Les Autres Voix de la Planète

Dettes aux Suds 2008-2019 : où en est-on ?

16 septembre 2019 par CADTM Belgique


Dans quelques jours sort le nouveau numéro des Autres Voix de la Planète, le trimestriel du CADTM. Cette édition sera dédiée à faire le point sur les dettes des pays du Sud.



La dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
extérieure publique des pays du Sud [1] inquiète. Parmi les préoccupations, sa hausse spectaculaire en l’espace de deux décennies tout autant que les parallèles à dresser avec la situation pré-crise de la dette des pays du Tiers Monde des années 1980.
Au-delà des similitudes, le large recours aux émissions d’obligations Obligations
Obligation
Part d’un emprunt émis par une société ou une collectivité publique. Le détenteur de l’obligation, l’obligataire, a droit à un intérêt et au remboursement du montant souscrit. L’obligation est souvent l’objet de négociations sur le marché secondaire.
pose, lui, un nouveau défi. Avec près d’une dizaine de pays en situation de surendettement et dix-sept en suspension de paiement, la crise de la dette a déjà débuté [2].

En mai 2019, selon le FMI FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.

À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).

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, parmi les pays à faible revenu, 7 sont en situation de surendettement et 24 en position de l’être, soit 37 % d’entre eux. Preuve de l’incapacité (et de l’absence de volonté) des institutions financières internationales (IFI) à répondre efficacement et durablement au surendettement, la moitié de ces 31 pays ont appliqué à la lettre les politiques d’ajustement de l’initiative PPTE PPTE
Pays pauvres très endettés
L’initiative PPTE, mise en place en 1996 et renforcée en septembre 1999, est destinée à alléger la dette des pays très pauvres et très endettés, avec le modeste objectif de la rendre juste soutenable.

Elle se déroule en plusieurs étapes particulièrement exigeantes et complexes.

Tout d’abord, le pays doit mener pendant trois ans des politiques économiques approuvées par le FMI et la Banque mondiale, sous forme de programmes d’ajustement structurel. Il continue alors à recevoir l’aide classique de tous les bailleurs de fonds concernés. Pendant ce temps, il doit adopter un document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP), parfois juste sous une forme intérimaire. À la fin de ces trois années, arrive le point de décision : le FMI analyse le caractère soutenable ou non de l’endettement du pays candidat. Si la valeur nette du ratio stock de la dette extérieure / exportations est supérieure à 150 % après application des mécanismes traditionnels d’allégement de la dette, le pays peut être déclaré éligible. Cependant, les pays à niveau d’exportations élevé (ratio exportations/PIB supérieur à 30 %) sont pénalisés par le choix de ce critère, et on privilégie alors leurs recettes budgétaires plutôt que leurs exportations. Donc si leur endettement est manifestement très élevé malgré un bon recouvrement de l’impôt (recettes budgétaires supérieures à 15 % du PIB, afin d’éviter tout laxisme dans ce domaine), l’objectif retenu est un ratio valeur nette du stock de la dette / recettes budgétaires supérieur à 250 %. Si le pays est déclaré admissible, il bénéficie de premiers allégements de son service de la dette et doit poursuivre avec les politiques agréées par le FMI et la Banque mondiale. La durée de cette période varie entre un et trois ans, selon la vitesse de mise en œuvre des réformes clés convenues au point de décision. À l’issue, arrive le point d’achèvement. L’allégement de la dette devient alors acquis pour le pays.

Le coût de cette initiative est estimé par le FMI en 2019 à 76,2 milliards de dollars, soit environ 2,54 % de la dette extérieure publique du Tiers Monde actuelle. Les PPTE sont au nombre de 39 seulement, dont 33 en Afrique subsaharienne, auxquels il convient d’ajouter l’Afghanistan, la Bolivie, le Guyana, Haïti, le Honduras et le Nicaragua. Au 31 mars 2006, 29 pays avaient atteint le point de décision, et seulement 18 étaient parvenus au point d’achèvement. Au 30 juin 2020, 36 pays ont atteint le point d’achèvement. La Somalie a atteint le point de décision en 2020. L’Érythrée et le Soudan n’ont pas encore atteint le point de décision.

Alors qu’elle devait régler définitivement le problème de la dette de ces 39 pays, cette initiative a tourné au fiasco : leur dette extérieure publique est passée de 126 à 133 milliards de dollars, soit une augmentation de 5,5 % entre 1996 et 2003.

Devant ce constat, le sommet du G8 de 2005 a décidé un allégement supplémentaire, appelée IADM (Initiative d’allégement de la dette multilatérale), concernant une partie de la dette multilatérale des pays parvenus au point de décision, c’est-à-dire des pays ayant soumis leur économie aux volontés des créanciers. Les 43,3 milliards de dollars annulés via l’IADM pèsent bien peu au regard de la dette extérieure publique de 209,8 milliards de dollars ces 39 pays au 31 décembre 2018.
lancée par le G7 G7 Groupe informel réunissant : Allemagne, Canada, États-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie, Japon. Leurs chefs d’État se réunissent chaque année généralement fin juin, début juillet. Le G7 s’est réuni la première fois en 1975 à l’initiative du président français, Valéry Giscard d’Estaing. en 1996. Et selon une ONG allemande, 122 pays seraient en réalité en situation d’endettement critique.

Depuis 2010, la part des remboursements de la dette extérieure publique des pays du Sud par rapport à leurs recettes totales, a augmenté de 85 % et culmine à un niveau moyen de 12,2 % des recettes publiques des États, soit le plus haut niveau atteint depuis 2004. Les pays les plus affectés par cette hausse du service de la dette Service de la dette Remboursements des intérêts et du capital emprunté. avaient en majorité contracté des prêts et/ou des obligations auprès du FMI.

Entre 2000 et 2017, la dette extérieure publique des pays du Sud a doublé, passant de 1300 à 2630 milliards de $US. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette hausse. Profitant des hauts niveaux des cours des matières premières jusque 2013, les pays du Sud ont tiré d’importants revenus de leurs produits d’exportations et les taux de croissance économique y ont été élevés pour une majorité d’entre eux.

En parallèle, la crise financière de 2007-2008 n’a pas été sans impacter l’économie des pays occidentaux. A la recherche de financement plus rémunérateurs, banques et investisseurs privés ont alors investi leurs importantes liquidités Liquidité
Liquidités
Capitaux dont une économie ou une entreprise peut disposer à un instant T. Un manque de liquidités peut conduire une entreprise à la liquidation et une économie à la récession.
dans la dette souveraine des pays du Sud.
Alimenté par le faible niveau des taux d’intérêts directeurs aux États-Unis et en Europe, ce cycle s’achève actuellement et prend en étau les pays du Sud dans « le piège de la dette ».


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Notes

[1Par « pays du Sud » nous entendons l’ensemble des pays à faible revenu et à revenu intermédiaire déterminé par la Banque mondiale. Disponible à : https://donnees.banquemondiale.org/niveau-de-revenu/revenu-faible-et-intermediaire?view=chart

[2UNCTAD, “Debt vulnerabilities a new debt trap”, octobre 2018. Disponible à : https://unctad.org/en/pages/PublicationWebflyer.aspx?publicationid=2259