En 2001, l’Aide publique au développement a encore diminué. Elle ne représente que 0,22% du PIB
PIB
Produit intérieur brut
Le PIB traduit la richesse totale produite sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées.
Le Produit intérieur brut est un agrégat économique qui mesure la production totale sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées. Cette mesure est notoirement incomplète ; elle ne tient pas compte, par exemple, de toutes les activités qui ne font pas l’objet d’un échange marchand. On appelle croissance économique la variation du PIB d’une période à l’autre.
des pays les plus industrialisés alors que ceux-ci s’étaient engagés, voici trente ans déjà, à porter leur effort à 0,7%. En chiffres absolus, la réduction s’est élevée à 2 300 millions de dollars. En 10 ans, on a constaté une réduction de 33% de l’aide.
Le Japon est particulièrement avare
En juillet 2000, le Japon qui accueillait le G7
G7
Groupe informel réunissant : Allemagne, Canada, États-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie, Japon. Leurs chefs d’État se réunissent chaque année généralement fin juin, début juillet. Le G7 s’est réuni la première fois en 1975 à l’initiative du président français, Valéry Giscard d’Estaing.
à Okinawa (principale base US dans le pays) avait été présenté par les campagnes Jubilé 2000 de Grande Bretagne, d’Allemagne et du Japon comme particulièrement généreux en matière d’APD et d’allégement de la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
. Bono, le chanteur du groupe irlandais U2, avait félicité les efforts exemplaires des autorités nippones. Les feux de la rampe une fois éteints, le gouvernement japonais n’a pas hésité à diminuer sa contribution à l’APD d’un montant de 4 milliards de dollars en 2001.
Aide des Etats-Unis aux alliés stratégiques à la hausse
De leur côté, les Etats-Unis qui ne consacrent que 0,1% de leur PIB à l’APD, ont augmenté leur aide de 900 millions de dollars. Nous devrions écrire leur aide entre guillemets car cette augmentation a été dirigée pour les deux tiers (600 millions de dollars) vers le Pakistan après le déclenchement de la guerre contre l’Afghanistan afin d’assurer le soutien de la dictature pakistanaise aux opérations bellicistes des Etats-Unis et de leurs alliés. Comme l’a déclaré au Financial Times Angela Penrose, de l’ONG Save the Children, c’est un retour à la période de la guerre froide quand l’aide était dirigée en priorité vers les alliés stratégiques de chaque camp (Financial Times, 14 mai 2002).
APD en baisse, générosité des migrants en hausse
Les gouvernements des pays riches se congratulent sur la soi-disant générosité de leur aide et ont annoncé en mars 2002 à Monterrey qu’ils allaient l’augmenter. Nous venons de montrer que loin d’augmenter, celle-ci n’avait cessé de diminuer au cours des 10 dernières années. Dans le même temps, ils renforcent partout leur politique anti-migratoire. Du détroit de Gibraltar au mur construit sur le Rio Grande entre les Etats-Unis et le Mexique, partout les gouvernements ferment toujours plus les frontières de leurs pays aux étrangers. Les derniers champions en date à ce sujet : Aznar (Parti Populaire, Espagne), et Blair (Parti Travailliste, GB) qui ont été en pointe lors du Sommet de l’Union européenne à Séville, les 21 et 22 juin 2002. Ils se gardent bien de reconnaître que les migrants envoient plus de 50 milliards de dollars US chaque année vers leurs familles et communautés d’origine. En 2001, les envois financiers des migrants ont représenté 53,4 milliards de dollars US tandis que l’APD totale a représenté 51,4 milliards de dollars. Encore faut-il savoir que les sommes envoyées par les migrants arrivent directement et intégralement à leurs familles et communautés d’origine tandis qu’un faible pourcentage de l’APD arrive aux populations du Sud car une grande partie de celle-ci est dépensée dans le pays du Nord en achats de marchandises et en fret aérien et maritime pour les acheminer sans oublier les salaires des experts du Nord envoyés dans le Sud (comptabilisés également dans l’APD).
Rapatriement des bénéfices des multinationales vers les maisons-mères des pays du Nord
Ce qui est également caché à l’opinion, c’est le montant énorme que les multinationales du Nord prélèvent sur les activités de leurs entreprises dans les PVD via les rapatriements des bénéfices qui ont représenté en 2001 55,3 milliards de dollars !! C’est nettement plus que le total de l’APD. Particulièrement scandaleux est le fait que le montant de ces rapatriements progresse de façon constante. En 1990, ils représentaient 17,5 milliards de dollars ; en 1999, 40,3 ; en 2000 45,3 et en 2001, 55,3. Si nous comptons bien, ce qui allait vers le Sud sous forme d’APD a diminué de 33% entre 1990 et 2001 tandis que ce qui était rapatrié du Sud vers le Nord sous forme de bénéfices a augmenté de manière significative.
APD, Rapatriement de bénéfices et Envois des migrants
En résumé, ceux qui sont considérés par les gouvernements du Nord comme des indésirables sont en réalité les plus généreux à l’égard de leurs frères et sœurs du Sud. On estime en général qu’ils consacrent entre 10 et 20% de leurs revenus aux envois solidaires alors que les gouvernements du Nord consacrent nettement moins de 1% du revenu national à l’aide. Par ailleurs, pendant qu’ils envoient 53,4 milliards de dollars dans les PED, les sociétés multinationales, ces autres acteurs de la mondialisation
Mondialisation
(voir aussi Globalisation)
(extrait de F. Chesnais, 1997a)
Jusqu’à une date récente, il paraissait possible d’aborder l’analyse de la mondialisation en considérant celle-ci comme une étape nouvelle du processus d’internationalisation du capital, dont le grand groupe industriel transnational a été à la fois l’expression et l’un des agents les plus actifs.
Aujourd’hui, il n’est manifestement plus possible de s’en tenir là. La « mondialisation de l’économie » (Adda, 1996) ou, plus précisément la « mondialisation du capital » (Chesnais, 1994), doit être comprise comme étant plus - ou même tout autre chose - qu’une phase supplémentaire dans le processus d’internationalisation du capital engagé depuis plus d’un siècle. C’est à un mode de fonctionnement spécifique - et à plusieurs égards important, nouveau - du capitalisme mondial que nous avons affaire, dont il faudrait chercher à comprendre les ressorts et l’orientation, de façon à en faire la caractérisation.
Les points d’inflexion par rapport aux évolutions des principales économies, internes ou externes à l’OCDE, exigent d’être abordés comme un tout, en partant de l’hypothèse que vraisemblablement, ils font « système ». Pour ma part, j’estime qu’ils traduisent le fait qu’il y a eu - en se référant à la théorie de l’impérialisme qui fut élaborée au sein de l’aile gauche de la Deuxième Internationale voici bientôt un siècle -, passage dans le cadre du stade impérialiste à une phase différant fortement de celle qui a prédominé entre la fin de Seconde Guerre mondiale et le début des années 80. Je désigne celui-ci pour l’instant (avec l’espoir qu’on m’aidera à en trouver un meilleur au travers de la discussion et au besoin de la polémique) du nom un peu compliqué de « régime d’accumulation mondial à dominante financière ».
La différenciation et la hiérarchisation de l’économie-monde contemporaine de dimension planétaire résultent tant des opérations du capital concentré que des rapports de domination et de dépendance politiques entre États, dont le rôle ne s’est nullement réduit, même si la configuration et les mécanismes de cette domination se sont modifiés. La genèse du régime d’accumulation mondialisé à dominante financière relève autant de la politique que de l’économie. Ce n’est que dans la vulgate néo-libérale que l’État est « extérieur » au « marché ». Le triomphe actuel du « marché » n’aurait pu se faire sans les interventions politiques répétées des instances politiques des États capitalistes les plus puissants (en premier lieu, les membres du G7). Cette liberté que le capital industriel et plus encore le capital financier se valorisant sous la forme argent, ont retrouvée pour se déployer mondialement comme ils n’avaient pu le faire depuis 1914, tient bien sûr aussi de la force qu’il a recouvrée grâce à la longue période d’accumulation ininterrompue des « trente glorieuses » (l’une sinon la plus longue de toute l’histoire du capitalisme). Mais le capital n’aurait pas pu parvenir à ses fins sans le succès de la « révolution conservatrice » de la fin de la décennie 1970.
, chéris par les gouvernements du Nord et du Sud, s’empressent de pomper un maximum de richesses et rapatrient 55,3 milliards de dollars. Edifiant !
Contrairement à une idée reçue, la dette extérieure totale des 187 PED (Russie et Chine incluses), estimée à environ 2.500 Mds $ en 2001, ne représente qu’une part très marginale des dettes globales. En chiffres absolus, avec 28.800 Mds $ de dettes (dont 3.400 Mds $ de dette extérieure), les Etats-Unis représentent de loin l’économie la plus endettée. A la fin 2001, leur dette publique s’élevait à 4.800 Mds $, la dette des ménages à 7.700 et la dette des entreprises privées à 16.300.
En 2001, la dette publique externe de tous les PED, où vivent environ 85 % de la population mondiale, représente environ 1.600 Mds $, soit le double de la seule dette publique de la France (854 Mds €) et moins du dixième de celle de l’ensemble formé par l’Amérique du Nord, l’Europe occidentale et le Japon (18.000 Mds $).
La dette publique du Japon (4.449 Mds $) représente près de trois fois la dette publique externe de l’ensemble des PED. La dette publique de la petite Belgique (10 millions d’habitants) s’élève à 230 Mds $ alors que la dette externe publique et privée de l’ensemble de l’Afrique subsaharienne (plus de 600 millions d’habitants) représente une somme inférieure (soit 205 Mds $).
La dette externe totale des 42 Pays Pauvres Très Endettés (PPTE) représente environ 200 Mds $ alors que les dettes publiques des Pays Très Industrialisés Très Endettés (PTITE) représentent près de 20.000 milliards : 100 fois plus !!!
Les « Pays en Développement » ont envoyé 60 Plans Marshall à leurs créanciers entre 1980 et 2001...
Les montants remboursés sont impressionnants : selon la Banque mondiale, entre 1980 et 2001, les PED ont remboursé 4500 Mds $ tandis que leur dette externe totale était multipliée par quatre (600 Mds $ en 1980, 2500 Mds $ en 2001). On peut comparer ces montants à celui du plan Marshall Plan Marshall Ce plan a été conçu par l’administration du président démocrate Harry Truman, sous le nom de European Recovery Program. Il sera ensuite connu sous le nom du secrétaire d’État de l’époque, Georges Marshall (qui a été chef d’état-major général entre 1939 et 1945), chargé d’en assurer la mise sur pied. Entre avril 1948 et décembre 1951, les États-Unis accordent, principalement sous forme de dons, à quinze pays européens et à la Turquie une aide de 12,5 milliards de dollars (ce qui représente une somme plus de dix fois supérieure en 2020). Le Plan Marshall visait à favoriser la reconstruction de l’Europe dévastée au cours de la Seconde Guerre mondiale. (1948-1951) qui visait à favoriser la reconstruction de l’Europe à l’issue de la deuxième guerre mondiale. Comme il est estimé à 75 Mds $ de 2002, depuis 1980, ce sont 60 plans Marshall que les PED endettés ont remboursé à leurs créanciers.
Plus finement, il convient de calculer le transfert net
Transfert net
On appellera transfert net sur la dette la différence entre les nouveaux prêts contractés par un pays ou une région et son service de la dette (remboursements annuels au titre de la dette - intérêts plus principal).
Le transfert financier net est positif quand le pays ou le continent concerné reçoit plus (en prêts) que ce qu’il rembourse. Il est négatif si les sommes remboursées sont supérieures aux sommes prêtées au pays ou au continent concerné.
sur la dette en calculant la différence entre les montants qu’ils ont remboursés et les nouveaux prêts qui leur ont été octroyés. Entre 1983 et 2001, les PED ont remboursé 368 Mds $ de plus que ce qu’ils ont reçu, ce qui représente un transfert net négatif au bénéfice des créanciers. L’ampleur de ces transferts s’est fortement accrue à partir de la crise mexicaine de 1994-1995. Ce sont les trésoreries publiques des PED qui ont été le plus mises à contribution : entre 1995 et 2001, elles ont remboursé 248 Mds $ de plus que ce qu’on leur a prêté (voir tableau ci-dessous). Pourtant, selon le PNUD
PNUD
Programme des Nations unies pour le développement
Créé en 1965 et basé à New York, le PNUD est le principal organe d’assistance technique de l’ONU. Il aide - sans restriction politique - les pays en développement à se doter de services administratifs et techniques de base, forme des cadres, cherche à répondre à certains besoins essentiels des populations, prend l’initiative de programmes de coopération régionale, et coordonne, en principe, les activités sur place de l’ensemble des programmes opérationnels des Nations unies. Le PNUD s’appuie généralement sur un savoir-faire et des techniques occidentales, mais parmi son contingent d’experts, un tiers est originaire du Tiers-Monde. Le PNUD publie annuellement un Rapport sur le développement humain qui classe notamment les pays selon l’Indicateur de développement humain (IDH).
Site :
et l’UNICEF, il suffirait de 80 Mds $ par an pendant dix ans pour assurer la satisfaction des besoins humains fondamentaux (alimentation, eau, santé, éducation).
Les capitalistes des PED dépouillent eux aussi leur pays
Les détenteurs de capitaux du Sud ont placé une partie de leurs avoirs sur les places financières du Nord. Si on soustrayait du stock de la dette Stock de la dette Montant total des dettes. extérieure des pays du Tiers Monde, les avoirs que des ressortissants riches de ces pays détiennent au Nord, le solde donnerait une image assez différente de celle qui circule généralement. Le tableau 2 indique clairement ce phénomène.
Le montant des dépôts dans les banques des pays industrialisés est fourni par les statistiques trimestrielles de la Banque des Règlements Internationaux (BRI).
Que peut-on en déduire ? Les capitalistes des Pays du Sud (parmi eux se trouvent des gouvernants) ont accumulé une richesse considérable soit en détournant une partie des prêts octroyés à leur pays, soit en exploitant directement leurs concitoyens. Ils ont placé en sécurité une partie de ce magot dans les banques du Nord qui les prêtent aux gouvernants du Sud afin qu’ils remboursent la dette... La boucle est bouclée. Pour rompre le cercle infernal, il faut mener des enquêtes sur l’origine de ces dépôts considérables afin de récupérer un maximum d’argent à rétrocéder aux populations du Sud qui en ont été spoliées. L’usage de cet argent doit être contrôlé par les populations du Sud concernées via des fonds nationaux de développement chargés de mener à bien des projets définis avec le concours direct des citoyens et citoyennes du Sud.
docteur en sciences politiques des universités de Liège et de Paris VIII, porte-parole du CADTM international et membre du Conseil scientifique d’ATTAC France.
Il est l’auteur des livres, Capitulation entre adultes : Grèce 2015, une alternative était possible, Syllepse, 2020, Le Système Dette. Histoire des dettes souveraines et de leur répudiation, Les liens qui libèrent, 2017 ; Bancocratie, ADEN, Bruxelles, 2014 ; Procès d’un homme exemplaire, Éditions Al Dante, Marseille, 2013 ; Un coup d’œil dans le rétroviseur. L’idéologie néolibérale des origines jusqu’à aujourd’hui, Le Cerisier, Mons, 2010. Il est coauteur avec Damien Millet des livres AAA, Audit, Annulation, Autre politique, Le Seuil, Paris, 2012 ; La dette ou la vie, Aden/CADTM, Bruxelles, 2011. Ce dernier livre a reçu le Prix du livre politique octroyé par la Foire du livre politique de Liège.
Il a coordonné les travaux de la Commission pour la Vérité sur la dette publique de la Grèce créée le 4 avril 2015 par la présidente du Parlement grec. Cette commission a fonctionné sous les auspices du parlement entre avril et octobre 2015.
7 juillet 2020, par Eric Toussaint
Série : 1944-2020, 76 ans d’intervention de la Banque mondiale et du FMI (partie 16)
Le piège de l’endettement3 juillet 2020, par Eric Toussaint
2 juillet 2020, par Eric Toussaint
1er juillet 2020, par Eric Toussaint
29 juin 2020, par Eric Toussaint , Philippe Poutou
22 juin 2020, par Eric Toussaint
Série : 1944-2020, 76 ans d’intervention de la Banque mondiale et du FMI (partie 15)
La Corée du Sud et le miracle démasqué15 juin 2020, par Eric Toussaint
12 juin 2020, par Eric Toussaint , Susan George , Catherine Samary , Miguel Urbán Crespo , Collectif de signataires
11 juin 2020, par Eric Toussaint
Série : 1944-2020, 76 ans d’intervention de la Banque mondiale et du FMI (partie 14)
Les mensonges théoriques de la Banque mondiale4 juin 2020, par Eric Toussaint
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