Répondre aux « Questions qui piquent sur la dette et l’austérité »
Question 14 - Bonus 1
19 août 2016 par CADTM Belgique
Dom
Au CADTM, on sait trop bien ce que c’est d’être flippéE, voire découragéE, par toutes ces questions sur lesquelles on sèche. Du coup, inspiréEs par nos meilleurEs piqueurs et piqueuses (notre famille, nos potes, le pizzaiolo d’en face, les gens que l’on rencontre en animation), le CADTM Liège a organisé plusieurs sessions d’élaborations collectives d’éléments de réponse à ces piques (qu’elles soient d’ordre technique ou plus « politique »).
Ce travail a engendré une brochure que vous pouvez retrouver en entier ici.
D’où vient-elle ?
Dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
coloniale : les colons qui avaient emprunté de l’argent pour financer l’exploitation des pays du Sud leur ont légué (illégalement) ces dettes à l’heure de leurs « indépendances ».
Rq : Depuis, les pays du Sud ont remboursé plus de 100 fois cette dette initiale, et elle a pourtant été multipliée par 30.
Dette commerciale : ils ont été incités à s’endetter auprès des banques européennes qui cherchaient à écouler leurs liquidités
Liquidité
Liquidités
Capitaux dont une économie ou une entreprise peut disposer à un instant T. Un manque de liquidités peut conduire une entreprise à la liquidation et une économie à la récession.
.
Dette bilatérale : les pays riches leur ont prêté à condition qu’ils utilisent l’argent pour acheter leurs propres marchandises (c’est ce qu’on appelle « l’aide liée »).
Dette multilatérale : les IFIs (institutions financières internationales) – Banque mondiale
Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.
En 2022, 189 pays en sont membres.
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en tête – leur ont multiplié les prêts pour les influencer et empêcher la « contagion communiste ».
À quoi a-t-elle servi ?
Soutien à des dictatures et détournement d’argent (la fortune des despotes correspond aujourd’hui à 14 fois la dette de leurs pays).
Financement d’ « éléphants blancs
Éléphant blanc
éléphants blancs
L’expression « éléphant blanc » désigne un mégaprojet, souvent d’infrastructure, qui amène plus de coûts que de bénéfices à la collectivité.
Pour la petite histoire, la métaphore de l’éléphant blanc provient de la tradition des princes indiens qui s’offraient ce cadeau somptueux. Cadeau empoisonné, puisqu’il entraînait de nombreux coûts et qu’il était proscrit de le faire travailler. Ce terme est généralement utilisé pour désigner des mégaprojets développés dans les pays du Sud.
» : mégaprojets très coûteux et inutiles pour la population.
Achat de matériel militaire, financement de la répression, etc.
Crise de la dette
Après que les prix des matières premières aient chuté sur les marchés internationaux et que les taux d’intérêts aient explosé sous l’impulsion de la FED (banque centrale Banque centrale La banque centrale d’un pays gère la politique monétaire et détient le monopole de l’émission de la monnaie nationale. C’est auprès d’elle que les banques commerciales sont contraintes de s’approvisionner en monnaie, selon un prix d’approvisionnement déterminé par les taux directeurs de la banque centrale. américaine), la crise de la dette s’est installée dans les années 1980.
Le FMI
FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.
À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).
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intervient alors pour fournir des « prêts de secours » aux pays en difficulté, à chaque fois sous deux conditions : continuer à rembourser la dette et appliquer des mesures néolibérales (les fameux « plans d’ajustement structurel »). Comme au Nord, plus tard.
Quelles solutions ?
Les institutions de Bretton Woods (FMI et Banque mondiale), en partenariat avec les créanciers publics (Club de Paris
Club de Paris
Créé en 1956, il s’agit du groupement de 22 États créanciers chargé de gérer les difficultés de remboursement de la dette bilatérale par les PED. Depuis sa création, la présidence est traditionnellement assurée par un·e Français·e. Les États membres du Club de Paris ont rééchelonné la dette de plus de 90 pays en développement. Après avoir détenu jusqu’à 30 % du stock de la dette du Tiers Monde, les membres du Club de Paris en sont aujourd’hui créanciers à hauteur de 10 %. La forte représentation des États membres du Club au sein d’institutions financières (FMI, Banque mondiale, etc.) et groupes informels internationaux (G7, G20, etc.) leur garantit néanmoins une influence considérable lors des négociations.
Les liens entre le Club de Paris et le FMI sont extrêmement étroits ; ils se matérialisent par le statut d’observateur dont jouit le FMI dans les réunions – confidentielles – du Club de Paris. Le FMI joue un rôle clé dans la stratégie de la dette mise en œuvre par le Club de Paris, qui s’en remet à son expertise et son jugement macroéconomiques pour mettre en pratique l’un des principes essentiels du Club de Paris : la conditionnalité. Réciproquement, l’action du Club de Paris préserve le statut de créancier privilégié du FMI et la conduite de ses stratégies d’ajustement dans les pays en voie de développement.
Site officiel : https://www.clubdeparis.fr/
) et les créanciers privés (Club de Londres
Club de Londres
Homologue du Club de Paris, ce Club réunit les banques privées qui détiennent des créances sur les PED. Créé en 1976 suite à une demande en provenance de l’ex-Zaïre, le Club de Londres est un groupe informel, sans statut et légitimité, se réunissant pour entreprendre des opérations de restructuration de dettes souveraines de pays en difficulté de paiement. Sous l’effet de la crise de la dette du Tiers-Monde, il gagne en importance dans le dernier quart du XXe siècle.
Face à l’évolution du profil d’endettement des pays en développement dès les années 2000, délaissant le recours aux banques privées au profit des marchés financiers, le Club de Londres serait actuellement inactif. Son rôle est aujourd’hui assumé de fait par l’IIF (Institute of International Finance, https://www.iif.com/ ), association de 500 établissements financiers (banques, gestionnaires d’actifs, compagnies d’assurance, fonds souverains et des fonds spéculatifs) régulièrement invitée à participer aux réunions du Club de Paris.
) ont mis en place l’initiative PPTE
PPTE
Pays pauvres très endettés
L’initiative PPTE, mise en place en 1996 et renforcée en septembre 1999, est destinée à alléger la dette des pays très pauvres et très endettés, avec le modeste objectif de la rendre juste soutenable.
Elle se déroule en plusieurs étapes particulièrement exigeantes et complexes.
Tout d’abord, le pays doit mener pendant trois ans des politiques économiques approuvées par le FMI et la Banque mondiale, sous forme de programmes d’ajustement structurel. Il continue alors à recevoir l’aide classique de tous les bailleurs de fonds concernés. Pendant ce temps, il doit adopter un document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP), parfois juste sous une forme intérimaire. À la fin de ces trois années, arrive le point de décision : le FMI analyse le caractère soutenable ou non de l’endettement du pays candidat. Si la valeur nette du ratio stock de la dette extérieure / exportations est supérieure à 150 % après application des mécanismes traditionnels d’allégement de la dette, le pays peut être déclaré éligible. Cependant, les pays à niveau d’exportations élevé (ratio exportations/PIB supérieur à 30 %) sont pénalisés par le choix de ce critère, et on privilégie alors leurs recettes budgétaires plutôt que leurs exportations. Donc si leur endettement est manifestement très élevé malgré un bon recouvrement de l’impôt (recettes budgétaires supérieures à 15 % du PIB, afin d’éviter tout laxisme dans ce domaine), l’objectif retenu est un ratio valeur nette du stock de la dette / recettes budgétaires supérieur à 250 %. Si le pays est déclaré admissible, il bénéficie de premiers allégements de son service de la dette et doit poursuivre avec les politiques agréées par le FMI et la Banque mondiale. La durée de cette période varie entre un et trois ans, selon la vitesse de mise en œuvre des réformes clés convenues au point de décision. À l’issue, arrive le point d’achèvement. L’allégement de la dette devient alors acquis pour le pays.
Le coût de cette initiative est estimé par le FMI en 2019 à 76,2 milliards de dollars, soit environ 2,54 % de la dette extérieure publique du Tiers Monde actuelle. Les PPTE sont au nombre de 39 seulement, dont 33 en Afrique subsaharienne, auxquels il convient d’ajouter l’Afghanistan, la Bolivie, le Guyana, Haïti, le Honduras et le Nicaragua. Au 31 mars 2006, 29 pays avaient atteint le point de décision, et seulement 18 étaient parvenus au point d’achèvement. Au 30 juin 2020, 36 pays ont atteint le point d’achèvement. La Somalie a atteint le point de décision en 2020. L’Érythrée et le Soudan n’ont pas encore atteint le point de décision.
Alors qu’elle devait régler définitivement le problème de la dette de ces 39 pays, cette initiative a tourné au fiasco : leur dette extérieure publique est passée de 126 à 133 milliards de dollars, soit une augmentation de 5,5 % entre 1996 et 2003.
Devant ce constat, le sommet du G8 de 2005 a décidé un allégement supplémentaire, appelée IADM (Initiative d’allégement de la dette multilatérale), concernant une partie de la dette multilatérale des pays parvenus au point de décision, c’est-à-dire des pays ayant soumis leur économie aux volontés des créanciers. Les 43,3 milliards de dollars annulés via l’IADM pèsent bien peu au regard de la dette extérieure publique de 209,8 milliards de dollars ces 39 pays au 31 décembre 2018.
(« Pays pauvres très endettés »). Il s’agissait de restructurer certaines dettes pour éviter un défaut de paiement et s’assurer que les pays puissent continuer à rembourser. Ces plans « d’aide » étaient accompagnés de nouvelles conditionnalités
Conditionnalités
Ensemble des mesures néolibérales imposées par le FMI et la Banque mondiale aux pays qui signent un accord, notamment pour obtenir un aménagement du remboursement de leur dette. Ces mesures sont censées favoriser l’« attractivité » du pays pour les investisseurs internationaux mais pénalisent durement les populations. Par extension, ce terme désigne toute condition imposée en vue de l’octroi d’une aide ou d’un prêt.
...
Par contre, des pays ont suspendu le paiement de leur dette sans demander l’avis des créanciers (Argentine 2001), voire l’ont auditée pour ensuite en annuler une partie (Équateur 2009).
Remarques
La dette des pays du tiers-monde représente moins de 2 % de toutes les dettes publiques.
Les pays du Sud représentent 82 % de la population mondiale mais ne se partagent que 32 % de la richesse mondiale. 1/3 de la population mondiale vit ainsi avec moins de 2$ par jour.
C’est le Sud qui finance le Nord et non l’inverse. Pour 1€ « reçu », les pays du Sud envoient plus de 2€ au Nord.
Lire l’article « Dette au Sud : où en est-on ? » http://cadtm.org/Dette-du-sud-ou-en-est-on
Voir aussi Les Chiffres de la dette 2015, Chapitre 3 : La dette au Sud, CADTM, http://cadtm.org/La-Dette-au-Sud
Concepts
Annulation/Répudiation :
C’est clair ;).
Suspension de paiement :
Arrêt du remboursement de la dette pour un temps (in)déterminé, généralement décidé de manière unilatérale.
Restructuration :
Changement dans les termes du contrat, négocié avec les créanciers (diminution des taux d’intérêts, allongement des échéances de capital, annulation d’une partie du stock de la dette
Stock de la dette
Montant total des dettes.
). Le plus souvent, les anciens titres de la dette
Titres de la dette
Les titres de la dette publique sont des emprunts qu’un État effectue pour financer son déficit (la différence entre ses recettes et ses dépenses). Il émet alors différents titres (bons d’état, certificats de trésorerie, bons du trésor, obligations linéaires, notes etc.) sur les marchés financiers – principalement actuellement – qui lui verseront de l’argent en échange d’un remboursement avec intérêts après une période déterminée (pouvant aller de 3 mois à 30 ans).
Il existe un marché primaire et secondaire de la dette publique.
sont échangés contre de nouveaux, et l’accord est accompagné de nouvelles conditionnalités.
Audit citoyen de la dette :
Autopsie populaire de la dette.
Il s’agit moins d’une enquête menée par des expertEs que d’un exercice démocratique de base qui consiste à ce que la population vérifie ce qu’on fait avec son argent.
Les objectifs principaux d’une campagne d’audit sont de : (1) faire connaître à un maximum de personnes des faits et chiffres peu connus de nature à souligner l’illégitimité de la dette qu’elles remboursent ; (2) fournir un maximum d’arguments permettant d’en remettre en cause le paiement aveugle ; (3) proposer des alternatives concrètes à ce paiement aveugle et, tout simplement, (4) de forcer le débat sur ce sujet tabou.
Le but final de l’audit est le contrôle populaire permanent sur les comptes publics, aux côtés d’autres mesures anticapitalistes.
9 juin, par CADTM Belgique
6 mars, par CADTM Belgique , Thérèse Di Campo
2 décembre 2022, par CADTM Belgique
22 novembre 2022, par CADTM Belgique , Collectif
13 septembre 2022, par CADTM Belgique , Christine Vanden Daelen , Camille Bruneau
25 août 2022, par CADTM Belgique
24 août 2022, par CADTM Belgique
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23 août 2022, par CADTM Belgique , ZinTV
4 août 2022, par CADTM Belgique