2 février 2022 par CADTM Afrique
Siège de la BCEAO (CC - Wikimedia)
A l’issue de leur sommet extraordinaire tenu à Accra au Ghana le dimanche 9 janvier 2022, les Chefs d’État de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ont durci le ton contre le Mali. Mais, pour le gouvernement malien comme pour bon nombre des observateurs de l’espace CEDEAO, ces sanctions sont illégales, illégitimes pour le peuple malien et relèvent de la géopolitique des intérêts français en particulier et européens en général, soutenus par leurs alliés membres de la CEDEAO. De plus, ils sortent du cadre prévu par le Protocole additionnel de la CEDEAO adopté en décembre 2001 à Dakar au Sénégal. Il est clair que le traité de la CEDEAO ne prévoit pas la fermeture des frontières, le rappel des ambassadeurs, les sanctions financières. La manipulation de la BCEAO (Banque centrale Banque centrale La banque centrale d’un pays gère la politique monétaire et détient le monopole de l’émission de la monnaie nationale. C’est auprès d’elle que les banques commerciales sont contraintes de s’approvisionner en monnaie, selon un prix d’approvisionnement déterminé par les taux directeurs de la banque centrale. des États de l’Afrique de l’Ouest [1]) et de l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine) entre dans ce cadre de sanctions non fondées sur les instruments normatifs et politiques de la CEDEAO. En réalité, l’enjeu pour ces chefs d’État ce ne sont pas les règles adoptées mais protéger les intérêts des classes dominantes africaines ainsi que ceux de l’impérialisme français en particulier et de l’Union européenne en général. La CEDEAO a violé ses propres textes statutaires et les textes onusiens, elle n’a jamais interpellé de chefs d’État despotiques et corrompus en Afrique. Elle se tait sur les violations des droits humains sur le continent.
Aujourd’hui c’est la liberté de circulation et l’avenir de l’intégration africaine des peuples qui sont en jeu. L’ensemble du mouvement associatif et politique ouest-africain se mobilise pour une autre forme d’intégration économique et politique articulée à un renouvellement du panafricanisme militant. Il y a donc une impérieuse nécessité de rompre avec la pensée néocoloniale adoptée par la majorité de l’élite africaine comme le disait Thomas Sankara : « La pensée dominante néocoloniale représente la plus grande contrainte à laquelle nous faisons face dans ce pays. Nous étions une colonie contrôlée par l’État français qui a laissé derrière lui des traditions : la réussite et le bonheur dans la vie sont incarnés par la tentative de vivre comme en France, comme les gens les plus riches de France font. La diffusion de cette idée dans les esprits entrave et définit une limite aux changements que nous voulons faire ».
Le processus de décision politique des chefs d’État de la CEDEAO a exclu toute consultation des parlements nationaux y compris le parlement de la CEDEAO réduit à une institution sans utilité réelle. En réalité, c’est le mode de prise de décision qui confère aux chefs d’État toutes les prérogatives sans consultation de leurs peuples qu’il convient de revoir de fond en comble, y compris la Charte sur la bonne gouvernance. En effet, les coups d’État militaires sont pensés comme des obstacles à la démocratie alors que les coups d’État constitutionnels fréquents (Guinée Conakry, Côte d’Ivoire, Sénégal etc.), sources d’instabilité sous-régionale et de répression n’y figurent pas. Il faut y bien constater qu’au sein de la CEDEAO, la volonté des chefs d’État l’emporte totalement sur celles des peuples.
C’est tout ce qui précède, y compris les batailles géostratégiques entre puissances européennes, russe et étasunienne qui explique la menace d’une intervention militaire déguisée de la CEDEAO (principalement au service de la France) au mépris du droit du peuple malien à définir de manière interne les processus de développement y compris la gestion de ses propres ressources.
De nombreuses transformations sont en cours en Afrique avec des dirigeants civils répressifs, arrogants, détourneurs de biens publics, des politiques d’endettement irresponsables, qui finalement sabotent le développement humain et bloquent les solutions politiques civiles. En plus de cela, il faut ajouter la domination française entre autres par le Franc CFA devenu un obstacle pour le développement de la région. C’est ce qui explique en grande partie ce qui se passe en Guinée, au Burkina Faso ou les militaires offrent des débouchés politiques face au blocage des processus de dialogue et de réponse aux besoins des populations. Les peuples, de leur côté, cherchent d’autres alternatives pour un vrai développement de leurs pays, pour satisfaire leurs besoins immédiats et instaurer des processus politiques démocratiques et constituants.
La CEDEAO ainsi que l’Union africaine doivent- respecter la souveraineté du peuple malien et entretenir avec ce pays des discussions sérieuses face aux effets combinés du terrorisme et de la mauvaise gouvernance passée et ses effets.
Face à l’incapacité de la CEDEAO et de l’UEMOA de jouer un rôle de solidarité, elle se soumet aux intérêts de l’impérialisme de l’Union européenne, le réseau CADTM Afrique condamne cette instrumentalisation extérieure et traîtresse de la CEDEAO et de l’UEMOA contre le Mali à travers des sanctions injustes, injustifiables et injustifiées.
Nous saluons les grandes manifestions de solidarité avec le peuple malien en Afrique de l’Ouest (Dakar, Nouakchott, Conakry, Ouagadougou, etc.) qui montrent que les peuples ont indiqué la voie : Pour une CEDEAO/UEMOA des peuples en rupture avec la domination impérialiste.
Le réseau CADTM Afrique appelle à :
Bamako, le 1er février 2022
CADTM AFRIQUE
[1] La Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) est l’Institut d’émission commun aux huit (8) États membres de l’Union monétaire ouest-africaine (UMOA)
SECRETARIAT RESEAU CADTM AFRIQUE, CAD-Mali Djélibougou Rue : 326 Porte : 26 - BP. 2521 Bamako - Mali - Tél./Fax : 20 24 01 34 / E-mail : secretariatcadtmafrique chez gmail.com
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