9 janvier 2018 par Daniel Albarracín , Miguel Urbán Crespo
On peut affirmer que la Suisse est probablement le meilleur paradis fiscal du monde, tout au moins en ce qui concerne le poids du patrimoine géré par ses centres offshore. Elle est suivie de près par le Royaume Uni, les Îles Anglo-Normandes et Dublin.
En 2017, la Suisse compte 266 banques, dont deux grands groupes : l’Union de banques suisses (UBS) et le Crédit suisse (CS). La banque suisse concentre ses activités dans les services de banque privée et la gestion de fortunes, reléguant au second plan les négoces bancaires d’épargnants. Elle gère 25 % du montant mondial de la gestion des fortunes privées, soit un montant de plus ou moins équivalent à 6,1 billions d’euros dans ce secteur. 35 % des fonds privés mondiaux investis dans des entités offshore, soit 2,2 billions d’euros, se trouvent en Suisse.
Quelques cantons, comme Zoug, offrent des taux d’imposition sur les bénéfices de 16 % et jusqu’à 9 % pour des groupes présents uniquement grâce à une simple case postale. D’autres demi-cantons, comme Obwald et Appenzell Rhodes-Extérieures pratiquent un taux maximum de 13 % et d’autres cantons pratiquent généreusement un taux de 15 %. Il ne faut donc pas s’étonner si des dizaines de milliers d’entreprises choisissent d’établir leur siège social en Suisse.
Fin ou métamorphose du secret bancaire ?
Selon Ronen Palan, certaines formes d’évasion fiscale plus étendues existent : les sociétés-écrans et les directeurs fictifs, les fonds fiduciaires ou fidéicommis, les titres au porteur, ou les portes qu’ouvre le traitement fiscal des assurances impayées. Mais l’une des formules classiques est celle du secret bancaire. La Suisse a déclaré à plusieurs occasions en avoir fini avec celui-ci.
En Suisse, le secret bancaire – instauré en 1934 par la loi fédérale sur les banques – a évolué depuis sa conception initiale. Premièrement, plusieurs accords internationaux ont débouché, en 1991, sur l’abandon du compte courant numéroté anonyme. Cela n’a pas empêché la survie du secret bancaire : en effet, si la banque doit conserver les données du titulaire d’un compte ou bénéficiaire, les comptes numérotés par rapport à des tierces personnes continuent d’être un service mis à la disposition des clients qui payent pour les ouvrir.
La Suisse dit œuvrer en faveur de la transparence fiscale et financière. Néanmoins, nous devons rappeler que la Suisse continue d’admettre l’émission de titres au porteur, qui empêche celui-ci d’être identifié ; elle continue à ne pas fournir la documentation obtenue par le filtre des Panama Papers ; les consultants juridiques ne sont pas obligés à accomplir les règles de diligence – ce que des commentateurs, comme Mark Pieth, ont dénoncé.
Maintenant, la Suisse affirme qu’elle fournira les données bancaires de clients étrangers dans le cadre de l’échange automatique d’informations avec 38 pays de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE
OCDE
Organisation de coopération et de développement économiques
Créée en 1960 et basée au Château de la Muette à Paris, l’OCDE regroupait en 2002 les quinze membres de l’Union européenne auxquels s’ajoutent la Suisse, la Norvège, l’Islande ; en Amérique du Nord, les USA et le Canada ; en Asie-Pacifique, le Japon, l’Australie, la Nouvelle-Zélande. La Turquie est le seul PED à en faire partie depuis le début pour des raisons géostratégiques. Entre 1994 et 1996, deux autres pays du Tiers Monde ont fait leur entrée dans l’OCDE : le Mexique qui forme l’ALENA avec ses deux voisins du Nord ; la Corée du Sud. Depuis 1995 et 2000, se sont ajoutés quatre pays de l’ancien bloc soviétique : la République tchèque, la Pologne, la Hongrie, la Slovaquie. Puis d’autres adhésions se sont produites : en 2010, le Chili, l’Estonie, Israël et la Slovénie, en 2016 la Lettonie, en 2018 la Lituanie et, en 2020, la Colombie est devenue le trente-septième membre.
Site : www.oecd.org
). Ce système commencera à fonctionner en 2018. Selon les autorités suisses, cet échange automatique n’inclura pas le partage des « listes volées ». Puisqu’il faut penser que ces listes existent, leur constance prouve ainsi l’existence d’informations fiscales qui ne seront pas partagées.
Comme l’avait déjà fait Bradley Birkenfeld, en 2012, Hervé Falciani (ancien employé de la banque HSBC, à Genève) dispose des données personnelles de 130.000 comptes bancaires secrets, parmi lesquels on trouve des personnages aussi puissants que la présidente de la Banque de Santander, Patricia Botín. Cette fourniture de données – qui a eu un coût personnel élevé pour son auteur – a permis à l’Espagne de récupérer jusqu’à 6.000 millions d’euros évadés fiscalement.
Cette révélation démontre que les accords (tant de fois annoncés) sur l’échange d’informations fiscales n’existaient que sur le papier. Comme l’explique Juan Hernández Vigueras, la Suisse n’applique pas l’imposition obligatoire sur les revenus des capitaux propriété de ressortissants des pays de l’Union européenne (UE) qui opèrent en Suisse. Une imposition qui s’élevait alors à 35 % et dont il fallait transférer 75 % de son montant aeux autorités fiscales de l’Etat membre où réside le titulaire de ces rentes. Ces révélations montrent précisément les hontes d’une économie et d’un gouvernement qui dit faire une chose pour ensuite en faciliter d’autres.
Les ministres du G20
G20
Le G20 est une structure informelle créée par le G7 (Allemagne, Canada, États-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni) à la fin des années 1990 et réactivée par lui en 2008 en pleine crise financière dans le Nord. Les membres du G20 sont : Afrique du Sud, Allemagne, Arabie saoudite, Argentine, Australie, Brésil, Canada, Chine, Corée du Sud, États-Unis, France, Inde, Indonésie, Italie, Japon, Mexique, Royaume-Uni, Russie, Turquie, Union européenne (représentée par le pays assurant la présidence de l’UE et la Banque Centrale européenne ; la Commission européenne assiste également aux réunions). L’Espagne est devenue invitée permanente. Des institutions internationales sont également invitées aux réunions : le Fonds monétaire international, la Banque mondiale. Le Conseil de stabilité financière, la BRI et l’OCDE assistent aussi aux réunions.
ont décidé en Chine de définir une liste de juridictions qui ne coopèrent pas en matière fiscale. Pour ne pas y figurer, il faut remplir deux des trois critères suivants :
avoir signé la convention multilatérale sur l’aide administrative mutuelle en matière fiscale ;
avoir passé l’examen de la 2e phase, avec la note d’accomplissement complet ou large ;
s’être engagé à l’échange automatique d’information fiscale, à partir de 2018.
Il faut se demander si la Suisse a pris les mesures pour effectuer ces échanges ou si nous nous trouvons à nouveau avec un effet d’annonce, dont nous ne savons pas jusqu’à quel point il comportera des améliorations dans le combat contre l’évasion fiscale et le blanchissement d’argent. Ou s’il impliquera simplement pour la Suisse des améliorations de son image, pour continuer à attirer des capitaux, sans perdre son attraction par rapport à des juridictions fiscales qui jouent sur ce même terrain. Il faut aussi continuer à se demander quelle volonté existe pour faire de la transparence une formule réelle, alors qu’il continue à ne pas exister des mécanismes faibles et ordonnés pour fournir des données suspectes, selon une procédure protégeant les droits des informateurs ou des dénonciateurs de manière digne de foi et donnant à ceux-ci des garanties Garanties Acte procurant à un créancier une sûreté en complément de l’engagement du débiteur. On distingue les garanties réelles (droit de rétention, nantissement, gage, hypothèque, privilège) et les garanties personnelles (cautionnement, aval, lettre d’intention, garantie autonome). .
Traduction de l’espagnol : Hans-Peter Renk
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, économiste et sociologue, collaborateur de la revue Viento Sur, est militant d’Anticapitalistas dans l’État espagnol).
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