Dette publique : gare à la fausse critique

27 février 2012 par Jean-Denis Gauthier




Dans une tribune publiée le 11 février dernier dans l’hebdomadaire Marianne, « Dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
publique : gare aux leurres ! [1]
 » Henri Sterdyniak et Christophe Ramaux critiquent la revendication d’annulation de dettes publiques. Ne pas rembourser celles-ci serait, dans le cas de la France, renoncer à l’équivalent du budget de l’éducation (90 Mds). L’Etat serait privé d’un moyen de financer les dépenses publiques. Pis encore, une telle revendication légitimerait l’entreprise néolibérale de destruction du modèle social français.

Certes, cette revendication est parfois présentée de manière abrupte, mais n’est-ce pas la présentation que ces auteurs ont choisie pour critiquer cette revendication ? La démarche de ceux qui n’excluent pas la possibilité de répudier la dette publique est moins grossière. Elle commence par un audit citoyen de la dette, afin d’aboutir à la répudiation de la partie identifiée comme illégitime.

On aurait aimé que ces auteurs nous éclairent sur les dangers d’une telle démarche, plutôt que sur ceux qu’un slogan fait courir. Quoiqu’il en soit, ils nous chapitrent sur les raisons de ne pas contester le mode de financement d’un Etat néolibéral que la financiarisation de la dette a placé sous la coupe de ses créanciers. On observera que c’est cet Etat lui-même qui a financiarisé ses finances.

Cependant, pour les auteurs, cette situation n’est pas si terrible. En effet, écrivent-ils, l’Etat « a trouvé facilement à emprunter  ». Mieux encore, « Au total, l’Etat reçoit plus d’argent de l’Agence France Trésor qu’il ne lui verse ». Tout irait donc pour le mieux dans le meilleur monde financier pour les finances publiques. Ces propos n’ont-ils pas de quoi laisser perplexe ?

L’Etat trouvera-t-il toujours, dans l’immortalité que lui prêtent nos auteurs, à emprunter facilement ? N’est-il pas à la merci d’un relèvement des taux directeurs des banques centrales, en particulier de celles dont l’inflation Inflation Hausse cumulative de l’ensemble des prix (par exemple, une hausse du prix du pétrole, entraînant à terme un réajustement des salaires à la hausse, puis la hausse d’autres prix, etc.). L’inflation implique une perte de valeur de l’argent puisqu’au fil du temps, il faut un montant supérieur pour se procurer une marchandise donnée. Les politiques néolibérales cherchent en priorité à combattre l’inflation pour cette raison. est le cauchemar ? Reçoit-il au total plus d’argent qu’il n’en verse, s’il rembourse ses emprunts ? N’est-ce pas l’inverse, comme pour n’importe quel ménage, si l’on totalise le capital et les intérêts ? Reçoit-il vraiment de l’argent de l’AFT et lui en verse-t-il ?

L’Etat emprunterait à lui-même et se rembourserait lui-même ? Les auteurs paraissent avoir perdu le fil de leur pensée. Les marchés qui tiennent l’Etat en laisse ont disparu. Des cimes de l’immortalité, ce détail n’importe pas. Un propos comme « immortel, [l’Etat] n’a pas à rembourser sa dette à une date donnée » laisserait pantois. Et si les marchés eux aussi étaient immortels ?

Il est permis de juger légers les arguments des auteurs pour critiquer l’éventualité même d’une répudiation. Leur conclusion ne débouche-t-elle pas sur une impasse ? Comment, en effet, sortir du néolibéralisme en conservant le mode néolibéral de financement de l’Etat ? Et entre ses lignes, n’est-ce pas la question du bien-fondé de l’audit de la dette publique que leur tribune pose ? Et de la participation citoyenne à cette démarche ?

Sans parler des propositions de contrôle des entreprises financières et de leurs activités ou encore de réforme des institutions financières communautaires.

Pour terminer sur une note positive, en France, le Collectif pour un Audit Citoyen de la dette publique (http://audit-citoyen.org) lancé en octobre 2011 rencontre un écho qui croît de semaine en semaine. Plus de 110 collectifs locaux sont actifs Actif
Actifs
En général, le terme « actif » fait référence à un bien qui possède une valeur réalisable, ou qui peut générer des revenus. Dans le cas contraire, on parle de « passif », c’est-à-dire la partie du bilan composé des ressources dont dispose une entreprise (les capitaux propres apportés par les associés, les provisions pour risques et charges ainsi que les dettes).
. Au cours du processus d’audit, la proposition d’annulation de la dette illégitime gagne du terrain, et on ne peut que s’en réjouir.

Jean-Denis Gauthier – CADTM France


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