres---a-quoi-bon-_fr_art_633_65846.html
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