G20 : le nouveau consensus de Washington est arrivé

21 novembre 2008 par Attac France


Le résultat de la réunion du G20 à Washington le 15 novembre 2008 est dérisoire et indécent. La déclaration adoptée par les gouvernements est un modèle du genre « réaffirmation des principes du néolibéralisme ». Pas un seul dogme ayant présidé à la financiarisation de l’économie mondiale qui a conduit à la crise n’est absent de cette déclaration finale.



Alors que la circulation absolue des capitaux, les innovations financières, le débridement des produits dérivés Produits dérivés
Produit dérivé
Famille de produits financiers qui regroupe principalement les options, les futures, les swaps et leurs combinaisons, qui sont tous liés à d’autres actifs (actions, obligations, matières premières, taux d’intérêt, indices...) dont ils sont par construction inséparables : option sur une action, contrat à terme sur un indice, etc. Leur valeur dépend et dérive de celle de ces autres actifs. Il existe des produits dérivés d’engagement ferme (change à terme, swap de taux ou de change) et des produits dérivés d’engagement conditionnel (options, warrants…).
sont unanimement reconnus comme facteurs d’instabilité permanente, le G20 G20 Le G20 est une structure informelle créée par le G7 (Allemagne, Canada, États-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni) à la fin des années 1990 et réactivée par lui en 2008 en pleine crise financière dans le Nord. Les membres du G20 sont : Afrique du Sud, Allemagne, Arabie saoudite, Argentine, Australie, Brésil, Canada, Chine, Corée du Sud, États-Unis, France, Inde, Indonésie, Italie, Japon, Mexique, Royaume-Uni, Russie, Turquie, Union européenne (représentée par le pays assurant la présidence de l’UE et la Banque Centrale européenne ; la Commission européenne assiste également aux réunions). L’Espagne est devenue invitée permanente. Des institutions internationales sont également invitées aux réunions : le Fonds monétaire international, la Banque mondiale. Le Conseil de stabilité financière, la BRI et l’OCDE assistent aussi aux réunions. veut encourager « le développement des échanges de produits et services financiers » et faire en sorte que les institutions financières puissent « traiter des volumes croissants de produits dérivés Dérivés
Dérivé
Dérivé de crédit : Produit financier dont le sous-jacent est une créance* ou un titre représentatif d’une créance (obligation). Le but du dérivé de crédit est de transférer les risques relatifs au crédit, sans transférer l’actif lui-même, dans un but de couverture. Une des formes les plus courantes de dérivé de crédit est le Credit Default Swap.
 ».

Se gargarisant de « régulation » à chaque page, le G20 ne prend aucune véritable mesure contre les paradis fiscaux Paradis fiscaux
Paradis fiscal
Territoire caractérisé par les cinq critères (non cumulatifs) suivants :
(a) l’opacité (via le secret bancaire ou un autre mécanisme comme les trusts) ;
(b) une fiscalité très basse, voire une imposition nulle pour les non-résidents ;
(c) des facilités législatives permettant de créer des sociétés écrans, sans aucune obligation pour les non-résidents d’avoir une activité réelle sur le territoire ;
(d) l’absence de coopération avec les administrations fiscales, douanières et/ou judiciaires des autres pays ;
(e) la faiblesse ou l’absence de régulation financière.

La Suisse, la City de Londres et le Luxembourg accueillent la majorité des capitaux placés dans les paradis fiscaux. Il y a bien sûr également les Iles Caïmans, les Iles anglo-normandes, Hong-Kong, et d’autres lieux exotiques. Les détenteurs de fortunes qui veulent échapper au fisc ou ceux qui veulent blanchir des capitaux qui proviennent d’activités criminelles sont directement aidés par les banques qui font « passer » les capitaux par une succession de paradis fiscaux. Les capitaux généralement sont d’abord placés en Suisse, à la City de Londres ou au Luxembourg, transitent ensuite par d’autres paradis fiscaux encore plus opaques afin de compliquer la tâche des autorités qui voudraient suivre leurs traces et finissent par réapparaître la plupart du temps à Genève, Zurich, Berne, Londres ou Luxembourg, d’où ils peuvent se rendre si nécessaires vers d’autres destinations.
et ne dit pas un mot du secret bancaire, auxquels pourtant beaucoup de chefs d’État ou de gouvernement affirmaient vouloir mettre fin.

Ne craignant pas la contradiction, le G20 affirme la nécessité d’éviter la récession Récession Croissance négative de l’activité économique dans un pays ou une branche pendant au moins deux trimestres consécutifs. , tout en appelant à « maintenir un cadre politique conduisant à la soutenabilité budgétaire », c’est-à-dire un cadre de rigueur.

Faut-il s’étonner que le bilan de trente années de politiques néolibérales ne soit pas tiré ? La montée considérable des inégalités, consécutive d’une part à la forte diminution de la part de richesse produite allant aux travailleurs, et d’autre part à l’application de programmes d’ajustement structurel dans les pays du Sud, est totalement ignorée par le G20. Or le programme dit « de la valeur pour l’actionnaire », corollaire de la dégradation de la condition salariale, est la cause profonde de l’emballement de la finance et de sa crise.

Dans les années 1980 et 1990, les politiques néolibérales furent canonisées sous l’appellation de « consensus de Washington ». Aujourd’hui, on peut dire qu’un nouveau consensus de Washington vient d’être reformulé pour donner l’apparence de la nouveauté à ce qui n’est qu’une simple copie des préceptes qui ont conduit le monde au bord du désastre. L’effacement des dettes des grandes banques n’a posé aucun problème aux partisans du capitalisme, tandis que celui de la dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
des pays du Sud attend encore de devenir une priorité.

L’Union européenne s’est-elle exprimée d’une voix originale dans ce concert ? Non, à l’unisson des autres grandes puissances, elle s’engage dans la poursuite des réformes structurelles du marché du travail, ainsi que l’a déclaré le Conseil des ministres des finances (Ecofin) du 7 octobre, réformes qui portent en germe l’aggravation de la situation du plus grand nombre, préparant ainsi les conditions d’une nouvelle crise avant même que l’actuelle soit jugulée. La « refondation du capitalisme », chère au président français qui est aussi le président en exercice de l’UE, n’est que l’habillage d’une nouvelle fuite en avant vers le chaos social.

Après avoir fait la part belle aux banquiers et spéculateurs fauteurs de crise, les principaux gouvernements présents dans le G20 viennent de réaffirmer leur foi aveugle dans les bienfaits du marché roi et dans les vertus de la recherche de la rentabilité à tout prix. Le prix à payer sera celui de l’impossibilité de réduire la pauvreté et les inégalités et celui de l’impossibilité de mettre les sociétés sur une trajectoire de développement respectueux de l’environnement.

Avec l’ensemble du mouvement altermondialiste, Attac propose de mettre la finance au pas, de désarmer ses acteurs et d’inscrire les citoyens au cœur des procédures de décision. Alors que le G20 s’est fixé un nouveau rendez-vous en avril 2009, Attac s’engagera dans toutes les mobilisations sociales et citoyennes pour sortir du néolibéralisme, en exigeant notamment la taxation générale des transactions financières, la mise sous contrôle public du secteur bancaire et financier et un nouveau partage de la richesse produite. C’est possible et c’est maintenant indispensable rapidement.

Attac France,
Montreuil, le 18 novembre 2008