15 mars 2020 par Patrick Saurin
Dans les années 2008-2009, BNP Personal Finance (BNP PF), la principale filiale de crédits de BNP Paribas, a commercialisé auprès de particuliers des prêts immobiliers (baptisés Helvet Immo) à taux variable, libellés en francs suisses mais remboursables en euros.
Si au moment de la souscription le franc suisse était sous-évalué, avec la crise des subprimes
Subprimes
Crédits hypothécaires spéciaux développés à partir du milieu des années 2000, principalement aux États-Unis. Spéciaux car, à l’inverse des crédits « primes », ils sont destinés à des ménages à faibles revenus déjà fortement endettés et étaient donc plus risqués ; ils étaient ainsi également potentiellement plus (« sub ») rentables, avec des taux d’intérêts variables augmentant avec le temps ; la seule garantie reposant généralement sur l’hypothèque, le prêteur se remboursant alors par la vente de la maison en cas de non-remboursement. Ces crédits ont été titrisés - leurs risques ont été « dispersés » dans des produits financiers - et achetés en masse par les grandes banques, qui se sont retrouvées avec une quantité énorme de titres qui ne valaient plus rien lorsque la bulle spéculative immobilière a éclaté fin 2007.
Voir l’outil pédagogique « Le puzzle des subprimes »
la monnaie helvétique s’est redressée avec pour effet le gonflement du montant du capital restant dû du prêt, au-delà du capital initial emprunté !
Naturellement, la banque s’est refusée à toute négociation digne de ce nom avec ses 4 600 souscripteurs. 2 532 particuliers se sont portés parties civiles et ont attaqué la banque devant le tribunal correctionnel de Paris.
Le 26 février 2020, ce tribunal a condamné la banque à verser près de 150 millions d’euros aux victimes de ses prêts (dont 1 million à l’association UFC Que Choisir qui s’est portée civile dans le procès pénal). Le montant important de cette condamnation ne doit pas faire oublier que malgré les sommes allouées aux plaignants au titre de dommages et intérêts certains emprunteurs doivent encore à la banque une somme supérieures à celle de leur emprunt initial.
Le tribunal a justifié sa décision en considérant que la banque s’est rendue coupable de pratique commerciale trompeuse et de défaut d’information sur les risques liés au taux de change
Le tribunal a justifié sa décision en considérant que la banque s’est rendue coupable de pratique commerciale trompeuse et de défaut d’information sur les risques liés au taux de change.
Emprunteur « trompé », « clauses absconses », « consommateur moyen » n’ayant « pas les informations pertinentes lui permettant de comprendre le risque de change » sont autant de motivations invoquées par les juges pour justifier leur décision.
La présidente du tribunal a pris soin de rendre sa décision exécutoire, en clair, l’appel de la BNP ne sera pas suspensif.
Il est intéressant de relever qu’une des avocates des emprunteurs, Maître Hélène Féron Poloni a également défendu les collectivités locales victimes d’un type d’escroquerie similaire. Or les tribunaux civils et administratifs ont toujours exonéré les banques à l’occasion des actions engagées par les collectivités. Si l’on sait que la justice, rendue au nom du peuple français, doit être la même pour tous, on peut s’interroger sur le non-respect de ce principe constitutionnel.
Cette affaire est un argument supplémentaire en faveur de la socialisation de la totalité des banques privées et la mise en place d’un véritable service public bancaire.
Pour en savoir plus :
a été pendant plus de dix ans chargé de clientèle auprès des collectivités publiques au sein des Caisses d’Épargne. Il est porte-parole de Sud Solidaires BPCE, membre du CAC et du CADTM France. Il est l’auteur du livre « Les prêts toxiques : Une affaire d’état ».
Il est membre de la Commission pour la Vérité sur la dette publique de la Grèce, créée le 4 avril 2015.
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