Vienne, Autriche, le 10 mai 2012, à la veille de la fin de la première session du comité préparatoire de la conférence d’examen du traité de non prolifération des armes nucléaires, le représentant du Nigeria a annoncé la volonté de son pays d’arriver, d’ici 2020, à la mise en route de sa première centrale nucléaire. Cette déclaration démontre l’intérêt de plus en plus ostensible sur le continent pour l’énergie nucléaire. Bien que grande pourvoyeuse d’uranium, l’Afrique ne dispose, jusqu’à maintenant, que de deux centrales nucléaires sur les 430 en activité dans le monde. Les deux centrales étant situées en Afrique du Sud, cela confère à ce pays un rôle de leadership continental sur la question. Ayant entrepris, pendant la période de l’apartheid, des recherches visant à fabriquer une bombe atomique, l’Afrique du Sud a acquis une certaine maîtrise de la technologie nucléaire. Aujourd’hui, une concurrence est née sur le continent afin de casser ce monopole nucléaire. Le Nigéria et l’Egypte témoignent depuis quelques années de la volonté de certains pays africains de se doter, eux aussi, de l’énergie nucléaire, ce qui est encouragé par les pays du Nord qui cherchent de nouveaux marchés pour leur industrie nucléaire et par la Banque mondiale
Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.
En 2022, 189 pays en sont membres.
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qui offre des prêts alléchant aux pays demandeurs. Plusieurs raisons justifient cette ruée vers le nucléaire.
La première, selon ces pays du Sud, est la nécessité de disposer de ressources énergétiques suffisantes pour faire face au défi du développement. Cette raison pourrait être acceptable si parmi les pays en quête d’énergie nucléaire sur le continent ne figuraient pas des pays, comme le Nigéria, l’Algérie et le Soudan, qui ont d’immenses ressources pétrolières dont la gestion est fort peu efficace. L’autre grande raison invoquée pour justifier le recours à l’énergie nucléaire est le changement climatique car l’Afrique ainsi que la plupart des pays du Sud seront les plus touchés. Afin d’atténuer ce phénomène une importance particulière est accordée aux énergies non polluantes en lieu et place des énergies fossiles comme le pétrole. Malgré l’opposition de la société civile et les problèmes liés au traitement des déchets radioactifs des centrales, le nucléaire est placé parmi ces énergies non polluantes à faible émission de carbone. L’ultime raison mise en avant pour la construction de centrales nucléaires est la crise énergétique sur le continent. Par exemple, confronté à des problèmes énergétiques récurrents, l’ancien président du Sénégal, Abdoulaye WADE, s’est vu proposer la construction d’une centrale nucléaire par la France.
Pourtant bien des inquiétudes sont à relever quant au recours à cette énergie en Afrique. Une de ces craintes est le coût de la construction des centrales nucléaires qui est bien souvent difficile à estimer. La France, elle-même, malgré toute son avancée technologique, peine à maîtriser celui de la construction de sa centrale EPR de dernière génération à moins de 5 milliards d’euros. Une autre, et non des moindres, est que le transfert technologique que représente la construction de centrales nucléaires en Afrique est une aubaine financière à la fois pour les industries nucléaires (AREVA en particulier) et les banques. Dans des États d’Afrique déjà lourdement endettés, on imagine facilement que les montages financiers pour la construction de centrales nucléaires aggraveraient leur dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
publique.
L’autre inquiétude majeure est la maintenance des centrales. Les populations africaines ont encore en mémoire la catastrophe de la centrale nucléaire de Fukushima au Japon. D’où les inquiétudes fortes sur la capacité de maintenance des centrales nucléaires qui seront sur le continent afin d’éviter des catastrophes similaires. L’expérience Sud-africaine est certes vantée en la matière. Mais le changement climatique et le stress hydrique annoncé sur le continent reste un danger dont nul ne peut prévoir la portée quand on sait l’importance de l’eau dans le refroidissement des réacteurs nucléaires. En réponse à ce problème l’Afrique du Sud a initié, grâce à l’énergie fournie par sa centrale nucléaire de Koeberg, la désalinisation des eaux de mer. Cela, au-delà du refroidissement des réacteurs de la centrale nucléaire, devrait favoriser l’agriculture et d’autres secteurs touchés par le manque d’eau suite aux changements climatiques. Cette technique représente toutefois un vrai danger pour l’écosystème et les ressources aquatiques.
Une dernière préoccupation légitime sur le nucléaire en Afrique est la question de la sécurité internationale. Les tensions dans le monde à propos des nucléaires iranien et nord coréen amènent à craindre le détournement de la technologie nucléaire dans des pays africains fort peu stables politiquement. La crise actuelle au Mali dont l’occupation du Nord par des groupes rebelles imprévisibles et incontrôlables démontre un peu plus la difficulté que peut représenter la gestion de la technique nucléaire en Afrique. L’Afrique est le dernier continent à s’être déclaré zone exempte d’arme nucléaire après la ratification en 2009 par 28 pays africains du traité de Pelindaba. Ce traité, signé en 1996, interdit toute recherche, fabrication, acquisition, dépôt et tests d’armes nucléaires sur le continent. A la fin 2011, 32 pays africains avaient ratifié ledit traité. Toutefois, au vu des nombreuses ressources d’uranium sur le continent, l’application de ce traité sera difficile dans les prochaines années. La corruption et la mauvaise gouvernance peuvent faire basculer ces ressources stratégiques dans des mains peu recommandables. Selon les experts de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA), l’uranium actuellement utilisé par l’Iran et la Corée Nord pour leurs programmes nucléaires proviendrait de la mine de Shinkolobwe dans l’est de la République Démocratique du Congo (RDC), celle-là même dont a été extrait l’uranium qui a servi aux bombes d’Hiroshima et Nagasaki. Un œil attentif doit donc être gardé sur ce sujet.
Certes la nécessité de ressources énergétiques suffisantes pour l’Afrique n’est pas à démontrer. A peine 20% des ménages africains disposent de courant électrique sur un continent qui regorge d’énormes ressources énergétiques. L’urgence est non au développement du nucléaire mais à l’expansion des énergies renouvelables et socialement viables, comme l’éolienne, l’énergie solaire et les énergies liées à la biomasse. Ces énergies ont l’avantage d’être à moindre coût par rapport au nucléaire. Pourtant les pays développés privilégient encore sur le continent la construction de barrages et l’expansion du nucléaire au détriment d’énergies renouvelables. Il est de l’intérêt de l’Afrique, au regard de la dette écologique
Dette écologique
La dette écologique est la dette contractée par les pays industrialisés envers les autres pays à cause des spoliations passées et présentes de leurs ressources naturelles, auxquelles s’ajoutent la délocalisation des dégradations et la libre disposition de la planète afin d’y déposer les déchets de l’industrialisation.
La dette écologique trouve son origine à l’époque coloniale et n’a cessé d’augmenter à travers diverses activités :
La « dette du carbone ». C’est la dette accumulée en raison de la pollution atmosphérique disproportionnée due aux grandes émissions de gaz de certains pays industriels, avec, à la clé, la détérioration de la couche d’ozone et l’augmentation de l’effet de serre.
La « biopiraterie ». C’est l’appropriation intellectuelle des connaissances ancestrales sur les semences et sur l’utilisation des plantes médicinales et d’autres végétaux par l’agro-industrie moderne et les laboratoires des pays industrialisés qui, comble de l’usurpation, perçoivent des royalties sur ces connaissances.
Les « passifs environnementaux ». C’est la dette due au titre de l’exploitation sous-rémunérée des ressources naturelles, grevant de surcroît les possibilités de développement des peuples lésés : pétrole, minéraux, ressources forestières, marines et génétiques.
L’exportation vers les pays les plus pauvres de produits dangereux fabriqués dans les pays industriels.
Dette écologique et dette extérieure sont indissociables. L’obligation de payer la dette extérieure et ses intérêts impose aux pays débiteurs de réaliser un excédent monétaire. Cet excédent provient pour une part d’une amélioration effective de la productivité et, pour une autre part, de l’appauvrissement des populations de ces pays et de l’abus de la nature. La détérioration des termes de l’échange accentue le processus : les pays les plus endettés exportent de plus en plus pour obtenir les mêmes maigres recettes tout en aggravant mécaniquement la pression sur les ressources naturelles.
héritée de l’exploitation de l’uranium sur le continent et des nombreux essais atomiques dans le désert algérien, que les pays du Nord en réparation des dommages subis, concèdent gratuitement leur technologie au continent, et ceci, non pas au nom de l’aide, mais pour la justice.
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