16 janvier 2020 par Milan Rivié
Emmerson Mnangagwa, actuel président de la république du Zimbabwe (CC - kremlin)
Le Zimbabwe est en proie à de graves difficultés pour rembourser sa dette publique de 17 milliards de dollars US, soit 100 % de son PIB.
Il est en suspension de paiement sur 70 % de sa dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
extérieure publique détenue à 45 % par des créanciers bilatéraux et à 27 % par des créanciers multilatéraux. Les créanciers n’ont pas renoncé à leur remboursement de cette dette odieuse
Dette odieuse
Selon la doctrine, pour qu’une dette soit odieuse, et donc nulle, elle doit remplir deux conditions :
1) Elle doit avoir été contractée contre les intérêts de la Nation, ou contre les intérêts du Peuple, ou contre les intérêts de l’État.
2) Les créanciers ne peuvent pas démontrer qu’ils ne pouvaient pas savoir que la dette avait été contractée contre les intérêts de la Nation.
Il faut souligner que selon la doctrine de la dette odieuse, la nature du régime ou du gouvernement qui la contracte n’est pas particulièrement importante, puisque ce qui compte, c’est l’utilisation qui est faite de cette dette. Si un gouvernement démocratique s’endette contre l’intérêt de la population, cette dette peut être qualifiée d’odieuse, si elle remplit également la deuxième condition. Par conséquent, contrairement à une version erronée de cette doctrine, la dette odieuse ne concerne pas seulement les régimes dictatoriaux.
(voir : Eric Toussaint, « La Dette odieuse selon Alexander Sack et selon le CADTM » ).
Le père de la doctrine de la dette odieuse, Alexander Nahum Sack, dit clairement que les dettes odieuses peuvent être attribuées à un gouvernement régulier. Sack considère qu’une dette régulièrement contractée par un gouvernement régulier peut être considérée comme incontestablement odieuse... si les deux critères ci-dessus sont remplis.
Il ajoute : « Ces deux points établis, c’est aux créanciers que reviendrait la charge de prouver que les fonds produits par lesdits emprunts avaient été en fait utilisés non pour des besoins odieux, nuisibles à la population de tout ou partie de l’État, mais pour des besoins généraux ou spéciaux de cet État, qui n’offrent pas un caractère odieux ».
Sack a défini un gouvernement régulier comme suit :
« On doit considérer comme gouvernement régulier le pouvoir suprême qui existe effectivement dans les limites d’un territoire déterminé. Que ce pouvoir soit monarchique (absolu ou limité) ou républicain ; qu’il procède de la « grâce de Dieu » ou de la « volonté du peuple » ; qu’il exprime la « volonté du peuple » ou non, du peuple entier ou seulement d’une partie de celui-ci ; qu’il ait été établi légalement ou non, etc., tout cela n’a pas d’importance pour le problème qui nous occupe. »
Donc, il n’y a pas de doute à avoir sur la position de Sack, tous les gouvernements réguliers, qu’ils soient despotiques ou démocratiques, sous différentes variantes, sont susceptibles de contracter des dettes odieuses.
héritée du régime de Mugabé.
À Bali, en octobre 2018, le Zimbabwe s’est plié aux exigences du FMI
FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.
À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).
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, de la Banque mondiale
Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.
En 2022, 189 pays en sont membres.
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, de la Banque africaine de développement (BAD) et du Club de Paris
Club de Paris
Créé en 1956, il s’agit du groupement de 22 États créanciers chargé de gérer les difficultés de remboursement de la dette bilatérale par les PED. Depuis sa création, la présidence est traditionnellement assurée par un·e Français·e. Les États membres du Club de Paris ont rééchelonné la dette de plus de 90 pays en développement. Après avoir détenu jusqu’à 30 % du stock de la dette du Tiers Monde, les membres du Club de Paris en sont aujourd’hui créanciers à hauteur de 10 %. La forte représentation des États membres du Club au sein d’institutions financières (FMI, Banque mondiale, etc.) et groupes informels internationaux (G7, G20, etc.) leur garantit néanmoins une influence considérable lors des négociations.
Les liens entre le Club de Paris et le FMI sont extrêmement étroits ; ils se matérialisent par le statut d’observateur dont jouit le FMI dans les réunions – confidentielles – du Club de Paris. Le FMI joue un rôle clé dans la stratégie de la dette mise en œuvre par le Club de Paris, qui s’en remet à son expertise et son jugement macroéconomiques pour mettre en pratique l’un des principes essentiels du Club de Paris : la conditionnalité. Réciproquement, l’action du Club de Paris préserve le statut de créancier privilégié du FMI et la conduite de ses stratégies d’ajustement dans les pays en voie de développement.
Site officiel : https://www.clubdeparis.fr/
réunis pour l’occasion. Mthuli Ncube, ministre des Finances et ex-Chief Economist à la BAD, a dû donner un certain nombre de garanties et s’est engagé à appliquer scrupuleusement le « programme de stabilisation transitoire » du Zimbabwe pour rembourser la dette.
Eu égard à l’engagement néolibéral du gouvernement de Mnangagwa, une participation du FMI à l’élaboration de ce programme d’austérité est plus que probable. En 2018, les populations d’Haïti, de Guinée et d’Egypte subissaient déjà de plein fouet des mesures similaires exigées par le FMI.
Pour le Zimbabwe, la situation est grave. La BAD demeure aujourd’hui le seul organisme international à lui octroyer des prêts. Implacable, le FMI – à l’égard duquel le Zimbabwe avait apuré ses arriérés d’une dizaine d’années en 2016 – se refuse à intervenir directement dans le pays tant que les remboursements aux autres créanciers n’auront pas repris.
Pour sa part, l’Afrique du Sud, allié historique du Zimbabwe dans le viseur du FMI, a balayé d’un revers de la main la demande de prêt d’1,2 milliard de dollar US tout en appelant à la levée des sanctions internationales imposées depuis 2002 par les États-Unis et l’Union européenne.
Cet article est tiré du n° 77 de l’AVP (Les autres voix de la planète), « Dettes aux Suds » disponible à : https://www.cadtm.org/Dettes-aux-Suds
Voir également :
Les limites d’un mécanisme international de restructuration des dettes souveraines et les alternatives possibles
Poser des actes unilatéraux immédiats pour se libérer de la dette10 mars 2022, par Milan Rivié
1er mars 2022, par Milan Rivié
Les limites d’un mécanisme international de restructuration des dettes souveraines et les alternatives possibles
Principes et limites d’un mécanisme international de restructuration des dettes souveraines28 février 2022, par Milan Rivié
Les limites d’un mécanisme international de restructuration des dettes souveraines et les alternatives possibles
De la nécessité de s’extirper des griffes des créanciers9 février 2022, par Milan Rivié
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A qui profite les restructurations de dettes souveraines ?31 janvier 2022, par Milan Rivié
7 septembre 2021, par CADTM , Eric Toussaint , Milan Rivié
8 juillet 2021, par Milan Rivié , César Chantraine
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Version 2.0 de : Un nouveau piège de l’endettement du Sud au Nord
Afrique du Nord et Moyen Orient : nouvelle vague d’endettement21 avril 2021, par Eric Toussaint , Omar Aziki , Milan Rivié