18 mai 2021 par Milan Rivié
Photo d’illustration prise lors de la révolution populaire soudanaise en avril 2019 (CC - Flickr - Hind Mekki)
Le Soudan est à la Une de nombreux médias français ce lundi 17 mai 2021. RFI, France24, Le Monde, FranceInfo, Le Point, La Tribune, etc. tous ont relayé la dépêche de l’AFP selon laquelle la France vient « au chevet » du Soudan, pour « l’aider en lui prêtant 1,5 milliard de dollar pour apurer ses arriérés envers le FMI » tout en « annulant ses 5 milliards de dollars de créances ». Comme indiqué dans notre article du 29 avril « Un an après ses fausses déclarations, Emmanuel Macron se paye une nouvelle fois la tête des africain·es avec son appel à un New Deal », en organisant ces 17 et 18 mai à Paris (France) deux événements internationaux, le président français s’est offert une large tribune pour se présenter en sauveur du Soudan et plus largement du continent africain. Ces mêmes médias devraient plutôt s’intéresser à l’histoire de la dette du pays, héritée de deux dictateurs successifs soutenus par les puissances occidentales et s’interroger sur les raisons pour lesquelles le Soudan va voir l’initiative pays pauvre très endettée (I-PPTE) être finalement appliquée, 25 ans (!) après sa signature. Avec un peu de recul, il est très clair que « l’aide » de l’État français n’engage que ceux qui y croient.
Toujours plus bousculé par les nouvelles puissances impérialistes, Macron répète les opérations de communication pour défendre « son » pré-carré africain
Ces 17 et 18 mai se tenaient à Paris deux événements rassemblant dirigeants africains, européens et représentants d’organisations internationales. La première, « Conférence internationale pour le Soudan », avait pour objectif de trouver des solutions pour alléger la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
du pays, libéré de son dictateur Omar El Béchir depuis la victoire des révoltes populaires en mars 2019. La seconde, intitulée « Sommet sur le financement des économies africaines », visait quant à elle à rendre incontournable l’État français dans les relations internationales avec les 54 pays du continent. Elle fait suite aux différentes déclarations d’Emmanuel Macron de ces derniers mois, tantôt pour présenter son Consensus de Paris basé sur la promotion « d’un partenariat avec les investisseurs mondiaux pour financiariser le développement et privatiser les biens publics » en Afrique [1], tantôt pour y défendre un « New Deal
New Deal
Nom donné aux mesures prises aux États-Unis par Roosevelt à partir de son élection en 1933 à la présidence pour faire face à la crise économique déclenchée en 1929.
Rappelons que dans le cadre du New Deal aux États-Unis et des politiques keynésiennes qui ont été étendues à l’Europe occidentale après la Seconde Guerre mondiale sous la pression d’importantes mobilisations populaires, les droits sociaux ont été nettement améliorés, une protection sociale importante a été mise en place, les banques d’affaires ont été séparées des banques de dépôts, le taux d’imposition des revenus les plus élevés a atteint 80 % aux États-Unis. On pourrait ajouter que les inégalités dans la répartition des revenus et du patrimoine ont été réduites. À cette époque, le Grand Capital avait été contraint de faire des concessions aux classes populaires qui s’étaient fortement mobilisées. Le gouvernement du président Roosevelt, qui voulait réformer le capitalisme pour le sauver et le consolider, avait dû affronter la Cour suprême qui avait essayé de faire abroger plusieurs de ses décisions. Roosevelt, pressé par la radicalisation à gauche des classes populaires, avait réussi à contrecarrer les décisions de la Cour suprême et avait imposé des mesures fortes, y compris en permettant aux syndicats de se renforcer dans les usines et aux travailleurs de recourir aux grèves pour obtenir des concessions des patrons.
du financement de l’Afrique [… constitué de] solutions profondément novatrices » [2]. Toujours plus bousculé par les nouvelles puissances impérialistes, au premier rang desquelles se trouvent la Chine, les pays du Golfe et les BRICS, Macron répète les opérations de communication pour défendre « son » pré-carré africain.
D’après les données actuelles, le stock de la dette
Stock de la dette
Montant total des dettes.
extérieure publique du Soudan est de 15 milliards $US, auxquels s’ajoutent arriérés et pénalités de retard de ce pays en défaut de paiement depuis 1984 [3]. En les prenant en compte, la dette extérieure publique du Soudan dépasse les 54 milliards de $US dont 85 % d’arriérés [4], soit une dette représentant près de 200 % de son PIB
PIB
Produit intérieur brut
Le PIB traduit la richesse totale produite sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées.
Le Produit intérieur brut est un agrégat économique qui mesure la production totale sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées. Cette mesure est notoirement incomplète ; elle ne tient pas compte, par exemple, de toutes les activités qui ne font pas l’objet d’un échange marchand. On appelle croissance économique la variation du PIB d’une période à l’autre.
. La répartition, 14 % envers des créanciers privés, 10 % envers les multilatéraux (aux premiers rangs desquels le FMI
FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.
À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).
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, la Banque mondiale
Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.
En 2022, 189 pays en sont membres.
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et la Banque africaine de développement), les créanciers bilatéraux se taillant la part du lion (39 % pour les États membres du Club de Paris
Club de Paris
Créé en 1956, il s’agit du groupement de 22 États créanciers chargé de gérer les difficultés de remboursement de la dette bilatérale par les PED. Depuis sa création, la présidence est traditionnellement assurée par un·e Français·e. Les États membres du Club de Paris ont rééchelonné la dette de plus de 90 pays en développement. Après avoir détenu jusqu’à 30 % du stock de la dette du Tiers Monde, les membres du Club de Paris en sont aujourd’hui créanciers à hauteur de 10 %. La forte représentation des États membres du Club au sein d’institutions financières (FMI, Banque mondiale, etc.) et groupes informels internationaux (G7, G20, etc.) leur garantit néanmoins une influence considérable lors des négociations.
Les liens entre le Club de Paris et le FMI sont extrêmement étroits ; ils se matérialisent par le statut d’observateur dont jouit le FMI dans les réunions – confidentielles – du Club de Paris. Le FMI joue un rôle clé dans la stratégie de la dette mise en œuvre par le Club de Paris, qui s’en remet à son expertise et son jugement macroéconomiques pour mettre en pratique l’un des principes essentiels du Club de Paris : la conditionnalité. Réciproquement, l’action du Club de Paris préserve le statut de créancier privilégié du FMI et la conduite de ses stratégies d’ajustement dans les pays en voie de développement.
Site officiel : https://www.clubdeparis.fr/
, 37 % pour les non-membres).
Selon les diktats des créanciers, toute possibilité de désendettement passe par un réendettement préalable, Soudan compris
Mais au Soudan, la majeure partie de la dette provient de prêts consentis dans un contexte géopolitique de Guerre Froide, lorsque le dictateur militaire Gaafar Nimeiry et son gouvernement étaient soutenus par les pays occidentaux. En 1984, à la suite d’une série de chocs économiques, le Soudan a alors cessé de rembourser sa dette [5]. De 1989 à 2019, le despote Omar el-Béchir, notamment accusé de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre au Darfour, a par la suite reçu divers soutiens financiers. Sans exhaustivité, notons ceux de la BNP Paribas [6] – première banque d’Europe et visiblement très proche des intérêts des différents gouvernements français [7] – ou encore de la Chine, premier « partenaire » économique [8] et important créancier du Soudan. En conséquence, la dette du Soudan est illégitime et odieuse [9], elle n’a pas profité à la population, a été contractée avec la complicité des créanciers, et devrait être purement et simplement annulée, sans aucune forme de conditionnalités Conditionnalités Ensemble des mesures néolibérales imposées par le FMI et la Banque mondiale aux pays qui signent un accord, notamment pour obtenir un aménagement du remboursement de leur dette. Ces mesures sont censées favoriser l’« attractivité » du pays pour les investisseurs internationaux mais pénalisent durement les populations. Par extension, ce terme désigne toute condition imposée en vue de l’octroi d’une aide ou d’un prêt. .
En réalité, le Soudan se retrouve impliqué dans un mécanisme bien différent. 25 ans après le lancement en 1996 de l’initiative PPTE
PPTE
Pays pauvres très endettés
L’initiative PPTE, mise en place en 1996 et renforcée en septembre 1999, est destinée à alléger la dette des pays très pauvres et très endettés, avec le modeste objectif de la rendre juste soutenable.
Elle se déroule en plusieurs étapes particulièrement exigeantes et complexes.
Tout d’abord, le pays doit mener pendant trois ans des politiques économiques approuvées par le FMI et la Banque mondiale, sous forme de programmes d’ajustement structurel. Il continue alors à recevoir l’aide classique de tous les bailleurs de fonds concernés. Pendant ce temps, il doit adopter un document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP), parfois juste sous une forme intérimaire. À la fin de ces trois années, arrive le point de décision : le FMI analyse le caractère soutenable ou non de l’endettement du pays candidat. Si la valeur nette du ratio stock de la dette extérieure / exportations est supérieure à 150 % après application des mécanismes traditionnels d’allégement de la dette, le pays peut être déclaré éligible. Cependant, les pays à niveau d’exportations élevé (ratio exportations/PIB supérieur à 30 %) sont pénalisés par le choix de ce critère, et on privilégie alors leurs recettes budgétaires plutôt que leurs exportations. Donc si leur endettement est manifestement très élevé malgré un bon recouvrement de l’impôt (recettes budgétaires supérieures à 15 % du PIB, afin d’éviter tout laxisme dans ce domaine), l’objectif retenu est un ratio valeur nette du stock de la dette / recettes budgétaires supérieur à 250 %. Si le pays est déclaré admissible, il bénéficie de premiers allégements de son service de la dette et doit poursuivre avec les politiques agréées par le FMI et la Banque mondiale. La durée de cette période varie entre un et trois ans, selon la vitesse de mise en œuvre des réformes clés convenues au point de décision. À l’issue, arrive le point d’achèvement. L’allégement de la dette devient alors acquis pour le pays.
Le coût de cette initiative est estimé par le FMI en 2019 à 76,2 milliards de dollars, soit environ 2,54 % de la dette extérieure publique du Tiers Monde actuelle. Les PPTE sont au nombre de 39 seulement, dont 33 en Afrique subsaharienne, auxquels il convient d’ajouter l’Afghanistan, la Bolivie, le Guyana, Haïti, le Honduras et le Nicaragua. Au 31 mars 2006, 29 pays avaient atteint le point de décision, et seulement 18 étaient parvenus au point d’achèvement. Au 30 juin 2020, 36 pays ont atteint le point d’achèvement. La Somalie a atteint le point de décision en 2020. L’Érythrée et le Soudan n’ont pas encore atteint le point de décision.
Alors qu’elle devait régler définitivement le problème de la dette de ces 39 pays, cette initiative a tourné au fiasco : leur dette extérieure publique est passée de 126 à 133 milliards de dollars, soit une augmentation de 5,5 % entre 1996 et 2003.
Devant ce constat, le sommet du G8 de 2005 a décidé un allégement supplémentaire, appelée IADM (Initiative d’allégement de la dette multilatérale), concernant une partie de la dette multilatérale des pays parvenus au point de décision, c’est-à-dire des pays ayant soumis leur économie aux volontés des créanciers. Les 43,3 milliards de dollars annulés via l’IADM pèsent bien peu au regard de la dette extérieure publique de 209,8 milliards de dollars ces 39 pays au 31 décembre 2018.
, il devrait finalement voir 90 % ou plus de sa dette extérieure publique bilatérale (celle due aux États créanciers membres du Club) être annulée dans le cadre des conditionnalités imposées par le trio FMI/Banque mondiale/Club de Paris. Pourquoi une telle attente ? Au moins quatre raisons à cela. Primo, la nature despotique du régime d’Omar El Béchir. Plutôt que de prendre le risque de reconnaitre la dette odieuse
Dette odieuse
Selon la doctrine, pour qu’une dette soit odieuse, et donc nulle, elle doit remplir deux conditions :
1) Elle doit avoir été contractée contre les intérêts de la Nation, ou contre les intérêts du Peuple, ou contre les intérêts de l’État.
2) Les créanciers ne peuvent pas démontrer qu’ils ne pouvaient pas savoir que la dette avait été contractée contre les intérêts de la Nation.
Il faut souligner que selon la doctrine de la dette odieuse, la nature du régime ou du gouvernement qui la contracte n’est pas particulièrement importante, puisque ce qui compte, c’est l’utilisation qui est faite de cette dette. Si un gouvernement démocratique s’endette contre l’intérêt de la population, cette dette peut être qualifiée d’odieuse, si elle remplit également la deuxième condition. Par conséquent, contrairement à une version erronée de cette doctrine, la dette odieuse ne concerne pas seulement les régimes dictatoriaux.
(voir : Eric Toussaint, « La Dette odieuse selon Alexander Sack et selon le CADTM » ).
Le père de la doctrine de la dette odieuse, Alexander Nahum Sack, dit clairement que les dettes odieuses peuvent être attribuées à un gouvernement régulier. Sack considère qu’une dette régulièrement contractée par un gouvernement régulier peut être considérée comme incontestablement odieuse... si les deux critères ci-dessus sont remplis.
Il ajoute : « Ces deux points établis, c’est aux créanciers que reviendrait la charge de prouver que les fonds produits par lesdits emprunts avaient été en fait utilisés non pour des besoins odieux, nuisibles à la population de tout ou partie de l’État, mais pour des besoins généraux ou spéciaux de cet État, qui n’offrent pas un caractère odieux ».
Sack a défini un gouvernement régulier comme suit :
« On doit considérer comme gouvernement régulier le pouvoir suprême qui existe effectivement dans les limites d’un territoire déterminé. Que ce pouvoir soit monarchique (absolu ou limité) ou républicain ; qu’il procède de la « grâce de Dieu » ou de la « volonté du peuple » ; qu’il exprime la « volonté du peuple » ou non, du peuple entier ou seulement d’une partie de celui-ci ; qu’il ait été établi légalement ou non, etc., tout cela n’a pas d’importance pour le problème qui nous occupe. »
Donc, il n’y a pas de doute à avoir sur la position de Sack, tous les gouvernements réguliers, qu’ils soient despotiques ou démocratiques, sous différentes variantes, sont susceptibles de contracter des dettes odieuses.
de ce régime et d’ouvrir ainsi une véritable boîte de Pandore, les créanciers ont préféré patienter jusqu’à sa chute. Secundo, comme nombre de pays africains, le Soudan soutenait la Palestine sans reconnaitre l’État d’Israël. Tertio, le Soudan était inscrit sur la liste étasunienne des pays soutenant le terrorisme. Pour en être retiré, l’ex-président Donald Trump a fait chanter le gouvernement de transition soudanais en vue de signer un accord de paix avec Israël. Choses faites en octobre [10] et décembre 2020 [11]. Quarto, le règlement préalable des arriérés de paiement dus au FMI, à la Banque mondiale et à la Banque africaine de développement. Pour ce faire, une série de pays occidentaux dont la France (1,5 milliard $US) ont procédé à des prêts-relais, mécanisme où de nouveaux créanciers viennent remplacer les précédents. En somme, selon les diktats des créanciers, toute possibilité de désendettement passe par un réendettement préalable.
Le CADTM le rappelle régulièrement, la dette est bien moins un problème économique que politique, et le Soudan est un cas d’école en la matière. Si Emmanuel Macron a bien annoncé l’annulation prochaine de la totalité des créances Créances Créances : Somme d’argent qu’une personne (le créancier) a le droit d’exiger d’une autre personne (le débiteur). françaises sur le pays, ce n’est pas par bienfaisance. L’annulation ne sera pas unilatérale, mais réalisée prochainement dans le cadre du Club de Paris. Conséquences directes, Macron réinstalle une nouvelle fois ce Club si stratégique pour l’hexagone au centre des règlements de dette souveraine. Et le Soudan sera contraint de signer au préalable un accord avec le FMI, accord constitué de nouvelles réformes structurelles, celles-là même qui ont alimenté d’importantes révoltes populaires dès la fin d’année 2018, et depuis, une inflation Inflation Hausse cumulative de l’ensemble des prix (par exemple, une hausse du prix du pétrole, entraînant à terme un réajustement des salaires à la hausse, puis la hausse d’autres prix, etc.). L’inflation implique une perte de valeur de l’argent puisqu’au fil du temps, il faut un montant supérieur pour se procurer une marchandise donnée. Les politiques néolibérales cherchent en priorité à combattre l’inflation pour cette raison. galopante conjuguée à une diminution stricte des subventions étatiques, accroissant encore la pauvreté de la population [12].
Macron agit comme un fonds vautour tout en mentant sur la réalité de l’opération. L’État français devrait très probablement convertir tout ou partie de ces 5 milliards en contrat de désendettement et de développement
Autre pied de nez, Macron fait coup double en annonçant une annulation de 5 milliards de dollars. Premièrement, hors arriérés de retard hérités des régimes despotiques précédents, la France ne détenait que 360 millions d’euros de créances [13]. En les incluant dans l’annulation, Macron agit comme un fonds vautour
Fonds vautour
Fonds vautours
Fonds d’investissement qui achètent sur le marché secondaire (la brocante de la dette) des titres de dette de pays qui connaissent des difficultés financières. Ils les obtiennent à un montant très inférieur à leur valeur nominale, en les achetant à d’autres investisseurs qui préfèrent s’en débarrasser à moindre coût, quitte à essuyer une perte, de peur que le pays en question se place en défaut de paiement. Les fonds vautours réclament ensuite le paiement intégral de la dette qu’ils viennent d’acquérir, allant jusqu’à attaquer le pays débiteur devant des tribunaux qui privilégient les intérêts des investisseurs, typiquement les tribunaux américains et britanniques.
tout en mentant sur la réalité de l’opération. Puisque deuxièmement, en procédant de la sorte, l’État français devrait très probablement convertir tout ou partie de ces 5 milliards en contrat de désendettement et de développement (C2D), spécificité française lui permettant de réinvestir cette somme dans des conditions préférentielles. Objectif à peine voilé par le ministre de l’économie Bruno Le Maire « Nous nous occupons de la dette. Vous pouvez investir dans ce pays. Il n’y a pas de raison de ne pas investir au Soudan maintenant » en présence du président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, déjà prêt à offrir à ses compères du CAC 40 de juteux investissements dans les secteurs de l’agriculture, de la communication et surtout des importantes réserves aurifères du pays [14]. Enfin, le prêt-relais d’1,5 milliard de dollars assure à la France un maintien du Soudan sous son joug pour de nombreuses années encore.
Macron et autres chefs d’État occidentaux conditionnent leur annulation pour mieux investir dans un pays bénéficiant jusque-là essentiellement de financements de la Chine et des pays du Golfe
Pour ce pays à faible revenu classé 170e (sur 189 pays référencés) en termes d’indicateur de développement humain
Indicateur de développement humain
IDH
Cet outil de mesure, utilisé par les Nations unies pour estimer le degré de développement d’un pays, prend en compte le revenu par habitant, le degré d’éducation et l’espérance de vie moyenne de sa population.
(IDH), consacrant plus du double de son budget au service de la dette
Service de la dette
Remboursements des intérêts et du capital emprunté.
qu’en dépenses de santé [15], et où près de la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté, il y avait bien mieux à faire. Reconnaitre le caractère odieux de la dette soudanaise, effacer purement et simplement l’ardoise, et lui permettre de se développer librement selon ses propres choix. Au lieu de cela, Macron et autres chefs d’État occidentaux conditionnent leur annulation pour mieux investir dans un pays bénéficiant jusque-là essentiellement de financements de la Chine et des pays du Golfe. Malgré ses dires, Macron continue de promouvoir des « solutions qui datent des années 60 » [16]. Il a beau se présenter en défenseur de la transition démocratique au Soudan, nous n’avons pas souvenir d’une aide française apportée à la révolution populaire en 2018-2019… Sans l’ombre d’un doute, ni cette « Conférence internationale pour le Soudan », ni ce « Sommet sur le financement des économies africaines », ne changeront les rapports de domination au Soudan et en Afrique.
[1] Voir Daniela Gabor et Ndongo Samba Sylla, « La doctrine Macron en Afrique : une bombe à retardement budgétaire », Le Grand Continent, 24 décembre 2020. Disponible à : https://legrandcontinent.eu/fr/2020/12/24/la-doctrine-macron-en-afrique-une-bombe-a-retardement-budgetaire/
[2] « Déclaration conjointe du Président Emmanuel Macron et de Félix Tshisekedi Tshilombo, Président de la République démocratique du Congo », Élysée, 27 avril 2021. Disponible à : https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2021/04/27/declaration-conjointe-du-president-emmanuel-macron-et-de-felix-tshisekedi-tshilombo-president-de-la-republique-democratique-du-congo
[3] Voir notamment « Sudan », Jubilee Debt Campaign. Disponible à : https://jubileedebt.org.uk/countries/sudan
[4] Voir FMI Country Report No. 20/72, 10 mars 2020, p.52 du pdf. Disponible à : https://www.imf.org/-/media/Files/Publications/CR/2020/English/1SDNEA2020001.ashx
[5] Voir Tim Jones, “Vulture funds and governments seek profit from Sudan debt relief”, Jubilee Debt Campaign, 6 décembre 2018, [consulté le 5 novembre 2019]. Disponible à : https://jubileedebt.org.uk/blog/vulture-funds-and-governments-seek-profit-from-sudan-debt-relief
[6] Voir Raphaël Dupen, « Le groupe BNP Paribas visé par une plainte pour « complicité de génocide » au Soudan », Le Monde, 26 septembre 2019, [consulté le 5 novembre 2019]. Disponible à : https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/09/26/bnp-paribas-accuse-de-complicite-de-crimes-contre-l-humanite-au-soudan_6013182_3212.html
[7] Voir le documentaire de Thomas Lafarge et Xavier Harel, « Dans les eaux troubles de la plus grande banque européenne », France 3 production, 2018. Disponible gratuitement sur internet en quelques clics.
[9] Éric Toussaint, « La dette odieuse selon Alexandre Sack et selon le CADTM », CADTM, 18 novembre 2016. Disponible à : https://www.cadtm.org/La-dette-odieuse-selon-Alexandre-Sack-et-selon-le-CADTM
[10] ATS, « Israël et le Soudan vont normaliser leurs relations », Le Temps, 23 octobre 2020. Disponible à : https://www.letemps.ch/monde/israel-soudan-normaliser-leurs-relations
[11] « Les États-Unis retirent officiellement le Soudan de leur liste noire », France 24, 14 décembre 2020. Disponible à : https://www.france24.com/fr/afrique/20201214-les-%C3%A9tats-unis-retirent-officiellement-le-soudan-de-leur-liste-noire
[12] Dominique Baillard, « Pourquoi l’économie soudanaise est aux abois », RFI, 17 mai 2021. Disponible à : https://www.rfi.fr/fr/podcasts/aujourd-hui-l-%C3%A9conomie/20210517-pourquoi-l-%C3%A9conomie-soudanaise-est-aux-abois
[13] « Encours de créances de la France sur les États étrangers au 31 décembre 2018 », Direction générale du Trésor, 12 novembre 2019. Disponible à : https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2019/11/12/encours-de-creances-de-la-france-sur-les-etats-etrangers-au-31-decembre-2018
[14] Louis-Nino Kansoun, « L’or, le nouveau pétrole du Soudan », Agence Ecofin, 20 mai 2019. Disponible à : https://www.agenceecofin.com/hebdop1/2005-66285-l-or-le-nouveau-petrole-du-soudan
[15] Comparing debt payments with health spending, Jubilee Debt Campaign, avril 2020. Disponible à : https://jubileedebt.org.uk/wp-content/uploads/2020/04/Debt-payments-and-health-spending_13.04.20.pdf
[16] « Déclaration conjointe du Président Emmanuel Macron et de Félix Tshisekedi Tshilombo, Président de la République démocratique du Congo », Élysée, 27 avril 2021. Disponible à : https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2021/04/27/declaration-conjointe-du-president-emmanuel-macron-et-de-felix-tshisekedi-tshilombo-president-de-la-republique-democratique-du-congo
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