Belgique
14 mai 2014 par Renaud Vivien , Christine Pagnoulle , Fred Mawet
Carte blanche parue dans le quotidien Le Soir, édition du 13 mai 2014.
Renaud Vivien Membre du Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde (CADTM) ;
Fred Mawet Membre d’ATTAC Bruxelles 2 ;
Christine Pagnoulle Membre d’ATTAC Liège.
L’AG de Dexia se déroule à Bruxelles ce mercredi. Les collectifs CADTM et ATTAC saisissent l’occasion de rappeler que les citoyens continuent de payer la facture des sauvetages bancaires et qu’il est impératif d’exiger l’annulation de ces dettes « illégitimes ».
Ce mercredi 14 mai se tient l’Assemblée générale de Dexia, cette banque qui a déjà été sauvée trois fois par le gouvernement depuis 2008 alors qu’elle n’abrite aucun dépôt d’épargnant (Belfius ne fait plus partie de Dexia). L’État qui est le principal actionnaire a déjà injecté 9 milliards d’euros dans cette banque moribonde et ce n’est pas près de s’arrêter. Son directeur général, Karel De Boeck, déclarait en avril dernier qu’« il est possible que Dexia redemande 1 à 2 milliards d’euros à l’État. »
Alors que le gouvernement applique des mesures d’austérité qui frappent la population, cette déclaration n’a pourtant suscité aucune réaction de la part des candidats aux élections. A croire que le politique ne peut rien faire pour empêcher que les citoyens paient la facture de ces sauvetages bancaires à répétition. Pourtant, des alternatives existent. Elles passent par l’annulation de la garantie accordée par la Belgique aux dettes de Dexia. En effet, cette garantie sert de prétexte aux dirigeants de la banque et au gouvernement pour justifier les recapitalisations de Dexia.
Comment en est-on arrivé là ? En 2011 et 2012, le gouvernement a pris en toute illégalité deux arrêtés engageant la Belgique à garantir avec la France les dettes de Dexia juqu’en 2031. La part supportée par la Belgique est de 43,7 milliards d’euros, l’équivalent de 20 % du budget de l’État fédéral ! Pour comparaison, les allocations de chômage ne représentent que 3 % des dépenses publiques. De plus, cet engagement a été pris sans consultation du Parlement fédéral en violation de la Constitution. Cette illégalité avait alors conduit le CADTM et ATTAC (rejoints ensuite par deux députés Ecolo-Groen) à attaquer le gouvernement devant le Conseil d’État afin d’obtenir l’annulation de cette garantie. Un documentaire de Zin TV sur ce sujet intitulé « Dexia ou la démocratie confisquée » est en cours de réalisation.
Mais il y a tout juste un an, la majorité des parlementaires fédéraux a décidé de blanchir le gouvernement en votant une loi qui valide de façon rétroactive les arrêtés illégaux du gouvernement, envoyant ainsi un message clair aux marchés financiers
Marchés financiers
Marché financier
Marché des capitaux à long terme. Il comprend un marché primaire, celui des émissions et un marché secondaire, celui de la revente. À côté des marchés réglementés, on trouve les marchés de gré à gré qui ne sont pas tenus de satisfaire à des conditions minimales.
qui peut se résumer ainsi :
« Vous pouvez prêter les yeux fermés à Dexia car la population sera toujours là pour vous rembourser si Dexia ne paye pas ses dettes. L’État vous les réglera dans les cinq jours ouvrables qui suivent votre demande même si ces dettes ont été contractées de façon illégale et même si Dexia a pris des risques en continuant à spéculer. C’est écrit noir sur blanc à l’article 2 de la Convention de garantie signée par le ministre des Finances le 24 janvier 2013. Ce dernier a d’ailleurs les pleins pouvoirs pour traiter avec vous, en vertu des deux arrêtés royaux que nous avons régularisés a posteriori. Grâce à ce vote, nous vous avons aussi débarrassés du recours du CADTM et d’ATTAC puisque désormais, la violation de la Constitution qui prévoit la consultation du Parlement sur les matières budgétaires ne peut plus être invoquée. Vous ne prenez donc aucun risque en prêtant à Dexia. Vous pouvez même accorder des prêts à des taux d’intérêt
Taux d'intérêt
Quand A prête de l’argent à B, B rembourse le montant prêté par A (le capital), mais aussi une somme supplémentaire appelée intérêt, afin que A ait intérêt à effectuer cette opération financière. Le taux d’intérêt plus ou moins élevé sert à déterminer l’importance des intérêts.
Prenons un exemple très simple. Si A emprunte 100 millions de dollars sur 10 ans à un taux d’intérêt fixe de 5 %, il va rembourser la première année un dixième du capital emprunté initialement (10 millions de dollars) et 5 % du capital dû, soit 5 millions de dollars, donc en tout 15 millions de dollars. La seconde année, il rembourse encore un dixième du capital initial, mais les 5 % ne portent plus que sur 90 millions de dollars restants dus, soit 4,5 millions de dollars, donc en tout 14,5 millions de dollars. Et ainsi de suite jusqu’à la dixième année où il rembourse les derniers 10 millions de dollars, et 5 % de ces 10 millions de dollars restants, soit 0,5 millions de dollars, donc en tout 10,5 millions de dollars. Sur 10 ans, le remboursement total s’élèvera à 127,5 millions de dollars. En général, le remboursement du capital ne se fait pas en tranches égales. Les premières années, le remboursement porte surtout sur les intérêts, et la part du capital remboursé croît au fil des ans. Ainsi, en cas d’arrêt des remboursements, le capital restant dû est plus élevé…
Le taux d’intérêt nominal est le taux auquel l’emprunt est contracté. Le taux d’intérêt réel est le taux nominal diminué du taux d’inflation.
variables. Si Dexia se retrouve piégé par une augmentation des taux d’intérêt et s’avère incapable de vous rembourser, on le fera à sa place et on dira à l’opinion publique que nous n’avions pas le choix. »
Cette situation scandaleuse n’a cependant rien d’inéluctable puisque cette garantie peut très bien être annulée par les décideurs politiques s’ils en ont la volonté. Bien que devenue légale, cette garantie conserve en effet son caractère illégitime tout comme les 33 milliards d’euros de dettes publiques issues des sauvetages de Fortis, Dexia Belgique (devenue Belfius), KBC et Ethias. Ces dettes sont illégitimes car elles ne profitent pas à la population pour au moins quatre raisons.
Premièrement, l’État a payé trop cher ces sauvetages bancaires. Même Didier Reynders a déclaré récemment à propos de Fortis qu’« on aurait aussi pu se demander si au lieu de payer 4,7 milliards on n’aurait pas dû payer 1 euro symbolique ».
Deuxièmement, l’État ne récupérera jamais la totalité de l’argent injecté dans ces sauvetages. Seulement la moitié de cet argent a été remboursée par les banques mais surtout ces 33 milliards d’euros empruntés par la Belgique pour sauver ces banques n’incluent pas les intérêts que l’État va devoir payer à ses créanciers ni les prochains sauvetages bancaires comme celui de Dexia si les politiques ne changent pas radicalement de cap.
Troisièmement, aucune mesure sérieuse de régulation bancaire n’a été prise depuis la crise alors que le gouvernement aurait pu profiter de ces sauvetages pour rendre le secteur bancaire plus sûr et au service de la population. Le crédit aux ménages et aux petites et moyennes entreprises n’a pas augmenté ; la banque Belfius (pourtant à 100 % publique) fonctionne comme n’importe quelle banque privée ; les licenciements au sein des banques se multiplient ; il n’y a toujours pas de séparation des activités bancaires (banque de dépôt
Banques de dépôt
Banque de dépôt
Banque de dépôt ou banque commerciale : Établissement de crédit effectuant des opérations de banque avec les particuliers, les entreprises et les collectivités publiques consistant à collecter des fonds pour les redistribuer sous forme de crédit ou pour effectuer à titre accessoire des opérations de placements. Les dépôts du public bénéficient d’une garantie de l’État. Une banque de dépôt (ou banque commerciale) se distingue d’une banque d’affaires qui fait essentiellement des opérations de marché. Pendant plusieurs décennies, suite au Glass Steagall Act adopté pendant l’administration Roosevelt et aux mesures équivalentes prises en Europe, il était interdit aux banques commerciales d’émettre des titres, des actions et tout autre instrument financier.
d’un côté et banque d’investissement
Banques d’investissement
Banque d’investissement
Société financière dont l’activité consiste à effectuer trois types d’opérations : du conseil (notamment en fusion-acquisition), de la gestion de haut de bilan pour le compte d’entreprises (augmentations de capital, introductions en bourse, émissions d’emprunts obligataires) et des placements sur les marchés avec des prises de risque souvent excessives et mal contrôlées. Une banque d’affaires ne collecte pas de fonds auprès du public, mais se finance en empruntant aux banques ou sur les marchés financiers.
de l’autre) tandis que les activités spéculatives ont repris de plus belle ainsi que les bonus et les salaires mirobolants des dirigeants.
Enfin, ces sauvetages ne sont pas démocratiques car tous les représentants des partis membres du gouvernement ont affirmé, avant de se faire élire, qu’ils mettraient fin aux comportements inacceptables des banques. Ces partis ont donc clairement abusé de la confiance de l’électorat.
Ce n’est pas aux citoyens de payer la facture des sauvetages bancaires à travers les coupes dans les budgets sociaux, les licenciements, le démantèlement du code du travail, les baisses de salaires, la chasse aux chômeurs, etc. En revanche, il est logique que les responsables de la crise (dont les banques) ne soient au minimum pas remboursés.
Dès lors, la garantie accordée aux créanciers de Dexia et les dettes illégitimes résultant des sauvetages bancaires doivent être annulées. Cette annulation doit évidemment protéger les petits épargnants qui ont placé leurs économies dans des titres de la dette
Titres de la dette
Les titres de la dette publique sont des emprunts qu’un État effectue pour financer son déficit (la différence entre ses recettes et ses dépenses). Il émet alors différents titres (bons d’état, certificats de trésorerie, bons du trésor, obligations linéaires, notes etc.) sur les marchés financiers – principalement actuellement – qui lui verseront de l’argent en échange d’un remboursement avec intérêts après une période déterminée (pouvant aller de 3 mois à 30 ans).
Il existe un marché primaire et secondaire de la dette publique.
belge, s’accompagner d’autres mesures taxant le capital et d’une socialisation du secteur bancaire. Ce type de politique ne pourra être prise que sous la pression populaire avant et surtout après les élections.
membre du CADTM Belgique, juriste en droit international. Il est membre de la Commission pour la Vérité sur la dette publique de la Grèce créée le 4 avril 2015. Il est également chargé de plaidoyer à Entraide et Fraternité.
2 mars, par Renaud Vivien
13 février, par Eric Toussaint , Renaud Vivien , Victor Nzuzi , Luc Mukendi , Yvonne Ngoyi , Najla Mulhondi , Anaïs Carton , Cynthia Mukosa , Nordine Saïdi , Mouhad Reghif , Georgine Dibua , Graziella Vella , Monique Mbeka , Guillermo Kozlowski , CMCLD , ACM , Pauline Fonsny , Céline Beigbeder , Nicolas Luçon , Julie Nathan
21 juin 2022, par Camille Chalmers , Renaud Vivien , Jérôme Duval
17 mai 2022, par Renaud Vivien
7 mars 2022, par Renaud Vivien
21 février 2022, par Renaud Vivien , Anaïs Carton , Leïla Oulhaj
14 décembre 2021, par Renaud Vivien
6 décembre 2021, par Renaud Vivien , Anaïs Carton
12 octobre 2021, par Renaud Vivien , Anaïs Carton , Leïla Oulhaj
20 septembre 2021, par Renaud Vivien , RTBF , Anaïs Carton
est membre d’Attac Liège, du CADTM Belgique et de l’équipe ’traduction english’.
3 avril, par Eric Toussaint , Collectif , Olivier Bonfond , Christine Pagnoulle , Paul Jorion , Jean-François Tamellini , Zoé Rongé , Économistes FGTB , Nadine Gouzée
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