Contribution au séminaire de préparation du FSM Dakar 2011. Lettre de quelques mouvements sociaux

26 août 2010 par Assemblée des mouvements sociaux




1. Le but de cette lettre est de partager quelques points de vue sur les orientations du Forum Social Mondial, ainsi que d’exprimer une préoccupation par rapport au FSM 2011 à Dakar, en particulier en ce qui concerne l’Assemblée des mouvements sociaux (AMS)

2. Le Forum social mondial mérite une grande reconnaissance au regard des résultats concrets qu’il a apporté, d’abord comme un lieu de rencontre et de construction de réseaux thématiques et transversaux. Le processus du FSM a permis aussi de rendre plus visibles les luttes sociales et leurs articulations. De même, le FSM a été un lieu qui a promu et organisé des actions Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
d’envergure pour construire l’autre monde pour lequel nous luttons.

3. Toutefois, ces dernières années, le processus a montré des signes d’épuisement. Par conséquent, des demandes sont venues de différents mouvements sociaux pour faire du FSM un espace plus « productif » avec un caractère fédérateur et motivant.

4. Sur la base de cette demande croissante, des discussions ont commencé et diverses réponses et initiatives méthodologiques ont été entreprises. Mais jusqu’à présent, nous pouvons dire que nous n’avons pas atteint les résultats espérés.

5. Pour que le FSM soit plus attrayant pour les mouvements sociaux, nous pensons que les solutions doivent nécessairement être de nature stratégique, à savoir que celui-ci devienne un instrument utile pour la globalisation Globalisation (voir aussi Mondialisation) (extrait de Chesnais, 1997a)

Origine et sens de ce terme anglo-saxon. En anglais, le mot « global » se réfère aussi bien à des phénomènes intéressant la (ou les) société(s) humaine(s) au niveau du globe comme tel (c’est le cas de l’expression global warming désignant l’effet de serre) qu’à des processus dont le propre est d’être « global » uniquement dans la perspective stratégique d’un « agent économique » ou d’un « acteur social » précis. En l’occurrence, le terme « globalisation » est né dans les Business Schools américaines et a revêtu le second sens. Il se réfère aux paramètres pertinents de l’action stratégique du très grand groupe industriel. Il en va de même dans la sphère financière. A la capacité stratégique du grand groupe d’adopter une approche et conduite « globales » portant sur les marchés à demande solvable, ses sources d’approvisionnement, les stratégies des principaux rivaux oligopolistiques, font pièce ici les opérations effectuées par les investisseurs financiers, ainsi que la composition de leurs portefeuilles. C’est en raison du sens que le terme global a pour le grand groupe industriel ou le grand investisseur financier que le terme « mondialisation du capital » plutôt que « mondialisation de l’économie » m’a toujours paru - indépendamment de la filiation théorique française de l’internationalisation dont je reconnais toujours l’héritage - la traduction la plus fidèle du terme anglo-saxon. C’est l’équivalence la plus proche de l’expression « globalisation » dans la seule acceptation tant soit peu scientifique que ce terme peut avoir.
Dans un débat public, le patron d’un des plus grands groupes européens a expliqué en substance que la « globalisation » représentait « la liberté pour son groupe de s’implanter où il le veut, le temps qu’il veut, pour produire ce qu’il veut, en s’approvisionnant et en vendant où il veut, et en ayant à supporter le moins de contraintes possible en matière de droit du travail et de conventions sociales »
de la lutte, qu’il permette la création d’espaces d’articulation efficaces pour la mise en place d’actions concrètes et qu’il contienne plus de radicalité politique.

6. Tout cela pourrait attirer et impliquer de nouveaux acteurs dans le processus et rendre le Forum social mondial plus cohérent avec la conjoncture globale que nous vivons à chaque instant, et en faire ainsi un processus qui apparaît et devient un réel contrepoids au capitalisme, entièrement responsable des maux contre lesquels nous luttons.

7. Depuis le début et à partir de l’intérieur du Forum social mondial, l’Assemblée des Mouvements Sociaux (AMS) s’est petit à petit construite. Tout en reconnaissant ses lacunes et faiblesses, il faut également reconnaître ses résultats obtenus et sa légitimité. Il faut également reconnaître que l’AMS répond en partie à la demande stratégique exprimée plus haut.

8. l’espace « AMS » ne reflète pas tout « l’univers » de ceux et celles qui s’engagent dans les luttes sociales, et ne prétend pas être l’épicentre du processus. Mais le fait est qu’à l’intérieur de l’espace AMS, se rapprochent des organisations, des réseaux et des mouvements qui ont pour objectif principal l’action et la mobilisation comme instruments de lutte, tout en les rendant le plus visible possible. Ce point est important, surtout si nous nous demandons : combien nous sommes et combien nous devons ou nous pouvons être pour créer une plus grande résistance et une lutte plus forte.

9. Si le Forum social mondial renforçait une telle initiative, le processus pourrait devenir plus utile aux mouvements sociaux et aux luttes. De même, le processus lui-même en serait renforcé, avec la participation et l’implication croissante des mouvements sociaux.

10. Ainsi, nous sommes convaincus que, pour donner une vraie réponse à la nécessité et l’intention de rendre le Forum social mondial plus « productif » et plus utile pour les luttes sociales, il serait opportun de tenir plus compte de l’Assemblée des mouvements sociaux, ainsi que des acteurs qui agissent en son sein, et de favoriser / faciliter / son potentiel.

11. Une façon pratique concrète d’apporter une première réponse serait de faciliter la préparation et la réalisation de l’Assemblée des mouvements sociaux lors du FSM 2011 à Dakar.

12. Si cette idée a été exprimée au cours de la récente réunion du CI du FSM au Mexique, malheureusement, nous n’avons pas eu le temps de discuter de manière approfondie et d’atteindre une décision par consensus sur cette question.

13. Certains membres du Conseil international ont avancé l’argument que l’AMS est une assemblée comme les autres assemblées (la guerre, la dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
, femmes, TLC, climatiques, ...) et qu’il est donc impossible ou que ce cela représenterait un manque de respect d’accorder une préférence ou une plus grande importance à l’AMS par rapport aux autres.

14. Tout d’abord, nous voulons dire que les assemblées thématiques sont très importantes et que la plupart de nos organisations participent activement à celles-ci. Ensuite, l’AMS n’est pas une assemblée comme les autres, notamment parce que c’est une assemblée qui vise à établir un agenda de mobilisations et de luttes transversales.

15. Nous pensons que clôturer la programmation du Forum avec la réalisation de l’Assemblée mondiale des mouvements sociaux, pourrait certainement donner une connotation plus « productive » au forum.

16. Mais il ne s’agit pas absolument de clôturer le FSM avec l’AMS. Nous pensons que les assemblées thématiques ont un rôle important, tout comme l’Assemblée des assemblées (où nous devrons cependant éviter les erreurs commises lors du FSM 2009 à Belém)

17. Mais les mouvements sociaux ont réellement besoin d’un espace adéquat, visible et cohérent, afin de pouvoir se concentrer sur le processus politique de l’AMS, et non pas principalement sur les questions de logistique. Nous devons rappeler ici ce qui s’est passé lors du FSM de Nairobi, où il a été quasi impossible d’organiser une Assemblée des Mouvements Sociaux. A Belém également cela a été très difficile, avec une AMS au milieu du FSM « perdue » dans des centaines d’autres activités importantes.

18. Ainsi, nous demandons au comité organisateur du FSM 2011 de réfléchir à comment organiser un temps et un espace pour l’Assemblée des mouvements sociaux. Si ce n’est pas possible de le placer au final du FSM, il ne peut pas non plus se situer au début ou en plein milieu du FSM, parce que l’AMS est un processus d’élaboration et de construction collective, et qu’elle doit logiquement pendre en compte les résultats des assemblées thématiques.

19. Il est clair qu’une telle Assemblée n’est en aucun cas le patrimoine exclusif des mouvements sociaux. Au contraire, il est un espace faisant partie intégrante du processus FSM, où chacun et chacune aurait accès, non pas en tant que membres de l’Assemblée, sinon en raison des résultats qui en découlent, résultats qui seront très certainement partagés par beaucoup d’organisations et cela de manière croissante.

20. Nous ne voulons pas et ne prétendons pas que l’AMS soit le porte parole officiel du forum. Plus, nous comprenons parfaitement que nous devons éviter ce problème. Nous sommes sûrs que nous pouvons l’éviter.

21. Nous ne voulons rien imposer au comité d’organisation du FSM 2011. Nous sommes persuadés que le comité travaille très dur et avec énergie pour arriver à faire du prochain FSM une grande réussite. En tant que mouvements sociaux, nous mettrons la plus grande énergie, temps et argent que possible pour que le FSM soit un grand succès et un moment important pour construire un monde socialement juste et respectueux de la nature, à partir des luttes, par et pour les peuples africains et du monde. Comme vous le savez certainement, nous sommes en train de préparer un séminaire mondial des mouvements sociaux à Dakar au début de Novembre 2010, précisément dans cette perspective.

Premiers signataires

PaysOrganisations
1 Réseau mondial AIH Alliance international des Habitants
2 Réseau mondial EAI Espace Afrique International
3 Réseau mondial CADTM International Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers-Monde
4 Réseau mondial FDID Federación Democrática Internacional de Mujeres
5 Réseau africain CADTM Afrique
6 Réseau latino-américain CADTM AYNA
7 Réseau latino-américain 0CLAE Organización Continental Latinoamericana y Caribeña de Estudiantes
8 Bangladesh Nabodhara
9 Bangladesh VOICES Voices for interactive choice and empowerment
10 Bénin CADD Cercle d’Autopromotion pour un Développement durable
11 Brésil CUT Centrale unitaire des travailleurs
12 Burkina Faso Attac Burkina
13 Congo Brazzaville APASH Association Pour une Alternative au Service de l’Humanité
14 Congo Brazzaville Solidaires
15 South Korea KCTU Confédération coréenne des syndicats
16 Côte d’Ivoire FNDP Forum National sur la Dette et la Pauvreté
17 Côte d’Ivoire Convergences
18 Côte d’Ivoire CN de la MMF Money Market Funds
MMF
Les Money Market Funds (MMF) sont des sociétés financières des États-Unis et d’Europe, très peu ou pas du contrôlées ni réglementées car elles n’ont pas de licence bancaire. Ils font partie du shadow banking. En théorie, les MMF mènent une politique prudente mais la réalité est bien différente. L’administration Obama envisage de les réglementer car, en cas de faillite d’un MMF, le risque de devoir utiliser des deniers publics pour les sauver est très élevé. Les MMF suscitent beaucoup d’inquiétude vu les fonds considérables qu’ils gèrent et la chute depuis 2008 de leur marge de profit. En 2012, les MMF états-uniens maniaient 2 700 milliards de dollars de fonds, contre 3 800 milliards en 2008. En tant que fonds d’investissement, les MMF collectent les capitaux des investisseurs (banques, fonds de pension…). Cette épargne est ensuite prêtée à très court terme, souvent au jour le jour, à des banques, des entreprises et des États.
Dans les années 2000, le financement par les MMF est devenu une composante importante du financement à court terme des banques. Parmi les principaux fonds, on trouve Prime Money Market Fund, créé par la principale banque des États-Unis JP.Morgan, qui gérait, en 2012, 115 milliards de dollars. La même année, Wells Fargo, la 4e banque aux États-Unis, gérait un MMF de 24 milliards de dollars. Goldman Sachs, la 5e banque, contrôlait un MMF de 25 milliards de dollars.
Sur le marché des MMF en euros, on trouve de nouveau des sociétés états-uniennes : JP.Morgan (avec 18 milliards d’euros), Black Rock (11,5 milliards), Goldman Sachs (10 milliards) et des européennes avec principalement BNP Paribas (7,4 milliards) et Deutsche Bank (11,3 milliards) toujours pour l’année 2012. Certains MMF opèrent également avec des livres sterling. Bien que Michel Barnier ait annoncé vouloir réglementer le secteur, jusqu’à aujourd’hui rien n’a été mis en place. Encore des déclarations d’intention...
1. L’agence de notation Moody’s a calculé que pendant la période 2007-2009, 62 MMF ont dû être sauvés de la faillite par les banques ou les fonds de pensions qui les avaient créés. Il s’est agi de 36 MMF opérant aux États-Unis et 26 en Europe, pour un coût total de 12,1 milliards de dollars. Entre 1980 et 2007, 146 MMF ont été sauvés par leurs sponsors. En 2010-2011, toujours selon Moody’s, 20 MMF ont été renfloués.
2 Cela montre à quel point ils peuvent mettre en danger la stabilité du système financier privé.
19 Guinée CERIDA Centre d’Etude et de Recherche pour l’Intégration Régionale et le Développement
20 Inde VAK Vikas Adhyayan Kendra
21 Inde NACDOR National Confederation of Dalit Organisations
22 Mali MSV Mouvements des sans voix
23 Mali CAD Coalition des Alternatives Africaines Dette et Développement
24 Mali AP/Mali Alliance contre la Pauvreté au Mali
25 Mali RDL/AFEF Réseau pour le Développement Local et l’Auto promotion de la Femme, l’Enfant et la Famille
26 Maroc Attac Maroc
27 Maroc FAM Forum des Alternatives Maroc
28 Niger RNDD Réseau National Dette et développement
29 Pakistan WWHL Women Workers Help Line
30 Pakistan CADTM Pakistan
31 RDC NAD Coalition des Alternatives Africaines Dette et Développement
32 RDC UFDH
33 Sénégal UNSAS Union national des Syndicats Autonomes du Sénégal
34 Sénégal UDEN Union Démocratique des Enseignants du Sénégal
35 Sénégal FDIF Sénégal Fédération Démocratique Internationale des Femmes
36 Sénégal CADTM Sénégal
37 Sénégal CIMAC Comité d’Initiative pour une Mobilisation Alternative Citoyenne
38 Sénégal APROFES Association pour la Promotion de la Femme Sénégalaise
39 Pakistan CPF UDEN Commission permanente des femmes de l’UDEN
40 Sri Lanka UFL United Federation of Labour
41 Sri Lanka ZBNFM FZero Budget Natural Farming Movement
42 Togo Association CADIP-Univers
43 Tunisie RAID ATTAC Tunisie
44 Venezuela RVCD Red Venezolana Contra la Deuda
45 Venezuela MOUSHA, Haiti-Venezuela

Contact : olivier chez cadtm.org


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