Le CADTM travaille depuis plus de quinze ans sur la dette écologique, en collaboration avec des mouvements sociaux d’Amérique du Sud, d’Asie, d’Afrique et d’Europe [1]. Nous avons décidé d’y consacrer un dossier complet pour notre revue Les Autres voix de la planète.
Quel impact des institutions financières internationales sur la destruction de l’environnement et la dépendance des pays de la périphéries, quelle « révolution verte » préparent-elles pour l’Afrique, comment les GPNI
GPNI
GPNIS
L’expression « grands projets nuisibles et imposés », qui fait suite à l’expression plus connue de « grands projets inutiles et imposés », désigne également des mégaprojets qui parfois n’ont même pas été terminés ou se sont avérés par la suite inutiles et coûteux. « Inutiles »... vraiment ? Ces projets servent en fait des intérêts bien particuliers, ceux des firmes grassement payées pour leur construction et / ou par l’usage qui en sera fait. Ils sont donc bien utiles pour une poignée de privilégiéEs, même s’ils sont nuisibles pour la majorité de la population et l’environnement. Cette expression est généralement utilisée pour désigner des mégaprojets développés dans les pays du Nord.
’s (grands projets nuisibles et imposés) forment le pendant des éléphants blancs
Éléphant blanc
éléphants blancs
L’expression « éléphant blanc » désigne un mégaprojet, souvent d’infrastructure, qui amène plus de coûts que de bénéfices à la collectivité.
Pour la petite histoire, la métaphore de l’éléphant blanc provient de la tradition des princes indiens qui s’offraient ce cadeau somptueux. Cadeau empoisonné, puisqu’il entraînait de nombreux coûts et qu’il était proscrit de le faire travailler. Ce terme est généralement utilisé pour désigner des mégaprojets développés dans les pays du Sud.
, quels outils utiliser pour exiger des réparations... Ces questions, parmi de nombreuses autres, sont traitées dans ce dossier sur la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
écologique et l’extractivisme
Extractivisme
Modèle de développement basé sur l’exploitation des ressources naturelles, humaines et financières, guidé par la croyance en une nécessaire croissance économique.
.
Extractivisme, qu’est-ce que cette expression barbare ? D’abord utilisée en Amérique latine pour désigner « l’extraction massive ou ’’intense’’ des ’’ressources naturelles’’ (non renouvelables et renouvelables), essentiellement destinées à l’export sous forme de matières premières non transformées », l’extractivisme est avant tout un pillage. Aucune région du monde n’échappe à présent à cette exploitation industrielle de la nature.
Le capitalisme vert est présenté par les pouvoirs économiques et politiques comme une solution à la catastrophe en cours : pollutions géantes, effondrements de la biodiversité, réchauffement de la mer et de la terre, pertes de territoires, bidonvillisation... Pour y faire face, des technologies parfois dangereuses, parfois hypothétiques, souvent les deux, répondront-elles à ces différents défis ? Nul besoin de modifier radicalement le système économique pour continuer à vivre sur une planète viable, retient-on des discours politiques.
La planète terre se dirige vers une pente dangereuse pour les êtres humains qui y vivent, et cette pente ne nous affecte pas tous de la même façon. Nous avons choisi d’analyser les différents périls qui nous menacent, sous l’angle critique de la dette écologique
Dette écologique
La dette écologique est la dette contractée par les pays industrialisés envers les autres pays à cause des spoliations passées et présentes de leurs ressources naturelles, auxquelles s’ajoutent la délocalisation des dégradations et la libre disposition de la planète afin d’y déposer les déchets de l’industrialisation.
La dette écologique trouve son origine à l’époque coloniale et n’a cessé d’augmenter à travers diverses activités :
La « dette du carbone ». C’est la dette accumulée en raison de la pollution atmosphérique disproportionnée due aux grandes émissions de gaz de certains pays industriels, avec, à la clé, la détérioration de la couche d’ozone et l’augmentation de l’effet de serre.
La « biopiraterie ». C’est l’appropriation intellectuelle des connaissances ancestrales sur les semences et sur l’utilisation des plantes médicinales et d’autres végétaux par l’agro-industrie moderne et les laboratoires des pays industrialisés qui, comble de l’usurpation, perçoivent des royalties sur ces connaissances.
Les « passifs environnementaux ». C’est la dette due au titre de l’exploitation sous-rémunérée des ressources naturelles, grevant de surcroît les possibilités de développement des peuples lésés : pétrole, minéraux, ressources forestières, marines et génétiques.
L’exportation vers les pays les plus pauvres de produits dangereux fabriqués dans les pays industriels.
Dette écologique et dette extérieure sont indissociables. L’obligation de payer la dette extérieure et ses intérêts impose aux pays débiteurs de réaliser un excédent monétaire. Cet excédent provient pour une part d’une amélioration effective de la productivité et, pour une autre part, de l’appauvrissement des populations de ces pays et de l’abus de la nature. La détérioration des termes de l’échange accentue le processus : les pays les plus endettés exportent de plus en plus pour obtenir les mêmes maigres recettes tout en aggravant mécaniquement la pression sur les ressources naturelles.
. Elle est la somme des externalités négatives, conséquences de ces pillages qui s’accumulent - tel le stock de CO2 dans l’atmosphère – mais qui ne sont jamais compensées ni, au minimum, prises en compte par les responsables.
Bien qu’enthousiasmants et pleins de bonne volonté, certains mouvements refusant le capitalisme vert font souvent l’apologie des initiatives locales sans recul critique et désertent la lutte politique et le terrain macroéconomique. Face au manque d’horizon réjouissant sur l’évolution du climat, de la biodiversité, de l’accès aux ressources et par dessus tout de démocratie et de redistribution des richesses, les tentations sont fortes de se détourner des luttes collectives pour se consacrer aux initiatives individuelles, rafraîchissantes et nécessaires, mais insuffisantes pour peser sur l’avancement de la mégamachine. Comme l’écrit Alexandre Penasse, « l’écologie sans conscience de classe, c’est l’équivalent d’une écologie sans écologie » [2].
Refuser le système dette et tous les dégâts qu’il entraîne sur la nature et les populations, est une étape indispensable pour passer à un système social et économique basé sur la satisfaction des droits humains et le respect de la nature. Accepter la domination des créanciers, l’imposition de politiques d’austérité et les traités de libre-échange, au Nord comme au Sud, ne peut que mener vers la destruction de l’humain et de l’environnement.
Comme le dit le manifeste écologique de Nuit Debout, « l’écologie est une voie pour reconstruire une société non seulement vivable, mais plus juste ».
La domination de l’extractivisme, à quoi ça ressemble, concrètement ? Un système qui autorise par exemple un complexe minier (Yanachocha au Pérou) à pomper jusqu’à 900 litres d’eau par seconde, trois à quatre fois plus que ce qui est destiné à la population de la capitale régionale (Cajamarca). Cela pour arroser des terrils gigantesques de roches aurifères avec une solution de cyanure. Là-bas, il faut extraire et broyer une tonne de roche pour obtenir un gramme d’or (voir Code barre et nouveau monde). Dans l’article Oui à la vie, non à la mine, Lucile Daumas témoigne d’une réelle convergence des luttes entre villageois, paysans et universitaires.
L’entretien avec Matthieu Auzanneau [3] montre à quel point la dépendance de nos sociétés au pétrole risque de nous (re)plonger dans des crises systémiques aux effets imprévus et incommensurables.
Seules les luttes et les résistances des peuples, par leur prise de conscience des catastrophes naturelles et de l’effondrement programmés, pourront faire obstacle à cette fuite en avant des junkies du profit qui « pilotent » notre monde.
Parmi les alternatives mises en avant par le CADTM, les réparations sont méconnues du grand public mais représentent pourtant un réel espoir pour les populations spoliées. Dans son article, Claude Quémar mentionne notamment l’initiative de la Caricom (Caribean Community). En cas de refus de la France, de la Grande Bretagne et des Pays-bas de négocier une compensation économique pour les dommages causés aux pays de la région, la Caricom menace de « porter le dossier devant la Cour internationale de justice. D’ores et déjà, le cabinet d’avocats britannique Leigh Day & Co a été choisi comme conseil. C’est ce même cabinet qui avait contraint Londres, en juin 2013, à présenter ses ’’regrets’’ et à indemniser les descendants et les rares survivants des quelques 5.000 rebelles de la guérilla Mau Mau torturés par les troupes britanniques au Kenya dans les années 1950. » [4]
Si vous voulez en savoir plus, abonnez-vous aux Autres voix de la Planète, vous recevrez cette revue, aux textes et images percutants, qui contient des réflexions globales sur la dette écologique, tant en Inde qu’au Maroc, en Grèce ou au Brésil, des analyses sur l’extractivisme, sur le lien entre ces deux notions et les migrations, sur les différents modèles de développement, sur l’effondrement, les expériences concrètes de luttes, et les alternatives.
Vous recevrez ensuite chaque trimestre les prochaines parutions : Comment répondre aux questions qui piquent sur la dette et l’austérité ?, le DVD du film Dexia. Démocratie Confisquée, un livre exhaustif sur les alternatives d’Olivier Bonfond, et le prochain AVP sur la dette sociale.
[1] Voir ce rapport datant de 2003 : Qui doit à qui ?
[2] Le spectacle de Demain... journal Kairos
[3] Du pétrole dans les crises économiques, Dette écologique et extractivisme, Les autres voix de la planète, 2e trimestre 2016, p 18. Voir aussi : http://petrole.blog.lemonde.fr/
[4] Claude Quémar, Quelles réparations ?, Dette écologique et Extractivisme, Les autres voix de la planète, 2e trimestre 2016, p 87
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