Déclaration du CADTM Afrique à l’issue de sa seconde université d’été à Niamey (Niger)

11 octobre 2016 par CADTM Afrique


De gauche à droite : Omar Aziki (Attac/CADTM Maroc), Daouda Achille Esse (FNDP Côte d’Ivoire), Aminata Mariko (CAD-Mali), Sanoussi Saidou (RNDD), Aboubacar Issa (RNDD), Broulaye Bagayoko (CAD-Mali), Ado Assoumane (RNDD)

La deuxième Université du Réseau CADTM Afrique s’est tenue dans la ville de Niamey, au Niger, du 7 au 9 octobre 2016 sous le thème « Unissons-nous contre les dettes illégitimes », pour des audits citoyens des dettes publiques et l’abolition des dettes illégitimes.



Cette rencontre destinée à la formation des membres du Réseau a permis aussi d’échanger entre les quatre-vingt-dix militantes et militants venu-e-s de six (6) pays africains (Burkina Faso, Mali, Maroc, Niger, Sénégal, Côte d’Ivoire et Togo) et les représentant-e-s venu-e-s de pays européens (Belgique).

Le mécanisme de la dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
comme système de transfert des richesses du Sud vers le Nord et ses conséquences sur la vie des peuples de notre continent ont été au centre des travaux de cette université.

Nous, mouvements sociaux réunis à cet effet à Niamey, au Niger, avons au cours de cette édition traité de plusieurs thèmes qui touchent les problèmes qui entravent le développement de l’Afrique. Ainsi, nous avons parlé de ce qui suit :
- Les politiques des institutions financières internationales : vers une nouvelle crise de la dette ;
- Les enjeux de l’endettement public et de la croissance économique au Burkina Faso ;
- Les audits de la dette et les luttes sociales à travers les exemples du Mali et de la Grèce ;
- Les enjeux géopolitiques et stratégiques des industries extractives dans l’espace sahélo-sahélien sous le prisme de la dette écologique Dette écologique La dette écologique est la dette contractée par les pays industrialisés envers les autres pays à cause des spoliations passées et présentes de leurs ressources naturelles, auxquelles s’ajoutent la délocalisation des dégradations et la libre disposition de la planète afin d’y déposer les déchets de l’industrialisation.

La dette écologique trouve son origine à l’époque coloniale et n’a cessé d’augmenter à travers diverses activités :


- La « dette du carbone ». C’est la dette accumulée en raison de la pollution atmosphérique disproportionnée due aux grandes émissions de gaz de certains pays industriels, avec, à la clé, la détérioration de la couche d’ozone et l’augmentation de l’effet de serre.

- La « biopiraterie ». C’est l’appropriation intellectuelle des connaissances ancestrales sur les semences et sur l’utilisation des plantes médicinales et d’autres végétaux par l’agro-industrie moderne et les laboratoires des pays industrialisés qui, comble de l’usurpation, perçoivent des royalties sur ces connaissances.

- Les « passifs environnementaux ». C’est la dette due au titre de l’exploitation sous-rémunérée des ressources naturelles, grevant de surcroît les possibilités de développement des peuples lésés : pétrole, minéraux, ressources forestières, marines et génétiques.

- L’exportation vers les pays les plus pauvres de produits dangereux fabriqués dans les pays industriels.

Dette écologique et dette extérieure sont indissociables. L’obligation de payer la dette extérieure et ses intérêts impose aux pays débiteurs de réaliser un excédent monétaire. Cet excédent provient pour une part d’une amélioration effective de la productivité et, pour une autre part, de l’appauvrissement des populations de ces pays et de l’abus de la nature. La détérioration des termes de l’échange accentue le processus : les pays les plus endettés exportent de plus en plus pour obtenir les mêmes maigres recettes tout en aggravant mécaniquement la pression sur les ressources naturelles.
 ;
- Les contrats de désendettement et de développement (C2D) en Afrique ;
- La construction d’alternatives face à la crise des migrations internationales ;
- Les accaparements des terres et l’agro-business en Afrique (Mali, Burkina Faso, Sénégal, etc.) ;
- Les accords de libre-échange ;
- Les politiques des microcrédits en Afrique et leurs impacts sur l’autonomisation des femmes africaines ?
- La zone franc et le sous-développement en Afrique.

L’actualité et l’importance de ces problématiques, analysées en séances plénières et en ateliers, nous amène à réaffirmer la nécessité d’élargir le front social commun entre le Nord et le Sud. La construction croissante de résistances et d’alternatives à travers les mouvements sociaux que nous représentons constitue, déjà aujourd’hui, et constituera plus encore demain, les forces nécessaires pour mettre au pas les logiques de dépendances dans laquelle le système capitaliste et le système dette tente de nous emprisonner.

Par voie de conséquence, nous, mouvements sociaux réunis durant ces trois jours, avons remarqué une fois encore :
- Qu’au-delà des effets d’annonce d’annulation de la dette par les pays dits développés et autres institutions de Bretton Woods, qu’une nouvelle crise de la dette est déjà visible ;
- Que les accords de libre-échange constituent des instruments en faveur des grandes puissances capitalistes et des multinationales du Nord et qu’à ce titre ils représentent des accords commerciaux néo-coloniaux contre les peuples ;
- Que les industries extractives présentes dans l’espace sahélo-sahélien telles qu’AREVA, développe son activité au mépris du droit à la vie des populations riveraines et des travailleurs, et qu’elles exercent leur pillage en toute liberté et en toute impunité sans qu’aucun contrôle ne soit exercé par les autorités locales sur elles ;
- Que l’orientation de l’agriculture vers l’exportation au profit du secteur de l’agrobusiness détruit l’agriculture vivrière, accentue l’appauvrissement des paysans et la dépendance alimentaire de nos pays ;
- Qu’en dépit des accords de libre circulation des personnes dans l’espace de la CEDEAO, les membres du réseau ont vu ce droit être bafoué par les diverses autorités de contrôles rencontrés pour rejoindre l’université du CADTM au Niger. Nous dénonçons, à cet effet, les tracasseries des forces de sécurité et le dépouillement répété des voyageurs.

Pour l’ensemble des raisons susmentionnées, le réseau CADTM Afrique exige :
- La mise en place d’audit citoyen de la dette extérieure et intérieure publique des États pour en déterminer les parts illégitimes, illégales, odieuses et insoutenables et de procéder à leur abolition pure et simple ;
- L’arrêt des classements du climat des affaires (programme Doing Business) de la Banque mondiale Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.

En 2022, 189 pays en sont membres.

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, qui ne s’appuient que sur le registre de la spéculation Spéculation Opération consistant à prendre position sur un marché, souvent à contre-courant, dans l’espoir de dégager un profit.
Activité consistant à rechercher des gains sous forme de plus-value en pariant sur la valeur future des biens et des actifs financiers ou monétaires. La spéculation génère un divorce entre la sphère financière et la sphère productive. Les marchés des changes constituent le principal lieu de spéculation.
, au détriment des critères sociaux et environnementaux, et favorisent l’accaparement des terres et de l’eau ;
- L’arrêt et l’annulation des contrats de concession de nos États avec les multinationales ;
- L’arrêt et annulation des contrats de désendettement et de développement (C2D) qui maintiennent les peuples africains sous perfusion ;
- L’arrêt de la vente des titres de dettes publiques sur les marchés financiers Marchés financiers
Marché financier
Marché des capitaux à long terme. Il comprend un marché primaire, celui des émissions et un marché secondaire, celui de la revente. À côté des marchés réglementés, on trouve les marchés de gré à gré qui ne sont pas tenus de satisfaire à des conditions minimales.
des pays les plus industrialisés aggravant la situation d’endettement des pays du Sud ;
- L’arrêt de l’émission d’euro-obligations Obligations
Obligation
Part d’un emprunt émis par une société ou une collectivité publique. Le détenteur de l’obligation, l’obligataire, a droit à un intérêt et au remboursement du montant souscrit. L’obligation est souvent l’objet de négociations sur le marché secondaire.
que certains de nos États (le Cameroun, la RD Congo, la Zambie, etc.) sont en train d’effectuer sur le marché international des capitaux ;
- La renationalisation de toutes les sociétés d’État qui ont été privatisées sous la pression du FMI FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.

À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).

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et la Banque mondiale et contre les intérêts des Africains ;
- La constitutionnalisation de la transformation locale de toutes les matières premières africaines ;
- La création d’une Banque du Sud pour mettre fin à la balkanisation monétaire africaine et l’atomisation ridicule des Banques centrales africaines ;
- L’arrêt immédiat de l’accaparement des terres, du pillage des ressources naturelles et minières du Niger et du continent africain ne profitant qu’à une élite étrangère et nationale ;
- La mise en place de politique publique sociale et environnementale basée sur la redistribution des richesses pour garantir la justice sociale et climatique ;
- Le respect des droits humains fondamentaux, aussi bien à travers le droit à la libre circulation et d’établissement des personnes, qu’à travers le droit à mener une vie digne ;
- L’abolition de toutes les formes d’oppression (sociale, patriarcale, néocoloniale, politique, etc.) afin de promouvoir un développement autour des priorités et spécificités des peuples de l’Afrique ;
- La souveraineté économique, politique et alimentaire des peuples.

Nous, mouvements sociaux du Sud comme du Nord, nous nous engageons à poursuivre ce combat en développant notre solidarité pour que toutes nos luttes légitimes constituent les piliers du monde de demain.

NOUS NE DEVONS RIEN, NOUS NE PAIERONS RIEN.
UN AUTRE MONDE EST POSSIBLE.

Fait à Niamey le 9 octobre 2016


CADTM Afrique

SECRETARIAT RESEAU CADTM AFRIQUE, CAD-Mali Djélibougou Rue : 326 Porte : 26 - BP. 2521 Bamako - Mali - Tél./Fax : 20 24 01 34 / E-mail : secretariatcadtmafrique chez gmail.com

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