Force est de reconnaître que le Fonds monétaire international
FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.
À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).
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(FMI) est très efficace. Malheureusement, ce n’est pas en terme de réduction de la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
et de lutte contre la pauvreté, comme il le proclame, mais en terme de coup d’éclat médiatique et de manipulation sémantique.
Le FMI vient d’annoncer qu’il va annuler la dette de 20 pays pauvres à son égard au début de l’année 2006. Aux yeux d’une opinion qui a du mal à décrypter les messages volontairement confus des grands argentiers du monde, la démarche est habile : elle veut signifier que le problème de la dette est en passe d’être réglé. En fait, le but cherché est double : avoir bonne presse après les fortes turbulences dues à son rôle très discutable dans les crises financières récentes, mais aussi tenter de désamorcer la contestation croissante sur le thème de la dette des pays en développement. Cependant, plusieurs éléments laissent particulièrement perplexes.
Primo, c’est exactement la quatrième fois cette année que les médias se font l’écho de la même décision impliquant le FMI : d’abord en juin à Londres lorsque la décision a été prise par les Ministres des Finances du G7 G7 Groupe informel réunissant : Allemagne, Canada, États-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie, Japon. Leurs chefs d’État se réunissent chaque année généralement fin juin, début juillet. Le G7 s’est réuni la première fois en 1975 à l’initiative du président français, Valéry Giscard d’Estaing. , puis en juillet à Gleneagles lors du G8 G8 Ce groupe correspond au G7 plus la Fédération de Russie qui, présente officieusement depuis 1995, y siège à part entière depuis juin 2002. lui-même, ensuite en septembre lorsque le FMI, après de fortes réticences de la part des petits pays riches comme la Belgique ou la Suisse, a entériné l’accord du G8 le concernant, et enfin en décembre au moment où il a dévoilé les modalités de cette opération.
Deuzio, 18 des 20 pays concernés par l’annonce du G8 sont exactement les pays dits « pauvres et très endettés » (PPTE
PPTE
Pays pauvres très endettés
L’initiative PPTE, mise en place en 1996 et renforcée en septembre 1999, est destinée à alléger la dette des pays très pauvres et très endettés, avec le modeste objectif de la rendre juste soutenable.
Elle se déroule en plusieurs étapes particulièrement exigeantes et complexes.
Tout d’abord, le pays doit mener pendant trois ans des politiques économiques approuvées par le FMI et la Banque mondiale, sous forme de programmes d’ajustement structurel. Il continue alors à recevoir l’aide classique de tous les bailleurs de fonds concernés. Pendant ce temps, il doit adopter un document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP), parfois juste sous une forme intérimaire. À la fin de ces trois années, arrive le point de décision : le FMI analyse le caractère soutenable ou non de l’endettement du pays candidat. Si la valeur nette du ratio stock de la dette extérieure / exportations est supérieure à 150 % après application des mécanismes traditionnels d’allégement de la dette, le pays peut être déclaré éligible. Cependant, les pays à niveau d’exportations élevé (ratio exportations/PIB supérieur à 30 %) sont pénalisés par le choix de ce critère, et on privilégie alors leurs recettes budgétaires plutôt que leurs exportations. Donc si leur endettement est manifestement très élevé malgré un bon recouvrement de l’impôt (recettes budgétaires supérieures à 15 % du PIB, afin d’éviter tout laxisme dans ce domaine), l’objectif retenu est un ratio valeur nette du stock de la dette / recettes budgétaires supérieur à 250 %. Si le pays est déclaré admissible, il bénéficie de premiers allégements de son service de la dette et doit poursuivre avec les politiques agréées par le FMI et la Banque mondiale. La durée de cette période varie entre un et trois ans, selon la vitesse de mise en œuvre des réformes clés convenues au point de décision. À l’issue, arrive le point d’achèvement. L’allégement de la dette devient alors acquis pour le pays.
Le coût de cette initiative est estimé par le FMI en 2019 à 76,2 milliards de dollars, soit environ 2,54 % de la dette extérieure publique du Tiers Monde actuelle. Les PPTE sont au nombre de 39 seulement, dont 33 en Afrique subsaharienne, auxquels il convient d’ajouter l’Afghanistan, la Bolivie, le Guyana, Haïti, le Honduras et le Nicaragua. Au 31 mars 2006, 29 pays avaient atteint le point de décision, et seulement 18 étaient parvenus au point d’achèvement. Au 30 juin 2020, 36 pays ont atteint le point d’achèvement. La Somalie a atteint le point de décision en 2020. L’Érythrée et le Soudan n’ont pas encore atteint le point de décision.
Alors qu’elle devait régler définitivement le problème de la dette de ces 39 pays, cette initiative a tourné au fiasco : leur dette extérieure publique est passée de 126 à 133 milliards de dollars, soit une augmentation de 5,5 % entre 1996 et 2003.
Devant ce constat, le sommet du G8 de 2005 a décidé un allégement supplémentaire, appelée IADM (Initiative d’allégement de la dette multilatérale), concernant une partie de la dette multilatérale des pays parvenus au point de décision, c’est-à-dire des pays ayant soumis leur économie aux volontés des créanciers. Les 43,3 milliards de dollars annulés via l’IADM pèsent bien peu au regard de la dette extérieure publique de 209,8 milliards de dollars ces 39 pays au 31 décembre 2018.
) qui ont réussi à achever un véritable parcours du combattant néolibéral, notamment une réduction drastique de leurs budgets sociaux, des privatisations massives, une libéralisation radicale de leur économie, pour le plus grand profit des sociétés multinationales et des investisseurs internationaux. Mais ce sont autant de coups très durs portés aux conditions de vie des populations pauvres. Autrement dit, ces pays ont déjà payé très cher le droit d’être ainsi éligibles. Afin de faire accepter ses remèdes frelatés, le docteur FMI fait mine de prescrire des stratégies de réduction de la pauvreté. Cet imposteur se construit un alibi (de maigres sommes saupoudrées sur de rares projets sociaux) tout en cachant les graves effets secondaires : par exemple, dans des pays où plus de 40 % du budget sert à rembourser la dette, il interdit aux gouvernements de recruter et de former suffisamment d’enseignants, d’aides-soignants, de médecins, etc., au nom de sacro-saints principes comme la réduction de la fonction publique et l’équilibre budgétaire. Il s’applique soigneusement à ne jamais remettre en cause de telles postures idéologiques, ce qui est à l’opposé d’une démarche scientifique honnête.
Tertio, le FMI a fait semblant de comprendre de travers l’accord du G8 et il l’a interprété à son avantage. Alors que le G8 avait annoncé une annulation de la dette des pays concernés envers le FMI dès lors qu’ils faisaient partie de la liste des 18, le FMI y a rajouté des conditionnalités Conditionnalités Ensemble des mesures néolibérales imposées par le FMI et la Banque mondiale aux pays qui signent un accord, notamment pour obtenir un aménagement du remboursement de leur dette. Ces mesures sont censées favoriser l’« attractivité » du pays pour les investisseurs internationaux mais pénalisent durement les populations. Par extension, ce terme désigne toute condition imposée en vue de l’octroi d’une aide ou d’un prêt. qui lui permettent de rester un acteur central du dispositif, de surcroît à la fois juge et partie. En effet, il va commencer par procéder à un examen des politiques économiques des pays bénéficiaires avant de leur accorder l’allégement de dette prévu. Il veut par là s’assurer que depuis qu’ils figurent sur la fameuse liste, la politique qu’ils appliquent est toujours conforme aux recettes éculées de ses experts néolibéraux. Bien entendu, les deux pays non PPTE de la liste, le Cambodge et le Tadjikistan, se sont déjà pliés eux aussi aux exigences du FMI.
Enfin, le FMI disserte sur le montant total de l’annulation qu’il va supporter à terme : 4,8 milliards de dollars, qu’il va trouver simplement en utilisant les bénéfices réalisés sur une transaction en or remontant à 1999. Pourtant, c’est bien maigre face à la dette extérieure publique de tous les pays en développement, qui s’élève à 1 600 milliards de dollars. De plus, le FMI pourrait faire bien davantage car il est le troisième détenteur d’or du monde, son stock valant plus de 44 milliards de dollars au cours du marché alors qu’il est inscrit dans ses comptes pour un montant 5 fois moindre.
En réfléchissant bien, et pour utiliser un vocabulaire très en vogue, le FMI n’a pas usurpé l’appellation de « terroriste financier ». D’une part, il agit comme un tireur embusqué qui dégaine des politiques et en contemple les dégâts, du haut d’un hôtel cinq étoiles, partout où elles sont appliquées en rafale. D’autre part, il a tout du tueur à gages forcené, qui prend des populations entières en otage, les privant de leur souveraineté et de leur dignité. Le plus raisonnable est sans aucun doute de le mettre hors d’état de nuire. L’abolition du FMI et son remplacement, dans le domaine monétaire international, par une institution multilatérale qui agirait enfin pour le respect des droits humains fondamentaux sont des pistes à étudier sérieusement.
Damien Millet est président du CADTM France (Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde), auteur de L’Afrique sans dette, CADTM/Syllepse, 2005 ; Eric Toussaint est président du CADTM Belgique, auteur de La Finance contre les peuples, CADTM/Syllepse, 2004.
Docteur en sciences politiques des universités de Liège et de Paris VIII, porte-parole du CADTM international et membre du Conseil scientifique d’ATTAC France.
Il est l’auteur des livres, Banque mondiale - Une histoire critique, Syllepse, 2022, Capitulation entre adultes : Grèce 2015, une alternative était possible, Syllepse, 2020, Le Système Dette. Histoire des dettes souveraines et de leur répudiation, Les liens qui libèrent, 2017 ; Bancocratie, ADEN, Bruxelles, 2014 ; Procès d’un homme exemplaire, Éditions Al Dante, Marseille, 2013 ; Un coup d’œil dans le rétroviseur. L’idéologie néolibérale des origines jusqu’à aujourd’hui, Le Cerisier, Mons, 2010. Il est coauteur avec Damien Millet des livres AAA, Audit, Annulation, Autre politique, Le Seuil, Paris, 2012 ; La dette ou la vie, Aden/CADTM, Bruxelles, 2011. Ce dernier livre a reçu le Prix du livre politique octroyé par la Foire du livre politique de Liège.
Il a coordonné les travaux de la Commission pour la Vérité sur la dette publique de la Grèce créée le 4 avril 2015 par la présidente du Parlement grec. Cette commission a fonctionné sous les auspices du parlement entre avril et octobre 2015.
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professeur de mathématiques en classes préparatoires scientifiques à Orléans, porte-parole du CADTM France (Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde), auteur de L’Afrique sans dette (CADTM-Syllepse, 2005), co-auteur avec Frédéric Chauvreau des bandes dessinées Dette odieuse (CADTM-Syllepse, 2006) et Le système Dette (CADTM-Syllepse, 2009), co-auteur avec Eric Toussaint du livre Les tsunamis de la dette (CADTM-Syllepse, 2005), co-auteur avec François Mauger de La Jamaïque dans l’étau du FMI (L’esprit frappeur, 2004).
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