Interview d’Eric Toussaint
13 janvier 2020 par Eric Toussaint , Frédéric Lévêque
Contre Sommet du G8 à Evian en 2003 (CC - Wikimedia)
Lors du sommet du G8 à Evian (France) début juin 2003, le président brésilien Luiz Inacio Lula Da Silva a rencontré une délégation de représentants des mouvements sociaux et ONG qui composent et animent le dit mouvement altermondialiste. Nous avons recueilli le témoignage d’Eric Toussaint, président du Comité pour l’annulation de la dette du Tiers Monde (CADTM).
Eric Toussaint commence d’abord par exprimer différentes critiques sur la politique économique menée par le gouvernement brésilien. Il poursuit l’entretien en expliquant le déroulement de la rencontre et ce qui s’y est dit. Pour terminer, il tire quelques conclusions sur l’évolution ’libérale’ de Lula et plus globalement sur l’Amérique latine.
Contexte : A l’occasion du sommet annuel tenu par le G8
G8
Ce groupe correspond au G7 plus la Fédération de Russie qui, présente officieusement depuis 1995, y siège à part entière depuis juin 2002.
(Etats-Unis, Japon, Allemagne, Grande-Bretagne, France, Italie, Canada, Russie) à Evian les 1er et 2 juin 2003, plusieurs chefs d’Etat non membres du G8 étaient les invités du président français Jacques Chirac. Celui-ci souhaitait donner l’impression à l’opinion publique internationale que le G8, la France en particulier, souhaitaient dialoguer avec le reste du monde en invitant des chefs d’Etat non membres du G8. Avaient répondu à l’appel le président Lula du Brésil et les chefs d’Etats ou de gouvernement de Chine, d’Inde, du Nigeria, du Sénégal, d’Afrique du Sud, d’Egypte, du Mexique... Fondamentalement, il s’agissait de contribuer à légitimer le G8, club informel des principales puissances mondiales, à un moment où sa crédibilité est au plus bas. Les hôtes du président Chirac se sont réunis à Evian avant le début de la véritable réunion du G8 au moment où plus de 100.000 manifestants défilaient dans les rues de Genève (Suisse) et d’Annemasse sur le thème G8 illégal. Parmi les thèmes principaux : l’annulation de la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
du tiers Monde, l’opposition au militarisme, la lutte contre l’OMC
OMC
Organisation mondiale du commerce
Créée le 1er janvier 1995 en remplacement du GATT. Son rôle est d’assurer qu’aucun de ses membres ne se livre à un quelconque protectionnisme, afin d’accélérer la libéralisation mondiale des échanges commerciaux et favoriser les stratégies des multinationales. Elle est dotée d’un tribunal international (l’Organe de règlement des différends) jugeant les éventuelles violations de son texte fondateur de Marrakech.
L’OMC fonctionne selon le mode « un pays – une voix » mais les délégués des pays du Sud ne font pas le poids face aux tonnes de documents à étudier, à l’armée de fonctionnaires, avocats, etc. des pays du Nord. Les décisions se prennent entre puissants dans les « green rooms ».
Site : www.wto.org
, la solidarité avec le peuple palestinien, l’accès aux médicaments génériques... et l’opposition à la réforme néolibérale du système des pensions et de l’éducation qui mobilise en France des millions de travailleurs.
Hier, tu as eu l’occasion de rencontrer, avec d’autres, un des chefs d’Etat, invité spécial du G8 : le président Lula du Brésil. Peux-tu expliquer le sens de cette rencontre et à travers cela, la politique menée par le président Lula ?
Eric Toussaint : Luis Inacio Lula Da Silva, élu président avec une écrasante majorité des voix en octobre 2002, plus de 65 %, souhaitait voir des représentants des mouvements altermondialistes d’Europe. Nous nous sommes rendus à quatre délégués de ces mouvements, Jacques Nikonoff, Président d’Attac France, Rafaella Bolini, représentant le Forum Social Italien, Helena Tagesson (Suède), de la campagne contre l’OMC et moi-même pour le CADTM. La rencontre a eu lieu à Genève dans la résidence de l’ambassadeur du Brésil.
Avant de nous rendre à cette rencontre, nous avions décidé de dire clairement que nous n’engagions pas le mouvement, nous n’avions aucun mandat donné par d’autres mouvements pour les représenter. Nous ne représentions que nous-mêmes et nous n’avions pas l’intention de nous prêter, par exemple, à un jeu de conférence de presse au cours de laquelle le président du Brésil aurait pu nous utiliser pour avaliser la politique qu’il mène. Nous aurions agi de cette façon avec n’importe quel président mais, ici, en plus, nous nous trouvons dans une situation où, quelques mois à peine après avoir occupé son poste de président, la politique de Lula est manifestement contradictoire avec les attentes de toute une série de mouvements sociaux avec lesquels nous travaillons directement.
Alors c’est quoi, les mesures tout à fait contestables ?
Primo, le président Lula a désigné comme président de la Banque centrale
Banque centrale
La banque centrale d’un pays gère la politique monétaire et détient le monopole de l’émission de la monnaie nationale. C’est auprès d’elle que les banques commerciales sont contraintes de s’approvisionner en monnaie, selon un prix d’approvisionnement déterminé par les taux directeurs de la banque centrale.
un des gros patrons, Henrique Meirelles, l’ancien président d’une des grosses banques américaines présentes au Brésil, la Fleet Boston. C’est donc clairement un représentant de la classe capitaliste qui est mis à la tête de la Banque centrale et le message est clair : chercher à donner confiance aux marchés financiers
Marchés financiers
Marché financier
Marché des capitaux à long terme. Il comprend un marché primaire, celui des émissions et un marché secondaire, celui de la revente. À côté des marchés réglementés, on trouve les marchés de gré à gré qui ne sont pas tenus de satisfaire à des conditions minimales.
. C’est le premier problème.
Deuxième problème, le président Lula est favorable à octroyer l’autonomie à la Banque centrale, c’est-à-dire qu’il prend les mesures souhaitées par les néo-libéraux : c’est ce qu’ils ont fait avec la Banque centrale européenne par rapport à la Commission européenne. Ce qui veut dire que le pouvoir politique abandonne encore un peu plus le contrôle sur un instrument central pour orienter l’économie d’un pays. Quand on ne contrôle pas directement la banque centrale, on ne contrôle pas la monnaie nationale, les taux d’intérêt
Taux d'intérêt
Quand A prête de l’argent à B, B rembourse le montant prêté par A (le capital), mais aussi une somme supplémentaire appelée intérêt, afin que A ait intérêt à effectuer cette opération financière. Le taux d’intérêt plus ou moins élevé sert à déterminer l’importance des intérêts.
Prenons un exemple très simple. Si A emprunte 100 millions de dollars sur 10 ans à un taux d’intérêt fixe de 5 %, il va rembourser la première année un dixième du capital emprunté initialement (10 millions de dollars) et 5 % du capital dû, soit 5 millions de dollars, donc en tout 15 millions de dollars. La seconde année, il rembourse encore un dixième du capital initial, mais les 5 % ne portent plus que sur 90 millions de dollars restants dus, soit 4,5 millions de dollars, donc en tout 14,5 millions de dollars. Et ainsi de suite jusqu’à la dixième année où il rembourse les derniers 10 millions de dollars, et 5 % de ces 10 millions de dollars restants, soit 0,5 millions de dollars, donc en tout 10,5 millions de dollars. Sur 10 ans, le remboursement total s’élèvera à 127,5 millions de dollars. En général, le remboursement du capital ne se fait pas en tranches égales. Les premières années, le remboursement porte surtout sur les intérêts, et la part du capital remboursé croît au fil des ans. Ainsi, en cas d’arrêt des remboursements, le capital restant dû est plus élevé…
Le taux d’intérêt nominal est le taux auquel l’emprunt est contracté. Le taux d’intérêt réel est le taux nominal diminué du taux d’inflation.
, etc. C’est quelque chose de très important.
Troisième point contestable dans la politique de Lula : c’est la réforme du système de pension qu’il a entreprise et qui fait très fortement penser à la réforme de Raffarin, combattue par un très large mouvement social avec les grèves que l’on connaît en France. En fait, le président Lula s’en prend au système de pension des travailleurs du secteur public et veut favoriser les fonds de pension
Fonds de pension
Fonds d’investissement, appelé aussi fonds de retraite, qui a pour vocation de gérer un régime de retraite par capitalisation. Un fonds de pension est alimenté par l’épargne des salariés d’une ou plusieurs entreprises, épargne souvent complétée par l’entreprise ; il a pour mission de verser des pensions aux salariés adhérents du fonds. Les fonds de pension gèrent des capitaux très importants, qui sont généralement investis sur les marchés boursiers et financiers.
privés. Il y a d’autres éléments de sa politique contestables : des hauts taux d’intérêt, le maintien des accords avec le FMI
FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.
À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).
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, le remboursement de la dette publique extérieure...
Comment a eu lieu cette visite ?
Eric Toussaint : Etant donné la politique que je viens de décrire, on y allait quasiment avec des semelles de plomb parce qu’on ne voulait pas être utilisés ou piégés. Nous avions donc décidé, dans le cadre d’un accord sur la procédure du déroulement de la séance, que chacun d’entre nous (les quatre délégués), prendrait cinq minutes pour présenter les revendications principales que nos mouvements avancent, comme alternatives à la mondialisation
Mondialisation
(voir aussi Globalisation)
(extrait de F. Chesnais, 1997a)
Jusqu’à une date récente, il paraissait possible d’aborder l’analyse de la mondialisation en considérant celle-ci comme une étape nouvelle du processus d’internationalisation du capital, dont le grand groupe industriel transnational a été à la fois l’expression et l’un des agents les plus actifs.
Aujourd’hui, il n’est manifestement plus possible de s’en tenir là. La « mondialisation de l’économie » (Adda, 1996) ou, plus précisément la « mondialisation du capital » (Chesnais, 1994), doit être comprise comme étant plus - ou même tout autre chose - qu’une phase supplémentaire dans le processus d’internationalisation du capital engagé depuis plus d’un siècle. C’est à un mode de fonctionnement spécifique - et à plusieurs égards important, nouveau - du capitalisme mondial que nous avons affaire, dont il faudrait chercher à comprendre les ressorts et l’orientation, de façon à en faire la caractérisation.
Les points d’inflexion par rapport aux évolutions des principales économies, internes ou externes à l’OCDE, exigent d’être abordés comme un tout, en partant de l’hypothèse que vraisemblablement, ils font « système ». Pour ma part, j’estime qu’ils traduisent le fait qu’il y a eu - en se référant à la théorie de l’impérialisme qui fut élaborée au sein de l’aile gauche de la Deuxième Internationale voici bientôt un siècle -, passage dans le cadre du stade impérialiste à une phase différant fortement de celle qui a prédominé entre la fin de Seconde Guerre mondiale et le début des années 80. Je désigne celui-ci pour l’instant (avec l’espoir qu’on m’aidera à en trouver un meilleur au travers de la discussion et au besoin de la polémique) du nom un peu compliqué de « régime d’accumulation mondial à dominante financière ».
La différenciation et la hiérarchisation de l’économie-monde contemporaine de dimension planétaire résultent tant des opérations du capital concentré que des rapports de domination et de dépendance politiques entre États, dont le rôle ne s’est nullement réduit, même si la configuration et les mécanismes de cette domination se sont modifiés. La genèse du régime d’accumulation mondialisé à dominante financière relève autant de la politique que de l’économie. Ce n’est que dans la vulgate néo-libérale que l’État est « extérieur » au « marché ». Le triomphe actuel du « marché » n’aurait pu se faire sans les interventions politiques répétées des instances politiques des États capitalistes les plus puissants (en premier lieu, les membres du G7). Cette liberté que le capital industriel et plus encore le capital financier se valorisant sous la forme argent, ont retrouvée pour se déployer mondialement comme ils n’avaient pu le faire depuis 1914, tient bien sûr aussi de la force qu’il a recouvrée grâce à la longue période d’accumulation ininterrompue des « trente glorieuses » (l’une sinon la plus longue de toute l’histoire du capitalisme). Mais le capital n’aurait pas pu parvenir à ses fins sans le succès de la « révolution conservatrice » de la fin de la décennie 1970.
actuelle, et qui concernent directement le Brésil. Voici comment s’est déroulée la rencontre : on a été reçus par le président Lula, accompagné du ministre du Travail et du ministre des Relations extérieures, de plusieurs députés et de deux conseillers proches du président. Le président Lula a présenté pendant une demi-heure la politique de son gouvernement, en défendant les mesures d’austérité qu’il a prises (augmentation des taux d’intérêt, coupes claires dans le budget pour un montant de plus de trois milliards de dollars - 14 milliards de réales) et en disant qu’elles étaient nécessaires pour stabiliser une situation économique très difficile. Il a annoncé que dorénavant, il allait commencer à concrétiser - ça prendra quelques années a-t-il dit - les engagements qu’il a pris auprès du peuple au cours de sa campagne électorale.
Nous avons avancé les choses suivantes. Jacques Nikonoff, président d’Attac France, a dit que son mouvement était tout à fait opposé aux fonds de pension privés et qu’il était très inquiet de voir qu’au Brésil, le gouvernement actuel faisait la promotion de ces fonds de pension.
Deuxièmement, il a redit l’intérêt manifeste du mouvement à ce que le Brésil se prononce clairement pour la taxe Tobin Taxe Tobin Taxe sur les transactions de change (toutes les conversions de monnaie), proposée à l’origine en 1972 par l’économiste américain James Tobin pour stabiliser le système financier international. L’idée a été reprise par l’association ATTAC et par d’autres mouvements altermondialistes dont le CADTM, dans le but de diminuer la spéculation financière (de l’ordre de 1.200 milliards de dollars par jour en 2002) et de redistribuer le bénéfice de cette taxe aux plus démunis. Les spéculateurs internationaux qui passent leur temps à changer des dollars en yens, puis en euros, puis en dollars, etc., parce qu’ils estiment que telle monnaie va s’apprécier et telle autre se déprécier, devront payer une taxe minime, entre 0,1 % et 1 %, sur chaque transaction. Selon ATTAC, elle pourrait rapporter au moins 100 milliards de dollars à l’échelle mondiale. Qualifiée d’irréaliste par les classes dirigeantes pour justifier leur refus de la mettre en place, l’analyse méticuleuse de la finance mondialisée menée par ATTAC et d’autres a au contraire prouvé la simplicité et la pertinence de cette taxe. . Il faut savoir que Lula est venu avec une proposition au G8 d’une taxe sur les ventes d’armes pour financer un projet mondial de lutte contre la faim. Chirac, dans une conférence de presse, a dit que la proposition de Lula lui semblait plus opportune que la taxe Tobin et en a profité donc pour attaquer la taxe Tobin. C’étaient les deux éléments centraux avancés par Jacques Nikonoff.
Moi, j’ai avancé pour le CADTM que l’Amérique latine était confrontée, un peu comme dans les années 80, à une hémorragie énorme de richesses qui la quittaient et qui se rendaient vers les créanciers du Nord (plus de 200 milliards de transfert net
Transfert net
On appellera transfert net sur la dette la différence entre les nouveaux prêts contractés par un pays ou une région et son service de la dette (remboursements annuels au titre de la dette - intérêts plus principal).
Le transfert financier net est positif quand le pays ou le continent concerné reçoit plus (en prêts) que ce qu’il rembourse. Il est négatif si les sommes remboursées sont supérieures aux sommes prêtées au pays ou au continent concerné.
négatif sur la dette entre 1996 et 2002, l’équivalent de deux plans Marshall. Le Brésil à lui seul a perdu, entre 1997 et 2001, plus de 70 milliards de dollars de transfert net négatif sur la dette, dont 27 milliards aux dépens des finances publiques), essentiellement des banques privées, des marchés financiers, le FMI et la Banque mondiale
Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.
En 2022, 189 pays en sont membres.
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. J’ai insisté sur le fait qu’il ne fallait pas attendre une crise de paiement, une crise d’insolvabilité, pour prendre des initiatives - d’ailleurs prévues en l’occurrence par la Constitution brésilienne - c’est-à-dire réaliser un audit sur les origines et le contenu exact de la dette extérieure du Brésil, pour déterminer ce qui est légitime et illégitime. C’est prévu par la Constitution de 1988 du Brésil. En 2000, lors d’un plébiscite organisé par le MST, la CUT, la Campagne Jubilé Sud du Brésil, la Conférence Nationale des Evêques (avec le soutien du PT), plus de 90 % des 6 millions de Brésiliens qui ont voté, se sont prononcés pour la suspension du paiement de la dette le temps de réaliser l’audit. Les parlementaires du PT ont déposé un projet de loi dans ce sens. Aucun président jusqu’à aujourd’hui ne l’a réalisé. J’ai dit à Lula : « C’est vraiment l’occasion, puisque vous avez le pouvoir, de lancer l’initiative et ainsi d’avoir les conditions pour suspendre les paiements et épargner l’argent du remboursement de la dette pour de l’investissement social, des transformations, etc. ». Puis j’ai suggéré que le Brésil lance un appel aux autres pays latino-américains pour constituer un front des pays endettés pour le non-paiement.
La troisième intervenante, Helena Tagesson, suédoise, avançait la nécessité d’empêcher qu’à Cancun, en septembre 2003, se concrétisent les accords de l’OMC pris à Doha en novembre 2001 et essayer de paralyser la réunion comme on avait réussi à le faire à Seattle fin novembre 99 - début décembre quand, par la mobilisation et profitant des contradictions entre Europe et Etats-Unis, on a réussi à faire obstacle à une offensive plus forte en matière de libéralisation du commerce. En 2001, l’OMC a pris sa revanche. Elle a réussi à avoir un agenda très néo-libéral avec l’Accord général sur le commerce des services, qui doit être définitivement concrétisé et décidé à Cancun. Donc, elle insistait sur le fait que nous avons quatre mois pour essayer de paralyser Cancun. Elle proposait que le Brésil aille, avec les autres pays du Tiers Monde, dans ce sens-là. Et notamment d’être très attentif à la question de la privatisation de l’eau voulue par l’OMC alors qu’il y a des expériences modèles au Brésil comme à Porto Alegre en ce qui concerne l’exploitation et la distribution d’eau. Expériences modèles qui mourront si jamais on applique l’agenda de Doha à Cancun.
La quatrième intervenante était Rafaella Bolini du Forum Social Italien, elle est une des animatrices du mouvement anti-guerre ; les Italiens ont été extrêmement actifs
Actif
Actifs
En général, le terme « actif » fait référence à un bien qui possède une valeur réalisable, ou qui peut générer des revenus. Dans le cas contraire, on parle de « passif », c’est-à-dire la partie du bilan composé des ressources dont dispose une entreprise (les capitaux propres apportés par les associés, les provisions pour risques et charges ainsi que les dettes).
dans la campagne contre la guerre en Irak. Elle a demandé au Brésil qu’il prenne l’initiative de demander la convocation d’une Assemblée générale de l’ONU, pour provoquer un vote de l’Assemblée générale de condamnation de l’occupation de l’Irak par les Etats-Unis et leurs alliés. Le Conseil de sécurité de l’ONU vient de voter une résolution le 22 mai qui, en fait, légitime l’occupation militaire de l’Irak par les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l’Australie. Et on n’a évidemment pas confiance dans le Conseil de Sécurité. Par contre, même si on ne doit pas se faire trop d’illusions, si réellement il y avait un débat à l’Assemblée générale de l’ONU, si les pays pouvaient réellement voter, il pourrait y avoir une majorité contre l’occupation de l’Irak. Cela a eu lieu à plusieurs reprises dans les années 70 et 80. Israël a été condamné plusieurs fois, malgré l’opposition des Etats-Unis, parce que les Etats-Unis étaient en minorité.
Ce que Lula a répondu, c’est qu’il y avait une grande différence entre ce qu’on souhaitait faire et ce qu’on pouvait faire. Tout ça pour dire que nos propositions étaient bien sympathiques mais qu’il ne voyait pas comment les réaliser. Il a justifié clairement sa politique favorable aux fonds de pension privés. Il n’a pas pris d’engagement sur la question de la dette. Il a dit sur la question du commerce, qu’il voulait effectivement limiter la déréglementation et limiter la portée de l’Accord général sur le commerce des services. En ce qui concerne l’Irak, il a dit que, en tant que pays, il s’était clairement opposé à la guerre contre l’Irak. Mais il n’est pas allé plus loin, il n’a pas dit qu’il allait prendre une initiative concernant l’Assemblée de l’ONU.
Voilà un résumé synthétique de ce contact. J’en tire comme conclusion que l’espoir énorme non seulement d’une grande partie des Brésiliens, mais bien au-delà, dans le reste de l’Amérique latine et dans le monde, de voir un gouvernement progressiste appliquer une orientation qui tourne le dos au néo-libéralisme, et bien, cet espoir est manifestement en train d’être fortement déçu. Et autant le dire depuis le début. Sinon, plus dure sera la chute si on se berce d’illusions sur les orientations réelles du gouvernement Lula. Quelque part, ce qui ressort de la situation des derniers mois en Amérique latine, c’est que, alors que de manière très claire, dans plusieurs pays, les gens ont voté sur des programmes de gauche - je pense à Evo Morales en Bolivie, qui a eu un grand succès électoral mais qui n’a pas été élu président. Je pense à Lucio Gutierrez, soutenu par le mouvement indigène, PachaKutik et la CONAIE en Equateur, qui a été élu sur un programme progressiste. Je pense à Lula. Dans les deux derniers cas, ceux de Lula et Gutierrez, ils ont été élus présidents mais ils se sont empressés de faire des concessions aux marchés financiers et de réaliser la continuité du programme néo-libéral des prédécesseurs qu’ils condamnaient dans leur campagne électorale. Et dans le cas de Gutierrez, c’est plus grave parce que lui, en plus, s’est présenté clairement comme le meilleur ami de Bush dans la région et a dit que le président Colombien était son grand ami, tandis qu’il a affiché clairement des distances très nettes à l’égard du président Chavez du Venezuela.
Cela montre que là, il y a un enjeu important pour les mouvements sociaux : la nécessité de maintenir leur indépendance par rapport aux gouvernements. Ce n’est pas parce que des partis qui, en principe, devraient représenter le programme des mouvements sociaux, arrivent au pouvoir, que les mouvements sociaux doivent mettre de l’eau dans leur vin, abandonner leur radicalité et passer à l’attentisme en se disant « on ne va pas mettre des bâtons dans les roues de nos amis politiques au gouvernement ». Au contraire, il faut augmenter la pression sur de tels gouvernements pour qu’ils adoptent un comportement conforme à ce qu’ils ont annoncé et qui leur a permis de recevoir les suffrages populaires.
ECOUTEZ LE TÉMOIGNAGE (16:32)
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Interview réalisée par Frédéric Lévêque. Retranscription : Paola Peebles. Fait à Genève, le 3 juin 2003.
Docteur en sciences politiques des universités de Liège et de Paris VIII, porte-parole du CADTM international et membre du Conseil scientifique d’ATTAC France.
Il est l’auteur des livres, Banque mondiale - Une histoire critique, Syllepse, 2022, Capitulation entre adultes : Grèce 2015, une alternative était possible, Syllepse, 2020, Le Système Dette. Histoire des dettes souveraines et de leur répudiation, Les liens qui libèrent, 2017 ; Bancocratie, ADEN, Bruxelles, 2014 ; Procès d’un homme exemplaire, Éditions Al Dante, Marseille, 2013 ; Un coup d’œil dans le rétroviseur. L’idéologie néolibérale des origines jusqu’à aujourd’hui, Le Cerisier, Mons, 2010. Il est coauteur avec Damien Millet des livres AAA, Audit, Annulation, Autre politique, Le Seuil, Paris, 2012 ; La dette ou la vie, Aden/CADTM, Bruxelles, 2011. Ce dernier livre a reçu le Prix du livre politique octroyé par la Foire du livre politique de Liège.
Il a coordonné les travaux de la Commission pour la Vérité sur la dette publique de la Grèce créée le 4 avril 2015 par la présidente du Parlement grec. Cette commission a fonctionné sous les auspices du parlement entre avril et octobre 2015.
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