22 mars 2007 par Wangui Mbatia & Hassan Indusa
Pour le compte du Parlement du peuple, 5 février 2007
Contexte
Dans sa Charte des Principes, le Forum Social Mondial (FSM) se définit « comme un espace de rencontre ouvert, visant à approfondir la réflexion [...] d’instances et de mouvements de la société civile qui s’opposent au néolibéralisme et à la domination du monde par le capital et toute forme d’impérialisme ». C’est ce principe fondateur qui provoqua un enthousiasme d’une exceptionnelle ampleur chez les membres du Parlement du peuple lors de la toute première venue du FSM en Afrique, notamment à Nairobi au Kenya. Pour bon nombre d’entre eux, il s’agissait d’une occasion unique et ils sentaient tout naturellement qu’il était urgent de s’engager pleinement dans les activités du FSM de Nairobi.
Selon le professeur Edouard Oyugi, le Parlement du peuple est un groupe désorganisé et sans doute l’est-il ! Observé depuis une tour d’ivoire, ces personnes qui - au cours des quinze dernières années - se sont spontanément et quotidiennement réunies pour mener des actions
Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
concrètes sans directeur général, sans bureaux ni moyens financiers destinés à l’achat de 4X4 pour véhiculer leurs « notables », sembleraient, en effet, former un groupe désorganisé. Pourtant, les membres du Parlement du peuple ont non seulement accueilli le Forum social africain dans les jardins de Jeevanjee en 2005, ils ont également participé, début 2006, aux réunions de pré-planification avant que les mouvements sociaux n’en soient exclus et qu’une clique d’intellectuels autoritaires (avec leurs proches), forts de leur participation aux précédents FSM de Porto Alegre et Mumbrai, ne les investissent totalement. Depuis le début, il était clair que le FSM au Kenya avait ses « propriétaires » et que le Kenyan ordinaire n’était pas des leurs.
C’est dans l’esprit de l’un des principes de la Charte selon lequel « un autre monde est possible », que le Parlement du peuple prit la décision de se joindre au « processus permanent de recherche et d’élaboration d’alternatives qui ne se réduit pas aux manifestations sur lesquelles il s’appuie », refusant ainsi d’être exclu du Forum Social Mondial de Nairobi. Le FSM de Nairobi était, pour les membres du Parlement, une occasion qu’ils ne manqueraient pas, parce qu’il « réunit et articule les instances et les mouvements de la société civile de tous les pays du monde ».
Alors que janvier 2007 approchait, il devint évident que le FSM de Nairobi ne serait pas accessible à la plupart des Kenyans. Malgré l’échec des discussions avec les organisateurs du FSM de Nairobi, les membres du Parlement du Peuple restaient déterminés. Ils ont été patients et confiants jusqu’à la veille de l’inauguration du FSM le 19 janvier 2007, date à laquelle les bénévoles du CCIK (Centre de conférences international Kenyatta) ont exigés qu’ils paient 500 KES de droits d’inscription pour figurer sur le panneau d’affichage. De toute évidence, il fallait payer pour être mentionné sur le panneau d’information du CCIK ! Pour le Parlement du peuple qui avait été enthousiaste jusqu’alors, ce rejet fut la goutte qui fit déborder le vase et les incita à revendiquer le droit « de délibérer sur les déclarations qu’ils pourraient faire ou les actions qu’ils pourraient mener, soit séparément, soit avec d’autres participants ». Considérant que le FSM est « un espace ouvert au pluralisme et à la diversité des engagements et actions d’instances et de mouvements qui décident d’y prendre part », le Parlement du peuple résolut le 19 janvier 2007 à 14 h 00 de :
1) de protester immédiatement contre l’apparente détermination des organisateurs du FSM d’exclure les Kenyans pauvres en leur imposant des droits d’inscriptions beaucoup trop élevés (500 KES) et de mener toutes les actions nécessaires à la suppression de ces frais ;
2) d’organiser rapidement un forum alternatif pour fournir aux Kenyans pauvres un autre espace de participation gratuite au FSM ;
3) de veiller à faire figurer les résultats des discussions tenues lors du forum alternatif dans les déclarations finales du FSM.
Comme prévu, le FSM a présenté une très grande diversité d’expériences, positives et négatives et c’est finalement le Parlement du peuple qui s’est révélé le plus performant dans sa participation au processus.
Succès du Forum Social Mondial en 2007 à Nairobi
Le Forum Social Mondial de 2007 constitue une base solide pour l’élaboration de nombreux projets. Il a eu les impacts positifs suivants (liste non exhaustive) :
1) Il a sans doute donné lieu au plus impressionnant rassemblement d’organisations de gauche qu’un pays africain n’ait jamais connu. Il a fourni aux participants africains une occasion unique de « fortifier et créer de nouvelles articulations nationales et internationales entre les instances et mouvements de la société civile ». Le FSM est même allé au-delà en créant un environnement dans lequel les participants ont pu socialiser, se faire des amis, stimuler et être stimulés, rire et danser.
2) Jamais un Forum Social Mondial n’avait connu un nombre aussi important de participants africains.
3) De nombreuses instances et mouvements sociaux ont présenté une multitude d’activités qui ont permis aux participants d’entendre - en direct - le récit des combats et réussites de nombreuses communautés.
4) Certains mouvements sociaux parmi les plus anonymes, tel que Dallit (Inde), ont pu acquérir une visibilité qui permet l’émergence d’un autre monde. La participation des femmes et des minorités a été également très salutaire.
Fait remarquable pour la communauté kenyane, le Réseau gay et lesbien a pu - pour la première fois - se montrer publiquement.
5) Pour un laps de temps limité et bien qu’enfermé derrière les grilles du stade, un monde a pu être possible. Des manifestations et des actions de protestations se sont déroulées sans l’habituel recours aux gaz lacrymogènes et malgré l’imposante (et quelque peu singulière) présence policière. Quoiqu’il en soit, à l’intérieur du stade Kasarani, les groupes et les personnes ont communiqué librement.
6) Les femmes et groupes féministes étaient visiblement présents ce qui a constitué un bouleversement total de l’organisation traditionnelle de réunions dans la société civile de Nairobi.
Echecs et leçons du FSM 2007
Les professeurs Oyugi, Oduor Ongwen, Wahu Kaara, et Taoufikh Ben Abdallah semblent se satisfaire du fait que « l’événement ait eu lieu », peu importe qu’il ait été mal géré ! Pour sa part, le Parlement du peuple pense que la vision obtuse, la cupidité, l’insensibilité et l’arrogance démesurée des organisateurs ont gâché l’occasion qui leur était offerte de montrer l’immense potentiel des Kenyans, des Africains en général.
1) Information préliminaire. Il est évident que très peu de publicité a été faite sur la venue du FSM au Kenya. Les moyens d’information ont été très insuffisants avant et pendant l’événement : pas d’affiches, de panneaux publicitaires ou de prospectus, ni de bureaux de renseignements installés dans les lieux stratégiques des zones urbaines afin de guider les personnes intéressées ou susceptibles de l’être. Beaucoup de visiteurs ont noté avec inquiétude qu’il y avait très peu d’indications sur l’importance de l’évènement - certains conducteurs de taxi à l’aéroport ne savaient même pas qu’il avait lieu ! Néanmoins, il est important de préciser que les organisateurs ont essayé de tenir des forums sociaux « régionaux » pour susciter une prise de conscience. Ce fut le cas à Kisumu même si les résultats se sont révélés décevants. Les problèmes persistants de la micro-gestion et du népotisme ont miné ces forums régionaux.
2) Communication. Tout au long de la phase de planification, le manque de communication entre les organisateurs du forum et les groupes désireux de participer était manifeste. Les dissensions entre les organisateurs locaux ont fini par empêcher tous ceux qui ne participaient pas à l’organisation de comprendre ce qu’il se passait et d’apporter les appuis nécessaires.
3) Droits d’inscription.
(a) Droits d’entrée. Fixés à 500 KES ces droits étaient inabordables pour les masses pauvres du Kenya. Cette somme - 7 $ environ - représente presque une semaine de salaire. Étant donné que 60% de la population kenyane vit avec moins de 1 $ par jour, nombre de Kenyans ont été exclus du FSM.
(b) Droits d’inscription aux activités. Pour organiser des activités ou des séminaires au FSM, les organisations devaient payer 30 000 KES. Aussi, les petits groupes et mouvements de Kenyans pauvres ont-ils été relégués au rôle de spectateurs. Les grandes ONG étaient les seules à pouvoir payer cette somme qui empêchait les mouvements d’actions sociales locaux d’être également présents. Résultat : un réel déséquilibre dans la représentation des participants.
(c) Frais de location des stands d’exposition et de vente. D’après les vendeurs de nourriture et d’eau, un petit stand coûtait environ 60 000 KES. Seules les grandes entreprises appartenant à des nantis pouvaient se le permettre. Pour récupérer les droits exorbitants qu’elles avaient payés, elles n’ont pas hésité à hausser - de plus de 500 % parfois - le prix des marchandises, nourriture et eau comprises.
4) Lieu. À environ 10 km de la ville, le stade Kasarani est le site le plus éloigné du centre. Pourtant six autres parcs et stades qui n’étaient distants les uns des autres et du centre-ville que 10 à 15 minutes auraient pu accueillir le forum. Il s’agit du parc d’Uhuru (où les cérémonies d’inauguration et de clôture ont eu lieu), du stade de Nyaho (lieu des célébrations et fêtes nationales kenyanes), le stade de la ville, les jardins de Jahuri, le parc de Kamukunji (où se tiennent les rassemblements politiques de masse), et le jardin de Jeevanjee (le Parlement du peuple y a tenu son forum alternatif et accueilli avec succès plus de 4 000 participants).
_ Le transport vers Kasarani coûtait cher compte tenu de la distance qui le sépare des banlieues. Il y a eu beaucoup de vols et d’insécurité bien que les organisateurs aient proclamé avoir choisi ce site pour sa sûreté assurée par une forte présence policière. Toutefois, protéger des personnes à l’intérieur des grilles le jour pour les livrer la nuit à la merci des criminels, est un défi au bon sens. En revanche, aucune perte ni problème d’insécurité n’ont été signalés lors des trois jours de forum alternatif gratuit et accessible à tous que le Parlement du Peuple a organisé dans les jardins de Jeevanjee au cœur de Nairobi.
Plutôt que d’être un atout, l’éloignement et les grilles closes du stade ont accru l’insécurité. Pour la plupart des participants, ce stade était un labyrinthe cauchemardesque avec sa myriade d’entrées et de sorties à traverser. Constamment désorientés, nombre de participants sont devenus vulnérables.
Dans ce lieu hermétiquement clos, les initiatives et manifestations des participants n’ont été connues que d’eux seuls transformant ainsi toutes ces activités en de gracieuses danses exécutées dans l’obscurité d’une scène.
5) Militarisation. Le dispositif policier était imposant et très visible. Pourtant, ces forces se sont révélées étrangement incapables ou peu disposées à contrôler l’insécurité qui régnait dans le stade.
6) Marginalisation des petites organisations et des mouvements sociaux. Le coût élevé des frais d’inscription aux activités a probablement marginalisé nombre de petites instances, notamment les mouvements sociaux qui ne sont membres d’aucun réseau bien établi. Les grandes ONG ont semblé bénéficier d’un accès totalement libre à l’espace matériel et temporel du FSM créant, par ce fait, une situation de totale iniquité. Ainsi, Action Aid n’a organisé que vingt-cinq réunions contre soixante-dix pour le Human Dignity Network (Réseau pour la dignité humaine). Ce sont les moyens financiers et non l’importance du message à transmettre qui ont servi de ferment à ces activités. Il convient de signaler également l’omniprésence des groupes religieux qui constitue un sujet de préoccupation grandissante pour la majorité des participants.
7) Marchandisation. Dans la Charte des Principes du FSM, « les alternatives proposées s’opposent au processus de mondialisation
Mondialisation
(voir aussi Globalisation)
(extrait de F. Chesnais, 1997a)
Jusqu’à une date récente, il paraissait possible d’aborder l’analyse de la mondialisation en considérant celle-ci comme une étape nouvelle du processus d’internationalisation du capital, dont le grand groupe industriel transnational a été à la fois l’expression et l’un des agents les plus actifs.
Aujourd’hui, il n’est manifestement plus possible de s’en tenir là. La « mondialisation de l’économie » (Adda, 1996) ou, plus précisément la « mondialisation du capital » (Chesnais, 1994), doit être comprise comme étant plus - ou même tout autre chose - qu’une phase supplémentaire dans le processus d’internationalisation du capital engagé depuis plus d’un siècle. C’est à un mode de fonctionnement spécifique - et à plusieurs égards important, nouveau - du capitalisme mondial que nous avons affaire, dont il faudrait chercher à comprendre les ressorts et l’orientation, de façon à en faire la caractérisation.
Les points d’inflexion par rapport aux évolutions des principales économies, internes ou externes à l’OCDE, exigent d’être abordés comme un tout, en partant de l’hypothèse que vraisemblablement, ils font « système ». Pour ma part, j’estime qu’ils traduisent le fait qu’il y a eu - en se référant à la théorie de l’impérialisme qui fut élaborée au sein de l’aile gauche de la Deuxième Internationale voici bientôt un siècle -, passage dans le cadre du stade impérialiste à une phase différant fortement de celle qui a prédominé entre la fin de Seconde Guerre mondiale et le début des années 80. Je désigne celui-ci pour l’instant (avec l’espoir qu’on m’aidera à en trouver un meilleur au travers de la discussion et au besoin de la polémique) du nom un peu compliqué de « régime d’accumulation mondial à dominante financière ».
La différenciation et la hiérarchisation de l’économie-monde contemporaine de dimension planétaire résultent tant des opérations du capital concentré que des rapports de domination et de dépendance politiques entre États, dont le rôle ne s’est nullement réduit, même si la configuration et les mécanismes de cette domination se sont modifiés. La genèse du régime d’accumulation mondialisé à dominante financière relève autant de la politique que de l’économie. Ce n’est que dans la vulgate néo-libérale que l’État est « extérieur » au « marché ». Le triomphe actuel du « marché » n’aurait pu se faire sans les interventions politiques répétées des instances politiques des États capitalistes les plus puissants (en premier lieu, les membres du G7). Cette liberté que le capital industriel et plus encore le capital financier se valorisant sous la forme argent, ont retrouvée pour se déployer mondialement comme ils n’avaient pu le faire depuis 1914, tient bien sûr aussi de la force qu’il a recouvrée grâce à la longue période d’accumulation ininterrompue des « trente glorieuses » (l’une sinon la plus longue de toute l’histoire du capitalisme). Mais le capital n’aurait pas pu parvenir à ses fins sans le succès de la « révolution conservatrice » de la fin de la décennie 1970.
imposé par les grandes sociétés multinationales ». Ce qui nous amène à nous interroger sur la présence de la grande multinationale Celtel au FSM, sur les motivations qui ont poussé les organisateurs à accepter son parrainage et à l’exonérer des droits d’inscription. En outre, la grande majorité des participants au forum n’ont eu accès qu’aux réseaux téléphoniques fournis par Celtel parce que le nombre de ses concurrents autorisés sur le site avait été limité. Certains fournisseurs se sont même vu interdire la vente de télécartes au stade Kasarani.
8) Insécurité. Des vols de téléphones, d’appareils photographiques, de portefeuilles, d’ordinateurs portables et d’autres objets de valeur ont été commis dans le stade Kasarani. Les soupçons portés par les organisateurs sur les habitants des bidonvilles qui étaient entrés gratuitement sont insultants. Les organisateurs semblent penser que ces personnes pauvres sont des délinquants patentés. Ce préjugé a révélé l’arrogance des organisateurs et empêché les Kenyans pauvres de se faire entendre avant et pendant le FSM. Les vols occasionnels et tout particulièrement la sécurité des copies des pièces d’identité faites lors des inscriptions constituent la préoccupation majeure de très nombreux participants surtout lorsque l’on songe aux éventuelles utilisations de pareils documents dans un pays - le Kenya - qui est un point de passage pour les trafiquants de personnes et de drogues.
9) Bénévolat. Le FSM doit revoir sa définition du bénévolat. Près de 400 traducteurs se sont portés « volontaires » et ont été payés 100 $ par jour ce qui est trop onéreux. D’autres professionnels qui avaient offert leurs services demandaient jusqu’à 400 $ par jour. En outre, beaucoup d’individus ont gagné de l’argent en exhibant leur insigne vert de bénévole et en ne faisant rien d’autre que flâner dans le stade.
10) Traduction et équipement. Plus de 40 000 $ par jour ont été consacrés à la traduction. Pourtant, ce fut un échec total dû d’une part au nombre insuffisant de récepteurs FM et, d’autre part, à leur état défectueux. Les équipements fournis aux participants étaient inadaptés. Ils n’avaient pas été testés avant de faire l’objet d’une commande de 50 000 pièces. Plus grave encore, tous les récepteurs n’ont pas été distribués aux participants. En effet, plusieurs « bénévoles » ont été vus en train de les vendre aux participants épuisés au prix de 100 KES la boîte.
11) Coût de la nourriture et de l’eau. Les organisateurs ayant fermé les yeux sur les activités des sociétés néo-libérales, la nourriture et de l’eau ont été vendues à des prix excessifs. Les organisateurs ont livré les participants aux mains des entreprises commerciales en ne faisant pas jouer la concurrence - Kasarani est très éloigné des zones de restaurants et hôtels qui auraient offert une plus grande possibilité de choix De plus, a sélection des fournisseurs n’a pas été faite de façon rigoureuse. C’est ainsi que des hôtels tels que les cinq étoiles Windsor et Norfolk ont pu investir l’espace du FSM. Rappelons également que plus de 50 000 litres d’eau ont été livrés gratuitement mais jamais distribués aux participants. Les organisateurs ont expliqué que c’était dû à un problème de logistique. Pures balivernes. Si les bouteilles d’eau avaient été placées à chaque entrée, les participants se seraient servis eux-mêmes. Par ailleurs, il est très probable que ces cargaisons d’eau gratuite aient été introduites sur le marché et vendues à 300% de leur valeur réelle.
12) Inaccessibilité aux lieux de rendez-vous et aux ateliers. Le programme des rencontres était difficile à trouver. Même lorsqu’il était disponible, il était impossible de savoir ce qu’il se passait étant donné qu’il fallait se frayer un chemin à travers une multitude des portes et d’ateliers sans qu’aucune indication claire ne soit fournie. Au final, les membres d’organisations, de réseaux ou de mouvements sociaux n’ont pu assister qu’aux séminaires qu’ils avaient eux-mêmes organisés mettant à mal l’idée même de l’échange d’expériences. Seuls les membres des mêmes réseaux se retrouvaient aux mêmes endroits pour ne prêcher que des convertis.
13) Discours. Les participants ne devraient plus jamais avoir à subir plus de quarante-cinq minutes de discours atrocement ennuyeux débités par des présidents retraités occupant leur temps libre à chanter des ballades !
14) Indifférence. Prévues au programme du FSM, les marches organisées vers et depuis les bidonvilles ont été du plus mauvais goût. Les pauvres du monde entier ne doivent pas être donnés en spectacle, pas même aux foules compatissantes qui participent au FSM. La pauvreté ne devrait pas être un objet de fascination au sein même du FSM. Il ne faudrait pas croire non plus que les pauvres soient des êtres dénués de toute sensibilité. La légèreté avec laquelle leur infortune est traitée rabaisse leur dignité et les prive de toute humanité. Le FSM devrait agir plus activement pour inclure ces populations dans son programme et éviter les abords de leurs habitations plutôt que d’en faire une visite purement touristique.
15) Malhonnêteté. Les organisateurs du FSM n’étaient cohérents que dans leurs incohérences. Bien qu’ils aient à plusieurs reprises affirmé que les droits d’inscriptions étaient supprimés pour les Kenyans pauvres, il a fallu que des manifestants viennent protester tous les matins pour que les grilles s’ouvrent et se referment aussitôt, une fois que les protestataires étaient entrés dans le stade.
Recommandations
Les forums sociaux parallèles ont été organisés au Kenya et en Inde pour plusieurs raisons. Ils révèlent en effet des problèmes plus profonds que ceux - comme les organisateurs voudraient le croire - liés aux difficultés internes du FSM. Forts de notre expérience du FSM 2007, nous recommandons l’adoption des mesures suivantes :
(I) Que les personnes sélectionnées pour mener le processus du FSM s’engagent à respecter la Charte des Principes du Forum Social Mondial.
(II) Que le processus d’organisation du FSM inclue tout le monde, qu’il soit transparent et participatif
(III) Que tous les résidents du pays hôte qui peuvent justifier d’un droit d’exonération des droits d’entrée accèdent librement aux activités du FSM.
(IV) Que le FSM se tienne dans un lieu accessible au plus nombre et ne se trouve plus enfermé dans des stades éloignés des zones d’habitations.
(V) Que le FSM ne soit pas livré à la marchandisation, et en particulier, qu’aucune société multinationale n’ait accès au FSM, en tant que vendeur ou participant.
(VI) Que l’on applique des règles d’action positive pour répartir de façon équitable le temps alloué à chaque atelier afin que les petits groupes et mouvements sociaux soient intégrés au programme plutôt que cantonnés au rôle de simples spectateurs.
(VII) Que le FSM impose des règles simples afin d’éviter les abus en fixant des prix plafonds pour l’eau et la nourriture et en ouvrant son espace commercial aux petites entreprises.
(VIII) Que ce soit les organisateurs locaux qui prennent les décisions clés relatives, entre autres, au lieu où se déroulera le FSM.
(IX) Que la publicité du FSM bénéficie de moyens suffisants avant, pendant et après l’événement afin de créer un mouvement de solidarité durable dans le pays hôte.
(X) Que des procédures appropriées de passation de marchés relatifs à l’offre de services et l’achat d’appareils, tels que les récepteurs destinés à la traduction, soient officiellement établies et respectées.
(XI) Que la responsabilité et la transparence soient des principes directeurs tout particulièrement lors du processus de planification afin de neutraliser toute forme de népotisme, de corruption, de manipulation, d’arrogance, de cupidité et d’incompétence.
(XII) Les organisateurs devraient être incités à faire preuve de tolérance, de diplomatie et à formuler des critiques constructives afin que les suggestions ou mises au point qu’ils pourraient faire ne soient pas perçues comme des attaques personnelles.
(XIII) Les activités des ONG qui organisent le FSM devraient être validées et limitées pour éviter qu’un petit groupe de personnes ne se disperse dans une multitude d’ateliers laissant par ce fait d’autres activités à l’écart. La procédure de contrôle et de validation des organisateurs devrait être faite sur place pour assurer une plus large représentativité des mouvements sociaux au sein du FSM.
Traduction de l’anglais : Angélique Sapolin et Nicole Choisi