Le Manifeste de ReCommonsEurope : une initiative pour faire avancer la gauche populaire en Europe

2 avril 2019 par Eric Toussaint


Alors que la campagne pour les élections européennes de fin mai 2019 peine à démarrer et suscite très peu d’intérêt, l’initiative prise par ReCommonsEurope avec le « Manifeste pour un nouvel internationalisme des peuples en Europe » connaît quant à elle un début prometteur. Le texte a été rédigé en un an par seize personnes actives dans six pays différents (Belgique, Bosnie, Etat Espagnol, France, Grèce et Grande Bretagne), militant dans des organisations et mouvements différents (syndicats, partis politiques, mouvements d’activistes) et disposant d’expertises diverses et complémentaires (économie, sciences politiques, philosophie, anthropologie, droit, écologie, syndicalisme, féminisme, solidarité Nord/Sud, etc.). Trois générations d’âge sont représentées. Le Manifeste est soutenu par plus de 160 signataires provenant de 21 pays européens différents. Parmi ces 160 signataires, les femmes sont majoritaires. La collecte de signature se poursuit.




Liste des 150 premiers signataires - cliquer ici

ALLEMAGNE
Angela Klein, (revue SoZ, Allemagne)"
Jakob Schäfer (militant de la gauche syndicale, Allemagne)
AUTRICHE
Christian Zeller (professeur de géographie économique, membre de Aufbruch für eine ökosozialistische Alternative, Autriche)
BELGIQUE
Anne-Marie Andrusyszyn (directrice du CEPAG, Belgique)
Eva Betavazi (CADTM, Belgique et Chypre)
Olivier Bonfond (économiste au CEPAG, Belgique)
Camille Bruneau (féministe, CADTM Belgique)
Juliette Charlier (CADTM Belgique)
Tina D’angelantonio (CADTM Belgique)
Virginie de Romanet (CADTM Belgique)
Jean-Claude Deroubaix (sociologue, Belgique)
Ouardia Derriche (Belgique)
Grégory Dolcimascolo (ACiDE)
Anne Dufresne (Sociologue, GRESEA)
Chiara Filoni (CADTM, Belgique et Italie)
Corinne Gobin (politologue, Belgique)
Gilles Grégoire (militant pour l’audit citoyen de la dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
ACiDe, CADTM Belgique)
Giulia Heredia (CADTM, Belgique)
Nathan Legrand (CADTM, Belgique)
Monique Lermusiaux (retraitée militante syndicale, Belgique)
Rosario Marmol-Perez (militante syndicale FGTB, artiste, Belgique)
Herman Michiel (éditeur du site Ander Europa, Belgique et Pays-Bas)
Alice Minette (militante syndicale, CADTM Belgique)
Christine Pagnoulle (Université de Liège, ATTAC, CADTM, Belgique)
Adrien Péroches (Militant CADTM Bruxelles et ACiDe Bruxelles)
Madeleine Ploumhans (ACiDe et CADTM Liège, Belgique)
Brigitte Ponet (travailleuse sociale, CADTM Belgique)
Daniel Richard (secrétaire régional interprofessionnel de la FGTB Verviers, Belgique)
Christian Savestre (Attac 2 Bruxelles, RJF, Acide)
Éric Toussaint (politologue, économiste, porte-parole du réseau international CADTM, Belgique)
Felipe Van Keirsbilck (secrétaire général de la Centrale Nationale des Employés - CNE, Belgique)
Christine Vanden Daelen (féministe, CADTM Belgique)
Magali Verdier (militante féministe, Belgique)
Roxane Zadvat (comédienne, Théâtre Croquemitaine, CADTM Belqique)
BOSNIE-HERZEGOVINE
Selma Asotić (poète, Bosnie-Herzégovine)
Danijela Majstorović (Université de Banja Luka, Bosnie-Herzégovine)
Svjetlana Nedimovic (activiste, Sarajevo, Bosnie-Herzégovine)
Tijana Okic (philosophe, militante politique, Bosnie-Herzégovine)
CHYPRE
Stavros Tombazos (économiste, Chypre)
CROATIE
Dimitrije Birač (coordinateur de l’organisation Croatian Center for Workers’ Solidarity, Croatie)
DANEMARK
Poya Pakzad (conseiller en politiques économiques, Alliance Rouge-Verte, Danemark)
ÉTAT ESPAGNOL
Walter Actis (membre d’Ecologistas en Accion, État espagnol)
Daniel Albarracin (économiste, Podemos, État espagnol)
Yago Alvarez (journaliste, activiste membre de la PACD, État espagnol)
Joana Bregolat (membre de Desbordem, militante de Anticapitalistas, Catalogne - État espagnol)
José Cabayol Virallonga (Président de SICOM (Solidaritat i Comunicació), journaliste, Catalogne - État espagnol)
Laura Camargo (enseignante, membre de la Diputation Permanente du Parlament de les Illes Balears, militante à Anticapitalistas, État espagnol)
Raúl Camargo (député de l’assemblée de Madrid, militant à Anticapitalistas, État espagnol)
Pablo Cotarelo (EReNSEP, État espagnol)
Sergi Cutillas (EReNSEP, CADTM, Catalogne – État espagnol)
Josu Egireun (revue Viento Sur, État espagnol)
Laia Facet (Anticapitalistas, Catalogne - État espagnol)
Sònia Farré (militante, ancienne députée pour En Comú Podem, Catalogne - État espagnol)
Ignacio Fdez del Páramo (architecte-urbaniste, conseiller pour l’urbanisme et l’environnement à la mairie d’Oviedo, membre de Somos Oviedo-Uvieu, Asturies - État espagnol)
Iolanda Fresnillo (sociologue, PACD, État espagnol)
Anna Gabriel (ex députée de la CUP au parlement Catalan, actuellement en exil en Suisse, État espagnol)
Ricardo García Zaldívar (économiste, ex-Coordinateur d’ATTAC Espagne)
María Gómez Garrido (professeure en sociologie, Université des Îles Baléares, Anticapitalistas, État espagnol)
Laura Gonzalez De Txabarri (ELA, pays basque)
Joana Garcia Grenzner (journaliste, spécialiste en genre et communication, militante féministe, Catalogne - État espagnol)
Yayo Herero (anthropologue, écoféministe, membre d’Ecologistas en acción, État espagnol)
Cuca Hernández (Coordinatrice d’ATTAC Espagne)
Juan Hernández Zubizarreta, (professeur d’université, membre de l’Observatoire des multinationales en Amérique latine (OMAL), Pays basque - État espagnol)
Petxo Idoiaga (Fondation Hitz&Hitz, Viento Sur, État espagnol)
José L. Gómez del Prado (Université de Barcelone, Centre d’études internationales - École diplomatique de Barcelone, AEDIDH, État espagnol)
Janire Landaluze (ELA, Pays basque – État espagnol)
Mats Lucia Bayer (CADTM, État espagnol)
Fátima Martín (journaliste, CADTM, État espgnol)
Alex Merlo (assistant parlementaire de Miguel Urban Crespo (eurodéputé, Podemos), État espagnol)
Anna Monjo (éditrice, Catalogne - État espagnol)
Natalia Munevar (militante, PACD, assistante parlementaire de Miguel Urban (eurodéputé Podemos), État espagnol)
Mikel Noval (syndicat ELA, Pays basque – État espagnol)
Jaime Pastor (rédacteur en chef de Viento Sur, État espagnol)
Laura Pérez Ruano (professeure et avocate, parlementaire pour Orain Bai-Ahora Navarra, Navarre - État espagnol)
Griselda Piñero Delledonne (CADTM, Catalogne – État espagnol)
Eulalia Reguant (membre du secrétariat national de la CUP, ancienne députée et conseillère municipale, Catalogne - État espagnol)
Jorge Riechmann (philosophe, écrivain, Ecologistas en Acción, État espagnol)
Rubén Rosón (médecin, conseiller pour l’économie et l’emploi à la mairie d’Oviedo, membre de Somos Oviedo-Uvieu, Asturies - État espagnol)
Sol Sánchez Maroto (co-porteparole de Izquierda Unida Madrid, État espagnol)
Carlos Sánchez Mato (responsable des politiques économiques de Izquierda Unida, État espagnol)
Ana Taboada Coma (avocate, vice-maire d’Oviedo, porte-parole de Somos Oviedo-Uvieu, Asturies - État espagnol)
Aina Tella (coordinatrice des Relations Internationales de la CUP, Catalogne - État espagnol)
Mónica Vargas Collazos (anthropologue, militante, Bolivie et Catalogne - État espagnol)
Lucía Vicent (professeur d’économie à l’Université Complutense de Madrid, État espagnol)
Esther Vivas (journaliste, Catalogne – État espagnol)
FRANCE
Marion Alcaraz (NPA, Le temps des Lilas, France)
Martine Boudet (coordinatrice du livre inter-associatif Urgence antiraciste -Pour une démocratie inclusive-Le Croquant, 2017, France)
Myriam Bourgy (paysanne, CADTM, France)
M. Sofia Brey (écrivaine, ancienne fonctionnaire du Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, France)
Vicki Briault Manus (PCF, CADTM France)
François Chesnais (économiste, professeur émérite à l’Université Paris 13, France)
Jeanne Chevalier (candidate France insoumise aux élections européennes de 2019)
Annick Coupé (syndicaliste, ATTAC France)
Léon Crémieux (syndicaliste du transport aérien retraité, NPA, France)
Alexis Cukier (philosophe, Ensemble !, EReNSEP, France)
Véronique Danet-Dupuis (cadre bancaire, déléguée syndicale et défenseuse du salarié, animatrice du livret banque France Insoumise, France)
Penelope Duggan (International Viewpoint, France)
Pascal Franchet (président du CADTM France)
Isabelle Garo (philosophe, France)
Norbert Holcblat (économiste, NPA, France)
Michel Husson (économiste, France)
Pauline Imbach (boulangère, CADTM Grenoble, France)
Pierre Khalfa (Fondation Copernic, France)
Yvette Krolikowski (CADTM France)
Michael Löwy (sociologue, France)
Laurence Lyonnais (Ensemble Insoumis, écosocialiste, candidate France insoumise aux élections européennes 2019)
Jan Malewski (journaliste, revue Inprecor, France)
Myriam Martin (porte-parole de Ensemble !, France)
Christiane Marty (ingénieure, Fondation Copernic, France)
Gustave Massiah (économiste, altermondialiste, France)
Corinne Morel Darleux (auteure et militante écosocialiste, France)
Ugo Palheta (sociologue, NPA, Contretemps, France)
Dominique Plihon (économiste, ATTAC France)
Laura Raïm (journaliste, France)
Marlène Rosato (Ensemble, EReNSEP, France)
Catherine Samary (économiste, ATTAC France, NPA, France)
Mariana Sanchez (syndicaliste, France)
Patrick Saurin (CADTM France)
Alejandro Teitelbaum (avocat en droit international des droits humains, France)
Aurélie Trouvé (économiste, ATTAC France)
Sophie Zafari (syndicaliste FSU, France)
GRÈCE
Marie-Laure Coulmin (CADTM, Grèce)
Katerina Giannoulia (membre du Conseil général de ADEDY – confédération de la fonction publique –, membre d’Unité Populaire, Grèce)
Stathis Kouvélakis (EReNSEP, Grèce et Royaume-Uni)
Costas Lapavitsas (économiste, SOAS – Université de Londres, EReNSEP, Grèce e Royaume-Uni)
Moisis Litsis (journaliste, Grèce)
Sotiris Martalis (DEA, Grèce)
Sonia Mitralias (féministe, CADTM, Grèce)
Giorgos Mitralias (journaliste, Grèce)
Antonis Ntavanelos (DEA, Grèce)
HONGRIE
Judit Morva (économiste, militante, Hongrie)
IRLANDE
Brid Brennan (analyste politique, militant, Irlande)
ITALIE
Marta Autore (Communia Network, Italie)
Fabrizio Burattini (syndicaliste de l’Union Sindacale di Base, Italie)
Eliana Como (membre de la direction nationale CGIL, Italie)
Gippò Mukendi Ngandu (enseignant, Sinistra Anticapitalista, Italie)
Cristina Quintavalla (ATTAC-CADTM Italie)
LUXEMBOURG
Justin Turpel (ancien député déi Lénk – la Gauche, Luxembourg)
David Wagner (député déi Lénk – la Gauche, Luxembourg)
PAYS-BAS
Willem Bos (SAP-Grenzeloos, Pays-Bas)
Maral Jefroudi (co-directrice de l’IIRE, Pays-Bas)
POLOGNE
Katarzyna Bielińska (philosophe et politologue, Pologne)
Zbigniew Marcin Kowalewski (chercheur pour les mouvements sociaux, Pologne)
Stefan Zgliczyński (directeur de l’édition polonaise du Monde Diplomatique, Pologne)
PORTUGAL
Francisco Louça (économiste, Bloco de Esquerda, Portugal)
Rita Silva (activiste dans Habita - Colectivo pelo Direito à Habitação e à Cidade et chercheuse universitaire, Portugal)
Alda Sousa (enseignante à l’Université de Porto, Bloco de Esquerda, ancienne députée européenne de 2012 à 2014, Portugal)
Rui Viana Pereira (traducteur, sound designer, CADTM, Portugal)
ROYAUME-UNI
Gilbert Achcar (professeur à SOAS – Université de Londres, Royaume-Uni)
Grace Blakeley (commentatrice économique de New Statesman, Royaume-Uni)
Terry Conway (Resistance Books, Royaume-Uni)
Fanny Malinen (chercheuse, activiste, Royaume-Uni)
Michael Roberts (économiste financier, Royaume-Uni)
Grace Blakeley (économiste à la revue New Statesman, Royaume-Uni)
SERBIE
Andreja Zivkovic (sociologue, Marks21, Serbie)
SLOVÉNIE
Ana Podvrsic (sociologue, économiste, Slovénie)
SUISSE
Jean Batou (professeur d’histoire contemporaine, député, solidaritéS, Suisse)
Marianne Ebel (ancienne députée solidaritéS, vice-présidente de la Marche mondiale des Femmes Suisse)
Sébastien Guex (professeur à l’Université de Lausanne, solidaritéS, Suisse)
Stéfanie Prezioso (professeure d’histoire internationale à l’Université de Lausanne, solidaritéS, Suisse)
Beatrice Schmid (enseignante, Suisse)
Juan Tortosa (CADTM Suisse)
Charles-André Udry (économiste, directeur du site alencontre.org et des éditions Page 2, Suisse)


Les points saillants de l’initiative ReCommonsEurope

ReCommonsEurope émane de la volonté de collaboration entre deux réseaux européens, le CADTM et EReNSEP, et le principal syndicat au Pays basque, ELA. Les deux réseaux CADTM et EReNSEP ont été directement impliqués dans l’expérience grecque de 2015 et en ont tiré une série de leçons convergentes. Depuis plus de quinze ans, ELA et le CADTM se sont engagés systématiquement dans différentes initiatives internationalistes, du Forum social mondial lancé en 2001 à l’Altersummit en passant par l’expérience de Forum social européen. Les militants et militantes de ELA, du CADTM et d’EReNSEP sont aussi directement impliqués dans les combats qui se déroulent dans leurs pays respectifs. De plus, ils ont participé activement aux discussions et aux réunions du Plan B entre 2015 et aujourd’hui.

Le texte du Manifeste a été élaboré au cours de trois réunions tenues en 2018, et rédigé de manière collective en 2019. Il prolonge notamment l’appel intitulé « Les défis pour la gauche dans la zone euro », texte collectif présenté par plus de 70 co-signataires en février 2017.

L’objectif de ReCommonsEurope est à la fois modeste et ambitieux : démontrer qu’il est possible et nécessaire de mettre en œuvre un ensemble de mesures radicales en Europe.

Le Manifeste résulte de ce constat : une très grande partie des organisations politiques de gauche et des mouvements sociaux a peur de proposer des mesures réellement anticapitalistes, anti-patriarcales, antiracistes et écosocialistes. Certaines organisations pratiquent cyniquement le « social-libéralisme », ce qui les met clairement hors du champ de la gauche.

À la différence d’une gauche qui a peur de son ombre ou qui se compromet totalement avec l’ordre établi, ReCommonsEurope propose des mesures radicalement écosocialistes, féministes, antiracistes, des mesures clairement en faveur de l’internationalisme des peuples, et visant à favoriser une révolution sociale et politique.

L’expérience grecque de 2015 est souvent utilisée comme un épouvantail. Ce serait la démonstration de l’impossibilité de mettre en pratique un programme radical. Or les membres de ReCommonsEurope tirent un tout autre enseignement de l’expérience grecque – et heureusement, ils et elles ne sont pas les seuls. Pour les membres de ReCommonsEurope, le gouvernement du premier ministre Alexis Tsipras a renoncé dès le début à véritablement appliquer les engagements radicaux qui avaient été pris à l’égard du peuple grec et cela a conduit au désastre que l’on connaît.

Pour ReCommonsEurope, il s’agit d’affirmer la nécessité d’appliquer un programme radical et d’adopter en pratique une stratégie faite de mobilisation, de désobéissance, d’auto-organisation populaire.

La crise climatique, les violentes politiques, le danger d’une extrême droite raciste et xénophobe rendent urgente la définition d’une stratégie associant auto-organisation populaire, mouvements sociaux et organisations politiques

Les rédacteurs et rédactrices du Manifeste ont des points de vue différents sur certaines questions qu’il faut trancher : faut-il ou non quitter la zone euro ? Est-il possible et utile de créer une monnaie complémentaire ? Faut-il exproprier l’entièreté des banques et des assurances pour en faire un service public ou bien s’agit-il de créer un pôle bancaire public qui sera en compétition avec les banques privées capitalistes ? ReCommonsEurope se veut un lieu de confrontation de points de vue, un lieu de débats sur les mesures à prendre. Le Manifeste n’est pas un document à prendre ou à laisser. C’est une invitation à la discussion.

Les militants et militantes qui se retrouvent autour de ReCommonsEurope sont parfaitement conscients qu’il ne suffit pas de mettre en avant un programme, aussi bon soit-il. Il est clair que ce sont les luttes qui seront déterminantes pour changer profondément les rapports de force et permettre la mise en pratique d’une série cohérente de mesures économiques, politiques, sociales, culturelles, etc. Mais ceux et celles qui se réunissent dans le cadre de ReCommonsEurope sont convaincu-e-s que pour que les luttes débouchent sur des changements profonds, il est fondamental de s’engager sur un ensemble de mesures à réaliser par un gouvernement populaire.

La crise climatique, les violentes politiques d’austérité, le danger représenté par une extrême droite raciste et xénophobe ne rendent que plus urgente la définition d’une stratégie associant auto-organisation populaire, mouvements sociaux et organisations politiques, afin de mettre la politique au service du plus grand nombre.

Depuis dix ans, de très nombreuses mobilisations populaires ont remis en cause l’ordre en place. Le Manifeste s’inscrit au sein de ces mouvements et met en avant la lutte contre l’exploitation et toutes les formes d’oppression.

Urgence sociale, urgence écologique, urgence démocratique, urgence féministe, urgence de solidarité

Comme le constate le texte introductif du Manifeste, les mouvements de lutte des dix dernières années sont indissociables des urgences sociale, écologique, démocratique, féministe et de solidarité. Urgence sociale parce que les conditions de vie et de travail des classes populaires en Europe n’ont cessé de se dégrader ces trente dernières années, et notamment depuis la crise qui a touché le continent à partir de 2008-2009. Urgence écologique parce que la consommation exponentielle d’énergies fossiles, et plus généralement la destruction des écosystèmes, consubstantielle au système capitalisme, a conduit le changement climatique planétaire à un point de non-retour qui menace l’existence même de l’humanité. Urgence démocratique parce que, face aux défis qui se sont posés aux classes dominantes au cours des trente dernières années, celles-ci n’ont pas hésité à adopter des méthodes de domination de moins en moins soucieuses des apparences démocratiques et de plus en plus coercitives. Urgence féministe car l’oppression patriarcale sous ses différentes formes provoque de plus en plus de réactions massives de rejet clamées haut et fort par des millions de femmes et d’hommes. Urgence de solidarité, enfin, parce que la fermeture des frontières et l’érection de murs apportées en réponses aux millions de migrant-e-s à travers le monde, qui fuient la guerre, la misère, les désastres environnementaux ou les régimes autoritaires, ne constituent rien d’autre qu’un déni d’humanité. Chacune de ces urgences conduit, en réaction, à des mobilisations de désobéissance, d’auto-organisation et de construction d’alternatives, qui constituent autant de foyers possibles d’alternatives démocratiques en Europe. 

L’Union européenne constitue aujourd’hui non seulement l’une des avant-gardes mondiales du néolibéralisme et de l’impérialisme mais aussi un ensemble irréformable d’institutions au service du grand capital. C’est pourquoi une gauche de transformation sociale ne peut plus être crédible et réaliste sans mettre au cœur de sa stratégie la rupture avec les traités et les institutions de l’Union européenne.

En faisant ces propositions de désobéissance et de rupture avec les institutions européennes, il ne s’agit pas de chercher une issue nationaliste à la crise et à la protestation sociale. Tout autant que par le passé, il est nécessaire d’adopter une stratégie internationaliste et de prôner une fédération européenne des peuples opposée à la poursuite de la forme actuelle d’intégration totalement dominée par les intérêts du grand capital. Il s’agit également de chercher constamment à développer des campagnes et des actions Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
coordonnées au niveau continental (et au-delà) dans les domaines de la dette, de l’écologie, du droit au logement, de l’accueil des migrant-e-s et des réfugié-e-s, de la santé publique, de l’éducation publique et des autres services publics, du droit au travail, dans la lutte pour la fermeture des centrales nucléaires, dans la réduction radicale du recours aux énergies fossiles, dans la lutte contre le dumping fiscal et les paradis fiscaux Paradis fiscaux
Paradis fiscal
Territoire caractérisé par les cinq critères (non cumulatifs) suivants :
(a) l’opacité (via le secret bancaire ou un autre mécanisme comme les trusts) ;
(b) une fiscalité très basse, voire une imposition nulle pour les non-résidents ;
(c) des facilités législatives permettant de créer des sociétés écrans, sans aucune obligation pour les non-résidents d’avoir une activité réelle sur le territoire ;
(d) l’absence de coopération avec les administrations fiscales, douanières et/ou judiciaires des autres pays ;
(e) la faiblesse ou l’absence de régulation financière.

La Suisse, la City de Londres et le Luxembourg accueillent la majorité des capitaux placés dans les paradis fiscaux. Il y a bien sûr également les Iles Caïmans, les Iles anglo-normandes, Hong-Kong, et d’autres lieux exotiques. Les détenteurs de fortunes qui veulent échapper au fisc ou ceux qui veulent blanchir des capitaux qui proviennent d’activités criminelles sont directement aidés par les banques qui font « passer » les capitaux par une succession de paradis fiscaux. Les capitaux généralement sont d’abord placés en Suisse, à la City de Londres ou au Luxembourg, transitent ensuite par d’autres paradis fiscaux encore plus opaques afin de compliquer la tâche des autorités qui voudraient suivre leurs traces et finissent par réapparaître la plupart du temps à Genève, Zurich, Berne, Londres ou Luxembourg, d’où ils peuvent se rendre si nécessaires vers d’autres destinations.
, dans le combat pour la socialisation des banques, des assurances et du secteur de l’énergie, dans la réappropriation des communs, dans l’action contre l’évolution de plus en plus autoritaire des gouvernements et pour la démocratie dans tous secteurs de la vie sociale, dans la lutte pour la défense et l’extension des droits des femmes et des LGBTI, dans la promotion des biens et des services publics, dans le lancement de processus constituants.

Un travail collectif à poursuivre

Les membres de ReCommonsEurope se sont réunis à Bruxelles les 21 et 22 mars 2019. Les personnes présentes provenaient d’Allemagne, de Belgique, de Bosnie, de Chypre, de Croatie, de France, de Grande-Bretagne, de l’État espagnol, du Danemark, de Grèce, d’Italie et de Serbie. Ils ont discuté de la version définitive actuelle du Manifeste et des initiatives qui seront prises pour le faire connaître dans toute l’Europe. Le Manifeste est actuellement disponible en français, en espagnol, en anglais et en catalan. Il est encore possible de rejoindre les signataires du Manifeste.
La récente réunion des 21 et 22 mars 2019 constituait la quatrième rencontre des membres de ReCommonsEurope. Les deux premières réunions s’étaient déroulées à Bruxelles, respectivement en février et en juin 2018. La troisième avait eu lieu à Londres en septembre 2018. Aux cours de ces réunions des groupes de rédaction avaient été constitué par thématique et ils ont produit entre fin 2018 et mars 2019, le Manifeste pour un nouvel internationalisme des peuples en Europe qui a été rendu public le 21 mars 2019 en trois langues.

Lors de la réunion des 21 et 22 mars, les membres de ReCommonsEurope ont convenu que le document était perfectible, que le travail devait être poursuivi. Par ailleurs, on a également constaté qu’il était nécessaire d’en faire une version nettement plus accessible et très fortement réduite. Aussi deux processus sont en cours : un travail d’amélioration du Manifeste qui fait 100 pages et la rédaction d’une version synthétique avec pour objectif de ne pas dépasser un volume de 20 pages.
Il est également très important de reconnaître que les débats sur le programme de mesures à prendre n’ont pas encore été suffisamment approfondis. Plusieurs questions méritent d’être mieux définies : la possibilité et le rôle d’une monnaie complémentaire, la mise en pratique d’une sortie de l’euro pour une série de pays, les mesures pratiques à prendre au niveau des banques, les mesures immédiates en matière de participation à la lutte face à la crise écologique, etc.

Pourquoi le travail de ReCommonsEurope est important et utile

Les évènements qui ont suivi le désastre grec de 2015 montrent que la gauche populaire doit d’urgence débattre et adopter des propositions cohérentes pour donner une issue à gauche aux crises en cours. Le Brexit a été largement dominé par le combat entre différentes fractions du grand capital en Grande-Bretagne, le camp populaire n’a pas réussi à définir son projet et sa réponse à la question posée de sortie de l’Union européenne. Dans le cas de la lutte du peuple catalan pour l’indépendance, c’est largement la droite indépendantiste catalane qui a dominé le processus. Il n’y a pas eu une intervention autonome suffisamment forte de la gauche indépendantiste et internationaliste catalane. La lutte en ce qui concerne les droits sociaux et la contradiction Capital/Travail a été fortement marginalisée. Dans le cas de l’Italie, c’est aussi des forces réactionnaires de droite qui donnent fondamentalement le ton, avec une forte présence dans le gouvernement. Plus généralement, dans l’approfondissement de la crise de l’Union européenne, il est essentiel que le camp populaire intervienne de manière autonome.

ReCommonsEurope essaye, certes avec des forces modestes, de convaincre qu’il faut sortir du cadre national dans lequel une grande partie des forces du camp populaire est restée cantonnée. Sortir du cadre national ne veut évidemment pas dire qu’il ne faut pas se préoccuper des combats politiques et sociaux locaux, mais il faut connecter ces combats à la dimension internationale tant au niveau des propositions que des pratiques. Il faut aussi favoriser une sortie de l’immobilisme de la majorité des grandes organisations syndicales. La Confédération européenne des syndicats qui regroupe des dizaines de millions de salariés et de salariées s’est montrée incapable d’agir à l’échelle européenne pour défendre les conquêtes sociales face l’offensive brutale du grand capital secondé par les institutions de l’Union européenne.

Les luttes en cours des femmes (notamment à l’occasion du 8 mars) et de la jeunesse (avec notamment les mobilisations pour le climat) nous montrent l’exemple. Dans plusieurs pays européens, ces mobilisations sont en mesure d’articuler des formes d’auto-organisation, de l’auto-formation, des initiatives publiques et la recherche de solutions concrètes, avec une portée globale. Il est urgent que tou-te-s les militant-e-s anticapitalistes, écosocialistes, féministes, antiracistes, débattent de ces solutions, et interpellent les organisations sociales et politiques pour leur dire : ensemble, soyons à la hauteur des défis du temps présent, et construisons un nouvel internationalisme des peuples en Europe et ailleurs.

Lire le À l’heure du Coronavirus, retour sur le Manifeste pour un nouvel internationalisme des peuples en Europe


Eric Toussaint

Docteur en sciences politiques des universités de Liège et de Paris VIII, porte-parole du CADTM international et membre du Conseil scientifique d’ATTAC France.
Il est l’auteur des livres, Banque mondiale - Une histoire critique, Syllepse, 2022, Capitulation entre adultes : Grèce 2015, une alternative était possible, Syllepse, 2020, Le Système Dette. Histoire des dettes souveraines et de leur répudiation, Les liens qui libèrent, 2017 ; Bancocratie, ADEN, Bruxelles, 2014 ; Procès d’un homme exemplaire, Éditions Al Dante, Marseille, 2013 ; Un coup d’œil dans le rétroviseur. L’idéologie néolibérale des origines jusqu’à aujourd’hui, Le Cerisier, Mons, 2010. Il est coauteur avec Damien Millet des livres AAA, Audit, Annulation, Autre politique, Le Seuil, Paris, 2012 ; La dette ou la vie, Aden/CADTM, Bruxelles, 2011. Ce dernier livre a reçu le Prix du livre politique octroyé par la Foire du livre politique de Liège.
Il a coordonné les travaux de la Commission pour la Vérité sur la dette publique de la Grèce créée le 4 avril 2015 par la présidente du Parlement grec. Cette commission a fonctionné sous les auspices du parlement entre avril et octobre 2015.

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