Le réseau CADTM joue un rôle essentiel dans les mobilisations contre la mondialisation néolibérale

25 avril 2016 par Gustave Massiah


Message adressé à l’Assemblée mondiale du réseau CADTM qui se réunit à Tunis du 26 au 30 avril 2016 par Gustave Massiah, membre fondateur du Cedetim et de l’Aitec (réseau Ipam), membre du Conseil international du Forum social mondial et du Conseil Scientifique d’ATTAC France.



Chères et chers camarades et ami-e-s du CADTM

Le réseau CADTM joue un rôle essentiel dans les mobilisations et les réflexions des mouvements sociaux qui luttent contre la mondialisation Mondialisation (voir aussi Globalisation)
(extrait de F. Chesnais, 1997a)
Jusqu’à une date récente, il paraissait possible d’aborder l’analyse de la mondialisation en considérant celle-ci comme une étape nouvelle du processus d’internationalisation du capital, dont le grand groupe industriel transnational a été à la fois l’expression et l’un des agents les plus actifs.
Aujourd’hui, il n’est manifestement plus possible de s’en tenir là. La « mondialisation de l’économie » (Adda, 1996) ou, plus précisément la « mondialisation du capital » (Chesnais, 1994), doit être comprise comme étant plus - ou même tout autre chose - qu’une phase supplémentaire dans le processus d’internationalisation du capital engagé depuis plus d’un siècle. C’est à un mode de fonctionnement spécifique - et à plusieurs égards important, nouveau - du capitalisme mondial que nous avons affaire, dont il faudrait chercher à comprendre les ressorts et l’orientation, de façon à en faire la caractérisation.

Les points d’inflexion par rapport aux évolutions des principales économies, internes ou externes à l’OCDE, exigent d’être abordés comme un tout, en partant de l’hypothèse que vraisemblablement, ils font « système ». Pour ma part, j’estime qu’ils traduisent le fait qu’il y a eu - en se référant à la théorie de l’impérialisme qui fut élaborée au sein de l’aile gauche de la Deuxième Internationale voici bientôt un siècle -, passage dans le cadre du stade impérialiste à une phase différant fortement de celle qui a prédominé entre la fin de Seconde Guerre mondiale et le début des années 80. Je désigne celui-ci pour l’instant (avec l’espoir qu’on m’aidera à en trouver un meilleur au travers de la discussion et au besoin de la polémique) du nom un peu compliqué de « régime d’accumulation mondial à dominante financière ».

La différenciation et la hiérarchisation de l’économie-monde contemporaine de dimension planétaire résultent tant des opérations du capital concentré que des rapports de domination et de dépendance politiques entre États, dont le rôle ne s’est nullement réduit, même si la configuration et les mécanismes de cette domination se sont modifiés. La genèse du régime d’accumulation mondialisé à dominante financière relève autant de la politique que de l’économie. Ce n’est que dans la vulgate néo-libérale que l’État est « extérieur » au « marché ». Le triomphe actuel du « marché » n’aurait pu se faire sans les interventions politiques répétées des instances politiques des États capitalistes les plus puissants (en premier lieu, les membres du G7). Cette liberté que le capital industriel et plus encore le capital financier se valorisant sous la forme argent, ont retrouvée pour se déployer mondialement comme ils n’avaient pu le faire depuis 1914, tient bien sûr aussi de la force qu’il a recouvrée grâce à la longue période d’accumulation ininterrompue des « trente glorieuses » (l’une sinon la plus longue de toute l’histoire du capitalisme). Mais le capital n’aurait pas pu parvenir à ses fins sans le succès de la « révolution conservatrice » de la fin de la décennie 1970.
néolibérale. Il est garant de la fidélité et de la continuité des engagements qui relient la décolonisation et le refus du système capitaliste. La dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
, depuis les années 80 a joué un rôle essentiel dans la montée en puissance du capitalisme financier et dans l’offensive de recolonisation. Le réseau CADTM a largement contribué à dévoiler le rôle joué par la gestion de la dette. Il a aussi permis de renouveler l’analyse de dette et la lutte contre la dette avec notamment les comités d’audit public de la dette.

La dernière séquence a ouvert de nouvelles contradictions en montrant à la fois la fragilité du système dominant et sa capacité à réagir à sa crise. La crise financière de 2008 a montré comment l’endettement croissant est au cœur du capitalisme financier, avec le logement des pauvres et les subprimes Subprimes Crédits hypothécaires spéciaux développés à partir du milieu des années 2000, principalement aux États-Unis. Spéciaux car, à l’inverse des crédits « primes », ils sont destinés à des ménages à faibles revenus déjà fortement endettés et étaient donc plus risqués ; ils étaient ainsi également potentiellement plus (« sub ») rentables, avec des taux d’intérêts variables augmentant avec le temps ; la seule garantie reposant généralement sur l’hypothèque, le prêteur se remboursant alors par la vente de la maison en cas de non-remboursement. Ces crédits ont été titrisés - leurs risques ont été « dispersés » dans des produits financiers - et achetés en masse par les grandes banques, qui se sont retrouvées avec une quantité énorme de titres qui ne valaient plus rien lorsque la bulle spéculative immobilière a éclaté fin 2007.
Voir l’outil pédagogique « Le puzzle des subprimes »
et l’endettement des étudiants et des chômeurs diplômés. Les mouvements depuis 2011 ont montré l’exaspération des peuples et la vivacité des réactions populaires. Depuis 2013, une nouvelle révolution conservatrice a marqué des points mais elle n’a pas eu raison de la volonté d’émancipation des mouvements sociaux et citoyens

Les réseaux internationaux qui définissent leur action Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
dans le refus de la mondialisation capitaliste, et au premier rang desquels le CADTM et ATTAC, souvent communs, sont porteurs d’une réponse stratégique. Cette stratégie se définit dans l’articulation entre la résistance et la rupture pour l’émancipation. Avec les propositions immédiates pour faire face à l’urgence, au premier rang desquelles l’annulation de toutes les dettes illégitimes au Sud comme au Nord, et la définition des projets alternatifs nécessaires à la construction d’un nouveau monde possible.

Je vous souhaite, avec toute mon amitié, une excellente assemblée mondiale du réseau du CADTM.

Gustave Massiah
Membre fondateur du Cedetim et de l’Aitec (réseau Ipam) et membre du Conseil Scientifique d’ATTAC France


Retrouvez le communiqué du CADTM concernant la tenue de son Assemblée mondiale à Tunis ici
 : Le réseau CADTM tient son Assemblée mondiale du 26 au 30 avril à Tunis


Gustave Massiah

est une des personnalités centrales du mouvement altermondialiste. Ingénieur et économiste, né en 1938 au Caire, a présidé le CRID (Centre de recherche et d’information pour le développement), galaxie d’associations d’aide au développement et de soutien aux luttes des pays du Sud, et a été vice-président d’Attac-France de 2003 à 2006.