Dette et extractivisme : Chapitre 2

L’asservissement des peuples par l’extractivisme et la dette

27 juillet 2017 par Nicolas Sersiron


Chapitre 2 du livre Dette et extractivisme écrit par Nicolas Sersiron, ancien président du CADTM France.
Ce livre est sorti sur papier aux éditions Utopia en octobre 2014. Il est possible de se le procurer soit en librairie soit de le commander sur ce site au prix de 8 euros.

Les 5 chapitres sont publiés séparément au courant de l’été 2017.

Le système dette, que la majorité des lecteurs du site commence à bien connaître, est mis en lien avec l’extractivisme. Il est en effet un des plus puissant leviers du pillage des ressources naturelles qui enrichit un petit nombre d’actionnaires, appauvri et désespère la grande majorité de l’humanité et détruit notre biotope. Au fil de la publication des chapitres, nous verrons comment le réchauffement climatique et l’extinction des espèces vivantes en forte accélération, l’acidification des océans, la destruction des grands massifs forestiers, sont des conséquences directes des deux systèmes dette et extractivisme.



 1. De Christophe Colomb à la fin de la Seconde Guerre mondiale

L’extractivisme Extractivisme Modèle de développement basé sur l’exploitation des ressources naturelles, humaines et financières, guidé par la croyance en une nécessaire croissance économique. transatlantique débute en 1492 avec le débarquement de Christophe Colomb sur l’île d’Hispaniola dans les Caraïbes. La chute de Constantinople en 1453, en fermant la route de la soie, contraint les Européens à chercher par la mer de nouvelles voies vers l’Asie et les amène à la découverte du « Nouveau Monde ». Les conquistadors espagnols et portugais s’emparent alors de toutes les richesses à leur portée. Recherchant avant tout l’or, ils ont pratiqué un extractivisme ultra violent. Par cupidité et sous prétexte d’évangélisation, des peuples entiers ont été massacrés et des civilisations détruites.

L’extermination des trois millions d’indiens Arawak peuplant les Caraïbes se fera en quelques dizaines d’années, elle sera suivie de celle d’une grande partie des populations d’Amérique centrale et du Sud puis, quelques siècles plus tard, de celle des Indiens d’Amérique du Nord. Les Amérindiens n’ont pas accepté d’être forcés à travailler au profit des colons pour extraire l’or ou l’argent, ni à cultiver la canne à sucre et les autres produits destinés à l’exportation vers l’Europe, alors qu’ils vivaient depuis des millénaires sur ces îles. Pour les remplacer, les colons blancs ont acheté des esclaves venus d’Afrique et les ont soumis aux travaux forcés d’exploitation des ressources agricoles et minières.

La traite atlantique directe et le commerce triangulaire avec l’Europe s’est étendu sur trois siècles. Financés par la grande bourgeoisie européenne, les bateaux partaient des ports européens vers les côtes africaines chargés de verroteries, armes, alcools et textiles fins qu’ils échangeaient avec les rois africains contre des esclaves noirs. Après avoir vendu leur cargaison de « bois d’ébène » en Amérique latine, ils repartaient avec épices, tabac, coton, sucre et surtout métaux précieux (or, argent). Ce commerce lié à la traite cessa à partir de 1815 avec les premières indépendances sud-américaines. La Révolution française abolit l’esclavage une première fois en 1794, mais il faudra attendre 1848 pour voir son abolition presque définitive sous l’impulsion de Victor Schœlcher.

Le commerce triangulaire : un triple extractivisme

La déportation de dizaines de millions d’Africains arrachés à leur famille et à leur pays, vendus et transportés en Amérique par les européens dans des conditions inhumaines, constitue la première extraction. L’exploitation du travail forcé des esclaves constitue la deuxième, et la troisième réside dans l’exportation vers l’Europe de ces produits, sans payer la moindre compensation aux pays et aux peuples colonisés ni en assumer les dégâts environnementaux. L’extractivisme, cette appropriation privée des « biens communs » de l’humanité, a dépossédé des populations autochtones tout d’abord au profit des colons, des armateurs et des financiers mais aussi au final à celui des populations européennes.

Le dramatique exemple d’Haïti



L’histoire d’Haïti est emblématique des conquêtes européennes sur tous les continents. La conquête de la planète par les Européens, puis par les Étasuniens, peut être racontée en suivant l’histoire de l’extractivisme. Elle permet de comprendre aussi bien les richesses accumulées par une minorité d’individus au pouvoir aujourd’hui que la pauvreté du plus grand nombre.

L’île d’Haïti a été dévastée en janvier 2010 par un très puissant tremblement de terre qui a provoqué la mort de près de 300 000 personnes, blessé le même nombre de gens, et laissé un million de sans-abri et d’énormes dégâts. Haïti, pays vulnérable aux catastrophes naturelles, avait été ravagé en 2008 par quatre cyclones causant d’immenses dégâts au secteur agricole et aux infrastructures. Pourquoi de tels désastres sont-ils si dramatiques alors que dans la Floride voisine, les mêmes événements ne provoquent au maximum que quelques dizaines de morts ? [1]

L’environnement dégradé par une surexploitation des richesses naturelles comme la déforestation provoquant l’érosion et l’éboulement des terres, ou l’économie du pays plombée par la corruption, conséquences d’un pillage organisé depuis plusieurs siècles, en sont les véritables causes.

« Dans la province haïtienne de Cicao, où lui (C. Colomb) et ses hommes pensaient trouver de l’or en abondance, ils obligèrent tous les Indiens de quatorze ans et plus à collecter chaque trimestre une quantité déterminée d’or. Les Indiens (Arawak) qui remplissaient ce contrat recevaient un jeton de cuivre qu’ils devaient suspendre à leur cou. Tout Indien surpris sans ce talisman avait les mains tranchées et était saigné à blanc. (…) Les Indiens tentèrent bien de réunir une armée pour résister, mais ils avaient en face d’eux des Espagnols à cheval et en armure, armés de fusils et d’épées. (…) Les suicides au poison de manioc se multiplièrent au sein de la communauté Arawak. On assassinait les enfants pour les soustraire aux Espagnols. (…) Deux années suffirent pour que meurtres, mutilations fatales et suicides réduisissent de moitié la population indienne d’Haïti d’environ 250 000 personnes. (…) En 1515 il ne restait plus que 15 000 Indiens et 500 seulement en 1550. » [2]

 Les premiers esclaves, de jeunes africain-e-s, arrivèrent en 1503 sur l’île d’Hispaniola. Les conditions de vie qui leur étaient imposées par les planteurs et les colons étaient si dures qu’ils ne vivaient en moyenne pas plus de neuf ans.

Après trois siècles, une série de révoltes et de guerres se produisit. Le corps expéditionnaire de Napoléon fut battu en 1803 par 400 000 esclaves auto- affranchis. La première république noire de tous les temps est proclamée en 1804 à Haïti. En 1825, le roi Charles X, au nom du remboursement des terres et des esclaves perdus par les maîtres blancs, proposa aux 400 000 Haïtiens le choix entre payer une rançon équivalant au budget annuel de la France forte de 30 millions d’habitants, ou perdre leur liberté face à un nouveau corps expéditionnaire surpuissant. Ils payèrent, en y consacrant jusqu’à 80 % de leurs revenus pendant plus d’un siècle, et payent encore. Ils dévastèrent les forêts et toutes les richesses naturelles de cette île qui était considérée comme la perle des Antilles, sans aucune possibilité d’engager un véritable projet économique.

Nous ne détaillerons pas les diverses invasions militaires des États-Unis, ni les soutiens occidentaux aux dictatures successives des Duvalier. Depuis 1825, le paiement de la rançon exigée par Charles X et ses successeurs, hypocritement appelée « dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
 », a profondément enfoncé ce pays dans la pauvreté et favorisé toutes les dérives politiques, telles que la corruption et la répression féroce par les Tontons macoutes. On considère qu’au moment de sa fuite d’Haïti en 1986, Jean-Claude Duvalier, alias Baby Doc, avait accumulé une fortune d’environ 800 millions de dollars, soit l’équivalent de la dette publique du pays.

En 2003, deux siècles après la libération du pays, le président Jean-Bertrand Aristide a réclamé officiellement à la France près de 21,7 milliards de dollars en « restitution et réparation ». Le 29 février 2004, il a été destitué par un coup d’État orchestré par les États-Unis avec l’appui de la France.

Aujourd’hui, la population dépend à 80 % des importations de riz américain subventionné. Il y a vingt ans, le pays était pourtant autosuffisant. Mais en 1995, quand le FMI FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.

À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).

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a conditionné de nouveaux prêts de secours à la baisse des barrières douanières haïtiennes de 50 % à 3 % selon les produits, le pays a été inondé par ces aliments moins chers issus du dumping [3] agricole et commercial, laminant la production de riz sur l’île. En 2006 la subvention au riz étasunien était d’un milliard de dollars. [4] Un exemple flagrant d’une logique de conquête aux conséquences dramatique pour la population. Contraindre un pays pauvre à importer des aliments en dumping, pour nourrir sa population appauvrie par le néocolonialisme, est insupportable. Le gouvernement en acceptant les exigences du FMI sacrifie la sécurité et la souveraineté alimentaire plus l’emploi. Les riziculteurs, ruinés quittent leurs champs et vont grossir les bidonvilles de Port-au-Prince. Quand le prix du riz a plus que doublé en 2008, le piège du libre-échange s’est refermé devant les ventres affamés des populations incapables de le payer.

Après le drame du tremblement de terre de 2010, le grand projet néolibéral est d’agrandir les zones franches au profit des entreprises étrangères qui pourront y produire sans payer d’impôts. Des Haïtiens sous-payés, traités comme des esclaves, confectionneront des vêtements à destination des pays nantis : maximisation des profits des multinationales par la minimisation des salaires. En 2012, selon le PNUD PNUD
Programme des Nations unies pour le développement
Créé en 1965 et basé à New York, le PNUD est le principal organe d’assistance technique de l’ONU. Il aide - sans restriction politique - les pays en développement à se doter de services administratifs et techniques de base, forme des cadres, cherche à répondre à certains besoins essentiels des populations, prend l’initiative de programmes de coopération régionale, et coordonne, en principe, les activités sur place de l’ensemble des programmes opérationnels des Nations unies. Le PNUD s’appuie généralement sur un savoir-faire et des techniques occidentales, mais parmi son contingent d’experts, un tiers est originaire du Tiers-Monde. Le PNUD publie annuellement un Rapport sur le développement humain qui classe notamment les pays selon l’Indicateur de développement humain (IDH).
Site :
, 77% des Haïtiens vivaient en-dessous du seuil de pauvreté dans le pays le plus pauvre du continent américain.

Selon Camille Chalmers [5], la mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti, la Minustah, avec plus de 10 000 hommes en armes depuis plus de 10 ans, a fait de l’île un laboratoire de l’ultralibéralisme. Ce processus de remilitarisation de la Caraïbe permet l’implantation de société minières et de multinationales en tous genres, de complexes touristiques de luxe, le tout avec de grands profits. C’est aussi un moyen de contrôler l’espace électoral. Michel Martelly a été élu président en 2011, sans que les résultats ne soient jamais promulgués, avec un taux de participation avoisinant les 13%. La présence de 10 000 ONG sur l’île s’inscrit dans la dynamique de l’exclusion des Haïtiens de l’organisation de leur espace public.

Aucune aide internationale n’arrive pour créer une agriculture vivrière capable d’alimenter la population haïtienne. Au contraire elle reçoit des cadeaux empoisonnés tels les « dons » de semences OGM OGM
Organisme génétiquement modifié
Organisme vivant (végétal ou animal) sur lequel on a procédé à une manipulation génétique afin de modifier ses qualités, en général afin de le rendre résistant à un herbicide ou un pesticide. En 2000, les OGM couvraient plus de 40 millions d’hectares, concernant pour les trois-quarts le soja et le maïs. Les principaux pays producteurs étaient les USA, l’Argentine et le Canada. Les plantes génétiquement modifiées sont en général produites intensivement pour l’alimentation du bétail des pays riches. Leur existence pose trois problèmes.


- Problème sanitaire. Outre la présence de nouveaux gènes dont les effets ne sont pas toujours connus, la résistance à un herbicide implique que le producteur va multiplier son utilisation. Les produits OGM (notamment le soja américain) se retrouvent gorgés d’herbicide dont dont on ignore les effets sur la santé humaine. De plus, pour incorporer le gène nouveau, on l’associe à un gène de résistance à un antibiotique, on bombarde des cellules saines et on cultive le tout dans une solution en présence de cet antibiotique pour ne conserver que les cellules effectivement modifiées.


- Problème juridique. Les OGM sont développés à l’initiative des seules transnationales de l’agrochimie comme Monsanto, pour toucher les royalties sur les brevets associés. Elles procèdent par coups de boutoir pour enfoncer une législation lacunaire devant ces objets nouveaux. Les agriculteurs deviennent alors dépendants de ces firmes. Les États se défendent comme ils peuvent, bien souvent complices, et ils sont fort démunis quand on découvre une présence malencontreuse d’OGM dans des semences que l’on croyait saines : destruction de colza transgénique dans le nord de la France en mai 2000 (Advanta Seeds), non destruction de maïs transgénique sur 2600 ha en Lot et Garonne en juin 2000 (Golden Harvest), retrait de la distribution de galettes de maïs Taco Bell aux USA en octobre 2000 (Aventis). En outre, lors du vote par le parlement européen de la recommandation du 12/4/2000, l’amendement définissant la responsabilité des producteurs a été rejeté.


- Problème alimentaire. Les OGM sont inutiles au Nord où il y a surproduction et où il faudrait bien mieux promouvoir une agriculture paysanne et saine, inutiles au Sud qui ne pourra pas se payer ces semences chères et les pesticides qui vont avec, ou alors cela déséquilibrera toute la production traditionnelle. Il est clair selon la FAO que la faim dans le monde ne résulte pas d’une production insuffisante.
faits par Bill Gates, grand actionnaire de Monsanto. Les « généreux donateurs » de semences brevetées exigent des agriculteurs qu’ils leur donnent en retour leurs semences paysannes, libres de droits, pour ensuite les détruire. Adaptées au terroir et au climat de l’île, ne nécessitant pas d’intrants Intrants Éléments entrant dans la production d’un bien. En agriculture, les engrais, pesticides, herbicides sont des intrants destinés à améliorer la production. Pour se procurer les devises nécessaires au remboursement de la dette, les meilleurs intrants sont réservés aux cultures d’exportation, au détriment des cultures vivrières essentielles pour les populations. chimiques ni d’être rachetées chaque année au prix fort, elles sont vues par les multinationales comme des armes de résistance à leur implantation et à leur monopole : peu importe si ce système appauvrira encore un peu plus la population.

La colonisation : une aggravation du pillage

Si la fin de l’esclavage, au cours du XIXe siècle, est une immense victoire pour les Afro-Américains, elle marque pourtant le début d’une nouvelle conquête de presque tous les continents par les armées européennes. Pour répondre à la croissance des besoins en matières premières issue de la révolution industrielle, le système capitaliste a besoin de nouvelles colonies. Les Empires anglais et hollandais d’Asie se créeront dans une violence particulièrement féroce à l’abri d’un protectionnisme redoutable. Les manufactures textiles anglaises se perfectionnent par le vol des savoir-faire indiens, les manufactures de céramique et de textile hollandaises par le vol des procédés indonésiens. En Angleterre, le développement de ces industries se fera au détriment des peuples colonisés, obligés de vendre leur production cotonnière brute, et auxquels on interdisait d’exporter leurs produits manufacturés tout en les obligeant à acheter les produits finis anglais. Karl Marx écrit en 1853 :

« Aucun doute n’est possible pourtant : les maux que les Anglais ont causés à l’Hindoustan sont d’un genre essentiellement différent et beaucoup plus profond que tout ce que l’Hindoustan avait eu à souffrir auparavant. L’Angleterre a en effet détruit les fondements du régime social de l’Inde, sans manifester jusqu’à présent la moindre velléité de construire quoi que ce soit. » [6]

La France crée un empire colonial en Afrique (nord, ouest et centre) et en Asie. Elle s’approprie les productions agricoles et forestières par le travail forcé des peuples soumis, ainsi que toutes les autres ressources minières nécessaires à son hégémonie et à son développement industriel. Le roi Léopold II de Belgique fera du Congo sa propriété personnelle, tirant d’immenses profits de l’ivoire et surtout du « caoutchouc rouge », couleur sang, pour les pneus des premières voitures européennes. C’est au prix de centaines de milliers de bras coupés, d’hommes et de femmes enterrés vivants - de millions de congolais assassinés, selon certaines sources - pour n’avoir pas rapporté suffisamment de latex des hévéas de la forêt ou d’ivoire que ce petit roi blanc a pillé cet immense pays. La conférence de Berlin en 1885 avait marqué le départ de la ruée sur l’Afrique et officialisé le partage du continent. Après l’immense ponction faite par l’esclavage, cette période brisera en moins d’un siècle et pour longtemps le développement culturel et économique de ce continent à l’histoire si riche et aux cultures tellement extraordinaires.

 2. Après les indépendances, mise en place du « système dette »

Les dettes illégitimes et odieuses permettront de soumettre rapidement les économies de ces nouveaux pays aux injonctions de la BM Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.

En 2022, 189 pays en sont membres.

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du FMI. Ainsi leurs économies seront-elles encore administrées, bien que de manière moins visible, par les pays du Nord pour le plus grand profit de leurs multinationales. L’extractivisme colonial va donc se dissimuler sous le masque d’une indépendance qui se révèlera dans bien des cas n’être qu’un leurre. Les décideurs politiques se montrant trop affranchis des volontés de leurs anciens maîtres seront assassinés ou destitués par les services secrets du Nord (Etats-Unis, Europe et particulièrement France avec le réseau Foccart). La mort criminelle de Patrice Lumumba, premier ministre du Congo ex Belge, organisée en 1961 par la CIA et la Belgique, en est un exemple emblématique. Il est loin d’être le seul.

Néocolonialisme, Banque mondiale, Fonds monétaire international

Entre 1947 et les années 1960, les peuples asiatiques et africains parviennent, par leur résistance, à obtenir leur indépendance. Après l’esclavage et la colonisation armée, le néocolonialisme est la troisième forme de servitude subie par les pays dits « du tiers-monde ». Les moyens changent, mais l’impérialisme qui consiste à s’approprier dans des conditions scandaleuses les ressources végétales, minérales et fossiles de ces pays se perpétue et même s’aggrave. La dette financière illégitime, après les conquistadors, l’esclavage organisé et la période coloniale, est le dernier cran du système à cliquet de la conquête capitaliste qui limite la liberté politique et économique des peuples, à chaque fois un peu plus étroitement.

Après la Seconde Guerre mondiale, Washington a opportunément oublié que son territoire était une emprise coloniale sur celui des peuples amérindiens. En fondant la BM et le FMI en 1944 à Bretton Woods, avec le soutien des grandes puissances occidentales, les Étasuniens ont mis en place, sous l’influence de leurs banquiers, des outils essentiels à la poursuite de leur conquête du monde.

La BM avait pour rôle de financer les reconstructions européennes d’après-guerre et le développement des pays du Tiers-monde. Or, avec le plan Marshall Plan Marshall Ce plan a été conçu par l’administration du président démocrate Harry Truman, sous le nom de European Recovery Program. Il sera ensuite connu sous le nom du secrétaire d’État de l’époque, Georges Marshall (qui a été chef d’état-major général entre 1939 et 1945), chargé d’en assurer la mise sur pied. Entre avril 1948 et décembre 1951, les États-Unis accordent, principalement sous forme de dons, à quinze pays européens et à la Turquie une aide de 12,5 milliards de dollars (ce qui représente une somme plus de dix fois supérieure en 2020). Le Plan Marshall visait à favoriser la reconstruction de l’Europe dévastée au cours de la Seconde Guerre mondiale. , ce sont les États-Unis qui financent la reconstruction européenne afin d’offrir des débouchés aux productions de leurs entreprises. En 1947, sans respect de ses statuts lui interdisant toute intervention politique dans le pays aidé, la BM refusait de verser un prêt à la France tant que les communistes étaient au gouvernement. Quelques jours après leur éviction, elle débloquera les fonds. Avec son président Robert Mc Namara (1968-1981), ancien directeur de Ford, elle augmentera fortement ses prêts vers les pays aujourd’hui dits hypocritement « en développement », les PED. En se mettant au service d’un capitalisme de conquête, la BM devient l’outil d’une géostratégie globale : mise à disposition des ressources naturelles de ces pays au profit des investisseurs-pilleurs occidentaux et application de la doctrine du containment [7] dans les pays du tiers-monde. La banque soutient activement des dictateurs pour lutter contre l’influence soviétique. Mobutu au Zaïre, la junte militaire au Brésil ou le général Suharto en Indonésie recevront des prêts qu’ils détourneront en grande partie pour eux-mêmes et leurs affidés, ainsi que pour mater leurs opposants, endettant lourdement leur pays pour des décennies. La lutte contre le communisme coûta la vie à des centaines de milliers d’opposants indonésiens. [8]

La BM et le FMI participent aussi activement au surendettement des pays du Sud et à la corruption de leurs dirigeants par le financement d’« éléphants blancs Éléphant blanc
éléphants blancs
L’expression « éléphant blanc » désigne un mégaprojet, souvent d’infrastructure, qui amène plus de coûts que de bénéfices à la collectivité.

Pour la petite histoire, la métaphore de l’éléphant blanc provient de la tradition des princes indiens qui s’offraient ce cadeau somptueux. Cadeau empoisonné, puisqu’il entraînait de nombreux coûts et qu’il était proscrit de le faire travailler. Ce terme est généralement utilisé pour désigner des mégaprojets développés dans les pays du Sud.
 » ou de grands projets inutiles, d’immenses barrages, d’extraction d’énergies fossiles, de voies ferrées, de ports, de dépenses de prestige, etc. Participer au développement de l’autonomie des pays du Sud dans le but d’améliorer la vie des populations n’est pas dans les objectifs de la BM. Le développement qu’elle soutient activement est au contraire extractiviste et exportateur pour les PED. Il participe à l’enrichissement de la classe des prédateurs capitalistes, qu’ils soient du Nord ou du Sud, au détriment des populations dépossédées. Ne nous laissons pas tromper par une communication mensongère et une utilisation des mots comme « développement » ou « bonne gouvernance » à l’opposé de ce que tout un chacun croit comprendre. L’idéologie dominante sait manier l’art de la sémantique : la « bonne gouvernance », prônée par la BM pour les PED, est une expression d’origine managériale. Elle est en opposition avec « une bonne démocratie ». La « bonne gouvernance » pour la BM veut dire rembourser les dettes illégitimes et privilégier l’extractivisme.

Ces deux institutions, FMI et BM ont un fonctionnement non démocratique, les pays de la Triade Triade Les expressions « Triade » et « triadique » sont dues à K. Ohmae (1985). Elles ont été utilisées d’abord par les business schools et le journalisme économique, avant d’être adoptées très largement. Les trois pôles de la Triade désignent les États-Unis, l’Union européenne et le Japon, mais autour de ces pôles se forment des associations un peu plus larges. Selon Ohmae, le seul espoir d’un pays en développement - il faut y ajouter désormais les anciens pays dits socialistes - est de se hisser au statut de membre associé, même périphérique, d’un des trois « pôles ». Cela vaut également pour les nouveaux pays industrialisés (NPI) d’Asie, qui ont été intégrés par étapes, avec notamment des différences de pays à pays, dans le pôle dominé par le Japon (Chesnais, 1997, p. 85-86). y détenant la majorité absolue. Avec 65 millions d’habitants et 4,3 % des droits de vote, la France a plus de voix que la Chine ou l’Inde. Le FMI comme la BM favorisent les pays de la Triade dans le partage international des matières premières. En 2007, la Chine a signé « le contrat du siècle » avec la RDC : un investissement de neuf milliards de dollars dans les infrastructures du pays en échange de quatorze milliards de dollars de cuivre et de cobalt à exploiter pendant des décennies. Après un chantage à l’effacement de la dette de la RDC, le FMI a obtenu la révision de ce contrat. L’enjeu des pays de la Triade « est de garder la mainmise sur les ressources naturelles de la RDC en utilisant l’alibi de la dette et du très à la mode ’climat des affaires’ ». [9] Les BRICS, ou pays émergents Pays émergents Les pays émergents désignent la vingtaine de pays en développement ayant accès aux marchés financiers et parmi lesquels se trouvent les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud). Ils se caractérisent par un « accroissement significatif de leur revenu par habitant et, de ce fait, leur part dans le revenu mondial est en forte progression ». réunis à Fortaleza au Brésil en 2014 « cherchent à créer un système alternatif aux institutions dominées par les nations occidentales, FMI et BM. » [10]

La dette publique « odieuse » ou « illégitime »

Le coup d’éclat de la BM au moment des indépendances, dans les années 1960, sera d’imposer à de jeunes « démocraties » la charge du remboursement des emprunts contractés auprès d’elle par les pays colonisateurs : c’est son premier grand crime contre les peuples. Ainsi, elle a imposé au jeune Congo le remboursement des emprunts contractés auprès d’elle par la Belgique afin d’en extraire plus facilement les richesses. L’aide au financement d’un port en eau profonde, d’une route ou d’une voie ferrée destinée à transporter des minerais ou d’autres matières premières exportées sans transformation locale, doit-elle être assumée par le pays qui n’en a aucunement profité ? La BM met en place le premier levier du néocolonialisme : la « dette publique », qui est très largement odieuse.

La dette odieuse Dette odieuse Selon la doctrine, pour qu’une dette soit odieuse, et donc nulle, elle doit remplir deux conditions :
1) Elle doit avoir été contractée contre les intérêts de la Nation, ou contre les intérêts du Peuple, ou contre les intérêts de l’État.
2) Les créanciers ne peuvent pas démontrer qu’ils ne pouvaient pas savoir que la dette avait été contractée contre les intérêts de la Nation.

Il faut souligner que selon la doctrine de la dette odieuse, la nature du régime ou du gouvernement qui la contracte n’est pas particulièrement importante, puisque ce qui compte, c’est l’utilisation qui est faite de cette dette. Si un gouvernement démocratique s’endette contre l’intérêt de la population, cette dette peut être qualifiée d’odieuse, si elle remplit également la deuxième condition. Par conséquent, contrairement à une version erronée de cette doctrine, la dette odieuse ne concerne pas seulement les régimes dictatoriaux.
(voir : Eric Toussaint, « La Dette odieuse selon Alexander Sack et selon le CADTM » ).

Le père de la doctrine de la dette odieuse, Alexander Nahum Sack, dit clairement que les dettes odieuses peuvent être attribuées à un gouvernement régulier. Sack considère qu’une dette régulièrement contractée par un gouvernement régulier peut être considérée comme incontestablement odieuse... si les deux critères ci-dessus sont remplis.

Il ajoute : « Ces deux points établis, c’est aux créanciers que reviendrait la charge de prouver que les fonds produits par lesdits emprunts avaient été en fait utilisés non pour des besoins odieux, nuisibles à la population de tout ou partie de l’État, mais pour des besoins généraux ou spéciaux de cet État, qui n’offrent pas un caractère odieux ».

Sack a défini un gouvernement régulier comme suit :
« On doit considérer comme gouvernement régulier le pouvoir suprême qui existe effectivement dans les limites d’un territoire déterminé. Que ce pouvoir soit monarchique (absolu ou limité) ou républicain ; qu’il procède de la « grâce de Dieu » ou de la « volonté du peuple » ; qu’il exprime la « volonté du peuple » ou non, du peuple entier ou seulement d’une partie de celui-ci ; qu’il ait été établi légalement ou non, etc., tout cela n’a pas d’importance pour le problème qui nous occupe. »

Donc, il n’y a pas de doute à avoir sur la position de Sack, tous les gouvernements réguliers, qu’ils soient despotiques ou démocratiques, sous différentes variantes, sont susceptibles de contracter des dettes odieuses.
, cette doctrine du droit international énoncée par Alexander Nahum Sack en 1927 à la suite de l’affaire de Cuba en 1898 [11], a fait jurisprudence et a été appliquée à plusieurs reprises dans l’histoire. Une dette publique n’a pas à être remboursée si elle n’a pas profité à la population, si elle n’a pas été créée/contractée avec son consentement et si le prêteur a accepté d’apporter les fonds en connaissant l’absence de ces deux éléments du contrat de prêt liant le prêteur et l’emprunteur. Or ce dernier est le peuple, celui qui remboursera in fine. Si une dette contractée pour des investissements socialement utiles (écoles, hôpitaux, routes, ponts, etc.) est parfaitement légitime, celles datant de la période coloniale sont odieuses, et ne doivent en aucun cas être payées par le gouvernement d’un pays ayant accédé à l’indépendance.

Que penser d’une institution qui emprisonne une personne pendant des dizaines d’années pour une faute non commise, la fait travailler gratuitement, et lui réclame, lors de sa remise en liberté, les frais de son séjour en prison plus les intérêts ? C’est ce qui s’est passé avec la dette coloniale, qui n’a pas de base juridique légale et n’a pas à être remboursée. Cependant, le rapport de force entre les États a permis aux pays industrialisés d’imposer ce remboursement illégal aux pays du Sud. Et cela en violation du droit international et des différentes chartes des Nations-Unies qui font primer le droit à une vie digne sur le droit des créanciers. Dès les premières indépendances, le nœud coulant de la dette leur était passé autour du cou, le moment propice pour le serrer viendrait plus tard.

Après 1950-1960, prêts biaisés et corruption, leviers du néocolonialisme

À la fin de la période coloniale en Afrique, les nouvelles bourgeoisies des pays indépendants parviennent au pouvoir avec le soutien des anciennes métropoles pour poursuivre les politiques extractivistes menées précédemment. Elles y trouvent bien sûr un intérêt personnel puisque la corruption est le lubrifiant du mécanisme de dépossession des peuples. La dette en sera le carburant. Pour maintenir l’exploitation quasiment gratuite des matières premières indispensables au maintien de la puissance et au développement des industries des pays du Nord, de nouveaux prêts seront accordés au Sud et détournés en grande partie par la majorité des nouveaux dirigeants et de leurs affidés.

La catastrophe sanitaire pour les populations irradiées d’Arlit, au Niger, soumises à un régime dictatorial presque continu depuis l’indépendance en 1960 de ce pays, où Areva-Cogema exploite le minerai d’uranium depuis plus de quarante ans, en est un exemple parmi tant d’autres. [12] La quasi-totalité des transnationales extractivistes ont construit leur puissance et leur richesse sans respecter les travailleurs et l’environnement. Alain Deneault écrit,

« Le Canada appuie politiquement et financièrement des sociétés minières et pétrolières canadiennes qui exploitent le sol africain, enregistrent des profits colossaux, principalement à la Bourse Bourse La Bourse est l’endroit où sont émises les obligations et les actions. Une obligation est un titre d’emprunt et une action est un titre de propriété d’une entreprise. Les actions et les obligations peuvent être revendues et rachetées à souhait sur le marché secondaire de la Bourse (le marché primaire est l’endroit où les nouveaux titres sont émis pour la première fois). de Toronto, alors que des sources sérieuses leur attribuent les pires abus en Afrique : guerres sanglantes dans la région des Grands Lacs africains, mineurs enterrés vifs en Tanzanie, empoisonnement massif et “génocide involontaire” au Mali, exploitations brutales au Ghana, barrages hydroélectriques dévastateurs au Sénégal, privatisation sauvage du transport ferroviaire en Afrique de l’Ouest, sans tenir compte des impacts sur l’environnement et sur les équilibres sociaux. » [13]

En bout de course, ce sont les peuples qui remboursent avec la TVA - impôt indirect particulièrement injuste imposé par le FMI - et subissent la perte des services publics. Une part de ces prêts ira dans des constructions de projets pharaoniques, réalisés par les multinationales du Nord pour leur plus grand profit. La construction de la basilique Notre-Dame de la Paix à Yamoussoukro en Côte-d’Ivoire, village natal de Félix Houphouët-Boigny, est emblématique. Plus grande que la basilique Saint-Pierre de Rome, elle fut une très bonne opération, en 1990, pour la société française Dumez, aujourd’hui filiale de Vinci. Une autre part a servi à développer les infrastructures nécessaires à l’extraction des matières premières destinées à l’exportation, sans transformation. Le barrage d’Inga en RDC, la centrale à charbon de Medupi en Afrique du Sud en sont des illustrations.

Dès lors, on comprend mieux pourquoi les peuples des pays les plus riches en matières premières, tels la RDC, la Zambie, le Niger, le Nigeria, le Gabon, certains pays d’Amérique du sud... sont parmi les plus pauvres de la planète. Ils subissent ce que l’on nomme la « malédiction des ressources naturelles » [14] ou « le paradoxe de l’abondance ». L’exportation des richesses naturelles à l’état brut n’offre pas de réel travail - le peu qu’il offre ce fait dans des conditions inhumaines – ni ne participe à l’industrialisation des pays et pousse à des pratiques rentières, comme ce fut le cas de l’Espagne il y a quelques siècles ou sur l’île de Nauru aujourd’hui avec le phosphate [15]. Le néo-extractivisme pratiqué par les nouvelles démocraties sud-américaines maintient pourtant ces pays dans une économie globalisée au service d’un capitalisme prédateur, pourtant opposé aux politiques sociales de leurs gouvernements et aux volontés égalitaires de leurs peuples.

Politique de soumission des pays du tiers-monde

La BM a encouragé les détournements effectués par les dictateurs du monde entier. Le rapport officiel rédigé par Erwin Blumenthal en 1982 sur le Zaïre, aujourd’hui RDC, démontre l’existence de faits de corruption. Pourtant la BM a encore augmenté ses prêts au régime Mobutu après cette date. Elle prêta aussi au régime raciste d’Afrique du Sud, malgré l’embargo de l’ONU. Avoir les mains couvertes du sang des résistants des townships à l’apartheid n’empêche pas la BM de continuer à prêter, au profit de l’expansion internationale du capitalisme occidental. [16]

Son implication dans la gestion du « fonds vert » de 100 milliards de dollars par an créé à Copenhague en 2010, destiné à permettre aux PED de s’adapter au réchauffement climatique, est une nouvelle mission au service de l’oligarchie mondiale. Le verdissement du capitalisme a pour but de lui donner bonne figure pour qu’il puisse continuer à piller les ressources naturelles indispensables à son fonctionnement. A Rio en 2012, vingt ans après le premier sommet de la terre destiné à stopper le réchauffement climatique, on parle de donner un prix aux services écosystémiques. Rien de moins que faire de l’« extractivisme écologique », à l’aide d’un maquillage éco-développementiste. Ainsi les plus pauvres, qui subissent déjà durement les conséquences du réchauffement, ne pourront, au mieux, que s’adapter, avec l’aide dévoyée de la BM, à une détérioration du climat dont ils ne sont pas responsables. Cesser de dégrader le climat est hors d’atteinte d’un système fondé sur une croissance poussant à toujours plus d’extractivisme, externalisant ses coûts négatifs humains et écologiques, au nom du seul profit.

La BM ne prête pas à un PED pour qu’il s’industrialise et transforme localement ses propres ressources naturelles. Elle favorise au contraire les exportations de ses matières premières à l’état brut au nom du remboursement de sa dette et l’importation de denrées agricoles en dumping. De la même manière, la BM n’a que très peu investi dans le développement de l’agriculture paysanne qui aurait pourtant permis d’éviter de nombreuses famines, y compris celle ayant sévi en 2011 dans la corne de l’Afrique.

Écouter les médias dominants à ce sujet est consternant : hormis les appels à la charité, jamais une tentative d’explication de fond ou de remise en question de notre système de domination politique et économique. En effet, une agriculture vivrière solide dans les PED aurait diminué l’attrait pour les produits agricoles du nord subventionnés (blé, maïs, riz, viande) et les intrants occidentaux (semences modifiées, engrais, pesticides). Mais il ne faut pas toucher aux marchés de l’agrobusiness international. Au nom du « développement », la BM impose donc aux PED une économie primaire fondée sur l’extractivisme et l’exportation de produits bruts pour le plus grand profit des multinationales, les industries de transformation et services du Nord.

C’est donc une politique de soumission et d’appauvrissement des pays du tiers-monde au profit de l’enrichissement des pays industrialisés qui est menée depuis plus d’un demi-siècle par la BM. 

Un exemple d’ingérence de la Banque mondiale : le Chili des années 1970

En 1970, le peuple chilien porte à la présidence le socialiste Salvador Allende, qui nationalise les mines de cuivre, la principale richesse du pays. Washington va tout faire pour l’en empêcher avec l’aide financière d’ITT. [17] La BM ne fait aucun prêt au Chili pendant les trois ans de la présidence Allende. Le 11 septembre 1973, le coup d’Etat de Pinochet orchestré par la CIA, aboutit à la mort du président, à des assassinats et à des tortures de masse. L’argent international coule aussitôt à flots, de très gros prêts sont accordés à Pinochet par la BM et le FMI. Les Chicago boys, les économistes de Chicago, élèves de Milton Friedman, débarquent à Santiago. Le Chili devient le laboratoire d’un ultralibéralisme brutal. Au début des années 1980, l’inflation Inflation Hausse cumulative de l’ensemble des prix (par exemple, une hausse du prix du pétrole, entraînant à terme un réajustement des salaires à la hausse, puis la hausse d’autres prix, etc.). L’inflation implique une perte de valeur de l’argent puisqu’au fil du temps, il faut un montant supérieur pour se procurer une marchandise donnée. Les politiques néolibérales cherchent en priorité à combattre l’inflation pour cette raison. galope et le chômage atteint les 30 %. C’est un cas d’école pour le reste du monde. Les souffrances infligées à la population sont très dures, la répression policière est sauvage.

Dans son ouvrage La stratégie du choc, Naomi Klein [18] met bien en lumière les processus de ce capitalisme sauvage. Quand une catastrophe ou un événement brutal (choc) aux conséquences économiques graves se produit, les gouvernements néolibéraux, profitant de l’état de sidération de la population, font avancer leur programme en prenant des mesures économiques réactionnaires et antisociales. L’ouragan Katrina en 2005 à La Nouvelle Orléans a été dévastateur pour les populations noires. Mais l’absence de mesures prises par le gouvernement américain pour les aider à la fois en terme de secours immédiat mais aussi de reconstruction est d’une violence incroyable.

On parle déjà de transformer certains des quartiers les plus défavorisés situés au-dessous du niveau de la mer, comme le Lower Ninth Ward, en bassins de rétention destinés à protéger les quartiers les plus riches. « Ce qui empêcherait certains des habitants les plus pauvres de la ville de jamais se réinstaller dans leurs quartiers » [19]

 3. L’extractivisme après les années 1980

Le retour du FMI au centre de l’échiquier se fait au moment de la grande crise de la dette des PED, au début des années 1980 quand les banques créancières, risquant la faillite, en font le prêteur en dernier ressort. Le FMI ne jouera jamais son rôle de prévention des crises, que ce soit en Asie du Sud-est ou en Russie dans les années 1990, et encore moins lors de la crise de 2007-2008. A chaque fois il permet aux banques internationales d’être remboursées de leurs investissements risqués en faisant porter sur les populations le poids des nouvelles dettes créées pour réparer ces crises.

Sitôt arrivés au pouvoir, respectivement en 1979 et 1981, Margaret Thatcher et Ronald Reagan appliquent avec enthousiasme les idées de Friedrich Von Hayek et Milton Friedman, les grands penseurs du néolibéralisme. La phrase emblématique de ce virage sera prononcée par Reagan en 1981, « Le gouvernement n’est pas la solution à notre problème, l’État est le problème ». Pourtant sans l’intervention des États, la majorité des banques occidentales auraient fait faillite après 2008. L’idéologie néolibérale est à géométrie variable !

Après le test Chilien, tout est mis en œuvre pour étendre le système ultralibéral à l’ensemble de la planète. Les traits essentiels de cette idéologie, nommée « Consensus de Washington », sont : le désengagement de l’état de l’économie, la privatisation massive des entreprises publiques, la dérégulation financière, la suppression des barrières douanières, la réduction des impôts directs sur les hauts revenus au profit d’une augmentation de la TVA très lourde pour les petits revenus, la réduction des budgets sociaux et des services publics. Avec l’aide du trio infernal FMI-BM-OMC OMC
Organisation mondiale du commerce
Créée le 1er janvier 1995 en remplacement du GATT. Son rôle est d’assurer qu’aucun de ses membres ne se livre à un quelconque protectionnisme, afin d’accélérer la libéralisation mondiale des échanges commerciaux et favoriser les stratégies des multinationales. Elle est dotée d’un tribunal international (l’Organe de règlement des différends) jugeant les éventuelles violations de son texte fondateur de Marrakech.

L’OMC fonctionne selon le mode « un pays – une voix » mais les délégués des pays du Sud ne font pas le poids face aux tonnes de documents à étudier, à l’armée de fonctionnaires, avocats, etc. des pays du Nord. Les décisions se prennent entre puissants dans les « green rooms ».

Site : www.wto.org
, les pays industrialisés imposent progressivement au monde entier le libre-échange. Historiquement, ce système a toujours profité aux économies du centre, les plus puissantes, au détriment de celles de la périphérie. La domination de l’économie allemande sur les pays du sud de l’Europe, une décennie après la création de la Zone Euro, en est une illustration saisissante.

Le libre échange serait donc le seul moyen d’apporter la prospérité au monde entier ! En effet, les penseurs de l’ultralibéralisme affirmaient que l’effet de ruissellement, ou trickle down effect, [20] allait améliorer la vie de tous. La fortune de quelques-uns ne devait pas être regardée comme une injustice, mais comme une source de richesse pour les autres. Selon Helmut Schmidt en 1974 « Les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emplois d’après-demain. » Il s’agit de l’une des plus grandes escroqueries idéologiques de l’ultralibéralisme. Si l’on suit cette logique, l’accumulation des fortunes colossales des grandes familles ne serait donc pas le résultat du pillage continu des ressources naturelles, humaines et financières consolidées par le droit des successions, mais la conséquence d’un dur travail honnête et courageux. Trois milliards de pauvres attendent toujours les retombées de l’enrichissement croissant de l’oligarchie. La majorité des économistes sérieux reconnaissent aujourd’hui qu’il s’agissait là d’une erreur, pourtant responsable des inégalités stratosphériques aussi bien entre le Sud et le Nord qu’entre les pauvres et les riches au sein d’un même pays. Pour autant rien ne change, le nombre des milliardaires en dollars augmente beaucoup plus vite que la croissance du PIB PIB
Produit intérieur brut
Le PIB traduit la richesse totale produite sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées.
Le Produit intérieur brut est un agrégat économique qui mesure la production totale sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées. Cette mesure est notoirement incomplète ; elle ne tient pas compte, par exemple, de toutes les activités qui ne font pas l’objet d’un échange marchand. On appelle croissance économique la variation du PIB d’une période à l’autre.
mondial.

En 1979, une décision unilatérale d’augmentation du Prime rate étasunien - taux d’intérêt Taux d'intérêt Quand A prête de l’argent à B, B rembourse le montant prêté par A (le capital), mais aussi une somme supplémentaire appelée intérêt, afin que A ait intérêt à effectuer cette opération financière. Le taux d’intérêt plus ou moins élevé sert à déterminer l’importance des intérêts.
Prenons un exemple très simple. Si A emprunte 100 millions de dollars sur 10 ans à un taux d’intérêt fixe de 5 %, il va rembourser la première année un dixième du capital emprunté initialement (10 millions de dollars) et 5 % du capital dû, soit 5 millions de dollars, donc en tout 15 millions de dollars. La seconde année, il rembourse encore un dixième du capital initial, mais les 5 % ne portent plus que sur 90 millions de dollars restants dus, soit 4,5 millions de dollars, donc en tout 14,5 millions de dollars. Et ainsi de suite jusqu’à la dixième année où il rembourse les derniers 10 millions de dollars, et 5 % de ces 10 millions de dollars restants, soit 0,5 millions de dollars, donc en tout 10,5 millions de dollars. Sur 10 ans, le remboursement total s’élèvera à 127,5 millions de dollars. En général, le remboursement du capital ne se fait pas en tranches égales. Les premières années, le remboursement porte surtout sur les intérêts, et la part du capital remboursé croît au fil des ans. Ainsi, en cas d’arrêt des remboursements, le capital restant dû est plus élevé…
Le taux d’intérêt nominal est le taux auquel l’emprunt est contracté. Le taux d’intérêt réel est le taux nominal diminué du taux d’inflation.
de référence - prise par le secrétaire au Trésor états-unien Paul Volcker, précipite les PED dans la grande crise de la dette. Cette décision, bien éloignée du laisser-faire néolibéral, se répercute sur les taux des prêts octroyés à ces pays, taux qui étaient variables et indexés sur les taux anglo-saxons. Les conséquences pour les peuples du Sud sont terribles : le nœud coulant de la dette se serre brutalement.

Années 1980, la grande crise de la dette des PED volontairement aggravée

Pendant la période 1960-1979, les taux d’intérêt demandés n’étaient pas toujours supérieurs au taux d’inflation et les pays nouvellement indépendants avaient besoin d’emprunter pour se reconstruire. Les banques, pleines des euro-dollars du plan Marshall et des pétro-dollars des émirats du Golfe persique après le choc pétrolier de 1973, avaient besoin de prêter. En prenant en compte l’inflation, les taux d’intérêt réels variaient alors autour de zéro. Un prêt à un taux de 10 %, quand la perte de valeur de la monnaie se situe autour de 10 % par an, entraîne une gratuité de fait de la location d’argent : les intérêts payés sont annulés par le jeu de l’inflation. [21] Bien sûr, cela ne semblait pas très intéressant pour les banquiers occidentaux, sauf pour ceux qui savent attendre. La montée brutale du Prime rate avec l’indexation des intérêts payés par les PED, plus les prêts de secours du FMI, ont retourné la situation. Son relèvement rapide de 5 % à plus de 18 % par Paul Volcker en 1979 a eu des répercussions très brutales. Les intérêts exigés par les banques privées triplent alors que dans le même temps les cours des matières premières amorcent une baisse qui durera plus de 20 ans. En août 1982, le Mexique, dans l’incapacité d’assurer ses remboursements, sera le premier d’une longue liste à faire appel au FMI. Le piège de la dette s’ouvre devant les PED, c’est le FMI qui en referme les mâchoires.

Ne pas enfoncer les peuples du tiers-monde dans la pauvreté pour quelques décennies supplémentaires aurait été possible pour le FMI et les gouvernements des pays de la Triade. Il suffisait de laisser jouer le marché en conformité avec l’idéologie néolibérale. Leurs actionnaires auraient alors assumé les risques qu’elles avaient pris en prêtant sans garanties Garanties Acte procurant à un créancier une sûreté en complément de l’engagement du débiteur. On distingue les garanties réelles (droit de rétention, nantissement, gage, hypothèque, privilège) et les garanties personnelles (cautionnement, aval, lettre d’intention, garantie autonome). suffisantes.

Quant aux gouvernements des PED, ils auraient pu « invoquer l’état de nécessité ou/et le changement fondamental de circonstances pour stopper unilatéralement le paiement de leurs intérêts. Ces dispositions juridiques sont inscrites dans la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités et dans de nombreuses législations nationales. » [22] C’est pourtant l’inverse qui s’est produit. Comment accepter que ce soit les riches banquiers du Nord qui aient été sauvés de leurs pertes financières par les prêts de secours du FMI ? Cette institution, en priorisant les remboursements de dettes majoritairement illégitimes, a imposé aux gouvernements du tiers monde l’écrasement économique de leurs peuples. Pourquoi ne se sont-ils pas battus sur le plan du droit en s’appuyant sur les traités internationaux, pour refuser de se soumettre aux créanciers ? [23] On est là au cœur du système dette dont la corruption des élites gouvernantes est un élément essentiel. Sous les injonctions des Institutions financières internationales (IFIs) et des gouvernements des pays industrialisés, les décideurs du Sud ont consenti à l’inacceptable au plan des droits humains et économiques. Ceux qui s’y sont opposés ont été destitués ou assassinés tel Thomas Sankara en 1987. Trois mois avant de mourir, il disait devant l’OUA (Organisation de l’union africaine), « Non, nous ne pouvons pas être complices, non, nous ne pouvons pas accompagner ceux qui sucent le sang de nos peuples et qui vivent de la sueur de nos peuples, nous ne pouvons pas les accompagner dans leur démarche assassine. »

 4. Conséquences des dettes financières illégitimes dans les PED

Le surendettement est le levier utilisé par les détenteurs de capitaux pour imposer aux PED des politiques ultralibérales, à travers les conditionnalités Conditionnalités Ensemble des mesures néolibérales imposées par le FMI et la Banque mondiale aux pays qui signent un accord, notamment pour obtenir un aménagement du remboursement de leur dette. Ces mesures sont censées favoriser l’« attractivité » du pays pour les investisseurs internationaux mais pénalisent durement les populations. Par extension, ce terme désigne toute condition imposée en vue de l’octroi d’une aide ou d’un prêt. et directives du FMI et de la BM, toujours liées à l’obtention de nouveaux prêts. Elles les infligeront à de nombreux gouvernements, sans l’accord des populations, sous le nom de plans d’ajustement structurel (PAS). Leurs impacts ont été et demeurent catastrophiques sur la vie des populations.

Les plans d’austérité appliqués en Europe sont similaires à ces PAS qui frappent le Sud depuis trente ans. Si les citoyens des pays occidentaux n’ont pas vu l’impact de ces PAS sur les populations appauvries des PED par manque d’informations et de moyens de comparaison, vu la différence incroyable de niveau de vie, il suffit qu’ils regardent ce qui se passe en Grèce depuis trois ou quatre ans pour comprendre l’escroquerie des politiques d’austérité, semblables au PAS. La priorité a été constamment donnée au remboursement de la dette et au sauvetage des banques indépendamment des conséquences sociales ou environnementales. « 77% des fonds du plan de ‘sauvetage’ de la Grèce sont allés à la finance. » [24]

Pas question pour les créanciers d’accepter que soit posée la question des causes réelles des dettes, et encore moins celle de leur légitimité, sans compter celle de leur légalité ou de leur caractère odieux. La dette est, pour le système capitaliste, un levier central de l’extractivisme. De plus, son remboursement est une manne financière colossale. Je me souviens d’une conférence dans les locaux d’Agritech en 2005 à Paris. Ramon Fernandez - devenu directeur du Trésor public français en 2013 -, confronté aux questions précises de Damien Millet sur l’illégitimité de la dette des PED, répondait : « Une dette doit être remboursée ». La seule question qui vaille est finalement celle des moyens permettant d’assurer le paiement des échéances. La réponse de la BM et du FMI se résume en quelques mots : austérité, compétitivité, et libre-échange. Remboursement des intérêts et bénéfices garantis pour les détenteurs de capitaux, catastrophe sociale assurée pour les populations.

Un « PAS » ou la faillite !

Comme nous l’avons vu, pour rembourser leurs dettes libellées majoritairement en devises (dollars, monnaies européennes, yens, etc), les PED ont été contraints de se spécialiser dans l’exportation de produits agricoles, de bois précieux, de minerais, de pétrole, de métaux rares, de poissons, etc.

La Zambie, par exemple, est un des plus importants exportateurs de cuivre. Ce métal, dont les ressources mondiales sont limitées, est pourtant aussi indispensable au fonctionnement de l’économie et au confort des populations du Nord que le pétrole. Pourtant la grande majorité des zambiens vivent dans une immense pauvreté pendant que le Suisse Glencore, qui exploite la grande mine de Mopani, se comporte en mafieux, pollue les populations et rafle des milliards de dollars de profits. [25]

Les conditions imposées par les PAS aboutissent à une forte limitation des dépenses. Ainsi la santé, l’éducation, les infrastructures, tous les services publics qui commençaient enfin à se développer dans ces pays nouvellement indépendants, ne sont plus financés qu’avec les miettes des budgets publics. Les biens de première nécessité ne sont plus subventionnés. Le Congo belge, par exemple, colonisé pendant quatre-vingts ans, n’avait formé que quelques dizaines de bacheliers. [26] Entre 30 et 50 % des budgets de ces pays ont été réservés, au cours des dernières décennies, au service des dettes très majoritairement illégitimes ou odieuses. [27] De plus, en échange de nouveaux prêts, le libre échange et la liberté de mouvement des capitaux leurs sont imposés et les grandes entreprises publiques (mines, transports, banques, etc) doivent être bradées aux capitaux privés internationaux.

Le FMI « nouveau », celui des directeurs français, Dominique Strauss-Kahn puis Christine Lagarde, prétend avoir changé. Devant la réalité du monde et les graves faillites du développement, il lui est en effet impossible d’affirmer que les politiques économiques qu’il a imposées ont apporté des solutions justes et durables. Les concepts sont changés, tels ces Documents de Stratégies pour la Réduction de la Pauvreté (DSRP Document de stratégie de réduction de la pauvreté
DSRP
(En anglais, Poverty Reduction Strategy Paper - PRSP)
Mis en œuvre par la Banque mondiale et le FMI à partir de 1999, le DSRP, officiellement destiné à combattre la pauvreté, est en fait la poursuite et l’approfondissement de la politique d’ajustement structurel en cherchant à obtenir une légitimation de celle-ci par l’assentiment des gouvernements et des acteurs sociaux. Parfois appelés Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (CSLP).
À destination des pays retenus dans l’initiative PPTE, les DSRP poursuivent sous un autre nom l’application des Plans d’ajustement structurel.
), que les pays en difficulté doivent rédiger eux-mêmes en accord avec le FMI. Pourtant, la logique reste la même : servir l’intérêt des créanciers et des grandes puissances au détriment des peuples. Et en cas de crise, le FMI, appelé à la rescousse tel un pompier-pyromane, est mis au centre de l’échiquier mondial par les dirigeants des pays du Nord, pour imposer cette austérité dramatique. La « bonne démocratie », est un concept inconnu à la BM et au FMI. Cela consisterait à reconnaître leurs échecs, à se dissoudre, et à faire payer les actionnaires des banques, plutôt que les peuples.

Les PED se trouvent donc enfermés dans une dette sans fin puisque, plombés par une austérité qui mine leur économie, ils sont contraints d’emprunter pour rembourser les emprunts précédents. Tout cela correspond à un plan simple, les obliger à faire appel à des investissements directs étrangers, les IDE Investissements directs à l’étranger
IDE
Les investissements étrangers peuvent s’effectuer sous forme d’investissements directs ou sous forme d’investissements de portefeuille. Même s’il est parfois difficile de faire la distinction pour des raisons comptables, juridiques ou statistiques, on considère qu’un investissement étranger est un investissement direct si l’investisseur étranger possède 10 % ou plus des actions ordinaires ou de droits de vote dans une entreprise.
, pour développer l’extractivisme. Ainsi minerais, forêts, réserves halieutiques, produits agricoles seront exportés bruts, avec des retours financiers très faibles pour les pays exportateurs. De plus, cette spirale infernale de l’endettement provoque un effet « boule de neige » : quand les taux d’intérêts des prêts sont plus élevés que le taux de croissance de l’économie le stock de la dette Stock de la dette Montant total des dettes. ne peut qu’augmenter et donc la somme des intérêts à payer aussi. A cela il faut ajouter les intérêts d’emprunts multiples et la baisse des rentrées fiscales dus à la diminution de l’activité économique. Un coup d’éponge est alors indispensable à intervalles réguliers. Ils l’ont nommé l’Initiative pour les pays pauvres très endettés PPTE
Pays pauvres très endettés
L’initiative PPTE, mise en place en 1996 et renforcée en septembre 1999, est destinée à alléger la dette des pays très pauvres et très endettés, avec le modeste objectif de la rendre juste soutenable.

Elle se déroule en plusieurs étapes particulièrement exigeantes et complexes.

Tout d’abord, le pays doit mener pendant trois ans des politiques économiques approuvées par le FMI et la Banque mondiale, sous forme de programmes d’ajustement structurel. Il continue alors à recevoir l’aide classique de tous les bailleurs de fonds concernés. Pendant ce temps, il doit adopter un document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP), parfois juste sous une forme intérimaire. À la fin de ces trois années, arrive le point de décision : le FMI analyse le caractère soutenable ou non de l’endettement du pays candidat. Si la valeur nette du ratio stock de la dette extérieure / exportations est supérieure à 150 % après application des mécanismes traditionnels d’allégement de la dette, le pays peut être déclaré éligible. Cependant, les pays à niveau d’exportations élevé (ratio exportations/PIB supérieur à 30 %) sont pénalisés par le choix de ce critère, et on privilégie alors leurs recettes budgétaires plutôt que leurs exportations. Donc si leur endettement est manifestement très élevé malgré un bon recouvrement de l’impôt (recettes budgétaires supérieures à 15 % du PIB, afin d’éviter tout laxisme dans ce domaine), l’objectif retenu est un ratio valeur nette du stock de la dette / recettes budgétaires supérieur à 250 %. Si le pays est déclaré admissible, il bénéficie de premiers allégements de son service de la dette et doit poursuivre avec les politiques agréées par le FMI et la Banque mondiale. La durée de cette période varie entre un et trois ans, selon la vitesse de mise en œuvre des réformes clés convenues au point de décision. À l’issue, arrive le point d’achèvement. L’allégement de la dette devient alors acquis pour le pays.

Le coût de cette initiative est estimé par le FMI en 2019 à 76,2 milliards de dollars, soit environ 2,54 % de la dette extérieure publique du Tiers Monde actuelle. Les PPTE sont au nombre de 39 seulement, dont 33 en Afrique subsaharienne, auxquels il convient d’ajouter l’Afghanistan, la Bolivie, le Guyana, Haïti, le Honduras et le Nicaragua. Au 31 mars 2006, 29 pays avaient atteint le point de décision, et seulement 18 étaient parvenus au point d’achèvement. Au 30 juin 2020, 36 pays ont atteint le point d’achèvement. La Somalie a atteint le point de décision en 2020. L’Érythrée et le Soudan n’ont pas encore atteint le point de décision.

Alors qu’elle devait régler définitivement le problème de la dette de ces 39 pays, cette initiative a tourné au fiasco : leur dette extérieure publique est passée de 126 à 133 milliards de dollars, soit une augmentation de 5,5 % entre 1996 et 2003.

Devant ce constat, le sommet du G8 de 2005 a décidé un allégement supplémentaire, appelée IADM (Initiative d’allégement de la dette multilatérale), concernant une partie de la dette multilatérale des pays parvenus au point de décision, c’est-à-dire des pays ayant soumis leur économie aux volontés des créanciers. Les 43,3 milliards de dollars annulés via l’IADM pèsent bien peu au regard de la dette extérieure publique de 209,8 milliards de dollars ces 39 pays au 31 décembre 2018.
(IPPTE). Cela consiste à annuler la partie de la dette que les pays surendettés étaient de toute façon incapables de payer.

Tant que le pillage extractiviste et la corruption dominent, ces petites concessions des prêteurs servent surtout à empêcher les pays de stopper leurs remboursements. Il faut les maintenir connectés à l’économie dominante. De plus les banques, les États et les IFIs gagnent beaucoup avec les intérêts des dettes des PED. « Le transfert net Transfert net On appellera transfert net sur la dette la différence entre les nouveaux prêts contractés par un pays ou une région et son service de la dette (remboursements annuels au titre de la dette - intérêts plus principal).

Le transfert financier net est positif quand le pays ou le continent concerné reçoit plus (en prêts) que ce qu’il rembourse. Il est négatif si les sommes remboursées sont supérieures aux sommes prêtées au pays ou au continent concerné.
, les remboursements moins les dons et les prêts, est très favorable aux pays industrialisés et aux banques du Nord. Entre 1985 et 2009, il a été proche de 666 milliards de dollars, du Sud vers le Nord ». [28] À titre de comparaison, les dons du plan Marshall pour la reconstruction de l’Europe après 1947 se montaient à 100 milliards de dollars réactualisés, près de sept fois moins. Ainsi va l’extractivisme et la dette au Sud. Mais qu’en est-il au Nord ?

 5. Extractivisme et dette dans les pays de la Triade

Pourquoi parler d’extractivisme dans les pays du Nord, aux économies majoritairement tertiaires et pour lesquels les ressources naturelles (agriculture, forêts, charbon, pétrole, minerais) ne participent que faiblement à la formation du PIB ? Parce que c’est la croissance de la plus-value Plus-value La plus-value est la différence entre la valeur nouvellement produite par la force de travail et la valeur propre de cette force de travail, c’est-à-dire la différence entre la valeur nouvellement produite par le travailleur ou la travailleuse et les coûts de reproduction de la force de travail.
La plus-value, c’est-à-dire la somme totale des revenus de la classe possédante (profits + intérêts + rente foncière) est donc une déduction (un résidu) du produit social, une fois assurée la reproduction de la force de travail, une fois couverts ses frais d’entretien. Elle n’est donc rien d’autre que la forme monétaire du surproduit social, qui constitue la part des classes possédantes dans la répartition du produit social de toute société de classe : les revenus des maîtres d’esclaves dans une société esclavagiste ; la rente foncière féodale dans une société féodale ; le tribut dans le mode de production tributaire, etc.

Le salarié et la salariée, le prolétaire et la prolétaire, ne vendent pas « du travail », mais leur force de travail, leur capacité de production. C’est cette force de travail que la société bourgeoise transforme en marchandise. Elle a donc sa valeur propre, donnée objective comme la valeur de toute autre marchandise : ses propres coûts de production, ses propres frais de reproduction. Comme toute marchandise, elle a une utilité (valeur d’usage) pour son acheteur, utilité qui est la pré-condition de sa vente, mais qui ne détermine point le prix (la valeur) de la marchandise vendue.

Or l’utilité, la valeur d’usage, de la force de travail pour son acheteur, le capitaliste, c’est justement celle de produire de la valeur, puisque, par définition, tout travail en société marchande ajoute de la valeur à la valeur des machines et des matières premières auxquelles il s’applique. Tout salarié produit donc de la « valeur ajoutée ». Mais comme le capitaliste paye un salaire à l’ouvrier et à l’ouvrière - le salaire qui représente le coût de reproduction de la force de travail -, il n’achètera cette force de travail que si « la valeur ajoutée » par l’ouvrier ou l’ouvrière dépasse la valeur de la force de travail elle-même. Cette fraction de la valeur nouvellement produite par le salarié, Marx l’appelle plus-value.

La découverte de la plus-value comme catégorie fondamentale de la société bourgeoise et de son mode de production, ainsi que l’explication de sa nature (résultat du surtravail, du travail non compensé, non rémunéré, fourni par le salarié) et de ses origines (obligation économique pour le ou la prolétaire de vendre sa force de travail comme marchandise au capitaliste) représente l’apport principal de Marx à la science économique et aux sciences sociales en général. Mais elle constitue elle-même l’application de la théorie perfectionnée de la valeur-travail d’Adam Smith et de David Ricardo au cas spécifique d’une marchandise particulière, la force de travail (Mandel, 1986, p. 14).
prélevée par les détenteurs de capitaux sur les ressources humaines, qui est le grand pillage extractiviste pratiqué par l’oligarchie dominante. L’illégitimité de la dette publique, en progression brutale depuis 2008, est le levier, comme au Sud, de cette dépossession financière des 99 % réalisée par le 1 % oligarchique.

L’éclatement de la bulle immobilière aux États-Unis en 2007 et la récession Récession Croissance négative de l’activité économique dans un pays ou une branche pendant au moins deux trimestres consécutifs. économique qui s’en est suivie, ont révélé l’ampleur incroyable des dettes privées. Celles des ménages, contraints d’emprunter pour maintenir leur niveau de vie, avaient fortement augmenté au cours des décennies précédentes, celles des banques, spéculant sans limites avec la dérégulation financière, avaient explosé. Le détonateur a été l’écroulement de l’architecture spéculative des prêts hypothécaires à subprimes Subprimes Crédits hypothécaires spéciaux développés à partir du milieu des années 2000, principalement aux États-Unis. Spéciaux car, à l’inverse des crédits « primes », ils sont destinés à des ménages à faibles revenus déjà fortement endettés et étaient donc plus risqués ; ils étaient ainsi également potentiellement plus (« sub ») rentables, avec des taux d’intérêts variables augmentant avec le temps ; la seule garantie reposant généralement sur l’hypothèque, le prêteur se remboursant alors par la vente de la maison en cas de non-remboursement. Ces crédits ont été titrisés - leurs risques ont été « dispersés » dans des produits financiers - et achetés en masse par les grandes banques, qui se sont retrouvées avec une quantité énorme de titres qui ne valaient plus rien lorsque la bulle spéculative immobilière a éclaté fin 2007.
Voir l’outil pédagogique « Le puzzle des subprimes »
, titrisés et vendus dans le monde entier par les banques étasuniennes. La surproduction de logements en a été l’étincelle. Ensuite, les prix ont fortement baissé, aux États-Unis d’abord, puis en Espagne, en Angleterre et en Irlande, pays pratiquant des prêts hypothécaires. Après une croissance ininterrompue pendant plus de quinze ans, la courbe du prix des maisons avait fini par s’inverser. Sous le poids de ces dérivés Dérivés
Dérivé
Dérivé de crédit : Produit financier dont le sous-jacent est une créance* ou un titre représentatif d’une créance (obligation). Le but du dérivé de crédit est de transférer les risques relatifs au crédit, sans transférer l’actif lui-même, dans un but de couverture. Une des formes les plus courantes de dérivé de crédit est le Credit Default Swap.
de prêts, devenus toxiques avec la chute brutale des prix, les banques étaient vouées à la faillite comme Lehmann Brothers.

L’explosion de l’économie capitaliste, après deux décennies de dérégulation et de financiarisation, s’est produite en 2008. La grande majorité des banques a été ensuite sauvée par les États qui ont emprunté sur le marché des capitaux sans exiger d’elles de véritables contreparties ni de changement dans leur fonctionnement. Le mécanisme est infernal : les gouvernements du Nord ont endetté les contribuables pour sauver les banques. A ces banquiers ils ont ensuite emprunté pour sauver leurs économies entrées en récession du fait de la crise provoquée par les turpitudes de ces mêmes banquiers. Que la peur d’un écroulement total de l’économie mondiale ait guidé leurs décisions est simple à comprendre. Mais pourquoi n’avoir pas fait payer les actionnaires et poursuivi les banquiers fautifs ? En Islande, plusieurs responsables de banques sont emprisonnés depuis 2013, il est donc possible de punir les « banksters ».

Les banques centrales étasunienne, britannique et japonaise ont alors fait du quantitative easing (QE) : elles ont créé de l’argent ex nihilo en faisant tourner la planche à billets. La FED, la banque centrale Banque centrale La banque centrale d’un pays gère la politique monétaire et détient le monopole de l’émission de la monnaie nationale. C’est auprès d’elle que les banques commerciales sont contraintes de s’approvisionner en monnaie, selon un prix d’approvisionnement déterminé par les taux directeurs de la banque centrale. étasunienne injectait, encore en 2013, 85 milliards de dollars dans l’économie chaque mois. Lors des années 2011-2012, la BCE BCE
Banque centrale européenne
La Banque centrale européenne est une institution européenne basée à Francfort, créée en 1998. Les pays de la zone euro lui ont transféré leurs compétences en matières monétaires et son rôle officiel est d’assurer la stabilité des prix (lutter contre l’inflation) dans la dite zone.
Ses trois organes de décision (le conseil des gouverneurs, le directoire et le conseil général) sont tous composés de gouverneurs de banques centrales des pays membres et/ou de spécialistes « reconnus ». Ses statuts la veulent « indépendante » politiquement mais elle est directement influencée par le monde financier.
a prêté au taux de 1 % plus de mille milliards de dollars aux banques privées, lesquelles ont ensuite prêté aux États en difficulté à 5-7 % voire 10 %, ce qui représente une véritable escroquerie. Selon Michel Rocard et Pierre Larrouturou, la FED aurait prêté à 0,01 % plus de 15 000 milliards de dollars aux banques, l’équivalent du PIB de l’Europe, ce n’est pas rien ! [29] Les États venus directement au secours de leurs banques privées et de leurs grandes entreprises, comme le secteur automobile, ont vu leur économie entrer en récession et leurs recettes baisser fortement. Le cycle infernal a été enclenché : le chômage et la baisse d’activités d’un pays entraînent la diminution des recettes de l’État, par la baisse des impôts perçus. Ce qui pousse les États dans le système ultralibéral à diminuer les services publics - donc à les privatiser - et à augmenter les impôts. Est-il acceptable de continuer ainsi ?

Est-il acceptable de laisser filer 1 000 milliards d’euros chaque année de l’Europe vers les paradis fiscaux Paradis fiscaux
Paradis fiscal
Territoire caractérisé par les cinq critères (non cumulatifs) suivants :
(a) l’opacité (via le secret bancaire ou un autre mécanisme comme les trusts) ;
(b) une fiscalité très basse, voire une imposition nulle pour les non-résidents ;
(c) des facilités législatives permettant de créer des sociétés écrans, sans aucune obligation pour les non-résidents d’avoir une activité réelle sur le territoire ;
(d) l’absence de coopération avec les administrations fiscales, douanières et/ou judiciaires des autres pays ;
(e) la faiblesse ou l’absence de régulation financière.

La Suisse, la City de Londres et le Luxembourg accueillent la majorité des capitaux placés dans les paradis fiscaux. Il y a bien sûr également les Iles Caïmans, les Iles anglo-normandes, Hong-Kong, et d’autres lieux exotiques. Les détenteurs de fortunes qui veulent échapper au fisc ou ceux qui veulent blanchir des capitaux qui proviennent d’activités criminelles sont directement aidés par les banques qui font « passer » les capitaux par une succession de paradis fiscaux. Les capitaux généralement sont d’abord placés en Suisse, à la City de Londres ou au Luxembourg, transitent ensuite par d’autres paradis fiscaux encore plus opaques afin de compliquer la tâche des autorités qui voudraient suivre leurs traces et finissent par réapparaître la plupart du temps à Genève, Zurich, Berne, Londres ou Luxembourg, d’où ils peuvent se rendre si nécessaires vers d’autres destinations.
 ? Pour la France « la commission sénatoriale a estimé de 40 à 50 milliards la perte sèche que représente l’évasion fiscale cumulée avec l’optimisation et la fraude fiscale. » [30] Avec les 50 autres milliards versés en intérêts de la dette publique par l’État Français aux banques et assurances privées, ce sont au minimum 100 milliards qui manquent au budget chaque année. Si l’on ramenait ces 100 milliards, oubliée la ritournelle « les caisses sont vides  » justifiant la casse sociale, finies la baisse des salaires et du nombre fonctionnaires dans les hôpitaux ou la croissance de la dette de la sécurité sociale. Maintenir le statu quo aboutit à un transfert illégitime de la plus-value produite par les populations vers l’oligarchie financière qui accumule toujours plus.

La croissance de la dette publique, une volonté politique

Depuis les années 1980, la perte continue du pouvoir d’achat des particuliers, la privatisation progressive des services publics comme l’érosion des conquêtes sociales de l’après-guerre en Europe sont les conséquences directes de la croissance organisée de la dette publique.

On a vu en Europe la droite comme la gauche, ou aux États-Unis les républicains puis les démocrates baisser, année après année, les recettes de l’État par la diminution des impôts sur les hauts revenus et les bénéfices des grandes sociétés commerciales, tout en laissant l’évasion fiscale s’installer grâce aux paradis fiscaux et judiciaires (PFJ). Le résultat a été l’apparition de déficits budgétaires croissants conduisant à une privatisation progressive des services publics. Les gouvernements européens, ne pouvant plus se financer auprès de leur banque centrale, [31] la croissance de l’endettement public, au profit des créanciers privés, a été continue.

Au Sud, la crise de la dette des États a été déclenchée par une décision étasunienne d’augmentation du Prime rate, permettant aux banques de sortir gagnantes de leurs investissements hasardeux grâce au FMI, les populations des PED devant se saigner pour payer la dette. Au Nord, devant l’explosion de la bulle immobilière, mettant en faillite potentielle les banques, les États ont décidé de les sauver en s’endettant lourdement, faisant là aussi payer la note aux travailleurs, avec toujours les « bons conseils » du Docteur FMI.

Délégitimé après trois décennies de politiques antisociales forcenées, le FMI a été remis en selle pour venir en « aide », au sein de la Troïka Troïka Troïka : FMI, Commission européenne et Banque centrale européenne qui, ensemble, imposent au travers des prêts des mesures d’austérité aux pays en difficulté. (commission Européenne, Banque centrale européenne, FMI) à la Grèce, à l’Irlande et au Portugal et à certains pays de l’Est et du Maghreb. En réalité avec ses conseils prônant l’idéologie de l’économie ultralibérale, il continue de jouer son rôle de chien de garde des détenteurs de capitaux, d’huissier des créanciers et de sauveur des banques. Tous les pays occidentaux ont vu leur dette publique exploser à la suite du sauvetage des banques privées imposé par le « too big to fall », trop grosses pour tomber. Impossible de les abandonner sans un crash de l’économie mondiale. Le résultat est la création de dettes illégitimes par la socialisation des pertes privées et l’imposition par le FMI aux peuples de sacrifices injustifiés pour permettre leurs remboursements. Olivier Blanchard, le chef économiste du FMI, a admis l’erreur des calculs permettant de comprendre pourquoi la Grèce, malgré les potions très amères proposées par l’institution, a vu sa dette encore augmenter et la casse sociale s’approfondir depuis 2010. [32]

Mais la majorité des habitants des pays développés peine à comprendre que le même système d’asservissement au pouvoir de l’argent par le levier de la dette - qui a empêché les peuples du Sud de se libérer depuis trente ans - est aujourd’hui en train de les enserrer inexorablement dans sa gangue d’appauvrissement.

« Les nouveaux Chiens de garde, fidèles à leur niche, justifient l’austérité pour le peuple et défendent les privilèges pour les riches ». [33] On entend constamment qu’il faut se serrer la ceinture, crise et récession viendraient de notre folie dépensière ! Et pourtant…

59 % de la dette française sont illégitimes



Un rapport du CAC [34], Collectif pour un audit citoyen de la dette publique, publié en mai 2014, rédigé par des économistes atterrés, des syndicalistes et des militants d’ATTAC et du CADTM, pointe que pour la France « 59% de la dette publique proviennent des cadeaux fiscaux et des taux d’intérêt excessifs » et non pas de la hausse « des dépenses, puisque leur part dans le PIB a chuté de 2 points en trente ans. »

« Si l’État, au lieu de se dépouiller lui-même, avait maintenu constante la part de ses recettes dans le PIB, la dette publique serait aujourd’hui inférieure de 24 points de PIB (soit 488 milliards €) à son niveau actuel. Si l’État, au lieu de se financer depuis 30 ans sur les marchés financiers Marchés financiers
Marché financier
Marché des capitaux à long terme. Il comprend un marché primaire, celui des émissions et un marché secondaire, celui de la revente. À côté des marchés réglementés, on trouve les marchés de gré à gré qui ne sont pas tenus de satisfaire à des conditions minimales.
, avait recouru à des emprunts directement auprès des ménages ou des banques à un taux d’intérêt réel de 2 %, la dette publique serait aujourd’hui inférieure de 29 points de PIB (soit 589 milliards €) à son niveau actuel. »

« L’impact combiné de l’effet boule de neige et des cadeaux fiscaux sur la dette publique est majeur : 53% du PIB (soit 1077 milliards €). Si l’État n’avait pas réduit ses recettes et choyé les marchés financiers, le ratio dette publique sur PIB aurait été en 2012 de 43% au lieu de 90 % comme le montre le graphique ci-contre. »

La hausse de la dette publique provient pour l’essentiel des cadeaux fiscaux et des hauts taux d’intérêt


Source : Insee, comptabilité nationale ; calculs CAC

Ce qui veut dire que les politiques d’austérité imposées en Europe du Sud ou du Nord depuis 2008-2010, comme ici en France, sont le résultat de décisions politiques de type extractiviste : pillage des ressources financières des contribuables. Eux qui ne sont pourtant pas responsables de dérives quasi maffieuses de la finance. Eux qui n’ont jamais autorisés leur gouvernement à blanchir les responsables tout en prélevant des sommes indues par les diverses méthodes exposées ici par le CAC : réduction des recettes par des cadeaux fiscaux quand le budget est en déficit, taux d’intérêts surévalués provoquant un effet boule de neige, le tout aboutissant à créer une dette impossible à rembourser. Un levier formidable pour transférer des sommes supplémentaires colossales des peuples aux détenteurs de capitaux. [35]

Incroyable, le rapport de puissance actuel entre les quelques milliers d’individus les plus riches [36] et les peuples fait que les profits engrangés par les actionnaires des banques, responsables du désastre, ne servent pas à renflouer les États. Les gouvernements, de droite comme de gauche, une fois élus par les peuples, ne respectent pas leurs promesses électorales. Bien au contraire, ils s’alignent sur les désirs du patronat et des « banksters » et en deviennent de redoutables complices.

Comment ce hold-up est-il possible ?

Ce « système dette » a bien failli exploser. Alors qu’il créait sournoisement, ce depuis près de trente ans, un transfert croissant de ressources des 99 % vers les 1 %, la crise l’a rendu visible. Car le boulet de cette dette n’est pas légitime ni même légal. Par exemple, le TCE, ce traité instituant une Europe ultralibérale et dérégulée a été refusé en 2005 par un référendum démocratique. Il a été ensuite imposé sous le nom de Traité de Lisbonne par la seule voie parlementaire. Le « peuple classe » [37], selon l’expression de Christian Delarue, a été violé. Les mesures de sauvetage écrasant aujourd’hui les populations du sud de l’Europe sont les conséquences directes de la dérégulation et de la liberté totale offertes aux détenteurs de capitaux par ce traité, des raisons qui avaient motivé les peuples français et hollandais à voter non.

Le peuple grec s’enfonce dans un terrible drame social. Les femmes ne peuvent plus accoucher à l’hôpital si elles n’ont pas 1 500 euros pour payer une césarienne, les médicaments ne sont plus livrés par les grands laboratoires aux hôpitaux incapables de les payer. Les salaires ont été souvent divisés par deux, les impôts et la TVA augmentés. La croissance du nombre de suicides est terrifiante et le parti d’extrême droite Aube dorée est maintenant bien en place. Pour la première fois un étranger vivant en Grèce a obtenu le statut de réfugié en Belgique face aux dangers des attaques racistes en Grèce. [38] Ce sont pourtant trois entités non élues par les peuples, la Troïka, qui imposent au gouvernement toutes les mesures antisociales. En réalité, récession et déficit ne diminuent pas, car une fois de plus ce sont les banques qui sont sauvées et non pas le pays et sa population. Malgré un abandon forcé de 50 % de leurs créances Créances Créances : Somme d’argent qu’une personne (le créancier) a le droit d’exiger d’une autre personne (le débiteur). fin 2011, ce qui là encore malgré les apparences à aider les banques, [39] la dette de la Grèce a atteint en 2014 175 % du PIB. J. Roos écrit « Comment se fait-il qu’une petite clique de technocrates non élus de transnationales arrive à se prononcer sur les politiques qui condamnent des millions à une vie de misère ? » [40]

Pourtant nombre de textes internationaux, au rang desquels la Déclaration universelle des droits de l’homme, indiquent clairement que les droits de la personne sont toujours supérieurs aux droits des créanciers. De plus, le fait qu’une entité non élue en soit le commanditaire rend ces décisions doublement illégales. On nous répondra que le parlement grec a voté, mais c’est sans compter la pression et les menaces de la Troïka.

Face au délabrement de ses droits sociaux et à la baisse brutale de son niveau de vie, une partie de la société civile grecque lutte pour l’audit et l’annulation de la part illégitime de la dette grecque, chemin indispensable pour que ce peuple européen puisse retrouver une existence digne. A quoi sert de faire une Union européenne et une monnaie unique si les États les plus riches n’aident pas les plus faibles comme cela se fait à l’intérieur des États-Unis ou entre les Länder en Allemagne ? La compétition par la diminution des coûts salariaux entre les pays, instaurée par la baisse des salaires (lois Hartz IV sous le gouvernement Schröder) après la réunification des deux Allemagnes, est une politique antisociale, [41] et surtout anti européenne si elle doit aboutir à faire sombrer la moitié sud de l’Europe et une partie croissante de la population de l’Union dans la pauvreté à cause de cette absence de solidarité inscrite dans les traités.

Nivellement des salaires sur les moins-disants écologiques et sociaux de la planète

Sous les grands mots « austérité », « compétitivité », « flexibilité » ressassés par les médias complaisants se cache la volonté du patronat européen d’imposer un nivellement social par le bas dans le but de retrouver des marges de profit à deux chiffres. Pour cela, alliés à la Troïka, ils agissent en vue de rendre les salaires, dans les pays les plus puissants d’Europe (Allemagne, France, Pays-Bas, etc.) comme dans ceux situés au sud, concurrentiels avec ceux des ouvriers de l’Est européen et des PED. Comme l’écrit Paul Jorion dans une chronique de mai 2013, « il ne faut plus dire réformes structurelles de compétitivité, mais plutôt, « aligner les salaires français sur ceux du Bangladesh. » [42]

Pour les détenteurs de capitaux, les acquis sociaux comme en France ceux du programme du CNR (Conseil national de la résistance), doivent être anéantis. Ainsi les retraites par répartition Retraite par capitalisation
par répartition
Le système de retraite par répartition est basé sur la solidarité inter-générationnelle garantie par l’État : les salariés cotisent pour financer la retraite des pensionnés.
Le système de retraite par capitalisation est basé sur l’épargne individuelle : les salariés cotisent dans un fonds de pension qui investit sur les marchés internationaux et est chargé de leur verser leur retraite à la fin de leur carrière.
, la sécurité sociale, l’éducation publique gratuite comme la redistribution des richesses par l’impôt progressif sur le revenu sont des freins à la compétition internationale. Finies les lois sur la liberté de la presse qui avaient offert aux citoyens la possibilité d’un vrai regard critique sur la politique et l’économie.

« En 1942, Franklin Roosevelt avait imposé qu’aucun revenu après impôts n’excède vingt-cinq fois le plus bas salaire à plein temps. » [43], Aujourd’hui en Europe comme aux États-Unis, après la crise de 2008, il y a « Entre les salaires des petits et grands patrons, 569 SMIC d’écart. » [44] En France après 1945, le patronat, ayant largement soutenu les nazis, [45] avait été contraint de faire profil bas. Comme le dit l’historienne Annie Lacroix Ritz, «  non, la collaboration économique, sauf exception, n’a rien eu de forcé.  »

Dans les décennies qui ont suivi, la progressivité de l’impôt sur le revenu et la redistribution par l’État aplanissaient une partie des inégalités. Ces différents éléments se sont concrétisés dans l’ascenseur social et l’émergence de la classe moyenne. Nous ne glorifions pas ici « les trente glorieuses » et l’avènement de la société de consommation avec ses conséquences écologiques et sociales catastrophiques. Car cela s’est produit dans un contexte d’extractivisme colonial et de reconstruction européenne avec l’aide très intéressée de l’industrie et de la finance étasuniennes.

Le grand retournement, l’inversion de la dynamique égalitaire avec le renoncement au welfare state Welfare State La terminologie Welfare State remonte à 1942. Il s’agit d’un jeu de mot qui opposait le Welfare State au Warfare State (état de guerre). Sir William Beveridge écrira deux rapports pour le gouvernement conservateur, dont le dernier, publié en 1944, est intitulé : Le plein emploi dans une société de liberté. Il y reprend des idées de l’économiste John Maynard Keynes pour lutter contre la pauvreté, le chômage, etc. Dans l’immédiat après-guerre, avec la montée des Travaillistes, l’expression Welfare State s’applique à un ensemble de mesures économiques (nationalisations, planification indicative) et à un ensemble de réformes sociales. Au cours des années 1950, l’acceptation de ce terme se réduira aux aspects plus strictement sociaux. Le terme anglais Welfare State est actuellement traduit en français par Etat-providence, ce qui laisse entendre que les droits sociaux « tombent du ciel » sur des citoyens « passifs » et « déresponsabilisés ». Il ne faut pas confondre l’acceptation britannique et européenne du Welfare State avec celle, américaine, qui fait référence à l’assistance sociale. aux États-Unis ou à l’État Providence en Europe, commence à la fin des années 1970. Les politiques sociales ont été, dès lors, constamment attaquées par le patronat, les profits du capitalisme étant insatiables et la croissance économique quasi nulle depuis les années 2 000. [46]

Les Européens doivent-ils s’aligner sur tous les travailleurs qui n’ont pas de sécurité sociale, pas ou très peu de retraite et des salaires jusqu’à cent fois plus bas ? Les ouvrier-e-s du Bangladesh se battent encore en 2013 pour avoir des salaires de quatre-vingt dollars par mois alors qu’ils-elles n’en touchent que trente ou quarante. Si nous ne voulons pas que la barbarie progresse, - l’écroulement du Rana Plazza [47] à Dacca en 2013 en est un exemple - c’est au contraire vers un mieux-disant social pour tous que nous devons tendre. Les gouvernements essaient de justifier l’accroissement des impôts, la réduction des services publics, leur privatisation, et même l’augmentation du nombre d’années travaillées avant la retraite en disant que se sont les seules politiques capables de nous mener vers une sortie de crise. Toujours le même refrain, le TINA (There is no alternative) thatchérien.

Une fois de plus l’austérité revient à socialiser les pertes des banquiers, fauteurs de crises, qui continuent malgré leurs erreurs et leurs escroqueries à engranger d’immenses des bénéfices. Daniel Munevar écrit,

« que ce soit à Chypre, en Grèce, au Royaume-Uni ou aux États-Unis, les sauvetages bancaires d’institutions impliquées dans des affaires de corruption, de fraude et de spéculation Spéculation Opération consistant à prendre position sur un marché, souvent à contre-courant, dans l’espoir de dégager un profit.
Activité consistant à rechercher des gains sous forme de plus-value en pariant sur la valeur future des biens et des actifs financiers ou monétaires. La spéculation génère un divorce entre la sphère financière et la sphère productive. Les marchés des changes constituent le principal lieu de spéculation.
sont, les uns après les autres, justifiés par le fait qu’elles sont trop grandes pour faire faillite. » [48]

On dit aussi too big to jail : trop grosses pour aller en prison. Bien qu’élus par les peuples, nos décideurs en ne taxant pas les profits des détenteurs de capitaux et en ne mettant pas fin aux défiscalisations sauvages grâce aux paradis fiscaux et judiciaires, les PFJ, montrent l’étendue de leur soumission aux 1 %. Éric Toussaint explique que

« ce serait une erreur de considérer que les dirigeants européens sont devenus aveugles. Un des objectifs poursuivis [par eux] est d’améliorer la capacité des entreprises européennes à conquérir des parts de marché face à leurs concurrents ailleurs dans le monde. Pour ce faire il faut réduire radicalement le coût du travail, pour reprendre leur expression. Cela implique d’infliger une défaite majeure aux travailleurs d’Europe. » [49]

C’est la politique de la dame de fer étendue à toute l’Europe grâce à la crise. Mme Thatcher, après avoir cassé les syndicats de mineurs en Angleterre, suite à une grève très dure en 1984-1985, avait pu imposer ensuite des mesures rognant le welfare state à l’ensemble de la population anglaise. Les inégalités sociales comme les désastres environnementaux ne peuvent que continuer de croître avec ces politiques qui aboutissent à payer des intérêts toujours plus importants aux banques par l’augmentation de la dette publique. La transition écologique, visant à un mode de vie suffisamment décarbonné pour stopper le réchauffement climatique, demande de gros investissements publics difficilement conciliables avec ces politiques du « laisser faire » la finance et l’endettement.

Il existe bien d’autres solutions pour sortir du piège de la dette que les mesures récessives que nos dirigeants imposent. La plus intéressante consiste à faire un audit citoyen de la dette publique et ensuite à annuler toutes les dettes illégitimes, comme cela s’est fait en 2008 en Équateur. Cette question sera traitée de façon plus détaillée dans le dernier chapitre : créer une société post extractiviste et post consumériste.

Introduction
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5


Notes

[1Damien Millet, Les tsunamis de la dette, Syllepse, 2005.

[2Howard Zinn, Une histoire populaire des Etats-Unis de 1492 à nos jours, Agone, 2003.

[3Le dumping consiste à vendre un bien en-dessous du prix de revient, notamment grâce à des subventions publiques créant une concurrence totalement déloyale.

[5Camille Chalmers, directeur de la PAPDA en Haïti, au FSM de Tunis en 2013.

[7L’endiguement de l’expansion du communisme après la guerre.

[8Les informations données ici sont tirées du livre d’Eric Toussaint, Banque mondiale : le coup d’état permanent, Syllepse 2006.

[11Après la défaite en 1898 de l’Espagne à Cuba face aux Etats-Unis, le gouvernement espagnol avait demandé aux cubains le remboursement des emprunts faits par ce pays alors qu’il était sous sa domination. Les Etats-Unis avaient alors refusé pour cause de dette odieuse.

[12www5.ensp.fiocruz.br/biblioteca/dados/txt_991978503.ppt.

[13Alain Deneault, Noir Canada, corruption et criminalité en Afrique, Ecosociété, 2008.

[15Le plus grand taux d’obésité au monde, le phosphate quasi disparu, des milliardaires devenus mendiants. http://www.arte.tv/fr/nauru-la-malediction-du-phosphate/2483346,CmC=2483348.html

[16Eric Toussaint, Banque mondiale, le coup d’Etat permanent, Syllepse, 2006.

[17ITT, International Telegraph and Telephone, conglomérat étatsunien créé en 1920 et qui étendait son empire sur l’Amérique du sud. Un membre du conseil d’administration d’ITT, ex-directeur de la CIA, promet un million de dollars supplémentaire au président des EU, Nixon, en échange d’une « mise hors d’état de nuire » du nouveau président socialiste. Anaconda Copper (société productrice de cuivre) et d’autres sont impliquées.

[18Naomi Klein, La stratégie du choc, la montée d’un capitalisme du désastre, Actes Sud, 2008.

[20Selon cette théorie économique, plus les riches font fortune, plus ils peuvent investir, créant ainsi des opportunités aux travailleurs pour s’enrichir à leur tour. Les investissements des détenteurs de capitaux étant depuis une dizaine d’années et dans 95% des cas à but spéculatif, l’effet de ruissellement ne peut pas exister.

[21En effet, si vous empruntez 10 000 dollars à un taux de 10 % vous devez rembourser au bout d’un an le capital emprunté plus 1 000 dollars d’intérêts. Quand l’inflation annuelle est de 10 % ces 11 000 dollars remboursés auront perdu 10 % de leur valeur en pouvoir d’achat, mesuré en quantité de blé, de beurre ou de viande par exemple. Votre revenu indexé sur l’inflation aura augmenté de 10 %, ou le prix des marchandises que vous vendez aura été réévalué de 10 % pour faire face à cette érosion monétaire.

[23La Charte de l’ONU de 1945, la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, les deux Pactes de 1966 sur les droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) et sur les droits civils et politiques (PIDCP) ou encore la Déclaration sur le droit au développement de 1986.

[24Olivier Vilain, Les Z’Indignés N°6, Aout 2013.

[25Alice Odiot et Audrey Gallet, « Zambie, à qui profite le cuivre ? » documentaire, 2011, prix Albert Londres.

[26Eric Toussaint, La bourse ou la vie, la finance contre les peuples, Syllepse, 1999.

[27Damien Millet et Eric Toussaint, La dette ou la vie, Aden, 2011, p. 326.

[28Damien Millet et Éric Toussaint, La dette ou la vie, Aden, 2011, p. 326.

[29Tribune de Michel Rocard et Pierre Larrouturou, publiée dans Le Monde du 3 janvier 2012.

[30Interview d’Antoine Peillon http://www.ajt-mp.org/spip.php?article421 ; Antoine Peillon, Ces 600 milliards qui manquent à la France, Seuil, 2012.

[31En France après la loi Pompidou-Giscard de 1973, en Europe depuis le traité de Maastricht de 1992.

[33Serge Halimi, Les nouveaux chiens de garde, Raisons d’agir, 2005 ; le film éponyme, de Yannick Kergoat et Gilles Balbastre (2012) est distribué par Epicentre film.

[35Le Monde du 29 Mai 2014 sur le rapport du CAC : « Dette : les choix de l’État sont-ils pertinents ? ».

[36En 2012, il y avait 1400 milliardaires dans le monde, en 2013 il y en avait 210 de plus et leur fortune cumulée a augmenté de 17% alors que la croissance des PIB mondiaux n’a été que de 3%.

[37« Classe dominante et oligarchie contre peuple souverain et peuple-classe », Revue Mouvements :

http://www.mouvements.info/Classe-d...http://www.mouvements.info/Classe-dominante-et-oligarchie.html

[39« Alors que les chefs d’État annoncent qu’ils ont imposé un sacrifice important aux banques, une fois de plus les banquiers s’en sortent très bien ». http://cadtm.org/L-accord-du-sommet-europeen-des-26

[45Annie Lacroix Ritz, Industriels et banquiers français sous l’Occupation, Armand Colin, 2013.

[47Le 24 avril 2013, l’effondrement d’un immeuble abritant des ateliers de confection de plusieurs marques internationales de vêtements (Auchan, Carrefour, etc.) dans les faubourgs de Dacca, la capitale du Bangladesh, a fait au moins 1127 morts.

[49Éric Toussaint, Les autres voix de la planète, N° 58, CADTM, printemps 2013.

Nicolas Sersiron

Président du CADTM France, auteur du livre « Dette et extractivisme »
Après des études de droit et de sciences politiques, il a été agriculteur-éleveur de montagne pendant dix ans. Dans les années 1990, il s’est investi dans l’association Survie aux côtés de François-Xavier Verschave (Françafrique) puis a créé Échanges non marchands avec Madagascar au début des années 2000. Il a écrit pour ’Le Sarkophage, Les Z’indignés, les Amis de la Terre, CQFD.
Il donne régulièrement des conférences sur la dette.

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