Atelier décroissance à Budapest
4 février 2015 par Nicolas Sersiron
Le texte qui suit est la retranscription de l’intervention de Nicolas Sersiron, président du CADTM France et auteur de « Dette et Extractivisme » lors de l’atelier international sur la décroissance tenu à Budapest en janvier 2015 (voir encadré).
Historiquement le capitalisme européen s’est développé par le pillage des ressources naturelles et humaines (conquêtes territoriales, commerce triangulaire, traite atlantique, esclavage). Il a débuté avec la conquête des Amériques.
La fin de l’esclavage au milieu du 19e siècle coïncide avec la conquête de presque tous les continents par les Européens. Cette accroissement des pillages, et la souffrance des travailleurs des pays colonisés, ont été légitimées par et pour le développement des nouvelles industries et compagnies commerciales nées avec la révolution industrielle. Au moment de la ruée vers l’Afrique, c’est la conférence de Berlin de 1885 qui a organisé son dépeçage.
Alors que la seconde guerre mondiale marque la fin de la colonisation, la domination américaine apporte la société de consommation dans les pays de la Triade Triade Les expressions « Triade » et « triadique » sont dues à K. Ohmae (1985). Elles ont été utilisées d’abord par les business schools et le journalisme économique, avant d’être adoptées très largement. Les trois pôles de la Triade désignent les États-Unis, l’Union européenne et le Japon, mais autour de ces pôles se forment des associations un peu plus larges. Selon Ohmae, le seul espoir d’un pays en développement - il faut y ajouter désormais les anciens pays dits socialistes - est de se hisser au statut de membre associé, même périphérique, d’un des trois « pôles ». Cela vaut également pour les nouveaux pays industrialisés (NPI) d’Asie, qui ont été intégrés par étapes, avec notamment des différences de pays à pays, dans le pôle dominé par le Japon (Chesnais, 1997, p. 85-86). (Amérique du Nord, Japon, Europe occidentale). Ce qui en retour crée un besoin accru de ressources naturelles.
Comment le vol des richesses des pays nouvellement indépendants par les pays industrialisés a-t-il pu se poursuivre ? Pour assurer la continuité et même augmenter l’extractivisme
Extractivisme
Modèle de développement basé sur l’exploitation des ressources naturelles, humaines et financières, guidé par la croyance en une nécessaire croissance économique.
, défini ici comme le pillage des ressources naturelles (végétales, minérales, fossiles) et des ressources humaines, un nouveau type de pillage a été mis en place, celui des ressources financières. La dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
illégitime, odieuse ou illégale est un levier du pillage des ressources naturelles d’un pays et en même temps une forme de pillage : celui des ressources financières.
Pour un pays comme pour une entreprise s’endetter est un pari sur le futur. S’il n’y a pas de croissance du PIB
PIB
Produit intérieur brut
Le PIB traduit la richesse totale produite sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées.
Le Produit intérieur brut est un agrégat économique qui mesure la production totale sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées. Cette mesure est notoirement incomplète ; elle ne tient pas compte, par exemple, de toutes les activités qui ne font pas l’objet d’un échange marchand. On appelle croissance économique la variation du PIB d’une période à l’autre.
ou du chiffre d’affaires, le remboursement devient impossible et le montant de la dette explose. La dette est fondamentale pour le développement du capitalisme car elle impose de produire toujours plus. Elle est un accélérateur de l’extractivisme à la base de l’accumulation capitaliste et aussi un moyen de s’approprier les bénéfices de la croissance des autres pays, particulièrement ceux de la périphérie.
Dans le Sud, la dette est aussi un moyen de corrompre l’élite dirigeante locale. Les services secrets du Nord ont assassiné les véritables démocrates comme Lumumba, Sankara et Allende, ou démis d’autres comme Mossadegh, Soekarno, etc. Ils les ont remplacés par des dirigeants corruptibles tels que Mobutu, Compaore, Pinochet, Reza Shah, Suharto par exemple. Ils ont contraint des peuples à rembourser des dettes dont ils ne sont pas les bénéficiaires mais bien au contraire les victimes : un pillage des ressources humaines et financières.
Les ressources sont exportées en échange de devises, elles-mêmes exportées pour payer les intérêts de la dette
La dette ruine les pays dits “en développement” par un système à double détente : en premier les ressources sont exportées à l’état brut en échange de devises étrangères, ensuite, une grande partie de ces devises sont elles aussi exportées pour payer les intérêts de la dette. Au cours de la grande crise de la dette des années 80, le FMI
FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.
À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).
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a beaucoup prêté aux pays en développement. Mais la réalité est que le Sud a aidé les riches à devenir de plus en plus riches en transférant plus de dollars vers les marchés financiers
Marchés financiers
Marché financier
Marché des capitaux à long terme. Il comprend un marché primaire, celui des émissions et un marché secondaire, celui de la revente. À côté des marchés réglementés, on trouve les marchés de gré à gré qui ne sont pas tenus de satisfaire à des conditions minimales.
du Nord qu’ils en ont reçu. C’est la magie du système dette.
Ayant perdu les emplois et les bénéfices financiers - qui auraient résulté de la transformation des ressources naturelles localement - au profit des pays industrialisés, les pays en développement ont été poussés à augmenter leurs exportations de ressources à l’état brut. De plus, pour bénéficier de nouveaux prêts du FMI et de la Banque mondiale
Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.
En 2022, 189 pays en sont membres.
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pour l’éducation, la santé, les infrastructures, etc, ils ont été contraints d’appliquer les plans d’ajustement structurel, les plans d’austérité en pire.
Les pays socialistes comme le Venezuela, la Bolivie et l’Equateur pratiquent un néo-extractivisme. Ils se sont réappropriés leurs ressources naturelles en reprenant leurs puits et mines aux multinationales. Mais ils restent engagés dans un système économique dépendant de la croissance aussi bien du prix des ressources naturelles exportées que de celle du PIB des pays industrialisés, leurs acheteurs. Ils participent de fait au système du capitalisme mondialisé. L’abandon, par l’Equateur du président Correa, du projet Yasuni qui devait permettre de laisser dans le sous-sol le pétrole de la forêt amazonienne en échange d’une aide compensatoire internationale, le montre clairement. L’environnement et le climat ne sont pas les priorités de Correa, comme pour la plupart des pays.
Dans le Nord, le système ultralibéral réduit volontairement la puissance des Etats en diminuant les impôts des plus riches et des entreprises. De plus, il laisse exister les paradis fiscaux
Paradis fiscaux
Paradis fiscal
Territoire caractérisé par les cinq critères (non cumulatifs) suivants :
(a) l’opacité (via le secret bancaire ou un autre mécanisme comme les trusts) ;
(b) une fiscalité très basse, voire une imposition nulle pour les non-résidents ;
(c) des facilités législatives permettant de créer des sociétés écrans, sans aucune obligation pour les non-résidents d’avoir une activité réelle sur le territoire ;
(d) l’absence de coopération avec les administrations fiscales, douanières et/ou judiciaires des autres pays ;
(e) la faiblesse ou l’absence de régulation financière.
La Suisse, la City de Londres et le Luxembourg accueillent la majorité des capitaux placés dans les paradis fiscaux. Il y a bien sûr également les Iles Caïmans, les Iles anglo-normandes, Hong-Kong, et d’autres lieux exotiques. Les détenteurs de fortunes qui veulent échapper au fisc ou ceux qui veulent blanchir des capitaux qui proviennent d’activités criminelles sont directement aidés par les banques qui font « passer » les capitaux par une succession de paradis fiscaux. Les capitaux généralement sont d’abord placés en Suisse, à la City de Londres ou au Luxembourg, transitent ensuite par d’autres paradis fiscaux encore plus opaques afin de compliquer la tâche des autorités qui voudraient suivre leurs traces et finissent par réapparaître la plupart du temps à Genève, Zurich, Berne, Londres ou Luxembourg, d’où ils peuvent se rendre si nécessaires vers d’autres destinations.
et les moyens d’optimisation comme on l’a vu récemment avec les Luxembourg leaks. Les budgets ayant été délibérément mis en déficit depuis 30 ans, “les caisses sont vides”. Ce qui a contraint des Etats à émettre des emprunts obligataires chaque année pour équilibrer les finances publiques. La crise des subprimes
Subprimes
Crédits hypothécaires spéciaux développés à partir du milieu des années 2000, principalement aux États-Unis. Spéciaux car, à l’inverse des crédits « primes », ils sont destinés à des ménages à faibles revenus déjà fortement endettés et étaient donc plus risqués ; ils étaient ainsi également potentiellement plus (« sub ») rentables, avec des taux d’intérêts variables augmentant avec le temps ; la seule garantie reposant généralement sur l’hypothèque, le prêteur se remboursant alors par la vente de la maison en cas de non-remboursement. Ces crédits ont été titrisés - leurs risques ont été « dispersés » dans des produits financiers - et achetés en masse par les grandes banques, qui se sont retrouvées avec une quantité énorme de titres qui ne valaient plus rien lorsque la bulle spéculative immobilière a éclaté fin 2007.
Voir l’outil pédagogique « Le puzzle des subprimes »
a explosé en 2007 à cause de la spéculation
Spéculation
Opération consistant à prendre position sur un marché, souvent à contre-courant, dans l’espoir de dégager un profit.
Activité consistant à rechercher des gains sous forme de plus-value en pariant sur la valeur future des biens et des actifs financiers ou monétaires. La spéculation génère un divorce entre la sphère financière et la sphère productive. Les marchés des changes constituent le principal lieu de spéculation.
immobilière et de la titrisation
Titrisation
Technique financière qui permet à une banque de transformer en titres négociables des actifs illiquides, c’est-à-dire qui ne sont pas (ou pas facilement) vendables. Initialement, cette technique a été utilisée par les établissements de crédit dans le but de refinancer une partie de leurs prêts à la clientèle. Les prêts sont cédés à un véhicule juridique qui émet en contrepartie des titres (généralement des obligations) placés sur les marchés financiers. Avec la titrisation, les risques afférents à ces crédits sont transférés des banques aux acheteurs. Cette pratique s’étend aujourd’hui à d’autres types d’actifs et d’acteurs (portefeuilles d’assurances, immobilier, créances commerciales).
(extrait de Adda, p. 101, t. 1, 1996, p. 101-102)
Cette notion décrit la prépondérance nouvelle des émissions de titres (obligations internationales classiques émises pour le compte d’un emprunteur étranger sur la place financière et dans la monnaie du pays prêteur, euro-obligations libellées dans une monnaie différente de celle de la place où elles sont émises, actions internationales) dans l’activité des marchés. A quoi s’ajoute la transformation d’anciennes créances bancaires en titres négociables, technique qui a permis aux banques d’accélérer leur désengagement à l’égard des pays en voie de développement après l’irruption de la crise de la dette.
La caractéristique principale de cette logique de titrisation est la diffusion du risque qu’elle permet. Diffusion numérique tout d’abord, puisque le risque de défaut des emprunteurs cesse d’être concentré sur un petit nombre de banques transnationales en relation étroites les unes avec les autres. Diffusion qualitative ensuite, puisque chacune des composantes du risque afférent à un titre particulier peut donner lieu à la création d’instruments spécifiques de protection négociables sur un marché : contrats à terme pour se prémunir du risque de change, contrats de taux d’intérêt pour faire face au risque de variation des taux, marchés d’option négociables, etc. Cette prolifération des instruments financiers et des marchés dérivés donne aux marchés internationaux l’allure d’une foire aux risques, selon l’expression de Charles Goldfinger.
faite par les banques. Or ce sont ces dernières qui ont été secourues par les gouvernements, et les peuples qui en ont subi les conséquences : les politiques d’austérité.
Coupe dans les dépenses, réduction des services publics, privatisations, augmentation des impôts, croissance à tout prix au nom de la lutte contre le chômage sont devenus le TINA de tous les gouvernements européens. Le paiement des intérêts de la dette accapare 15 % du budget français chaque année. Par contre rentes, loyers, dividendes versés aux détenteurs de capitaux ne sont jamais mis à contribution. Comme une litanie, revient incessamment la baisse des salaires au nom de la compétitivité.
Le niveau de la dette est-il légitime ou la conséquence du sauvetage des banques et de l’économie ?
Il est essentiel pour la population de faire un audit citoyen des ressources financières de l’Etat. Qui paie des impôts ? Les plus riches paient-ils selon leur revenu ? Existe-t-il un impôt sur le capital ? Quel est le niveau de la TVA, ce terrible impôt indirect frappant très durement les moins riches ? Quelles sont les actions
Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
engagées par le gouvernement pour lutter contre les paradis fiscaux ? Quel est le pourcentage du budget dédié au service de la dette ? La France verse chaque année 45 milliards d’euros. Le niveau de la dette - près de 100 % du PIB - est-il légitime ou seulement la conséquence du sauvetage des banques et de l’économie ? En 2014 un rapport indépendant écrit par des économistes alternatifs et des ONG a conclu que 59 % de la dette était illégitime. Quand la grande majorité de la population n’a aucunement profité d’un emprunt, elle ne doit pas rembourser, elle n’est pas responsable de la dette.
De l’autre côté, l’audit des dépenses de l’Etat est lui aussi crucial. Ont elles été faites pour l’éducation, la santé, etc, ou dans des investissements inutiles ? Les “éléphants blancs
Éléphant blanc
éléphants blancs
L’expression « éléphant blanc » désigne un mégaprojet, souvent d’infrastructure, qui amène plus de coûts que de bénéfices à la collectivité.
Pour la petite histoire, la métaphore de l’éléphant blanc provient de la tradition des princes indiens qui s’offraient ce cadeau somptueux. Cadeau empoisonné, puisqu’il entraînait de nombreux coûts et qu’il était proscrit de le faire travailler. Ce terme est généralement utilisé pour désigner des mégaprojets développés dans les pays du Sud.
” comme les grands stades de football construits au Brésil pour un seul championnat ou les aéroports vides en Espagne créent de la dette publique. Ainsi de nombreux investissements ne sont pas faits dans l’intérêt général mais pour le profit des entreprises de bâtiments et travaux publics : dans l’intérêt du 1 %.
Pourquoi le traité de Lisbonne interdit-il à un Etat européen de prêter à un autre Etat ? Est-il normal que la Grèce soit contrainte d’emprunter à une banque privée avec un intérêt de 4 à 10% tandis que la même banque emprunte à la BCE
BCE
Banque centrale européenne
La Banque centrale européenne est une institution européenne basée à Francfort, créée en 1998. Les pays de la zone euro lui ont transféré leurs compétences en matières monétaires et son rôle officiel est d’assurer la stabilité des prix (lutter contre l’inflation) dans la dite zone.
Ses trois organes de décision (le conseil des gouverneurs, le directoire et le conseil général) sont tous composés de gouverneurs de banques centrales des pays membres et/ou de spécialistes « reconnus ». Ses statuts la veulent « indépendante » politiquement mais elle est directement influencée par le monde financier.
à 0,05 %. Comment comprendre que la dette de la Grèce était à 115% du PIB en 2009 et qu’après 5 ans de “sauvetage” par la Troïka elle soit à 175%. Que pendant cette période les Grecs ont perdu plus de 30 % de leurs revenus et que le chômage des jeunes est de 60 % ? La moitié de la dette grecque était due à des banques françaises et allemandes au début de la crise. Maintenant, après le “sauvetage”, la BCE en détient une partie, une autre est détenue par les pays européens les plus riches - à travers le mécanisme de stabilité de discipline financière, européen, le MES - c’est à dire par les citoyens. Les banques se sont libérées de leurs dettes risquées sur le dos des contribuables.
Nous ne devons pas oublier qu’après la seconde guerre mondiale, la France et l’Allemagne étaient endettées à hauteur de 200 % du PIB. Les alliés ont alors décidé que les remboursements de l’Allemagne ne devaient pas dépasser 5 % de la valeur de ses exportations. Quant à la France après une dizaine d’années de forte inflation
Inflation
Hausse cumulative de l’ensemble des prix (par exemple, une hausse du prix du pétrole, entraînant à terme un réajustement des salaires à la hausse, puis la hausse d’autres prix, etc.). L’inflation implique une perte de valeur de l’argent puisqu’au fil du temps, il faut un montant supérieur pour se procurer une marchandise donnée. Les politiques néolibérales cherchent en priorité à combattre l’inflation pour cette raison.
sa dette était retombée à 30 %.
La grande presse et les politiciens disent que croissance et compétitivité sont indispensables pour lutter contre le chômage. Est-ce vrai et que cela signifie-t-il ? Nous savons que les profits capitalistes sont impossibles sans croissance. Croissance veut dire plus de pillage des ressources naturelles, plus de commerce international et de transports pour produire plus de biens de consommation - avec obsolescence programmée - responsables de destructions environnementales et de réchauffement climatique. De même l’accroissement de la compétitivité entraine plus de pauvreté pour un grand nombre de personnes dans les pays en développement ou dans ceux de la périphérie, y compris dans les pays industrialisés, mais de tout cela les détenteurs de capitaux n’en ont cure.
Aux Etats-Unis et en Europe, à cause des politiques mises en place par les gouvernements Reagan et Thatcher durant les années 80 et suivantes, une importante partie de la plus-value
Plus-value
La plus-value est la différence entre la valeur nouvellement produite par la force de travail et la valeur propre de cette force de travail, c’est-à-dire la différence entre la valeur nouvellement produite par le travailleur ou la travailleuse et les coûts de reproduction de la force de travail.
La plus-value, c’est-à-dire la somme totale des revenus de la classe possédante (profits + intérêts + rente foncière) est donc une déduction (un résidu) du produit social, une fois assurée la reproduction de la force de travail, une fois couverts ses frais d’entretien. Elle n’est donc rien d’autre que la forme monétaire du surproduit social, qui constitue la part des classes possédantes dans la répartition du produit social de toute société de classe : les revenus des maîtres d’esclaves dans une société esclavagiste ; la rente foncière féodale dans une société féodale ; le tribut dans le mode de production tributaire, etc.
Le salarié et la salariée, le prolétaire et la prolétaire, ne vendent pas « du travail », mais leur force de travail, leur capacité de production. C’est cette force de travail que la société bourgeoise transforme en marchandise. Elle a donc sa valeur propre, donnée objective comme la valeur de toute autre marchandise : ses propres coûts de production, ses propres frais de reproduction. Comme toute marchandise, elle a une utilité (valeur d’usage) pour son acheteur, utilité qui est la pré-condition de sa vente, mais qui ne détermine point le prix (la valeur) de la marchandise vendue.
Or l’utilité, la valeur d’usage, de la force de travail pour son acheteur, le capitaliste, c’est justement celle de produire de la valeur, puisque, par définition, tout travail en société marchande ajoute de la valeur à la valeur des machines et des matières premières auxquelles il s’applique. Tout salarié produit donc de la « valeur ajoutée ». Mais comme le capitaliste paye un salaire à l’ouvrier et à l’ouvrière - le salaire qui représente le coût de reproduction de la force de travail -, il n’achètera cette force de travail que si « la valeur ajoutée » par l’ouvrier ou l’ouvrière dépasse la valeur de la force de travail elle-même. Cette fraction de la valeur nouvellement produite par le salarié, Marx l’appelle plus-value.
La découverte de la plus-value comme catégorie fondamentale de la société bourgeoise et de son mode de production, ainsi que l’explication de sa nature (résultat du surtravail, du travail non compensé, non rémunéré, fourni par le salarié) et de ses origines (obligation économique pour le ou la prolétaire de vendre sa force de travail comme marchandise au capitaliste) représente l’apport principal de Marx à la science économique et aux sciences sociales en général. Mais elle constitue elle-même l’application de la théorie perfectionnée de la valeur-travail d’Adam Smith et de David Ricardo au cas spécifique d’une marchandise particulière, la force de travail (Mandel, 1986, p. 14).
produite a été gagnée par les détenteurs de capitaux et perdue par les travailleurs. Ces derniers n’ont pu maintenir leur niveau de vie qu’en s’endettant. En 2007, quand la crise a débuté avec l’écroulement de l’immobilier, les Etats-uniens étaient endettés en moyenne de 140 % de leur revenu annuel.
Aujourd’hui, au Sud comme au Nord , croissance économique et augmentation des profits sont liés au système dette. Pour sortir de cette dynamique et aller vers une société post-extractiviste et post-consumériste, l’annulation des dettes illégitimes est absolument nécessaire mais insuffisante.
L’agriculture productiviste est un crime contre l’humanité et tous les êtres vivants
Pour la décroissance, une question très importante est celle de l’alimentation et de l’agriculture productiviste. Cette dernière est un crime contre l’humanité et tous les êtres vivants, mais elle est en plus une cause majeure du réchauffement climatique, de la perte de biodiversité végétale et animale, de la dégradation de la fertilité des sols, de la faim et de la perte des semences paysannes. Ce qui pourrait conduire à une famine globale, d’une gravité inconnue. L’agriculture productiviste est aussi responsable de la perte d’autonomie alimentaire des peuples, de la disparition des petits paysans, des savoir-faire pour la préparation des aliments à la maison. Elle est en plus une cause de la dégradation de la santé publique et des déficits des systèmes de sécurité sociale.
Les producteurs de pesticides sont des pollueurs payés indirectement par les subventions de la PAC qui alourdissent la dette publique. De plus les déficits causés par les maladies contraignent la sécurité sociale publique à emprunter sur le marché des capitaux privés. Dans les pays industrialisés, les maladies sont à 80 % des affections de longues durées. D’origines environnementales elles ont pour principale cause les pesticides et autres pollutions. La surproduction agricole a créé une abondance d’aliments de mauvaise qualité et de la malnutrition pour tous. Un tiers de la population mondiale est en surpoids ou obèse tandis qu’un autre tiers ne mange pas suffisamment pour avoir une vie active.
Cette agriculture ne peut fonctionner qu’en extrayant de la potasse, du phosphate et du pétrole, en utilisant 70 % de l’eau douce qu’elle rejette polluée et en extrayant la MOS, la matière organique des sols, jusqu’à générer des désertifications. Elle est aussi responsable d’une part importante du chômage. En France, depuis 1945, près de 10 millions d’emplois agricoles ont disparu. Selon l’association GRAIN, l’accaparement des terres, par la finance spéculative internationale, représente environ 200 millions d’hectares. Les terres accaparées, dans les pays en développement ou dans les pays de l’Europe de l’Est, ont été soumises à une production industrielle d’agrocarburants et d’aliments pour le bétail exportés vers les pays industrialisés.
En plus de l’annulation des dettes illégitimes, une diminution conséquente de la consommation de viande et l’abandon de l’agriculture industrielle et chimique sont les décroissances les plus importantes à réaliser car leur impact sur le climat, la santé et la faim seront considérables.
Atelier international sur la décroissance - BUDAPEST, janvier 2015 Après Ljubljana en 2013, Zagreb en mars, Sofia en mai et Leipzig en septembre 2014, Budapest a accueilli un atelier de 2 jours sur la décroissance dans les pays posts-socialistes les 24 et 25 janvier 2015. Une centaine de personnes, provenant de près de 20 pays différents ont participé aux deux journées d’activité. Au programme : plusieurs ateliers, des discussions, des séances de brainstorming... Les sujets abordés allaient des inégalités à l’économie du don, ou encore le revenu de base, la décroissance comme outil de provocation, la décroissance en pratique, notamment dans les économies post-socialistes, les relations Est-Ouest, etc... Les alternatives concrètes et leur mise en pratique étaient aussi au rendez-vous : nourriture bio, locale et de saison (of course !), cuisine auto-gérée, visite de marchés de producteurs locaux, de boutiques « low tech », d’ateliers de réparations de vélo « do it yourself »... Ces 2 jours ont été un beau moment de rencontre entre des gens aux parcours et aux origines différentes, qui cherchent à partager leurs expériences, et à les connecter à des alternatives et des initiatives locales. Rendez-vous dans un an à Budapest pour un grand festival de la décroissance ! |
Président du CADTM France, auteur du livre « Dette et extractivisme »
Après des études de droit et de sciences politiques, il a été agriculteur-éleveur de montagne pendant dix ans. Dans les années 1990, il s’est investi dans l’association Survie aux côtés de François-Xavier Verschave (Françafrique) puis a créé Échanges non marchands avec Madagascar au début des années 2000. Il a écrit pour ’Le Sarkophage, Les Z’indignés, les Amis de la Terre, CQFD.
Il donne régulièrement des conférences sur la dette.
8 octobre 2021, par Nicolas Sersiron
4 juin 2021, par Nicolas Sersiron
10 février 2021, par CADTM Belgique , Nicolas Sersiron , Sushovan Dhar , Camille Bruneau , Pablo Laixhay , Jonathan Peuch
26 octobre 2020, par Nicolas Sersiron
22 avril 2020, par Nicolas Sersiron
3 septembre 2019, par Nicolas Sersiron
19 mars 2019, par Nicolas Sersiron
24 janvier 2019, par Nicolas Sersiron , Cédric Durand , Nathalie Janson , Charles Gave , Frédéric Taddeï
7 janvier 2019, par Nicolas Sersiron , Aznague Ali
18 décembre 2018, par Nicolas Sersiron