Communiqué de presse
9 novembre 2012 par CADTM
L’Argentine est la cible de plusieurs fonds vautours
Fonds vautour
Fonds vautours
Fonds d’investissement qui achètent sur le marché secondaire (la brocante de la dette) des titres de dette de pays qui connaissent des difficultés financières. Ils les obtiennent à un montant très inférieur à leur valeur nominale, en les achetant à d’autres investisseurs qui préfèrent s’en débarrasser à moindre coût, quitte à essuyer une perte, de peur que le pays en question se place en défaut de paiement. Les fonds vautours réclament ensuite le paiement intégral de la dette qu’ils viennent d’acquérir, allant jusqu’à attaquer le pays débiteur devant des tribunaux qui privilégient les intérêts des investisseurs, typiquement les tribunaux américains et britanniques.
dont le plus connu est NML Capital, filiale d’Elliott Management enregistrée dans les îles Caïman. Après avoir saisi une frégate argentine au Ghana, ce fonds d’investissement
Fonds d’investissement
Les fonds d’investissement (private equity) ont pour objectif d’investir dans des sociétés qu’ils ont sélectionnées selon certains critères. Ils sont le plus souvent spécialisés suivant l’objectif de leur intervention : fonds de capital-risque, fonds de capital développement, fonds de LBO (voir infra) qui correspondent à des stades différents de maturité de l’entreprise.
spéculatif vient de gagner son procès devant un tribunal new-yorkais qui condamne l’Argentine à lui payer la totalité de sa dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
, pourtant largement illégitime.
NML Capital a profité du chaos au début des années 2000, où 20 millions d’Argentin-e-s vivaient sous le seuil de pauvreté, pour mettre en place la stratégie emblématique des fonds vautours : d’abord, il rachète avec une grosse décote des créances Créances Créances : Somme d’argent qu’une personne (le créancier) a le droit d’exiger d’une autre personne (le débiteur). de l’Etat argentin émises en 1994 (les « bons globaux ») jugées irrécouvrables, avec l’intention manifeste de spéculer, puis il refuse de participer aux deux échanges de bons en 2005 et 2010. Enfin, il poursuit l’Etat devant plusieurs juridictions particulièrement protectrices des droits des créanciers afin de le contraindre à rembourser la dette au prix fort. Ce qui correspond généralement au montant initial des dettes, augmentées d’intérêts, de pénalités et de divers frais de justice. Soulignons que NML Capital n’en est pas à son coup d’essai. Déjà en 1999, il obtenait, par un jugement de la Cour d’appel de New York, le versement par le Pérou de 58 millions de dollars pour une dette que le fonds avait rachetée seulement 11 millions de dollars.
Ce dernier jugement contre l’Argentine est une nouvelle preuve que la stratégie immorale des fonds vautours fonctionne devant les tribunaux sauf que cette fois, le gouvernement argentin refuse de payer. Le CADTM soutient cette décision souveraine de l’Argentine de ne pas rembourser NML Capital et l’encourage à tenir tête aux autres créanciers prédateurs dont font partie les Etats membres du Club de Paris
Club de Paris
Créé en 1956, il s’agit du groupement de 22 États créanciers chargé de gérer les difficultés de remboursement de la dette bilatérale par les PED. Depuis sa création, la présidence est traditionnellement assurée par un·e Français·e. Les États membres du Club de Paris ont rééchelonné la dette de plus de 90 pays en développement. Après avoir détenu jusqu’à 30 % du stock de la dette du Tiers Monde, les membres du Club de Paris en sont aujourd’hui créanciers à hauteur de 10 %. La forte représentation des États membres du Club au sein d’institutions financières (FMI, Banque mondiale, etc.) et groupes informels internationaux (G7, G20, etc.) leur garantit néanmoins une influence considérable lors des négociations.
Les liens entre le Club de Paris et le FMI sont extrêmement étroits ; ils se matérialisent par le statut d’observateur dont jouit le FMI dans les réunions – confidentielles – du Club de Paris. Le FMI joue un rôle clé dans la stratégie de la dette mise en œuvre par le Club de Paris, qui s’en remet à son expertise et son jugement macroéconomiques pour mettre en pratique l’un des principes essentiels du Club de Paris : la conditionnalité. Réciproquement, l’action du Club de Paris préserve le statut de créancier privilégié du FMI et la conduite de ses stratégies d’ajustement dans les pays en voie de développement.
Site officiel : https://www.clubdeparis.fr/
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En effet, une grande partie de la dette argentine est illégitime. Dans un célèbre jugement (la « sentence Olmos ») du 13 juillet 2000, la Cour suprême argentine déclarait la nullité de cette dette qui a gonflé pendant la dictature (1976-1983) et a poursuivi sa croissance lors des gouvernements civils de Raúl Alfonsin et plus encore de Carlos Menem. La justice argentine avait dénombré pas moins de 477 délits dans la formation de cette dette [1]. L’Argentine serait donc en droit de répudier toute sa dette illégitime.
Pour se protéger des ripostes judiciaires de ses créanciers et recouvrer sa souveraineté, le CADTM encourage l’Argentine à quitter immédiatement le tribunal de la Banque mondiale
Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.
En 2022, 189 pays en sont membres.
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: le CIRDI
CIRDI
Le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) a été créé en 1965 au sein de la Banque mondiale, par la Convention de Washington de 1965 instituant un mécanisme d’arbitrage sous les auspices de la Banque mondiale.
Jusqu’en 1996, le CIRDI a fonctionné de manière extrêmement sporadique : 1972 est la date de sa première affaire (la seule de l’année), l’année 1974 suivit avec 4 affaires, et suivirent de nombreuses années creuses sans aucune affaire inscrite (1973, 1975,1979, 1980, 1985, 1988, 1990 et 1991). L’envolée du nombre d’affaires par an depuis 1996 (1997 : 10 affaires par an contre 38 affaires pour 2011) s’explique par l’effet des nombreux accords bilatéraux de protection et de promotion des investissements (plus connus sous le nom de « TBI ») signés a partir des années 90, et qui représentent 63% de la base du consentement à la compétence du CIRDI de toutes les affaires (voir graphique)). Ce pourcentage s’élève à 78% pour les affaires enregistrées uniquement pour l’année 2011.
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(Centre international de règlement des différends liés à l’investissement). En effet, ce tribunal partial, qui ne tient pas compte des droits humains, est l’outil juridique préféré des « investisseurs » privés contre les Etats. L’Argentine est le pays le plus attaqué devant le CIRDI avec 51 plaintes contre elle. Ce tribunal l’a déjà condamnée à payer 912 millions de dollars : ce qui équivaut aux salaires annuels de 75 000 médecins dans l’hôpital public. Les procès en cours pourraient encore lui faire perdre 20 milliards de dollars soit 6 fois le budget de la santé et 3 fois celui de l’éducation.
Refuser de se soumettre aux tribunaux étrangers, comme celui de la Banque mondiale, dont les décisions vont à l’encontre des droits humains et de la souveraineté des peuples, est tout à fait possible. C’est une question de volonté politique. La Bolivie, l’Equateur et tout récemment le Venezuela l’ont démontré en se retirant du CIRDI.
Contact : Renaud Vivien, juriste au CADTM, 0032 (0) 497 04 79 99
[1] Lire la sentence Olmos sur http://cadtm.org/Deuda-externa-de-la-Argentina
Cycle de formation du CADTM
Les fonds vautours (avec focus sur les cas de l’Argentine et de la Zambie)10 mai, par CADTM , Pablo Laixhay , Pierre-François Grenson , Maxime Perriot
25 avril, par CADTM , Ecologistas en acción , ATTAC Espagne , Plateforme espagnole de lutte contre les fonds vautours , Audit de la santé , Coordination pour le droit au logement à Madrid
25 avril, par CADTM , Maxime Perriot
3 avril, par CADTM , Eric Toussaint , Collectif , Anaïs Carton
Cycle de formation du CADTM
Dette et féminisme8 mars, par CADTM , Camille Bruneau
8 mars, par CADTM , Attac France
13 février, par CADTM
16 décembre 2022, par CADTM , Collectif
13 décembre 2022, par CADTM
9 décembre 2022, par CADTM