La Tunisie est dans la crise jusqu’au cou

6 septembre 2016 par Fathi Chamkhi


Photo by Habib M’henni (CC)

Il a fallu 6 ans, 7 gouvernements et un pays en ruine, pour que les assassins économiques finissent par cracher le morceau : la Tunisie est dans la crise jusqu’au cou !



À défaut d’arguments, un tant soit peu rassurants pour des Tunisiens laminés et déprimés, Youssef Echahed (YE), le nouveau chef du gouvernement, a arboré son âge et s’est targué d’être franc ! Tout est dans le style !
Côté programme il a affirmé vouloir : soutenir les investissements et les exportations pour doper la croissance économique, maîtriser les équilibres macro-économiques et blablas... La même rengaine depuis trente ans ! Mais, cela n’a pas empêché YE d’affirmer que « les choix ont conduit au recul de tous les indicateurs économiques et sociaux » [1]. Cela en dit long sur la franchise du nouveau résident de La Casbah !

Membre du gouvernement précédent, YE passe donc aux aveux [2]. Il a insisté, notamment, sur l’état des finances publiques [3] : l’État serait en situation de quasi-cessation de paiement ! La situation serait pire qu’en 1986 !

Le bilan est lourd, voire très lourd :

  • Le déficit budgétaire serait de 7,1% au lieu des 3,9% prévus dans la loi de finance de 2016 ; soit 2 900 millions de dinars (MD) de déficit en plus ! Autrement dit, 5 semaines de caisses vides ! Les résultats enregistrés au cours des six premiers mois de l’année en cours [4], laissent apparaître un manque à gagner, par rapport aux résultats de la même période en 2015, au niveau de la collecte des impôts sur les bénéfices des sociétés, de 739 MD. L’impôt sur les sociétés qui a été récolté atteint à peine 910 MD, au 30 juin 2016 ; soit 26,8% des ressources prévues pour l’année 2016 (3 380 MD), contre 52,8% en 2015 !
  • YE évoque aussi la crise des finances des caisse sociales [6]. Rien qu’en 2016 leur déficit s’élèverait à près 1 650 MD et la CNAM a un déficit de l’ordre de 1 400 MD. Le système de la sécurité sociale est en faillite, et ne se maintient que grâce aux subsides de l’État.
  • Les finances des collectivités locales, notamment les municipalités, sont là aussi en piteux état. Non seulement ces dernières manquent terriblement de moyens, mais en plus leurs finances sont gangrénées par la mauvaise gestion et la corruption.

Bref, le constat est accablant ; les finances publiques sont dans le rouge. L’État est plus que jamais menacé par un défaut de paiement généralisé ! Un signe qui ne trompe pas : le gouvernement a obtenu le report d’un remboursement d’une créance de l’ordre d’un milliard de dollars, au profit du Qatar, dont l’échéance arrive à terme en 2017.

YE est pareil à un tueur qui, après avoir avoué ses crimes, ne cherche point à se repentir, mais plutôt à justifier ses crimes à venir.


Originellement publié sur Tunisia in Red


Notes

[1République tunisienne : ’Résumé du programme d’action du gouvernement d’unité nationale", Tunis 26 août 2016. Page 3. Document distribué aux députés de l’ARP lors de la séance du vote de confiance.

[2Nous n’aborderons pas ici les raisons de ce faux mea-culpa.

[3C’est-à-dire : le budget de l’Etat, les entreprises publiques, les caisses sociales et les collectivités locales.

[4Fayçal Derbel, président honoraire de l’ordre des experts comptables, lors des journées d’études parlementaires, organisées par l’ARP les 28 et 29 août 2016. Comparaison au 30 juin des résultats du budget 2016 et 2015.

[525 600 MD (encours de 2010) + 6 000 MD (solde net) + 25 000 MD (coût des nouveaux emprunts) = 56 600 MD (encours 2016)

[6CNSS et CNRPS