Par leur vocation initiale à être un espace inclusif d’échanges entre les acteurs sociaux du monde entier sur la possibilité de l’émergence d’un monde meilleur, les premières éditions du Forum social mondial ont suscité de nombreux espoirs parmi les peuples du monde entier. On y retrouvait ainsi les représentants de toutes les familles d’acteurs, tous mus par un même idéal, à savoir battre en brèche les théories néolibérales et contrecarrer les avancées du capitalisme sauvage, responsable du fossé sans cesse grandissant entre les pays du Nord et ceux du Sud. On avait alors affaire à des débats publics sur les véritables questions politiques et les enjeux du développement, ainsi qu’à d’interminables mobilisations contre l’impérialisme des grandes puissances économiques et les mécanismes subtils d’exploitation prônés par les institutions financières internationales (IFI) au profit des multinationales.
Le Forum social mondial était une occasion idéale de sensibilisation, de formation et d’éducation politique des participants, et constituait un cadre stratégique pour la construction des alternatives citoyennes face à la déferlante néolibérale. Passé cette période euphorique, les forums sociaux sont devenus, au fil du temps, de simples tribunes de positionnement pour les hommes politiques, les opérateurs économiques et les leaders d’opinion d’une part, ainsi que des champs de batailles larvées où s’entrecroisent des intérêts divergents, d’autre part.
Le forum de Dakar n’échappe pas à cette réalité, au contraire. La présence des chefs d’État et ex-chefs d’État et le peu d’enthousiasme affiché par le gouvernement sénégalais sont révélateurs non seulement des enjeux cachés des uns et des autres, mais aussi et surtout des tensions que charrie cet événement planétaire. Le forum de Dakar ressemble plus à une foire internationale qu’à un forum social. Venus des quatre coins du monde avec des motivations essentiellement mercantiles, les vendeurs d’objets divers ont littéralement pris d’assaut le site, reléguant à l’arrière-plan les réflexions et autres débats prévus mais qui ont de la peine à drainer des foules, au grand dam des représentants des différentes organisations participant au forum.
En dépit des discours généralement virulents entre quatre murs et de la littérature contestataire principalement à la portée d’une certaine élite intellectuelle, le forum de Dakar, qui se devait de constituer une nouvelle chance pour l’altermondialisme, est presque passé à côté de l’objectif de départ. Conséquence, la majorité des participants, y compris les étudiants de l’université où se déroule le forum, est restée ignorante du sens réel et des véritables enjeux de cette réunion.
Qu’à cela ne tienne, trois grands thèmes ont dominé les débats et défrayé la chronique au cours de ce Forum social mondial. Il s’agit, par ordre d’intensité, de la question des migrations qui a fait couler beaucoup de salive et qui a été abordée sous tous les aspects et par toutes les familles d’acteurs de la société civile ; du rôle des femmes dans le développement et du problème d’accaparement des terres. De nombreux autres thèmes ont également préoccupé les participants, c’est le cas des questions de la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
, de la réalité de l’aide publique au développement et du contrôle citoyen. Le forum de Dakar a également le mérite d’avoir pu se tenir en dépit des difficultés et des obstructions diverses. Des activités autogérées, des assemblées thématiques de convergence, l’Assemblée des mouvements sociaux et diverses autres activités ont pu s’y tenir. Il est même prévu à la clôture des travaux une grande rencontre dite « assemblée des assemblées » que les habitués du Forum social mondial attendent de découvrir. Le forum de Dakar aura malgré tout été un lieu de rencontre entre militants et acteurs de différents horizons qui, même sans être totalement satisfaits, rentrent avec la conscience d’avoir contribué à la survie de ce rendez-vous citoyen mondial.
De Porto Alegre en 2001 à Dakar en 2011, dix ans se sont écoulés et on a toujours l’impression d’être à la case départ. Plus que jamais, les institutions qui assurent la pérennité du système d’exploitation et de domination reviennent sous des formes beaucoup plus insidieuses, contribuant à aggraver la condition de milliards de personnes à travers le monde. Le Forum social mondial doit se réajuster et revenir à ses objectifs de départ. Il doit cesser d’être un rendez-vous touristique dans un coin de la planète pour manger, boire, vendre les produits et promouvoir des problématiques individuelles. Il doit impérativement redevenir ce cadre de réflexions, de discussions, d’échanges, de dénonciations et d’interpellations, dont doivent émerger des leaders forts et dynamiques, capables de mobiliser les masses à travers le monde pour faire pression sur les décideurs politiques et sur les oligarchies financières internationales. C’est au conseil exécutif du Forum social mondial qu’incombe la responsabilité soit de relancer l’altermondialisme, soit alors de consacrer à jamais la suprématie du grand capital.
Jean-Marc Bikoko est président de la centrale syndicale du secteur public au Cameroun, coordinateur de la plate-forme d’information et d’action sur la dette. Le CADTM l’avait interviewé en 2006 : http://www.cadtm.org/Des-organisations-camerounaises
CADTM Cameroun, PFIAD, Plate-forme d’information et d’action sur la dette, Réseau International CADTM.
-http://humanite.fr/12_02_2011-ce-forum-presque-rat%C3%A9-son-objectif-46499626 mars 2019, par Jean-Marc Bikoko
3 mars 2017, par Jean-Marc Bikoko
28 août 2014, par Jean-Marc Bikoko , Owen Chartier
30 avril 2014, par Jean-Marc Bikoko , Salaheddine Lemaizi
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L’audit de la dette publique camerounaise, une nécessité démocratique5 mars 2014, par Jean-Marc Bikoko , Françoise Wasservogel
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