Presse internationale
19 janvier 2007 par Jean-Pierre Mbelu
Pendant que l’attention de moult Congolais(es) est tournée vers la formation du premier gouvernement de la troisième République et vers la critique de sa taille, sous d’autres cieux, la question de « la deuxième révolution industrielle » au Congo est inscrite à l’ordre du jour des débats et colloques. Pauvres Congolais(es), quand la navigation à vue nous tient ! A l’Université de Liège, en Belgique, « un colloque consacré aux perspectives de partenariat entre la Belgique et le Congo dans le domaine minier (...) a rassemblé plus de 200 personnes, soit le double de l’assistance initialement prévue ». (Le carnet de C. Braeckman : Le Congo vers une deuxième révolution industrielle, dans Congoforum du 16/01/07) Donc, pendant que chez nous, nous discutons sur la taille du gouvernement de Gizenga, de l’installation des assemblées provinciales et de l’élection des gouverneurs et des sénateurs, ailleurs,en Belgique, la mise en pratique du Code minier imposé par la Banque mondiale
Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.
En 2022, 189 pays en sont membres.
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à l’Assemblée nationale non élue de la transition ne soulève plus des vagues. Donc, sur base de ce code minier, selon Paul Fortin, « nommé à la tête de la Gécamines par la Banque Mondiale », « la première distribution (des carrés miniers) a été faite (...) » Et « ce que Paul Fortin s’abstient de dire publiquement, c’est qu’en réalité, les moins fiables des partenaires, sous couvert de « prospection » des gisements, ou d’études de faisabilité » sont déjà passés à l’exploitation proprement dite, avec des moyens de fortune (...) ». (Ibidem)
Pendant que nous ne traitons presque tous que d’un seul sujet d’actualité, le gouvernement Gizenga et les assemblées provinciales, les affaires les plus juteuses continuent leur petit bonhomme de chemin chez nous avec la bénédiction des institutions de Bretton-Woods et sous « l’hégémonie bienveillante » de notre ex-métropole.
HYPOTHETIQUE REVISION DES CONTRATS LEONINS
Cette façon d’agir n’est pas de nature à garantir la révision des contrats léonins demain. Pourquoi ? « Depuis la chute du mur de Berlin, l’effondrement des régimes communistes et la démoralisation du socialisme, l’arrogance, la morgue et l’insolence du nouvel Evangile (de la pensée unique) ont atteint un tel degré qu’on peut, sans exagérer, qualifier cette fureur idéologique de moderne dogmatisme. » (I. RAMONET, La pensée unique, dans Manière de voir n° 74, Bimensuel d’ Avril-Mai 2004, p. 61) Et quels sont ses supports ? Ignacio Ramonet estime que ce sont les Institutions Financières Internationales telles que la Banque mondiale, le Fonds monétaire international
FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.
À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).
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, la Banque de France, etc.
Qu’une Université comme celle de Liège organise un Colloque où ses IFI sont représentées, et qu’un grand média belge comme le Soir en fasse écho à travers « sa spécialiste de l’Afrique des Grands Lacs », cela ajoute de l’eau au moulin d’Ignacio Ramonet quand il écrit : « Un peu partout, des facultés de sciences économiques, des journalistes, des essayistes, des hommes politiques, enfin, reprennent les principaux commandements de ces nouvelles tables de la loi et, par le relais des grands médias de masse, les répètent à satiété. » (Ibidem) Parmi les principes du Nouvel Evangile de la pensée unique, il y a celui qui prône la prépondérance de l’économique sur le politique. Depuis les années 1970, la prolifération des sociétés multinationales est venue confirmer ce principe. Et « même les gouvernements impérialistes les plus puissants sont incapables de faire respecter leurs décisions par les sociétés multinationales, lorsque celles-là heurtent de front les intérêts stratégiques de celles-ci. » (E. MENDEL, L’ère des multinationales, dans op.cit., p.50) Donc, ceux et celles d’entre nous qui croient facilement en la révision des contrats léonins peuvent déjà désenchanter. Ces contrats ne seront jamais revus avec des politiques coptés par les IFI. (La lutte devrait diversifier les lieux où elle doit être menée.)
Réfléchissons un peu. Quand les codes miner et forestier sont imposés par la Banque mondiale aux députés non élus de l’Assemblée nationale de la transition, l’actuel président de la République et certains membres influents de l’AMP étaient aux affaires. Ils ont avalisé cette imposition. Ils ont accepté que la Banque mondiale assure le salaire à celui qu’elle avait nommé à la tête de la Gécamines, Paul Fortin. Disons que la transition a permis aux IFI de violer, avec la complicité de nos frères et sœurs revenus aux affaires politiques, notre souveraineté au nom de l’argent, en nommant un dirigeant (étranger) à la tête d’une entreprise congolaise à vocation publique. Et comme ces IFI sont « les sources principales » de la pensée unique, c’est-à-dire de la « traduction en termes idéologiques à prétention universelle des intérêts d’un ensemble de forces économiques, celles, en particulier, du capital international » (représenté par les multinationales), en laissant la Banque mondiale orienter la gestion de la Gécamines (et la Miba), le Congo a été intégré dans l’économie mondialisée de la prédation.
Compter sur les alliés de ceux et celles qui ont participé (hier) de cette intégration dans la pensée unique du libre-échangisme pour sortir le pays du pétrin est un non-sens. La distraction créée à l’Est avec les invasions à répétition de la milice de Nkunda sur le territoire national, l’insécurité entretenue sur toute l’étendue du pays, la mascarade électorale qui traîne à parachever « le partage du gâteau », etc. sont autant des signes qui ne trompent pas. Toutes ces distractions servent (aussi) à détourner les plus éveillés d’entre nous de l’une de leurs tâches les plus urgentes : « Penser l’avenir de notre pays sous les angles politique, économique, social, spirituel et culturel et dans leur influence réciproque en vue d’un réarmement mental et de l’imaginaire indispensable à une sage et prudente refondation de la troisième République. » Nous ne le dirons jamais assez ; jusqu’à preuve du contraire, le salut du Congo ne viendra pas d’un processus de son intégration dans l’économie mondialisée de la prédation avec les mêmes acteurs politiques, les mêmes réseaux d’affaires...
NOUS TOURNER VERS NAIROBI
A partir du 21 janvier, un Forum Social Mondial s’ouvre à Nairobi. Il est encourageant d’apprendre qu’un Arnaud Zacharie (CNCD Belgique), qu’un Victor Nzuzi (NAD RDC), qu’une Christine Vanden Daelen (CADTM Belgique), qu’un Eric Toussaint (CADTM Belgique) ou qu’un Luc Mukendi (CADTM Lubumbashi) vont participer à ce Forum et que l’ « audit de la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
du Sud (présentation du manuel de l’audit) et procès contre la BM (banque mondiale) : le cas de la RDC » est un point inscrit à l’ordre du jour. Ces « spécialistes de la dette odieuse
Dette odieuse
Selon la doctrine, pour qu’une dette soit odieuse, et donc nulle, elle doit remplir deux conditions :
1) Elle doit avoir été contractée contre les intérêts de la Nation, ou contre les intérêts du Peuple, ou contre les intérêts de l’État.
2) Les créanciers ne peuvent pas démontrer qu’ils ne pouvaient pas savoir que la dette avait été contractée contre les intérêts de la Nation.
Il faut souligner que selon la doctrine de la dette odieuse, la nature du régime ou du gouvernement qui la contracte n’est pas particulièrement importante, puisque ce qui compte, c’est l’utilisation qui est faite de cette dette. Si un gouvernement démocratique s’endette contre l’intérêt de la population, cette dette peut être qualifiée d’odieuse, si elle remplit également la deuxième condition. Par conséquent, contrairement à une version erronée de cette doctrine, la dette odieuse ne concerne pas seulement les régimes dictatoriaux.
(voir : Eric Toussaint, « La Dette odieuse selon Alexander Sack et selon le CADTM » ).
Le père de la doctrine de la dette odieuse, Alexander Nahum Sack, dit clairement que les dettes odieuses peuvent être attribuées à un gouvernement régulier. Sack considère qu’une dette régulièrement contractée par un gouvernement régulier peut être considérée comme incontestablement odieuse... si les deux critères ci-dessus sont remplis.
Il ajoute : « Ces deux points établis, c’est aux créanciers que reviendrait la charge de prouver que les fonds produits par lesdits emprunts avaient été en fait utilisés non pour des besoins odieux, nuisibles à la population de tout ou partie de l’État, mais pour des besoins généraux ou spéciaux de cet État, qui n’offrent pas un caractère odieux ».
Sack a défini un gouvernement régulier comme suit :
« On doit considérer comme gouvernement régulier le pouvoir suprême qui existe effectivement dans les limites d’un territoire déterminé. Que ce pouvoir soit monarchique (absolu ou limité) ou républicain ; qu’il procède de la « grâce de Dieu » ou de la « volonté du peuple » ; qu’il exprime la « volonté du peuple » ou non, du peuple entier ou seulement d’une partie de celui-ci ; qu’il ait été établi légalement ou non, etc., tout cela n’a pas d’importance pour le problème qui nous occupe. »
Donc, il n’y a pas de doute à avoir sur la position de Sack, tous les gouvernements réguliers, qu’ils soient despotiques ou démocratiques, sous différentes variantes, sont susceptibles de contracter des dettes odieuses.
du Congo » constituent « une minorité engagée » avec laquelle d’autres minorités belges et congolaises éprises du bonheur partagé pour nos deux peuples devraient davantage travailler. Par leurs méthodes de travail et leur engagement dans les sociétés civiles belge et congolaise, ils paraissent beaucoup « plus vrais » que leurs compatriotes soucieux d’une « deuxième révolution industrielle » du Congo sans que les comptes sur « la première » aient été rendus à nos deux peuples. Ces « spécialistes de la dette odieuse » du Congo, par l’éthicité de leur engagement, inspirent confiance. Ils auront initié « un interstice » capable de promouvoir, sur le temps, un bonheur partagé pour nos deux peuples.
En pensant à ces « spécialistes de la dette odieuse » du Congo qui seront présents au Forum de Nairobi et en relisant l’article de Colette Braeckman, il y a lieu de faire les constats suivants :
nous avons d’une part, des compatriotes soucieux de marquer un arrêt pour examiner l’usage fait de « l’aide octroyée » au Congo depuis Mobutu jusqu’à nos jours (avec l’appui des IFI) et d’autre part, des affairistes profitant du pouvoir discrétionnaire de ces mêmes IFI sur nos gouvernants actuels pour faire fortune sur le dos des Congolais(es) ;
nous avons, d’une part, des compatriotes récusant le rôle néfaste des IFI dans la gestion des économies du Sud et, d’autre part, des inconditionnels de ces IFI dont les intérêts privés et partisans l’emportent sur toute considération patriotique, nationaliste et même humanisante.
A ce point nommé, Colette Braeckman a raison quand elle écrit : « Clairement, la relance du secteur minier congolais dépasse la question purement économique : elle est aussi sociale, donc politique. » (cfr Le Carnet cité). Elle n’ajoute malheureusement pas ceci : « Une relance du secteur minier congolais faite dans la précipitation, sans un examen sérieux des autres relances antérieures et de la nature du contrat (minier) la possibilisant ne peut mener à rien de bon pour les franges importantes des populations congolaises. » Elle peut cacher une ruse dans la reconduction des usages, des méthodes et des procédures ayant fait du Congo la vache laitière de tous les prédateurs du monde et « une malédiction pour un grand nombre de ses filles et fils », avec la complicité de ses autres filles et fils.
Tournons-nous vers Nairobi ; il se pourrait que la capitale du Kenya inaugure une autre ère favorable aux « ascètes du provisoire », « aux empêcheurs de penser en rond », aux « veilleurs-protecteurs » de la mémoire historique des peuples congolais et belge pour un autre devenir commun. Le Forum Social Mondial du Kenya, dans le prolongement de tous ceux qui l’ont précédé, constitue l’un de ces « interstices » d’où pourra naître une autre humanité...Il n’y a vraiment pas, à quelques exceptions près, grand-chose à attendre des politiques du Nord et du Sud, transmutés, par la magie des multinationales et des intérêts égoïstes et partisans, en « petites mains du capital », « en hommes et femmes de l’économie ».
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