Communiqué de la Plateforme d’audit citoyen de la dette en Belgique (ACiDe)
24 avril 2020 par CADTM Belgique , ACiDe
Face à une crise inédite, les mesures prises par le gouvernement belge et la récession économique en cours vont avoir un impact énorme sur les finances et l’endettement publics. L’Agence fédérale de la dette a déjà annoncé un endettement de 52 milliards d’euros pour 2020 (contre les 31 milliards initialement prévus). Le scenario actuellement en cours est connu : socialisation des pertes via des « sauvetages » de grandes entreprises, licenciements, nouvelles mesures d’austérité, pression pour augmenter le rythme des privatisations, attaques supplémentaires sur les droits sociaux, la sécurité sociale et le code du travail, reprise de la course à la croissance, et à la compétitivité, augmentation des inégalités et de la précarité, poursuite de la destruction des écosystèmes … Pour la plateforme d’audit citoyen, ce scenario désastreux n’est pas une fatalité. Un autre scenario est possible et nécessaire, mais nous devons apporter des réponses à la hauteur de la situation.
Dans la presse là
La situation dramatique dans laquelle nous sommes ne sort pas de nulle part. Elle est la conséquence directe des politiques désastreuses d’austérité qui ont affaibli notre système public de santé, nos services publics et notre sécurité sociale.
Rappelons qu’entre 2011 et 2018, la Commission européenne a recommandé à 63 reprises aux États membres de l’UE de privatiser certains pans du secteur de la santé ou de réduire les dépenses publiques en matière de santé.
En Belgique, sur la période 2012-2018, les deux gouvernements fédéraux successifs ont réalisé des coupes pour plus de 20 milliards dans la sécurité sociale et les services publics, dont plus de 9 milliards uniquement dans les soins de santé. Le nombre de lits est passé de plus de 9,3 unités pour 1.000 habitant.e.s en 1985 à 6,2 lits [1] trente ans plus tard. Sans oublier que le gouvernement a procédé à la destruction d’un stock stratégique de 6 millions de masques de protection de type FFP2, mais, par souci d’économie budgétaire, a décidé de ne pas renouveler le stock …
Pour faire face à cette crise sanitaire, économique et financière d’une ampleur inédite, le gouvernement a pris toute une série de mesures tant sur le plan sanitaire que sur le plan socio-économique. Si tout n’a pas été mal fait (l’élargissement de l’aide aux indépendant.e.s, la simplification pour la mise en chômage temporaire, la suspension de la dégressivité des allocations de chômage, etc. sont des bonnes choses), beaucoup des décisions prises doivent être fortement critiquées : une très mauvaise communication sur les origines de la pandémie, sur le port des masques, etc. ; une gestion calamiteuse des stocks de masques ; aucune embauche importante de personnel pour les hôpitaux ; aucune revalorisation (à part symbolique) des métiers de premières lignes ; le fait qu’encore aujourd’hui, beaucoup de travailleuses et de travailleurs sont obligés de se rendre au travail pour faire tourner des secteurs non essentiels et dans des conditions ne respectant pas les critères de base permettant de les protéger du virus (85 % des entreprises contrôlées ne respectent pas la « distanciation sociale » ) ; des étudiant.e.s laissés à leur précarité ; des maisons de repos et de soins livrées à elles-mêmes ; un abandon des personnes sans-abris et des personnes enfermées ; …
Les mesures prises et cette crise économique d’une ampleur inédite (1,2 millions de travailleuses et travailleurs se sont retrouvé.e.s au chômage et plus de 300.000 indépendant.e.s ont dû stopper leurs activités) vont avoir un impact énorme sur les finances publiques et la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
publique.
Le 8 avril 2020, la Banque nationale de Belgique (BNB) et le Bureau fédéral du plan (BFP) sortaient des prévisions pour l’année 2020 :
Récession Récession Croissance négative de l’activité économique dans un pays ou une branche pendant au moins deux trimestres consécutifs. : | 8 % | le PIB
PIB Produit intérieur brut Le PIB traduit la richesse totale produite sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées. Le Produit intérieur brut est un agrégat économique qui mesure la production totale sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées. Cette mesure est notoirement incomplète ; elle ne tient pas compte, par exemple, de toutes les activités qui ne font pas l’objet d’un échange marchand. On appelle croissance économique la variation du PIB d’une période à l’autre. passerait de 470 milliards en 2019 à 432 milliards en 2020 | |
Déficit public : | 7,5 % du PIB | soit 32 milliards, contre 10 milliards en moyenne depuis 2008 | |
Dette publique : | 115 % du PIB | la dette rapportée au PIB sera d’autant plus élevée que ce dernier va diminuer |
Même si ces chiffres sont déjà impressionnants, ils semblent sous-estimer fortement l’impact réel sur les finances publiques notamment pour les raisons suivantes :
Il ne s’agit pas ici d’estimer précisément à quel niveau se situera le déficit public et la dette à la fin de l’année (la BNB et le Bureau Fédéral du Plan admettent eux-mêmes qu’il existe de nombreuses incertitudes quant au rythme du déconfinement, et à la manière dont l’économie belge, européenne et mondiale va sortir de cette crise), mais bien de prendre conscience de l’ampleur que cette crise va avoir sur les finances publiques et l’endettement de la Belgique.
Tandis que les gouvernements s’apprêtent à augmenter fortement les dépenses pour sauver les grandes entreprises (dont les banques), la Commission européenne a annoncé que les règles budgétaires sont provisoirement suspendues.
Lors de la crise financière de 2008-2009, conséquence directe de la libéralisation financière et des comportements aberrants et criminels de grandes banques, tous les principes en vigueur depuis 30 ans, affirmant qu’il n’y pas d’argent disponible (pour la santé, pour le social, pour la transition écologique, pour lutter contre la précarité et les inégalités) car il faut réduire le déficit et la dette publique volent en éclat. Les Etats interviennent alors massivement pour sauver de la faillite les grandes institutions financières, ce qui fait exploser la dette publique de la majorité des pays européens. En ce qui concerne la Belgique : la dette publique passe de 84 % du PIB en 2007 à 100% en 2011, suite aux sauvetages de Dexia, Fortis, KBC et Ethias. Après quelques discours sur la nécessité de mettre fin au capitalisme sauvage (sic) et à la spéculation
Spéculation
Opération consistant à prendre position sur un marché, souvent à contre-courant, dans l’espoir de dégager un profit.
Activité consistant à rechercher des gains sous forme de plus-value en pariant sur la valeur future des biens et des actifs financiers ou monétaires. La spéculation génère un divorce entre la sphère financière et la sphère productive. Les marchés des changes constituent le principal lieu de spéculation.
effrénée, les gouvernements européens exonèrent très rapidement les institutions bancaires et leurs grands actionnaires de leurs responsabilités, pour pointer du doigt les dépenses prétendument irresponsables des Etats et des ménages, justifiant une nouvelle cure d’austérité…
Si nous laissons faire, le risque est grand de voir ce scenario se renouveler. Après avoir suspendu les règles budgétaires temporairement pour sauver les grandes entreprises et les banques, on redemandera aux travailleurs/euses de faire des sacrifices importants pour diminuer le déficit et l’endettement de la Belgique et renforcer sa compétitivité.
A la lecture de la dernière déclaration de Geoffroy Roux de Bézieux le 12 avril, patron du Medef « Il faudra bien se poser tôt ou tard la question du temps de travail, des jours fériés et des congés payés pour accompagner la reprise économique et faciliter, en travaillant un peu plus, la création de croissance supplémentaire », on voit bien que ce scénario est déjà en route.
Mais ce scénario n’est pas une fatalité. Une sortie de crise par le haut est possible. En plus de mesures d’urgences visant à lutter efficacement contre la crise (débloquer tous les moyens financiers et humains pour permettre au secteur de la santé de soigner dans les meilleures conditions possibles ; réquisitionner les entreprises nécessaires afin d’augmenter la production de respirateurs artificiels, de masques, de médicaments et de tests ; réquisitionner les bâtiments et hôtels vides pour permettre à chacun.e de vivre le confinement dans des conditions dignes, etc.), des mesures peuvent être prises pour réduire radicalement la dette publique et ainsi dégager des moyens supplémentaires pour inverser la tendance.
NB : ces mesures (ainsi que d’autres) sont détaillées dans le mémorandum 2019 d’ACiDe [3]
Cette crise sanitaire et économique, d’une ampleur inédite, ne doit pas nous faire oublier les deux urgences qui étaient déjà là avant la crise : l’urgence sociale (mal logement, précarité, inégalités, discriminations de genre et racistes, ...) et l’urgence écologique (dérèglement du climat, déforestation, pollution des sols et de l’air, disparition massive d’espèces, …) et cela implique de réfléchir à un ensemble cohérent d’autres mesures radicales, telle que :
De plus en plus de personnes et de mouvements sociaux ont pris conscience qu’il était de temps de rompre avec la logique néolibérale et capitaliste et d’avancer vers une société où ce ne sont pas les profits, la croissance ou la compétitivité mais bien les besoins sociaux et le respect des écosystèmes qui constituent les priorités et les moteurs de l’économie.
ACiDe s’engage à soutenir toutes les actions qui iront dans ce sens et à populariser les alternatives concrètes pour y arriver.
ACiDe est une plateforme composée d’une trentaine d’organisations dont le CADTM, le CEPAG, ATTAC Liège, Belfius est à nous, SCI, Vie Féminine Bruxelles, etc.)
14 septembre, par CADTM Belgique
Sur la route des rencontres d’automne, demandez le programme !
[Rencontres d’automne | Samedi 30 septembre] Pour une lecture écoféministe des politiques de la Banque mondiale, avec Jules Falquet, Reine Fadonougbo Baimey et Virginie de Romanet13 septembre, par CADTM Belgique
2 août, par CADTM Belgique
23 juin, par CADTM Belgique
9 juin, par CADTM Belgique
6 mars, par CADTM Belgique , Thérèse Di Campo
2 décembre 2022, par CADTM Belgique
22 novembre 2022, par CADTM Belgique , Collectif
13 septembre 2022, par CADTM Belgique , Christine Vanden Daelen , Camille Bruneau
25 août 2022, par CADTM Belgique
20 août 2022, par ACiDe
10 septembre 2020, par CADTM , Collectif , Virginie de Romanet , Renaud Vivien , PAH , Antonio Gambini , ACiDe , Vicente Losada , Eva Betavatzi , Gilles Grégoire , Plateforme espagnole de lutte contre les fonds vautours , Mats Lucia Bayer , Walter Actis , Ángel del Castillo , Mari Ángeles Bueno , Roberto Moreno , Miguel Vázquez , Pedro Martin Heras
8 mai 2020, par ACiDe
Belgique
Mémorandum de la plateforme d’Audit Citoyen de la Dette (ACiDe) en vue des élections fédérales et régionales de mai 201930 avril 2019, par ACiDe
24 avril 2019, par CADTM , Collectif , Corporate Europe Observatory , ACiDe
10 octobre 2018, par ACiDe , Gilles Grégoire
10 octobre 2018, par ACiDe
24 septembre 2018, par ACiDe
27 juin 2018, par ACiDe
28 mai 2018, par ACiDe