Dans le cadre d’un GNC (Groupe national de coordination) organisé le 28 février 2021, rassemblant membres et non-membres du CADTM, nous présentions l’évolution de la dette dans les pays du Sud lors de ces deux dernières décennies. L’occasion également de revenir sur les causes de cette hausse et les alternatives proposées par le CADTM et d’autres organisations travaillant sur la dette. Nous vous partageons ci-dessous le diaporama réalisé à cette occasion ainsi qu’un résumé.
1er slide
Le 1er slide fait apparaître la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
extérieure totale des pays en développement (PED), à gauche selon le point de vue des créanciers, à droite selon le point de vue des débiteurs. Celle-ci atteignait 8139,14 milliards $US en 2019. On distingue la dette extérieure totale à court terme (prêt inférieur à 1 an) d’un montant de 2167,54 milliards $US, la dette extérieure privée à long terme d’un montant de 2700,84 milliards $US, et la dette extérieure publique à long terme d’un montant de 3270,76 milliards $US.
La présentation se concentre sur cette dernière partie que l’on peut subdiviser en trois catégories :
2nd slide
Entre 2000 et 2019, la dette extérieure totale des PED a quadruplé, tandis que la dette extérieure publique a triplé. On distingue deux phases, une première ou la dette stagne entre 2000 et 2007-2008, puis une véritable envolée à compter de cette date.
Dans le même temps, la répartition de la dette extérieure publique évolue d’une répartition quasi similaire entre catégorie de créanciers (multilatéraux, bilatéraux, commerciaux) à une nette domination des créanciers privés (60 %) au détriment des créanciers bilatéraux (13,43 %). L’augmentation vertigineuse de la part commerciale tient principalement des émissions obligataires.
3e slide
La relative stagnation de la dette extérieure publique des PED entre 2000 et 2007-2008 peut s’expliquer par plusieurs facteurs. La majorité des PED viennent de traverser la crise de la dette du Tiers monde débutée en 1982 avec la suspension de paiement du Mexique. Elle se prolonge dans les années 1990 avec notamment la crise asiatique en 1997. Dans le même temps, les capitaux sont concentrés au Nord. A cette période, les PED remboursent davantage qu’ils n’empruntent, les transferts nets (différence entre les montants reçus et les montants remboursés) sont négatifs. Différents pays comme la Russie, l’Algérie, etc. en profitent même pour engager des remboursements anticipés auprès du FMI et du Club de Paris
Club de Paris
Créé en 1956, il s’agit du groupement de 22 États créanciers chargé de gérer les difficultés de remboursement de la dette bilatérale par les PED. Depuis sa création, la présidence est traditionnellement assurée par un·e Français·e. Les États membres du Club de Paris ont rééchelonné la dette de plus de 90 pays en développement. Après avoir détenu jusqu’à 30 % du stock de la dette du Tiers Monde, les membres du Club de Paris en sont aujourd’hui créanciers à hauteur de 10 %. La forte représentation des États membres du Club au sein d’institutions financières (FMI, Banque mondiale, etc.) et groupes informels internationaux (G7, G20, etc.) leur garantit néanmoins une influence considérable lors des négociations.
Les liens entre le Club de Paris et le FMI sont extrêmement étroits ; ils se matérialisent par le statut d’observateur dont jouit le FMI dans les réunions – confidentielles – du Club de Paris. Le FMI joue un rôle clé dans la stratégie de la dette mise en œuvre par le Club de Paris, qui s’en remet à son expertise et son jugement macroéconomiques pour mettre en pratique l’un des principes essentiels du Club de Paris : la conditionnalité. Réciproquement, l’action du Club de Paris préserve le statut de créancier privilégié du FMI et la conduite de ses stratégies d’ajustement dans les pays en voie de développement.
Site officiel : https://www.clubdeparis.fr/
afin de se libérer de leur conditionnalités
Conditionnalités
Ensemble des mesures néolibérales imposées par le FMI et la Banque mondiale aux pays qui signent un accord, notamment pour obtenir un aménagement du remboursement de leur dette. Ces mesures sont censées favoriser l’« attractivité » du pays pour les investisseurs internationaux mais pénalisent durement les populations. Par extension, ce terme désigne toute condition imposée en vue de l’octroi d’une aide ou d’un prêt.
politiques. Une trentaine de pays voient également une partie de leur dette bilatérale et multilatérale être annulée dans le cadre de l’initiative PPTE
PPTE
Pays pauvres très endettés
L’initiative PPTE, mise en place en 1996 et renforcée en septembre 1999, est destinée à alléger la dette des pays très pauvres et très endettés, avec le modeste objectif de la rendre juste soutenable.
Elle se déroule en plusieurs étapes particulièrement exigeantes et complexes.
Tout d’abord, le pays doit mener pendant trois ans des politiques économiques approuvées par le FMI et la Banque mondiale, sous forme de programmes d’ajustement structurel. Il continue alors à recevoir l’aide classique de tous les bailleurs de fonds concernés. Pendant ce temps, il doit adopter un document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP), parfois juste sous une forme intérimaire. À la fin de ces trois années, arrive le point de décision : le FMI analyse le caractère soutenable ou non de l’endettement du pays candidat. Si la valeur nette du ratio stock de la dette extérieure / exportations est supérieure à 150 % après application des mécanismes traditionnels d’allégement de la dette, le pays peut être déclaré éligible. Cependant, les pays à niveau d’exportations élevé (ratio exportations/PIB supérieur à 30 %) sont pénalisés par le choix de ce critère, et on privilégie alors leurs recettes budgétaires plutôt que leurs exportations. Donc si leur endettement est manifestement très élevé malgré un bon recouvrement de l’impôt (recettes budgétaires supérieures à 15 % du PIB, afin d’éviter tout laxisme dans ce domaine), l’objectif retenu est un ratio valeur nette du stock de la dette / recettes budgétaires supérieur à 250 %. Si le pays est déclaré admissible, il bénéficie de premiers allégements de son service de la dette et doit poursuivre avec les politiques agréées par le FMI et la Banque mondiale. La durée de cette période varie entre un et trois ans, selon la vitesse de mise en œuvre des réformes clés convenues au point de décision. À l’issue, arrive le point d’achèvement. L’allégement de la dette devient alors acquis pour le pays.
Le coût de cette initiative est estimé par le FMI en 2019 à 76,2 milliards de dollars, soit environ 2,54 % de la dette extérieure publique du Tiers Monde actuelle. Les PPTE sont au nombre de 39 seulement, dont 33 en Afrique subsaharienne, auxquels il convient d’ajouter l’Afghanistan, la Bolivie, le Guyana, Haïti, le Honduras et le Nicaragua. Au 31 mars 2006, 29 pays avaient atteint le point de décision, et seulement 18 étaient parvenus au point d’achèvement. Au 30 juin 2020, 36 pays ont atteint le point d’achèvement. La Somalie a atteint le point de décision en 2020. L’Érythrée et le Soudan n’ont pas encore atteint le point de décision.
Alors qu’elle devait régler définitivement le problème de la dette de ces 39 pays, cette initiative a tourné au fiasco : leur dette extérieure publique est passée de 126 à 133 milliards de dollars, soit une augmentation de 5,5 % entre 1996 et 2003.
Devant ce constat, le sommet du G8 de 2005 a décidé un allégement supplémentaire, appelée IADM (Initiative d’allégement de la dette multilatérale), concernant une partie de la dette multilatérale des pays parvenus au point de décision, c’est-à-dire des pays ayant soumis leur économie aux volontés des créanciers. Les 43,3 milliards de dollars annulés via l’IADM pèsent bien peu au regard de la dette extérieure publique de 209,8 milliards de dollars ces 39 pays au 31 décembre 2018.
et de l’IADM.
En 2007-2008 s’opère un véritable changement de situation. Aux États-Unis c’est le début de la crise des subprimes
Subprimes
Crédits hypothécaires spéciaux développés à partir du milieu des années 2000, principalement aux États-Unis. Spéciaux car, à l’inverse des crédits « primes », ils sont destinés à des ménages à faibles revenus déjà fortement endettés et étaient donc plus risqués ; ils étaient ainsi également potentiellement plus (« sub ») rentables, avec des taux d’intérêts variables augmentant avec le temps ; la seule garantie reposant généralement sur l’hypothèque, le prêteur se remboursant alors par la vente de la maison en cas de non-remboursement. Ces crédits ont été titrisés - leurs risques ont été « dispersés » dans des produits financiers - et achetés en masse par les grandes banques, qui se sont retrouvées avec une quantité énorme de titres qui ne valaient plus rien lorsque la bulle spéculative immobilière a éclaté fin 2007.
Voir l’outil pédagogique « Le puzzle des subprimes »
, que l’on peut plus justement appeler crise des banques privées. Très vite, la crise a un impact international dans les principales économies. Répondant à la crise par un abaissement des taux d’intérêt
Taux d'intérêt
Quand A prête de l’argent à B, B rembourse le montant prêté par A (le capital), mais aussi une somme supplémentaire appelée intérêt, afin que A ait intérêt à effectuer cette opération financière. Le taux d’intérêt plus ou moins élevé sert à déterminer l’importance des intérêts.
Prenons un exemple très simple. Si A emprunte 100 millions de dollars sur 10 ans à un taux d’intérêt fixe de 5 %, il va rembourser la première année un dixième du capital emprunté initialement (10 millions de dollars) et 5 % du capital dû, soit 5 millions de dollars, donc en tout 15 millions de dollars. La seconde année, il rembourse encore un dixième du capital initial, mais les 5 % ne portent plus que sur 90 millions de dollars restants dus, soit 4,5 millions de dollars, donc en tout 14,5 millions de dollars. Et ainsi de suite jusqu’à la dixième année où il rembourse les derniers 10 millions de dollars, et 5 % de ces 10 millions de dollars restants, soit 0,5 millions de dollars, donc en tout 10,5 millions de dollars. Sur 10 ans, le remboursement total s’élèvera à 127,5 millions de dollars. En général, le remboursement du capital ne se fait pas en tranches égales. Les premières années, le remboursement porte surtout sur les intérêts, et la part du capital remboursé croît au fil des ans. Ainsi, en cas d’arrêt des remboursements, le capital restant dû est plus élevé…
Le taux d’intérêt nominal est le taux auquel l’emprunt est contracté. Le taux d’intérêt réel est le taux nominal diminué du taux d’inflation.
directeurs des principales banques centrales (Réserve fédérale, BCE
BCE
Banque centrale européenne
La Banque centrale européenne est une institution européenne basée à Francfort, créée en 1998. Les pays de la zone euro lui ont transféré leurs compétences en matières monétaires et son rôle officiel est d’assurer la stabilité des prix (lutter contre l’inflation) dans la dite zone.
Ses trois organes de décision (le conseil des gouverneurs, le directoire et le conseil général) sont tous composés de gouverneurs de banques centrales des pays membres et/ou de spécialistes « reconnus ». Ses statuts la veulent « indépendante » politiquement mais elle est directement influencée par le monde financier.
, etc.) et par une politique de rachat des dettes privées (quantitatives easing), les institutions financières internationales (IFI) incitent alors les investisseurs à placer leurs importantes liquidités
Liquidité
Liquidités
Capitaux dont une économie ou une entreprise peut disposer à un instant T. Un manque de liquidités peut conduire une entreprise à la liquidation et une économie à la récession.
dans des secteurs plus rémunérateurs. En parallèle, les IFI s’accordent sur ce que les chercheurs Ndongo Samba Sylla et Daniella Gabor appelle « le Consensus de Wall Street ». Après avoir lancée dans les années 1990 le « consensus de Washington », que l’on peut résumer en un recul très net de l’État au profit des acteurs privés et à l’imposition d’un ensemble de mesure néolibérales, les IFI se sont accordées sur la mise en place du « Consensus de Wall Street », à savoir promouvoir « un partenariat avec les investisseurs mondiaux pour financier le développement et privatiser les biens publics » [1]. Dans le cadre des Objectifs de développement durable (ODD), cela se traduit par un financement du « développement » via le recours aux financements privés et autres partenariats public-privé (PPP). Le FMI conseille également aux PED de recourir aux émissions obligataires pour financer leurs besoins en infrastructures. Avec un flux massif de capitaux se dirigeant vers les PED – cependant très volatiles en raison notamment des flux financiers illicites et des fuites de capitaux – les PED sont incités à s’endetter énormément. Après une période de transferts nets négatifs, ceux-ci sont désormais largement positifs.
Slide 4
Cette hausse de l’endettement s’inscrit également dans une période où les conditions d’emprunts sont plus favorables aux PED. D’une part, les taux d’intérêt sont moins importants qu’à l’accoutumée. Il faut néanmoins souligner qu’en comparaison des pays du Nord, ces taux d’intérêts sont très élevés. Tandis que des pays comme la France ou l’Allemagne se financent à des taux nuls voire négatifs, la Roumanie emprunte sur les marchés à un taux d’environ 3 % et des pays comme le Sénégal ou le Kenya à 5 ou 6, des taux « records » et pourtant extrêmement élevés. Depuis 2018, avec la dégradation de l’économie internationale accélérée par la pandémie de Covid-19, ces taux d’intérêts sont très nettement en hausse.
En parallèle, les termes de l’échange sont favorables aux PED. Largement dépendant de leurs exportations en matières premières pour engranger des devises destinées au remboursement de la dette extérieure et pour se financer, les PED profitent d’un « super cycle des matières premières » entre 2010 et 2014. Ce super cycle prend brusquement fin en 2015 et s’est même temporairement aggravée en 2020 avec les impacts de la Covid-19, en particulier pour le prix du baril de pétrole.
Slides 5, 6, 7 et 8
La crise de la dette des pays du Sud n’est pas nouvelle, on en parle au moins depuis 2015. La crise multidimensionnelle aggravée par la Covid-19 a accéléré cette crise. Plusieurs menaces risquent de dégrader davantage la situation.
Comme indiquée ci-dessus, la dégradation des termes de l’échange parallèlement à la dépendance des PED à l’exportation des matières premières constitue la première menace. Plus ces prix baissent, moins les PED engrangent de recettes et moins ils récoltent de devises, devises dont les réserves s’amenuisent dangereusement.
Une autre menace, probablement plus lointaine, mais fondamentale, celle de l’évolution des taux d’intérêts directeurs. En raison de la dette abyssale des acteurs privés et des diverses bulles spéculatives, ni la réserve fédérale des États-Unis (Fed), ni la Banque centrale Banque centrale La banque centrale d’un pays gère la politique monétaire et détient le monopole de l’émission de la monnaie nationale. C’est auprès d’elle que les banques commerciales sont contraintes de s’approvisionner en monnaie, selon un prix d’approvisionnement déterminé par les taux directeurs de la banque centrale. européenne (BCE) n’ont pour le moment intérêt à rehausser leurs taux directeurs. Néanmoins, lorsque cela sera le cas, cela provoquera mécaniquement d’une part, une hausse des taux d’emprunts et du coût de remboursement de la dette extérieure publique et d’autre part un reflux de capitaux des PED vers les pays du Nord. On observe par ailleurs une nette hausse des taux d’emprunt des PED depuis 2018, accélérée avec la Covid-19. Les PED étant sévèrement impactée économiquement par la Covid-19, les investisseurs spéculent sur la dette souveraine des PED en augmentant les taux d’intérêt et les primes de risque.
Au niveau des impacts économiques de la Covid-19, il faut également prendre en compte la baisse des investissements directs étrangers (IDE
Investissements directs à l’étranger
IDE
Les investissements étrangers peuvent s’effectuer sous forme d’investissements directs ou sous forme d’investissements de portefeuille. Même s’il est parfois difficile de faire la distinction pour des raisons comptables, juridiques ou statistiques, on considère qu’un investissement étranger est un investissement direct si l’investisseur étranger possède 10 % ou plus des actions ordinaires ou de droits de vote dans une entreprise.
) de l’ordre de 40 % selon la CNUCED
Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement
CNUCED
Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement. Elle a été créée en 1964, sous la pression des pays en voie de développement pour faire contrepoids au GATT. Depuis les années 1980, elle est progressivement rentrée dans le rang en se conformant de plus en plus à l’orientation dominante dans des institutions comme la Banque mondiale et le FMI.
Site web : http://www.unctad.org
, la fuite des capitaux facilitées par des décennies d’ajustement structurel, une baisse de 20 % des envois de fonds de la diaspora, envois correspondant à plus de 3 fois le montant de l’aide publique au développement (APD
APD
On appelle aide publique au développement les dons ou les prêts consentis à des conditions financières privilégiées accordés par des organismes publics des pays industrialisés à des pays en développement. Il suffit donc qu’un prêt soit consenti à un taux inférieur à celui du marché pour qu’il soit considéré comme prêt concessionnel et donc comme une aide, même s’il est ensuite remboursé jusqu’au dernier centime par le pays bénéficiaire. Les prêts bilatéraux liés (qui obligent le pays bénéficiaire à acheter des produits ou des services au pays prêteur) et les annulations de dette font aussi partie de l’APD, ce qui est inadmissible.
), le tout dans une période où les PED ont la nécessité d’engager davantage de dépenses pour répondre à la situation sanitaire et aux besoins en infrastructures.
Notons également la dépréciation Dépréciation Dans un régime de taux de changes flottants, une dépréciation consiste en une diminution de la valeur de la monnaie nationale par rapport aux autres monnaies due à une contraction de la demande par les marchés de cette monnaie nationale. des monnaies des PED face aux principales devises. Débutée en 2015 et aggravée la Covid-19 une majorité de monnaie des PED se sont dépréciées face au dollar étasunien et à l’euro alors même qu’elle représente environ 90 % de leur profil d’endettement. Plus leurs monnaies se déprécient, plus le coût du remboursement de la dette augmente.
Pour finir, ce tableau inquiétant s’insère dans un calendrier où les échéances de remboursement des PED s’accélèrent très nettement, en particulier pour la part obligataire.
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Comme l’indique Gilbert Achcar : « 143 millions d’emplois ont été détruits dans les pays à revenu intermédiaire inférieur (- 14 %), 128 millions dans les pays à revenu intermédiaire supérieur (- 11 %), […] Et, si les États à faible revenu n’ont perdu « que » l’équivalent de 19 millions d’emplois (- 9 %) durant la même période, ce chiffre traduit mal l’impact socio-économique de la crise qu’ils subissent ». Avant de poursuivre, « Selon la Banque mondiale
Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.
En 2022, 189 pays en sont membres.
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, la pauvreté extrême — qu’elle définit comme le fait de devoir survivre avec moins de 1,90 dollar par jour — a augmenté en 2020, sous l’effet de la pandémie, pour la première fois depuis 1998, au lendemain de la crise financière asiatique de 1997 » [2].
Notons également que d’après Jubilee Debt Campaign, le service de la dette Service de la dette Remboursements des intérêts et du capital emprunté. des PED devraient représenter 14,3 % de leurs revenus en 2020, soit plus qu’un doublement du service dû en 2010. Cette moyenne cache comme toujours de fortes disparités tout autant que des situations dramatiques, à l’image du Gabon (59,5 % du total des recettes publiques), du Ghana (50,2 %), du Laos (31,1 %), du Pakistan (35 %), du Sri Lanka (37,5 %) ou du Venezuela (266,4 %). En somme, « Cinquante-deux États consacrent plus de 15 % de leurs recettes à ce remboursement, contre 31 en 2018, 27 en 2017, 22 en 2015 » [3].
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Pour terminer cette photographie de la situation d’endettement des PED, notons 27 pays en situation de surendettement et 21 pays en défaut de paiement partiel ou total, les deux derniers États étant la Zambie et le Suriname en novembre 2020. D’après le FMI, c’est donc 20 % des PED sont actuellement en situation de surendettement, 1 pays sur 5, c’est considérable. Et un peu moins de 15 % des PED sont en suspension de paiement. Dans les deux cas, l’Afrique subsaharienne est la région la plus représentée. Viennent ensuite l’Asie de l’Est & Pacifique, puis l’Amérique latine & Caraïbe.
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En conséquence, de nombres initiatives pour demander l’annulation de la dette publique des PED ont été lancée. Ces demandes émanent autant de mouvements sociaux, de membres de la société civile que de parlementaires, gouvernements et présidents.
Côté officiel, notons pour l’Amérique latine l’appel du Centre stratégique latino-américain de géopolitique (CELAG), et pour l’Afrique l’Initiative pour l’annulation de la dette africaine (IADA).
Côté mouvements sociaux et société civile de nombreux appels à l’annulation de la dette se sont succédé, en Asie du Sud, pour la région Afrique du Nord et Moyen-Orient, le Maroc et les microcrédits, l’appel des peuples indigènes, des afro-descendants et des organisations populaires d’Amérique latine, plus récemment un nouvel appelpour l’annulation de la dette africaine lancée par le CADTM Afrique et Womin, et enfin un appel pour un front uni contre le paiement des dettes illégitimes publiques et privées. La plus grande initiative a été lancée dans le cadre de la semaine internationale d’action pour l’annulation de la dettedu 10 au 17 octobre 2020, initiative rassemblant plus de 500 organisations de plus de 90 pays.
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Mars 2020, l’épidémie de Covid-19 devient officiellement une pandémie mondiale. Dans la foulée, Banque mondiale, FMI, G20 G20 Le G20 est une structure informelle créée par le G7 (Allemagne, Canada, États-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni) à la fin des années 1990 et réactivée par lui en 2008 en pleine crise financière dans le Nord. Les membres du G20 sont : Afrique du Sud, Allemagne, Arabie saoudite, Argentine, Australie, Brésil, Canada, Chine, Corée du Sud, États-Unis, France, Inde, Indonésie, Italie, Japon, Mexique, Royaume-Uni, Russie, Turquie, Union européenne (représentée par le pays assurant la présidence de l’UE et la Banque Centrale européenne ; la Commission européenne assiste également aux réunions). L’Espagne est devenue invitée permanente. Des institutions internationales sont également invitées aux réunions : le Fonds monétaire international, la Banque mondiale. Le Conseil de stabilité financière, la BRI et l’OCDE assistent aussi aux réunions. et Club de Paris s’organisent pour « répondre à la crise », le tout selon leurs propres préceptes.
Malgré l’impact économique et sanitaire majeur de la crise sur les PED, Banque mondiale, FMI et autres banques de développement se refusent à toute annulation de la dette des PED, au motif de la crédibilité de ces institutions sur les marchés financiers
Marchés financiers
Marché financier
Marché des capitaux à long terme. Il comprend un marché primaire, celui des émissions et un marché secondaire, celui de la revente. À côté des marchés réglementés, on trouve les marchés de gré à gré qui ne sont pas tenus de satisfaire à des conditions minimales.
. Quelques financements d’urgence sont bien accordés, majoritairement sous forme de prêts et conditionnés à des politiques d’austérité. Face aux créanciers, les droits humains sont, comme à leur habitude, relégués au dernier rang.
Sur invitation des institutions de Bretton Woods, les pays du G20 lancent quant à eux, l’initiative de suspension du service de la dette (ISSD). De leurs propres aveux, l’ISSD est loin de répondre à la problématique. Concernant un maximum de 73 pays, soit à peine 50 % des PED, l’ISSD consiste, pour les pays qui en feront la demande, à une suspension du service de la dette bilatérale courant de mai à décembre 2020, reporté et étalé de 2022 à 2024. En octobre 2020, l’ISSD est prolongée, toujours pour les pays qui en feront la demande, jusqu’en avril 2021 et les paiements étalés jusque 2026. Là encore, l’ISSD est conditionnée à la signature d’un accord avec le FMI, austérité toujours. En tout, l’ISSD traite environ 2 % de la dette extérieure publique des PED … et reporte le problème à plus tard. Face aux conditionnalités et aux énormes limites de l’ISSD, seuls 50 pays y ont eu recours.
En novembre 2020, le G20 complète l’ISSD par un « Common Debt Framework », reconnaissant la possibilité de procéder à des annulations et/ou des restructurations et/ou des conversions de dettes en investissement, uniquement sur la part bilatérale, mais sans automaticité, uniquement au cas par cas. Même la potentielle implication de la Chine, annoncée comme un accord historique reste hypothétique. Première créancière des PED, la Chine considère que nombre de ses créances Créances Créances : Somme d’argent qu’une personne (le créancier) a le droit d’exiger d’une autre personne (le débiteur). ne sont pas bilatérales mais privées (via sa banque de développement Exfim Bank), et ne sont donc pas concernées par ce cadre commun. En février 2021, 4 mois plus tard, seuls 3 pays en ont fait la demande, le Tchad, l’Ethiopie et la Zambie.
Cerise sur le gâteau, alors que les créanciers privés détiennent très majoritairement la dette des PED et sont responsables à bien des égards de la hausse de l’endettement, ceux-ci ne sont aucunement impliqués. S’ils sont certes « invités, ils n’ont depuis le début de la crise accepté aucune demande d’annulation ou de restructuration, plongeant notamment la Zambie en défaut de paiement.
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Depuis sa création en 1990, le CADTM a toujours revendiqué l’annulation inconditionnelle de la dette des PED, plaçant, comme le droit international le reconnait, les droits humains au-dessus des droits des créanciers. Cette position peut se résumer en un triple A :
Avec la situation actuelle, le CADTM adapte sa position en insistant sur le droit d’un Etat à prononcer une suspension de paiement sur sa dette. En effet, iI y a de solides arguments juridiques qui peuvent appuyer une décision unilatérale de suspension de paiement [4], parmi lesquels l’invocation de l’état de nécessité ou encore du changement fondamental de circonstances. Quand un État invoque l’état de nécessité ou le changement fondamental de circonstances, le caractère légitime ou non de cette dette n’a aucune importance. Quand bien même la dette réclamée au pays serait légitime, cela n’empêche en rien ce pays d’en suspendre le paiement.
Pour compléter nos revendications, le CADTM considère que les créanciers devraient, sans aucune forme d’ingérence, s’engager à [5] :
[1] Ndongo Samba Sylla, Daniela Gabor, « La doctrine Macron en Afrique : une bombe à retardement budgétaire », https://legrandcontinent.eu/fr/2020/12/24/la-doctrine-macron-en-afrique-une-bombe-a-retardement-budgetaire/
[2] Gilbert Achcar, « Dans le tiers-monde, un « grand confinement » dévastateur », https://www.monde-diplomatique.fr/2020/11/ACHCAR/62397
[3] Ibid.
[4] Voir Éric Toussaint, « Les fausses solutions du G20 et la nécessité de suspendre le paiement de la dette », disponible à : https://www.cadtm.org/Les-fausses-solutions-du-G20-et-la-necessite-de-suspendre-le-paiement-de-la
[5] Voir analyse et revendications complètes à : ReCommons Europe : L’impact sur le Sud des politiques européennes et les alternatives possibles, août 2020, https://www.cadtm.org/ReCommons-Europe-L-impact-sur-le-Sud-des-politiques-europeennes-et-les
12 septembre, par CADTM
10 septembre, par CADTM , Nina Guesne , Rouvenn Mikaya
1er septembre, par CADTM
Cycle de formation du CADTM
Nouvelle crise bancaire internationale24 juillet, par CADTM , Eric Toussaint
14 juin, par CADTM , Eric Toussaint
12 juin, par CADTM , Collectif , CNCD , Entraide et Fraternité , CETRI (Centre Tricontinental)
Cycle de formation du CADTM
Les fonds vautours (avec focus sur les cas de l’Argentine et de la Zambie)10 mai, par CADTM , Pablo Laixhay , Pierre-François Grenson , Maxime Perriot
25 avril, par CADTM , Ecologistas en acción , ATTAC Espagne , Plateforme espagnole de lutte contre les fonds vautours , Audit de la santé , Coordination pour le droit au logement à Madrid
25 avril, par CADTM , Maxime Perriot
3 avril, par CADTM , Eric Toussaint , Collectif , Anaïs Carton