Des luttes féministes contre le fondamentalisme en Asie du Sud

7 décembre 2022 par Bushra Khaliq


Image : La Marche Mondiale des Femmes

Bushra Khaliq donne un aperçu du contexte politique des pays d’Asie du Sud et du mouvement féministe dans la région.



En Asie du Sud, il peut y avoir des différences d’un pays à l’autre quant aux stratégies et aux approches liées au féminisme, mais l’objectif principal de l’agenda féministe ici est le même. En Afghanistan, le régime taliban restreint les droits fondamentaux des femmes. Le Pakistan et l’Afghanistan ont des frontières communes. Nous savons donc comment l’ingérence politique de l’impérialisme américain et l’implication sur place de l’OTAN OTAN
Organisation du traité de l’Atlantique Nord
Elle assure aux Européens la protection militaire des États-Unis en cas d’agression, mais elle offre surtout aux États-Unis la suprématie sur le bloc occidental. Les pays d’Europe occidentale ont accepté d’intégrer leurs forces armées à un système de défense placé sous commandement américain, reconnaissant de ce fait la prépondérance des États-Unis. Fondée en 1949 à Washington et passée au second plan depuis la fin de la guerre froide, l’OTAN comprenait 19 membres en 2002 : la Belgique, le Canada, le Danemark, les États-Unis, la France, la Grande-Bretagne, l’Islande, l’Italie, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas, le Portugal, auxquels se sont ajoutés la Grèce et la Turquie en 1952, la République fédérale d’Allemagne en 1955 (remplacée par l’Allemagne unifiée en 1990), l’Espagne en 1982, la Hongrie, la Pologne et la République tchèque en 1999.
[Organisation du traité de l’Atlantique Nord] affectent les droits de la population. En fait, ils ont un impact sur tous les aspects de la vie. Nous avons essayé d’exprimer notre solidarité avec nos compagnes afghanes en écoutant ce qu’elles disent de ce qui se passe là-bas et ce qu’elles font pour affronter et critiquer ce régime oppressif. Cet article analysera brièvement la situation de certains pays d’Asie et leur relation avec l’organisation féministe.

Au Sri Lanka, le régime autoritaire qui contrôle le pays depuis des décennies gère de manière précaire différents problèmes liés au maintien du pays, ce qui a abouti à l’effondrement de l’économie. La vie quotidienne des gens n’a jamais été aussi misérable, et les familles sont confrontées à des difficultés d’accès à la nourriture en raison de l’inflation Inflation Hausse cumulative de l’ensemble des prix (par exemple, une hausse du prix du pétrole, entraînant à terme un réajustement des salaires à la hausse, puis la hausse d’autres prix, etc.). L’inflation implique une perte de valeur de l’argent puisqu’au fil du temps, il faut un montant supérieur pour se procurer une marchandise donnée. Les politiques néolibérales cherchent en priorité à combattre l’inflation pour cette raison. élevée du pays. Des femmes, des étudiants et d’autres groupes sociaux manifestent tous les jours. Comme l’ont lu nos collègues sri-lankais, la longue histoire de conflits ethniques et de violences intercommunautaires pourrait être aggravée par ce bouleversement politique et cette crise économique. Et il est clair que les femmes sont les premières victimes de cette violence.

En Inde, le mouvement féministe est très fort. Il existe une grande diversité de moyens pour mobiliser les gens pour qu’ils rejoignent les mouvements dans le pays. Ils sont confrontés à des structures de classe et patriarcales profondément enracinées, liées au fondamentalisme religieux. La question des femmes dalits1 a été mobilisée par elles-mêmes et par des personnes alliées. Dans les actions Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
, elles ne sont pas à la traîne, mais sur le front, luttant pour l’égalité. Au Pakistan, une nouvelle vague de féminisme plus diversifié et inclusif s’est développée au cours des cinq dernières années. D’autre part, il y a une importante réaction négative de la part de diverses institutions étatiques et acteurs non étatiques, y compris des extrémistes religieux. Pourtant, nous sommes très fières de dire que le mouvement féministe au Pakistan est prometteur.

Les conflits et l’impact des régimes brutaux sur l’économie et sur la vie de la population de ces pays sont douloureux et requièrent une solidarité mondiale des institutions. Les gens ne se battent pas seulement pour leur vie : ils affrontent également les régimes et appellent à la démocratie populaire et à la bonne gouvernance dans leurs pays. Les paysans et paysannes, les petits agriculteurs et agricultrices sont très actifs et les femmes agricultrices sont à l’avant-garde. Elles sont à l’avant-garde, dirigeant et revendiquant les structures du gouvernement. Dans les bases, leur rôle dans l’administration des communautés a est très fort.

En Asie du Sud, nous avons de très jeunes démocraties. Dans le cas du Népal, après la révolution de 2006, nous avons connu une croissance, avec de plus en plus de femmes aux postes de direction, plus de participation et de représentativité dans les assemblées. Le mouvement féministe continue de se battre pour que les femmes aient une plus grande place en politique.

Le slogan de la Marche Mondiale des Femmes « nous marcherons jusqu’à ce que toutes les femmes soient libres » signifie être libérées de la pauvreté, de la violence et de toute forme de discrimination et d’oppression. C’est le point principal de notre compréhension : partout où nous luttons, nous devons être connectées et étendre notre solidarité aux autres qui luttent également.

L’impact du fondamentalisme religieux

La relation entre le capitalisme, l’autoritarisme et le fondamentalisme est mortelle, surtout pour les femmes. La militarisation de la région a engendré de nombreux problèmes, qui se manifestent plus particulièrement en Afghanistan, mais ont également eu des répercussions sur les pays voisins. Au Pakistan, le fondamentalisme religieux a augmenté dans notre vie quotidienne à cause de cette « talibanisation ».

L’impérialisme américain a tout aggravé dans la région, politiquement, financièrement et socialement. De nombreuses violations des droits humains ont lieu ici, mais cela ne préoccupe pas les seigneurs de la guerre d’Europe, de Russie et des États-Unis. Ils résolvent les conflits et les problèmes par la militarisation, ce qui ne fait qu’apporter de la misère dans la vie des gens, où qu’ils soient. Ces conflits ont un impact sur les mouvements féministes de notre région, mais nous croyons au mouvement de résistance des peuples. C’est ce qui fait notre force : étendre notre solidarité aux femmes des régions touchées en Asie du Sud et partout dans le monde. Par exemple, lors de notre rencontre régionale avec les autres membres de la Marche Mondiale des Femmes en septembre au Népal, nous avons discuté de la situation de nos sœurs afghanes chaque fois que cela était possible, même si elles ne pouvaient pas être présentes. C’était un effort pour ne pas les oublier.

Il est pertinent de mentionner ce qui se passe actuellement en Iran. Mahsa Amini a été arrêtée et tuée pour ne pas avoir porté le hijab de la manière jugée appropriée par les fondamentalistes et la « police morale », comme on l’appelle dans le pays. Après son assassinat, une immense mobilisation locale et internationale a eu lieu sur les réseaux sociaux et dans les médias pour dénoncer l’absurdité de la situation. Dans le pays, de nombreuses personnes sont descendues dans la rue, notamment des femmes de tout âge, sans porter de vêtements traditionnels, les voiles et les hijabs. Jeunes, étudiantes, enseignantes, paysannes et femmes plus âgées se sont unies pour protester, montrant délibérément leurs cheveux et leur tête, voire se coupant les cheveux. Toutes ces actions ont été menées pour montrer que le corps des femmes n’est pas sous le contrôle des hommes, de la religion ou de l’État.

La participation des hommes à la solidarité a également été grande. C’est la première fois que cela se produisait en Iran : des personnes de toutes sortes font preuve de solidarité dans les rues, dans les espaces publics, dénonçant cette discrimination et cette oppression imposées par le fondamentalisme religieux. Dans certains de ces pays islamiques, le gouvernement et même la Constitution ont ont pour habitude d’islamiser tous les aspects de la vie. Cependant, ce que nous voyons dans les épisodes récents, c’est un soulèvement populaire, prêt à ouvrir de nouveaux débats et à créer des stratégies pour affronter le fondamentalisme.

La rencontre régionale de la MMF Money Market Funds
MMF
Les Money Market Funds (MMF) sont des sociétés financières des États-Unis et d’Europe, très peu ou pas du contrôlées ni réglementées car elles n’ont pas de licence bancaire. Ils font partie du shadow banking. En théorie, les MMF mènent une politique prudente mais la réalité est bien différente. L’administration Obama envisage de les réglementer car, en cas de faillite d’un MMF, le risque de devoir utiliser des deniers publics pour les sauver est très élevé. Les MMF suscitent beaucoup d’inquiétude vu les fonds considérables qu’ils gèrent et la chute depuis 2008 de leur marge de profit. En 2012, les MMF états-uniens maniaient 2 700 milliards de dollars de fonds, contre 3 800 milliards en 2008. En tant que fonds d’investissement, les MMF collectent les capitaux des investisseurs (banques, fonds de pension…). Cette épargne est ensuite prêtée à très court terme, souvent au jour le jour, à des banques, des entreprises et des États.
Dans les années 2000, le financement par les MMF est devenu une composante importante du financement à court terme des banques. Parmi les principaux fonds, on trouve Prime Money Market Fund, créé par la principale banque des États-Unis JP.Morgan, qui gérait, en 2012, 115 milliards de dollars. La même année, Wells Fargo, la 4e banque aux États-Unis, gérait un MMF de 24 milliards de dollars. Goldman Sachs, la 5e banque, contrôlait un MMF de 25 milliards de dollars.
Sur le marché des MMF en euros, on trouve de nouveau des sociétés états-uniennes : JP.Morgan (avec 18 milliards d’euros), Black Rock (11,5 milliards), Goldman Sachs (10 milliards) et des européennes avec principalement BNP Paribas (7,4 milliards) et Deutsche Bank (11,3 milliards) toujours pour l’année 2012. Certains MMF opèrent également avec des livres sterling. Bien que Michel Barnier ait annoncé vouloir réglementer le secteur, jusqu’à aujourd’hui rien n’a été mis en place. Encore des déclarations d’intention...
1. L’agence de notation Moody’s a calculé que pendant la période 2007-2009, 62 MMF ont dû être sauvés de la faillite par les banques ou les fonds de pensions qui les avaient créés. Il s’est agi de 36 MMF opérant aux États-Unis et 26 en Europe, pour un coût total de 12,1 milliards de dollars. Entre 1980 et 2007, 146 MMF ont été sauvés par leurs sponsors. En 2010-2011, toujours selon Moody’s, 20 MMF ont été renfloués.
2 Cela montre à quel point ils peuvent mettre en danger la stabilité du système financier privé.
Asie du Sud

En septembre 2022, des compagnes de l’Inde, du Pakistan, du Bangladesh, du Sri Lanka et du Népal se sont réunies lors d’une rencontre régionale dont l’objectif principal était de comprendre les régimes patriarcaux et autoritaires de ces pays et leurs impacts sur la vie des femmes et les mouvements de défense des droits des femmes en Asie du Sud. Ces compagnes de différents pays ont discuté des stratégies permettant de relier les luttes des femmes, de la base aux mouvements mondiaux et internationaux.

La Marche Mondiale des Femmes est un mouvement féministe mondial allié à d’autres réseaux et organisations qui ont des programmes communs. Ces connexions nous permettent de réfléchir et d’exposer le terrible développement du capitalisme et le rôle des sociétés transnationales dans la formation de nos économies. L’extrême droite et les régimes autoritaires ont également été abordés, ainsi que la manière dont ces gouvernements ont pris de l’ampleur sur ce territoire. De plus, nous avons discuté du défi mondial que représente l’impact du changement climatique et de sa relation avec l’exploitation de la main-d’œuvre et des ressources naturelles par les grandes entreprises des pays du Sud.

L’espace MMF, avec ses propres structures décisionnelles, est une occasion de présenter les agendas politiques et les valeurs du mouvement à de nouveaux camarades et organisations. Ceci afin d’étendre notre organisation dans la région et de promouvoir une lecture féministe commune des conjonctures politiques sud-asiatiques. C’était une bonne occasion de réunir l’ancien et le nouveau avec notre histoire, nos participants historiques, mais aussi avec de jeunes militantes, de nouvelles coordinations nationales (CN) de la MMF et de nouvelles organisations alliées.

Nous avons constaté que les femmes qui nous ont rejoints aujourd’hui ont été très inspirées par l’esprit qui a présidé à la création de cet espace d’action pour les femmes. Elles ont montré une grande curiosité pour connaître le fonctionnement et les structures de la MMF dans le monde entier, et se sont engagées à maintenir le contact avec les CN régionales et avec les membres du Comité international, et à participer au mouvement dans les actions futures. Ce fut une excellente occasion de se connecter, d’apprendre et de trouver des synergies dans les forces et les luttes pour affronter les institutions oppressives en Asie du Sud.


Source : https://capiremov.org/fr/analyse/des-luttes-feministes-contre-le-fondamentalisme-en-asie-du-sud/?utm_source=substack&utm_medium=email
Édition de Bianca Pessoa et Helena Zelic
Traduit du portugais par Claire Laribe
Texte original en anglais

Bushra Khaliq

est membre du Comité international de la Marche Mondiale des Femmes, représentant l’Asie. Elle est également directrice exécutive de l’organisation féministe Les Femmes en Lutte pour l’Autonomisation [Women In Struggle for empowerment – WISE].