I. L’Organisation mondiale du commerce
OMC
Organisation mondiale du commerce
Créée le 1er janvier 1995 en remplacement du GATT. Son rôle est d’assurer qu’aucun de ses membres ne se livre à un quelconque protectionnisme, afin d’accélérer la libéralisation mondiale des échanges commerciaux et favoriser les stratégies des multinationales. Elle est dotée d’un tribunal international (l’Organe de règlement des différends) jugeant les éventuelles violations de son texte fondateur de Marrakech.
L’OMC fonctionne selon le mode « un pays – une voix » mais les délégués des pays du Sud ne font pas le poids face aux tonnes de documents à étudier, à l’armée de fonctionnaires, avocats, etc. des pays du Nord. Les décisions se prennent entre puissants dans les « green rooms ».
Site : www.wto.org
II. Dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
et commerce : les liens étroits entre la Banque mondiale
Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.
En 2022, 189 pays en sont membres.
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, le FMI
FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.
À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).
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et l’OMC
III. Le FMI et la Banque mondiale : la libéralisation du commerce et la privatisation en tant que logique des plans d’ajustement structurel
IV. Le trio FMI / Banque mondiale/ OMC à l’action
Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
Dans cette étude vont apparaître les liens étroits tissés consciemment et mutuellement entre les institutions de Bretton Woods et l’OMC. Les mesures prises au niveau commercial augmentent l’ouverture des marchés des PED aux marchandises, aux services et aux flux de capitaux des pays les plus industrialisés. Simultanément se poursuit la spirale d’endettement. Le nouveau montage réglementaire, résultat des accords du GATT
GATT
Le G77 est une émanation du Groupe des pays en voie de développement qui se sont réunis pour préparer la première Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) à Genève en 1964. Le Groupe offre un forum aux PED pour discuter des problèmes économiques et monétaires internationaux. En 2021, le G77 regroupait plus de 130 pays.
dans le cadre de l’Uruguay Round et des premières années d’activité de l’OMC, ainsi que la multiplication des Accords bilatéraux sur l’investissement, tissent un ensemble serré de contraintes sur les économies des PED qui les éloigne de l’exercice de la souveraineté, qui rend difficile le développement de synergies Sud/Sud et l’accès à un développement harmonieux. Tout cela malgré le discours inverse qui veut faire croire que l’arrimage
Arrimage
Régime de change par lequel le taux de change d’une monnaie nationale est fixé à celui d’une devise étrangère de référence (le plus souvent le dollar).
des PED au commerce mondial va doper leur croissance et leur faire rattraper le soi-disant « retard » de développement. Les politiques d’ajustement structurel poursuivies depuis les années 1970 par le FMI et la Banque mondiale comportaient de manière systématique une dimension commerciale et préfiguraient ainsi la collaboration qui s’est installée entre ces organisations et l’OMC à partir de 1995. Heureusement des peuples sont passés à l’action pour récupérer le terrain perdu et mettre en avant le bien commun.
I. L’Organisation mondiale du commerce
L’OMC, de l’Accord de Marrakech (1994) à Doha (2001) et à Cancun ( 2003)
L’article II de l’Accord de Marrakech de 1994 [1] détermine son champ d’application. Ainsi, suivant le paragraphe 1, « ...l’OMC servira de cadre institutionnel commun pour la conduite des relations commerciales entre ses Membres en ce qui concerne les questions liées aux accords et instruments juridiques connexes repris dans les Annexes du présent accord ». Le paragraphe 2 du même article ajoute que les accords et instruments juridiques connexes repris dans les Annexes 1, 2 et 3 (dénommés Accords commerciaux multilatéraux) font partie intégrante de l’accord sur l’OMC et sont contraignants pour tous les membres.
Les accords dits multilatéraux englobent parmi d’autres :
le GATT 1994
l’accord sur les mesures concernant les investissements et liées au commerce (MIC)
l’accord sur l’agriculture
l’accord sur les textiles et vêtements [2]
l’accord général sur le commerce des services (AGCS) [3]
les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) [4].
En ce qui concerne les fonctions de l’organisation, selon l’article III, 2 de l’Accord sur l’OMC, elle sera l’enceinte qui permettra les négociations entre ses membres au sujet de leurs relations commerciales multilatérales, telles que définies dans les Annexes de l’Accord de création. Sa fonction principale est en conséquence de constituer le cadre institutionnel qui détermine les relations commerciales entre ses membres, cadre juridique caractérisé par sa nature contraignante.
La philosophie de l’OMC
Dans le Préambule de l’Accord, il est dit que les membres reconnaissent que leurs rapports dans le domaine commercial et économique devraient être orientés vers « ... le relèvement des niveaux de vie, la réalisation du plein emploi et d’un niveau élevé et toujours croissant du revenu réel et de la demande effective, et l’accroissement de la production et du commerce de marchandises et de services ».
Le but essentiel de l’OMC est de « ... poursuivre le processus de réforme et de libéralisation des politiques commerciales... » tout en rejetant le recours au protectionnisme [5]. Libéralisation des investissements [6], privatisation des services publics [7], régulation juridique et protection légale des droits de propriété intellectuelle [8], enfin, libéralisation intégrale du commerce mondial, constituent les piliers du fonctionnement de cette organisation. Il est important de remarquer que tout le système de l’OMC repose entièrement sur l’action du secteur privé : tandis que les pouvoirs publics doivent garantir par le biais d’une réglementation interne la libre circulation des biens, des capitaux et des services, des marchandises et la protection unidirectionnelle des droits du secteur privé, celui-ci n’est visé par aucune obligation
Obligations
Obligation
Part d’un emprunt émis par une société ou une collectivité publique. Le détenteur de l’obligation, l’obligataire, a droit à un intérêt et au remboursement du montant souscrit. L’obligation est souvent l’objet de négociations sur le marché secondaire.
.
Comme l’a bien souligné un ministre auprès de l’OMC « ...il existe encore un fort travers idéologique qui consiste à privilégier le marché par rapport à l’action de l’État. Or, l’évidence montre le contraire : le processus rapide de libéralisation des 20 dernières années s’est accompagné d’un creusement des inégalités entre les pays. Devant ces faits irréfutables, il apparaît nécessaire de réintroduire le thème de l’intervention adéquate de l’État et de réaffirmer le rôle des politiques publiques, sans lesquelles il ne serait pas possible d’atteindre l’objectif d’un développement équitable, démocratique et écologiquement durable » [9] (c’est moi qui souligne).
Bien qu’en principe l’Accord sur l’OMC soit une convention interétatique classique, dans la réalité du processus de mondialisation
Mondialisation
(voir aussi Globalisation)
(extrait de F. Chesnais, 1997a)
Jusqu’à une date récente, il paraissait possible d’aborder l’analyse de la mondialisation en considérant celle-ci comme une étape nouvelle du processus d’internationalisation du capital, dont le grand groupe industriel transnational a été à la fois l’expression et l’un des agents les plus actifs.
Aujourd’hui, il n’est manifestement plus possible de s’en tenir là. La « mondialisation de l’économie » (Adda, 1996) ou, plus précisément la « mondialisation du capital » (Chesnais, 1994), doit être comprise comme étant plus - ou même tout autre chose - qu’une phase supplémentaire dans le processus d’internationalisation du capital engagé depuis plus d’un siècle. C’est à un mode de fonctionnement spécifique - et à plusieurs égards important, nouveau - du capitalisme mondial que nous avons affaire, dont il faudrait chercher à comprendre les ressorts et l’orientation, de façon à en faire la caractérisation.
Les points d’inflexion par rapport aux évolutions des principales économies, internes ou externes à l’OCDE, exigent d’être abordés comme un tout, en partant de l’hypothèse que vraisemblablement, ils font « système ». Pour ma part, j’estime qu’ils traduisent le fait qu’il y a eu - en se référant à la théorie de l’impérialisme qui fut élaborée au sein de l’aile gauche de la Deuxième Internationale voici bientôt un siècle -, passage dans le cadre du stade impérialiste à une phase différant fortement de celle qui a prédominé entre la fin de Seconde Guerre mondiale et le début des années 80. Je désigne celui-ci pour l’instant (avec l’espoir qu’on m’aidera à en trouver un meilleur au travers de la discussion et au besoin de la polémique) du nom un peu compliqué de « régime d’accumulation mondial à dominante financière ».
La différenciation et la hiérarchisation de l’économie-monde contemporaine de dimension planétaire résultent tant des opérations du capital concentré que des rapports de domination et de dépendance politiques entre États, dont le rôle ne s’est nullement réduit, même si la configuration et les mécanismes de cette domination se sont modifiés. La genèse du régime d’accumulation mondialisé à dominante financière relève autant de la politique que de l’économie. Ce n’est que dans la vulgate néo-libérale que l’État est « extérieur » au « marché ». Le triomphe actuel du « marché » n’aurait pu se faire sans les interventions politiques répétées des instances politiques des États capitalistes les plus puissants (en premier lieu, les membres du G7). Cette liberté que le capital industriel et plus encore le capital financier se valorisant sous la forme argent, ont retrouvée pour se déployer mondialement comme ils n’avaient pu le faire depuis 1914, tient bien sûr aussi de la force qu’il a recouvrée grâce à la longue période d’accumulation ininterrompue des « trente glorieuses » (l’une sinon la plus longue de toute l’histoire du capitalisme). Mais le capital n’aurait pas pu parvenir à ses fins sans le succès de la « révolution conservatrice » de la fin de la décennie 1970.
, de libéralisation et de privatisations, les principaux acteurs et institutions sont les sociétés transnationales et les institutions multilatérales, comme la Banque mondiale (BM) et le Fonds monétaire international (FMI) ainsi que l’OMC. Tout le processus repose sur des axiomes fondamentaux qui visent essentiellement la réduction du rôle de l’État, la privatisation des entreprises publiques et la déréglementation ou libéralisation de l’économie [10].
La déréglementation réglementée
L’utilisation des termes « libéralisation » et « déréglementation » du commerce correspondent à une déformation ou débouche sur une déformation de la réalité. L’OMC, suivie en cela par le FMI et la Banque mondiale, définit une série de nouvelles règles : les réglementations nationales qui ont été adoptées par des pouvoirs souverains sont progressivement annihilées au profit de règles supranationales qui s’imposent, la plupart du temps sans débat suffisant, à tous les membres de l’OMC. « Le marché est donc toujours régulé. C’est ainsi que l’OMC ne dérégule pas, comme on le dit fréquemment. Elle supprime les régulations existantes pour aussitôt en imposer d’autres - règles de concurrence, de libre-échange - plus favorables aux intérêts des puissants et entend les faire respecter au détriment de ceux qui sont en position de faiblesse » [11].
Les Accords de l’OMC et la protection des Droits de l’homme
Cet accord multilatéral consacre une avancée de la primauté du droit privé (Droits de propriété intellectuelle) sur les autres droits, y compris le Droit fondamental à la santé inclus dans la Charte des Droits de l’Homme. L’exemple de la politique mise en place par certains pouvoirs publics en Afrique afin de combattre la pandémie du SIDA est très illustratif. A cet égard, la Déclaration sur l’accord concernant les ADPIC et la santé publique du 14 novembre 2001 et la reconnaissance en général du droit des pays-membres à établir leurs propres politiques de santé publique n’a rien changé au contenu et à la portée de l’ADPIC. En effet, la grande majorité des pays touchés par des crises sanitaires (SIDA, tuberculose, paludisme et autres épidémies, qui représentent des situations d’urgence permanentes) doivent se tourner vers des producteurs étrangers (essentiellement transnationales pharmaceutiques) faute de pouvoir fabriquer eux-mêmes des médicaments par manque des ressources financières.
Face à la revendication des PED, les Etats-Unis et d’autres pays développés, afin de protéger leurs industries pharmaceutiques, essentiellement dans les mains des transnationales, se sont opposés à toute modification du fond, du contenu et de la portée des ADPIC, même quand la santé publique était en jeu. Ces Etats ont ainsi bloqué toute possibilité d’accord sur la question de l’importation des médicaments génériques [12]. En réalité, l’ADPIC offre aux firmes transnationales un cadre de protection quasi-exclusif, aux dépens des droits élémentaires des populations et du bien public en général.
Remarquons qu’en plus du domaine des médicaments, l’ADPIC couvre le brevetage du vivant, l’appropriation des ressources de la biodiversité, de l’alimentation, de l’agriculture, des semences et des intrants Intrants Éléments entrant dans la production d’un bien. En agriculture, les engrais, pesticides, herbicides sont des intrants destinés à améliorer la production. Pour se procurer les devises nécessaires au remboursement de la dette, les meilleurs intrants sont réservés aux cultures d’exportation, au détriment des cultures vivrières essentielles pour les populations. agricoles, etc. Les droits humains et l’obligation de les respecter, tant de la part des individus que de la part d’un groupe d’individus (les personnes morales étant incluses) sont ignorés délibérément par cet accord. Comme le déclare un rapport de la Fédération internationale de défense des droits humains : « ...On assiste donc à une inversion totale des valeurs. Jusqu’à présent, ce n’est pas le commerce qui a dû s’adapter aux droits fondamentaux de la personne, mais l’inverse... les droits de l’Homme sont toujours considérés comme autant d’entraves à la libéralisation des échanges » [13].
II. Dette et commerce : les liens étroits entre la Banque mondiale, le FMI et l’OMC
Le rôle convergent de chaque institution
En 1994, les ministres, suivant la Déclaration sur la contribution de l’Organisation mondiale du commerce à une plus grande cohérence dans l’élaboration des politiques économiques au niveau mondial ont reconnu ce qui suit :
« 2. Une coopération réussie dans un domaine de la politique économique contribue aux progrès dans les autres. Une plus grande stabilité des taux de change, grâce à davantage d’ordre dans les conditions économiques et financières fondamentales, devrait contribuer à l’expansion du commerce, à la croissance et au développement durables et à la correction des déséquilibres extérieurs. Il faut également assurer en temps utile un flux adéquat de ressources financières et de ressources destinées à l’investissement réel à des conditions libérales et autres et redoubler d’efforts en vue de régler les problèmes d’endettement pour aider à garantir la croissance et le développement économiques. La libéralisation du commerce est un élément de plus en plus important pour le succès des programmes d’ajustement que nombre de pays entreprennent et qui supposent souvent, pendant la transition, des coûts sociaux importants. A cet égard, les Ministres prennent note du rôle de la Banque mondiale et du FMI dans l’aide à l’ajustement et à la libéralisation du commerce, y compris l’aide aux pays en développement importateurs nets de produits alimentaires qui doivent supporter des dépenses à court terme à cause des réformes du commerce des produits agricoles » (c’est moi qui souligne).
C’est dans le contexte général du processus d’ouverture commerciale que la problématique de la dette externe des PED est prise en compte en rapport avec les règles de l’OMC. En effet, selon l’OMC, l’existence d’une réglementation très stricte ou des restrictions au commerce mondial peut avoir des effets négatifs pour les PED endettés. Cet aspect touche particulièrement au fait qu’un système commercial international restrictif empêcherait les pays endettés de payer le service de leurs dettes à la suite du manque de ressources en provenance des exportations [14]. Le point d’équilibre passe donc par la libéralisation du commerce et l’ouverture des marchés : la libéralisation et la levée des restrictions commerciales produiraient des impacts positifs « ... sur la dette externe et le service de la dette
Service de la dette
Remboursements des intérêts et du capital emprunté.
... » [15]. C’est ainsi qu’en libéralisant de façon appropriée leurs propres régimes de commerce, selon l’OMC, les différents pays endettés sont censés améliorer leur capacité d’assurer le service de la dette.
Cet avis est contesté par les experts de la CNUCED
Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement
CNUCED
Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement. Elle a été créée en 1964, sous la pression des pays en voie de développement pour faire contrepoids au GATT. Depuis les années 1980, elle est progressivement rentrée dans le rang en se conformant de plus en plus à l’orientation dominante dans des institutions comme la Banque mondiale et le FMI.
Site web : http://www.unctad.org
qui font notamment remarquer que si les PED baissent unilatéralement leur protection douanière comme le recommandent l’OMC, la Banque et le FMI, ils perdent un moyen de pression sur les pays les plus industrialisés pour avoir accès à leur marché. Dans un document présenté auprès du Groupe du commerce de la dette et finances, la CNUCED, dans une vision plus nuancée sur la libéralisation du commerce, constate ce qui suit : « ... Bien que les avantages du libre-échange soient généralement reconnus, la division internationale du travail est grandement influencée par des politiques commerciales qui favorisent les produits et les marchés pour lesquels les pays avancés ont un avantage concurrentiel et une position dominante. Dans les secteurs de l’agriculture et de la pêche, les droits de douane élevés, la progressivité des droits de douane et les subventions sont appliquées sans retenue aux produits qui offrent le potentiel le plus important de diversification des exportations pour les pays en développement. Le panorama du protectionnisme n’est pas plus engageant pour les produits industriels, notamment dans les secteurs de la chaussure, du vêtement et du textile, où beaucoup de pays en développement ont un avantage concurrentiel. L’abus des procédures anti-dumping et des normes de produits à l’encontre des pays en développement qui réussissent sur les marchés d’exportation créent de nouveaux obstacles...Il y a une incohérence entre les conseils donnés par les institutions multilatérales, qui incitent les pays à libéraliser les importations et à adopter des stratégies de croissance axées sur les exportations - conseils qui transparaissent souvent dans les conditions attachées aux prêts de ces institutions dans le cadre des programmes d’ajustement structurel - et le protectionnisme persistant de certains pays industrialisés à l’encontre des produits agricoles dynamiques et des produits à fort coefficient de main d’œuvre. En outre, avec la promotion de la libération unilatérale des échanges au-delà de ce qu’impliquent les engagements pris dans le cadre de l’OMC, les pays en développement sont privés des moyens qui leur permettraient d’obtenir des concessions en matière d’accès aux marchés dans le cadre des futures négociations commerciales » [16] (c’est moi qui souligne).
Il est généralement présumé que l’expansion du commerce international dans le cadre de l’OMC dépend du bon fonctionnement du système financier international sous plusieurs rapports dont les plus importants sont les liens entre le commerce et les taux de change, les flux financiers et l’ajustement de la balance des paiements
Balance des transactions courantes
Balance des paiements
La balance des paiements courants d’un pays est le résultat de ses transactions commerciales (c’est-à-dire des biens et services importés et exportés) et de ses échanges de revenus financiers avec l’étranger. En clair, la balance des paiements mesure la position financière d’un pays par rapport au reste du monde. Un pays disposant d’un excédent de ses paiements courants est un pays prêteur vis-à-vis du reste du monde. Inversement, si la balance d’un pays est déficitaire, ce pays aura tendance à se tourner vers les prêteurs internationaux afin d’emprunter pour équilibrer sa balance des paiements.
[17]. Et puisque la libéralisation du commerce, la dette externe, le flux des capitaux, la garantie des investissements, la privatisation des services sont interdépendants, l’OMC vise à agir en accord avec les institutions de Bretton Woods en faveur d’une plus grande cohérence dans l’élaboration des politiques économiques au niveau mondial [18].
Le lien établi entre le commerce international libéral et la dette externe des PED, de même que la coordination des politiques entre les institutions financières et commerciales, n’est pas un fait nouveau. En effet, avant la création de l’OMC, il existait déjà une coordination des politiques informelle et non structurée entre le GATT, le FMI et la Banque mondiale. Néanmoins, ce lien s’est considérablement renforcé depuis la création de l’OMC sous le couvert de “cohérence des politiques commerciales et économiques au niveau mondial” qui se traduira par une coopération et une coordination institutionnelles, notamment par le biais conventionnel.
Dans le contexte de la mondialisation, le FMI et la Banque mondiale vont se charger d’exercer leurs compétences dans le domaine de la libéralisation des investissements et autres, tandis que l’OMC agira dans son champ privilégié : la libéralisation du commerce de services [19] qui d’ailleurs, « ...représentent un intérêt particulier pour le FMI et la Banque Mondiale... » [20]. Le renforcement de la coopération et de la coordination dans l’élaboration des politiques économiques devrait en conséquence être renforcée entre les trois institutions dans les domaines suivants : calendrier et échelonnement de la réforme et de la libéralisation du commerce ; libéralisation des services financiers [21].
En effet, dans la logique d’une libéralisation poussée, le FMI soutient que la libéralisation financière doit aller de pair avec la libéralisation du commerce international [22]. Donc, l’intégration commerciale et l’intégration financière sont toutes deux nécessaires dans le processus de mondialisation. L’OMC, en tant qu’institution commerciale, encourage de son côté les PED « ...à poursuivre les processus d’ouverture et de libéralisation engagés pour assurer leur croissance économique... (procédant) ...rapidement à une libéralisation plus poussée de leurs régimes de commerce extérieur, corrigent les faiblesses structurelles de leurs économies ainsi que les distorsions de leurs marchés et consolident leurs réformes conformément aux règles de l’OMC » [23], libéralisation dont l’un des objectifs est de rassurer les investisseurs [24].
La coordination actuelle dans le domaine des politiques économiques entre les trois institutions multilatérales repose essentiellement sur le fait qu’elles poursuivent la même finalité : l’expansion du système libéral [25] au niveau planétaire, dans lequel le secteur privé constituerait le moteur. En effet, comme l’a bien souligné le Président du Conseil général de l’OMC, dans le contexte de libéralisation mondiale de même que dans les politiques des institutions internationales compétentes, “...le secteur privé joue(ra) un rôle prédominant dans ce processus” [26]. Il s’agit en fait non seulement de la libéralisation du commerce, mais encore d’une “...libéralisation intégrale du commerce mondial...”. Deux mots d’ordre pour les PED dans ce processus de libéralisation intégrale : exporter et garantir des “...rendements préférentiels aux investissements dans un cadre caractérisé par une très grande réduction des restrictions et distorsions commerciales...” [27]. C’est-à-dire, la levée de toutes les restrictions sur le mouvement des capitaux et sur les investissements privés, ces points étant d’ailleurs inclus dans les politiques d’ajustement structurel menées par le FMI et la Banque mondiale.
Notons que les questions commerciales (libéralisation du commerce, des investissements, privatisation de services publics, etc.) sont explicitement intégrées dans le Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (CSLP) mené par le FMI en coordination avec la Banque. En ce sens, « ...le FMI, la Banque mondiale et l’OMC... tous trois appuient la libéralisation du commerce et des changes » [28], « tous les trois ayant des objectifs communs et complémentaires » [29].
Coopération entre les trois institutions dans le processus de libéralisation intégrale du commerce
La jonction entre libéralisation du commerce et dette externe est aussi clairement reflétée par l’Accord de Marrakech de 1994 mettant en place un nouveau cadre commercial multilatéral. Suivant l’article III, 5, de l’Accord sur l’OMC, « En vue de rendre plus cohérente l’élaboration des politiques économiques au niveau mondial, l’OMC coopérera, selon qu’il sera approprié, avec le Fonds monétaire international et avec la Banque internationale pour la reconstruction et le développement et ses institutions affiliées ».
Afin de matérialiser cette disposition, le FMI et l’OMC ont signé un Accord de coopération le 9 décembre 1996 visant, dans le contexte du cadre libéral économique et financier, à atteindre la cohérence dans la formulation de la politique économique au niveau mondial. De la même manière, le 28 avril 1997, a été signé l’Accord de coopération avec la Banque mondiale entre Renato Ruggiero, Directeur Général de l’OMC, et James Wolfensohn, Président de la Banque mondiale à son siège de Washington [30].
Contenu et portée des accords de coopération
Tout d’abord, il faut constater que les accords de coopération couvrent plusieurs domaines, allant de l’assistance technique jusqu’à l’échange confidentiel des données sur les Etats membres. En vertu de ces accords, le FMI et la Banque mondiale assistent aux réunions de la plupart des organes de l’OMC. Les services des trois organisations collaborent à des travaux de recherche et d’analyse dans des domaines où les questions commerciales, financières et de développement se recoupent. Les services du FMI et de la Banque mondiale prêtent leurs services à l’OMC, en plus de participer activement dans les travaux du Groupe de travail du commerce, de la dette et des finances.
Toujours suivant les accords de coopération, le Secrétariat de l’OMC donne accès aux services du FMI et de la Banque mondiale, à titre confidentiel, à la base de données intégrée de l’OMC et aux listes finales d’engagements des membres de l’OMC. Le FMI et la Banque mondiale ont accès en ligne aux deux bases de données. Sous réserve de la même obligation de confidentialité, le Fonds met à la disposition du Secrétariat de l’OMC les fichiers des publications ci-après : Statistiques financières internationales, Balance of Payments Statistics (statistiques de balance des paiements), Government Financial Statistics (statistiques de finances publiques) et Direction of Trade Statistics (statistiques commerciales). Les services du Fonds mettent également à la disposition du Secrétariat de l’OMC des données historiques et des projections globales qui figurent dans les « Perspectives de l’économie mondiale ». Les demandes additionnelles spécifiques concernant ces bases de données, ainsi que les demandes de projections de données concernant des pays déterminés, sont examinées favorablement. La Banque mondiale donne au Secrétariat de l’OMC accès à sa Economic and Social Database, ainsi qu’à l’Annexe statistique accompagnant la publication sur les perspectives économiques mondiales et les pays en développement. En ce qui concerne les questions relatives à l’accès aux marchés, le Secrétariat de l’OMC a utilisé le logiciel de la Banque mondiale pour analyser des données tarifaires et commerciales.
Conformément à l’accord de coopération entre l’OMC et le FMI, le FMI communique à l’OMC, pour usage par le Secrétariat à titre confidentiel, des exemplaires des rapports et documents d’information connexes établis par ses services sur les consultations au titre de l’article IV de l’accord et sur l’utilisation des ressources du Fonds, concernant les membres communs et les membres du Fonds qui souhaitent accéder à l’OMC. Ces documents donnent des détails sur les conseils et la conditionnalité du FMI en matière de politique commerciale, qui sont utilisés par le Secrétariat de l’OMC à titre de référence, notamment pour les rapports établis dans le cadre du Mécanisme d’examen des politiques commerciales.
Mais il est également question de coopération technique. La Banque mondiale consacre un volume important de ses prêts aux programmes nationaux liés au commerce, en particulier par l’intermédiaire du processus DSRP
Document de stratégie de réduction de la pauvreté
DSRP
(En anglais, Poverty Reduction Strategy Paper - PRSP)
Mis en œuvre par la Banque mondiale et le FMI à partir de 1999, le DSRP, officiellement destiné à combattre la pauvreté, est en fait la poursuite et l’approfondissement de la politique d’ajustement structurel en cherchant à obtenir une légitimation de celle-ci par l’assentiment des gouvernements et des acteurs sociaux. Parfois appelés Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (CSLP).
À destination des pays retenus dans l’initiative PPTE, les DSRP poursuivent sous un autre nom l’application des Plans d’ajustement structurel.
(Document stratégique de réduction de la pauvreté). Il s’agit de fonds destinés à la libéralisation du commerce dans les pays endettés par le biais de la levée et l’élimination des obstacles au commerce international, y compris les questions commerciales liées à l’investissement (Accord sur les mesures concernant les investissements et liés au commerce) et à la privatisation des services publics (Accord général sur le commerce des services de l’OMC). Pour la mise en œuvre du DSRP, la Banque mondiale examine les demandes contenues dans le Plan d’assistance technique de l’OMC pour élaborer ses propres programmes. La Banque mondiale a formé un partenariat avec l’Organisation mondiale des douanes et l’OMC sur la réforme douanière et la libéralisation du commerce.
Et finalement, le Secrétariat de l’OMC et les services du FMI se consultent, le cas échéant, au sujet des problèmes d’incompatibilité éventuelle entre des mesures examinées avec un membre commun et les obligations de ce membre au titre de l’Accord sur l’OMC et, dans le cas du Fonds, au titre des Statuts du Fonds.
Nous pouvons constater qu’effectivement, il y a un lien étroit entre les buts et les politiques menées par le FMI et la Banque mondiale avec le commerce international, notamment par l’imposition des politiques de libéralisation du commerce mondial. Mais aussi parce que plusieurs domaines d’intervention desdites institutions sont légalement couverts par le cadre commercial multilatéral : la privatisation des services publics (AGCS), la réduction et l’élimination des entraves réglementaires vis-à-vis du capital et des investissements privés (Accord sur les mesures concernant les investissements et liés au commerce) et la garantie légale des droits de propriété intellectuelle (ADPIC).
Nous pouvons remarquer également que des documents analysés, il se dégage un élément de base qui est le moteur de l’action des trois institutions : il s’agit de la perception - très sujette à discussion - selon laquelle la libéralisation du commerce et les politiques menées par le FMI et la Banque dans un cadre libéral et déréglementé conduiraient au développement et à une solution de fond du problème de la dette externe.
Un autre élément intéressant à remarquer est le fait que dans le contexte actuel de la mondialisation et dans la formulation des politiques économiques mondiales, aucune mention n’est faite des Nations unies et du système des Nations unies, enceinte privilégiée de la coopération économique, politique et sociale. En ce sens, il est très suggestif que les trois institutions n’aient pas cherché à conclure des accords similaires avec la CNUCED, organe compétent pour traiter les questions liées au commerce, à la dette, aux finances, et d’autres points connexes, comme l’investissement, le flux des capitaux, l’accès aux marchés, etc.
III. Le FMI et la Banque mondiale : la libéralisation du commerce et la privatisation en tant que logique des plans d’ajustement structurel
De par l’article I, le Fonds monétaire international (FMI) facilite “... ii) ...l’expansion et l’accroissement harmonieux du commerce international et contribue ainsi à l’instauration et au maintien de niveaux élevés d’emploi et de revenu réel et au développement des ressources productives de tous les États membres, objectifs premiers de la politique économique ». L’un des buts de la Banque mondiale, suivant l’article I de ses statuts est “ promouvoir l’investissement étranger privé par le biais de garantie ou des participations dans les prêts et dans d’autres investissements faits par des investisseurs privés...” Mais la Banque a aussi pour but de : “ ...promouvoir l’accroissement équilibré et à long terme du commerce international...”.
En termes de rappel, les réformes structurelles prônées par les deux instituions financières contiennent notamment :
* La dévaluation
Dévaluation
Modification à la baisse du taux de change d’une monnaie par rapport aux autres.
de la monnaie nationale avec le but d’augmenter la proportion des exportations du pays soumis à leurs politiques. Il s’agit de la politique du « tout à l’exportation ». L’exportation des produits en tant que fait commercial est régulée entièrement par les règles du cadre commercial multilatéral.
* La réduction drastique des subventions aux produits et denrées alimentaires, la réduction du budget des services publics fournis par les pouvoirs publics, la diminution de salaires des fonctionnaires publics (enseignants, médecins, infirmières, techniciens...), des licenciements massifs dans la fonction publique...
* La privatisation des services publics et des entreprises publiques.
* La réduction et l’élimination des mesures de contrôle sur le capital et sur les investissements étrangers privés.
* La libéralisation du commerce et la réduction et l’élimination des restrictions, ce dernier point tombant sous la compétence du cadre commercial multilatéral.
Selon la CNUCED, le système financier et commercial international est centré essentiellement sur le secteur privé (banques, grandes corporations transnationales...), négligeant le secteur public. Ce système privilégie le flux des capitaux privés au détriment des capitaux publics, la flexibilité des taux de changes par rapport à leur stabilité et les intérêts des créanciers par rapport à ceux des débiteurs [31].
Ainsi par exemple, la CNUCED a constaté que la Banque mondiale a abandonné sa politique de financement des projets d’infrastructure à long terme et destinés au développement économique et social des PED pour centrer son activité sur des prêts destinés à la mise en place des programmes d’ajustement structurel et financements aux cadres de lutte contre la pauvreté [32], une nouvelle modalité des programmes d’ajustement structurel [33].
Il est à noter également, comme mentionné plus haut, que les politiques recommandées par le FMI et la Banque dans le domaine de la libéralisation des échanges, au-delà de ce qu’impliquent les engagements pris dans le cadre de l’OMC, ont comme effet direct de restreindre considérablement le pouvoir de négociation des PED, en les privant des moyens qui leur auraient permis d’obtenir des concessions en matière d’accès aux marchés dans le cadre des négociations commerciales multilatérales [34].
En conclusion, loin de l’objectif du plein emploi, de la croissance économique et de la solution de fond au problème de la dette externe des PED, l’action de ces institutions, en pleine « crise de légitimité » selon les termes du PNUD
PNUD
Programme des Nations unies pour le développement
Créé en 1965 et basé à New York, le PNUD est le principal organe d’assistance technique de l’ONU. Il aide - sans restriction politique - les pays en développement à se doter de services administratifs et techniques de base, forme des cadres, cherche à répondre à certains besoins essentiels des populations, prend l’initiative de programmes de coopération régionale, et coordonne, en principe, les activités sur place de l’ensemble des programmes opérationnels des Nations unies. Le PNUD s’appuie généralement sur un savoir-faire et des techniques occidentales, mais parmi son contingent d’experts, un tiers est originaire du Tiers-Monde. Le PNUD publie annuellement un Rapport sur le développement humain qui classe notamment les pays selon l’Indicateur de développement humain (IDH).
Site :
[35], tourne de manière presque exclusive autour de la libéralisation de l’économie, de la privatisation rapide et de la déréglementation [36]. La dette externe au sein de l’OMC constitue clairement un élément de pression sur les PED pour que ceux-ci, également par l’action transversale du FMI et de la Banque, procèdent à une déréglementation intégrale du commerce et à la privatisation des services publics. Vue ainsi, « ...la libéralisation des échanges a pris le pas sur la croissance économique et le plein emploi, donnant une nouvelle vigueur aux philosophies mercantilistes, en particulier dans les pays développés... » [37].
IV.Le trio FMI / Banque mondiale/ OMC à l’action
L’éclatement de la crise de la dette en 1982 a donné l’occasion à la Banque mondiale et au FMI de développer leur action de manière conjointe à l’égard des pays endettés de la Périphérie. La Banque mondiale et le FMI ont formé un duo qui s’est chargé à la fois d’imposer une discipline néolibérale aux pays endettés (via les plans d’ajustement structurel - PAS) et d’assurer la continuité du remboursement de la dette. Ce duo n’a jamais mis fin à ses rivalités internes mais, si on prend un peu de hauteur historique, ce qui prime, c’est la cohérence de leur intervention dans le cadre du Consensus de Washington [38].
Les PAS visent depuis l’origine à ouvrir au maximum les économies des pays endettés aux transnationales des pays les plus industrialisés et aux intérêts stratégiques des pays de la Triade
Triade
Les expressions « Triade » et « triadique » sont dues à K. Ohmae (1985). Elles ont été utilisées d’abord par les business schools et le journalisme économique, avant d’être adoptées très largement. Les trois pôles de la Triade désignent les États-Unis, l’Union européenne et le Japon, mais autour de ces pôles se forment des associations un peu plus larges. Selon Ohmae, le seul espoir d’un pays en développement - il faut y ajouter désormais les anciens pays dits socialistes - est de se hisser au statut de membre associé, même périphérique, d’un des trois « pôles ». Cela vaut également pour les nouveaux pays industrialisés (NPI) d’Asie, qui ont été intégrés par étapes, avec notamment des différences de pays à pays, dans le pôle dominé par le Japon (Chesnais, 1997, p. 85-86).
(les deux se confondant la plupart du temps). L’alliance intime entre les créanciers publics (les institutions de Bretton Woods et le Club de Paris
Club de Paris
Créé en 1956, il s’agit du groupement de 22 États créanciers chargé de gérer les difficultés de remboursement de la dette bilatérale par les PED. Depuis sa création, la présidence est traditionnellement assurée par un·e Français·e. Les États membres du Club de Paris ont rééchelonné la dette de plus de 90 pays en développement. Après avoir détenu jusqu’à 30 % du stock de la dette du Tiers Monde, les membres du Club de Paris en sont aujourd’hui créanciers à hauteur de 10 %. La forte représentation des États membres du Club au sein d’institutions financières (FMI, Banque mondiale, etc.) et groupes informels internationaux (G7, G20, etc.) leur garantit néanmoins une influence considérable lors des négociations.
Les liens entre le Club de Paris et le FMI sont extrêmement étroits ; ils se matérialisent par le statut d’observateur dont jouit le FMI dans les réunions – confidentielles – du Club de Paris. Le FMI joue un rôle clé dans la stratégie de la dette mise en œuvre par le Club de Paris, qui s’en remet à son expertise et son jugement macroéconomiques pour mettre en pratique l’un des principes essentiels du Club de Paris : la conditionnalité. Réciproquement, l’action du Club de Paris préserve le statut de créancier privilégié du FMI et la conduite de ses stratégies d’ajustement dans les pays en voie de développement.
Site officiel : https://www.clubdeparis.fr/
) a permis de faire entrer à nouveau les pays de la Périphérie dans un cycle de dépendance accentué et a fortement renforcé la position des transnationales des pays du Centre sur les marchés de la Périphérie, non seulement en terme de parts de marché mais également en terme de contrôle sur les leviers stratégiques de l’activité économique et sur les ressources naturelles.
Le dispositif de contrôle s’est renforcé avec la création de l’Organisation mondiale du Commerce. Depuis 1995, année d’entrée en activité de l’OMC, les directions des trois institutions multilatérales coordonnent leurs efforts pour pousser plus loin la mondialisation néolibérale. La Banque mondiale, le FMI et l’OMC constituent un trio.
L’article 3, alinéa 5 des accords de Marrakech donnant naissance à l’OMC mentionne explicitement la collaboration entre les trois institutions : « En vue de rendre plus cohérente l’élaboration des politiques économiques au niveau mondial, l’OMC coopérera, selon la forme appropriée, avec le FMI et la Banque mondiale ».
Dans une fiche technique publiée par le FMI sur son site en septembre 2003, on lit : « Le FMI et l’OMC coopèrent à maints égards pour assurer une plus grande cohérence des décisions économiques mondiales ». Plus loin, on apprend que le FMI, la Banque mondiale et l’OMC ont mis au point pour les pays les moins avancés un « cadre intégré (qui) vise à assurer l’inclusion des questions commerciales dans le Document de stratégie pour la réduction de la pauvreté (DSRP) que les pays préparent en consultation avec le FMI, la Banque mondiale et d’autres partenaires au développement » [39].
Lors d’une réunion du Conseil général de l’OMC à Genève en mai 2003 pour préparer le sommet interministériel de l’OMC qui allait se réunir à Cancun en septembre 2003, Supachai Panitchpakdi, directeur général de l’OMC, Horst Kölher, directeur général du FMI, et James Wolfensohn, président de la Banque mondiale, avaient adopté une déclaration commune dans laquelle ils appelaient les dirigeants du G8
G8
Ce groupe correspond au G7 plus la Fédération de Russie qui, présente officieusement depuis 1995, y siège à part entière depuis juin 2002.
à prendre la direction politique des négociations en vue d’assurer le succès de Cancun. Ils ajoutaient : « L’OMC, le FMI et la Banque mondiale coopèrent pour soutenir l’engagement entier des pays en développement dans les négociations sur le commerce global afin qu’il en résulte une croissance de leur commerce » [40].
Et de réaffirmer le dogme néolibéral en vertu duquel un maximum d’insertion dans le commerce international augmente les possibilités de développement des pays en développement : “Le commerce est vital non seulement grâce aux gains directs qu’il apporte mais aussi parce qu’il accroît les flux financiers et les investissements réels vers les pays en développement. Ces flux génèrent une croissance du revenu et de l’emploi qui permet à la population de sortir de la pauvreté et qui rend les économies plus résistantes aux chocs” (ibidem).
Enfin, ils ajoutaient que : “Le G8 aidera à maintenir l’élan de l’ajustement structurel sur le long terme tant dans les pays développés que dans ceux en développement”.
Il est essentiel de constater la cohérence des politiques recommandées par le trio Banque mondiale / FMI / OMC. Le FMI et la Banque mondiale utilisent leur statut de créancier privilégié pour conditionner l’octroi de prêts aux gouvernements de la Périphérie à la mise en œuvre de réformes économiques qui augmentent l’ouverture des économies des pays endettés au marché mondial dominé par les pays les plus industrialisés et les transnationales qui y ont en majorité leur siège. Le renforcement de la connexion des économies des pays de la Périphérie au marché mondial, tel qu’il est hiérarchisé, se fait au détriment de leurs producteurs locaux, de leur marché intérieur et des possibilités de renforcer les relations intra Périphérie (les relations Sud-Sud).
Contrairement au dogme néolibéral, une plus grande ouverture et une plus forte connexion au marché mondial constituent un obstacle au développement des pays de la Périphérie. L’insertion entière d’un pays de la Périphérie dans le marché mondial est générateur de déficit structurel de la balance commerciale
Balance commerciale
Balance des biens et services
La balance commerciale d’un pays mesure la différence entre ses ventes de marchandises (exportations) et ses achats (importations). Le résultat est le solde commercial (déficitaire ou excédentaire).
(les importations croissent plus vite que les exportations), déficit qui a tendance à être comblé par des emprunts extérieurs qui augmentent l’endettement [41]. La boucle est bouclée. La politique du trio Banque mondiale / FMI / OMC maintient les pays de la Périphérie dans le cercle vicieux de l’endettement et de la dépendance.
Anne Krueger, chevalier blanc de la globalisation
Globalisation
(voir aussi Mondialisation) (extrait de Chesnais, 1997a)
Origine et sens de ce terme anglo-saxon. En anglais, le mot « global » se réfère aussi bien à des phénomènes intéressant la (ou les) société(s) humaine(s) au niveau du globe comme tel (c’est le cas de l’expression global warming désignant l’effet de serre) qu’à des processus dont le propre est d’être « global » uniquement dans la perspective stratégique d’un « agent économique » ou d’un « acteur social » précis. En l’occurrence, le terme « globalisation » est né dans les Business Schools américaines et a revêtu le second sens. Il se réfère aux paramètres pertinents de l’action stratégique du très grand groupe industriel. Il en va de même dans la sphère financière. A la capacité stratégique du grand groupe d’adopter une approche et conduite « globales » portant sur les marchés à demande solvable, ses sources d’approvisionnement, les stratégies des principaux rivaux oligopolistiques, font pièce ici les opérations effectuées par les investisseurs financiers, ainsi que la composition de leurs portefeuilles. C’est en raison du sens que le terme global a pour le grand groupe industriel ou le grand investisseur financier que le terme « mondialisation du capital » plutôt que « mondialisation de l’économie » m’a toujours paru - indépendamment de la filiation théorique française de l’internationalisation dont je reconnais toujours l’héritage - la traduction la plus fidèle du terme anglo-saxon. C’est l’équivalence la plus proche de l’expression « globalisation » dans la seule acceptation tant soit peu scientifique que ce terme peut avoir.
Dans un débat public, le patron d’un des plus grands groupes européens a expliqué en substance que la « globalisation » représentait « la liberté pour son groupe de s’implanter où il le veut, le temps qu’il veut, pour produire ce qu’il veut, en s’approvisionnant et en vendant où il veut, et en ayant à supporter le moins de contraintes possible en matière de droit du travail et de conventions sociales »
Dans un discours prononcé le 18 juin 2003, à l’occasion du 7e Forum économique international de Saint-Pétersbourg, Anne Krueger, ex- économiste en chef de la Banque mondiale pendant le mandat présidentiel de R. Reagan, actuelle directrice générale adjointe en chef du FMI, a offert un remarquable condensé des arguments avancés par les tenants de la mondialisation néolibérale. L’orientation de son discours est bien dans la ligne du trio Banque mondiale / FMI / OMC. Contrairement à ceux qui affirment que le FMI a pris un virage plus respectueux des droits humains, on découvre dans son exposé une défense pure et dure de l’option néolibérale.
Dans son introduction, Anne Krueger exprime sa satisfaction de se trouver dans une ville fondée il y a trois siècles comme porte ouverte de la Russie vers l’Occident, le marché mondial et la modernité. « Il est correct de dire que le commerce global, l’effort d’ouvrir l’économie russe constituaient un des objectifs principaux de Pierre le Grand quand il a fondé cette grande ville ». D’emblée, elle fait référence aux protestataires anti-globalisation qui ont toujours existé parce que « la peur du changement nous a toujours habités ». « Il y a toujours eu des gens pour résister à ce qui est nouveau et aux idées nouvelles et pour rejeter ce qui ne leur est pas familier ».
Elle ajoute que les novateurs ont adopté selon les époques différents comportements pour affronter les protestataires : la manière douce ou la manière forte. Manifestement, elle ne condamne pas la manière forte. « Parfois la persuasion est le meilleur moyen de venir à bout de ce préjudice (celui causé par les protestataires, NDR). En d’autres occasions, ceux qui étaient partisans du neuf et du différent ont utilisé le bâton plutôt que la carotte. Pierre le Grand a utilisé Saint-Pétersbourg pour moderniser la Russie. Le nouveau, c’est-à-dire les idées occidentales, devaient être adoptées tandis que les idées traditionnelles devaient être exclues. On m’a dit que les barbes comme symboles de l’ordre ancien étaient taxées ».
Anne Krueger poursuit par une édifiante mise en perspective historique du commerce et de la mondialisation. Elle affirme sa foi dans la théorie ricardienne des avantages comparatifs en expliquant qu’il ne s’agit pas là d’une vue de l’esprit mais bien de la traduction de phénomènes réels. Convaincue que « le commerce international a un long et honorable pedigree », elle se réfère au XVIe siècle, l’ère des grandes explorations, qu’elle présente de manière « bateau » comme « une période de changements rapides et constants et de contacts entre des peuples séparés par de grandes distances » sans la moindre référence aux pillages et aux crimes contre l’humanité caractéristiques de cette époque.
Elle se réfère au XIXe siècle avec le même enthousiasme, relevant notamment que « l’exportation des capitaux de Grande-Bretagne a nourri la croissance dans l’ensemble de l’empire britannique et dans le Nouveau Monde », sans la moindre référence aux crimes coloniaux. De même, elle mentionne positivement la migration des trente-six millions d’Européens entre 1871 et 1915 essentiellement vers les Amériques sans la relier notamment à la famine irlandaise produite par le développement capitaliste et la victoire du libre échange.
Elle passe ensuite à l’analyse des opposants à la mondialisation, relevant qu’ils ne saisissent pas que, de tous temps, « de grands bienfaits sont souvent accompagnés de pertes localisées et à court terme. Le progrès technique implique inévitablement que certains emplois deviennent superflus ». Elle veut ainsi démontrer que ceux qui s’opposent à la mondialisation ne voient que les effets marginaux, temporairement négatifs d’un puissant mouvement progressiste.
La mondialisation au XXe siècle
Anne Krueger souligne que la croissance au XXe siècle a été beaucoup plus forte qu’au XIXe siècle. Elle présente la mondialisation comme un véritable conte de fées où le dernier venu profite des avantages produits par les nations les plus avancées.
Elle attribue par exemple le grand succès de la Corée du Sud au fait qu’elle aurait exploité à fond les possibilités offertes par la mondialisation tandis que l’Inde, restée méfiante à l’égard de celle-ci, a connu une croissance beaucoup plus lente. Cette affirmation est largement contredite par la réalité puisque le succès de la Corée est d’abord dû à la combinaison de mesures contraires au libéralisme (forte intervention de l’Etat, développement du marché intérieur, réduction des écarts de revenus, protectionnisme, augmentation des salaires...) et qu’elle est entrée en crise en 1997-1998 après avoir mis fin au contrôle strict des mouvements de capitaux et mis en pratique d’autres mesures conformes à la globalisation. De son côté, l’Inde, grâce à sa méfiance à l’égard d’une totale ouverture économique, a réussi à se protéger des pires effets de la crise asiatique de 1997-1998. On verra d’ailleurs plus loin dans le discours qu’elle cite l’Inde en exemple en ce qui concerne la réduction de la pauvreté, en totale contradiction donc avec le passage mentionné plus haut.
Anne Krueger explique que les conditions de vie se sont profondément améliorées au cours des dernières décennies : baisse de la mortalité infantile, augmentation de l’alphabétisme, diminution du nombre de pauvres, réduction du fossé entre pays développés et pays en développement du point de vue de l’espérance de vie. A aucun moment de son exposé, Anne Krueger ne relève qu’un nombre important de pays a connu une dégradation des conditions de vie des populations au cours des vingt dernières années.
Foi aveugle dans la croissance et le modèle productiviste
Anne Krueger explique par ailleurs que les réserves de pétrole sont plus importantes aujourd’hui qu’en 1950, qu’aucun dommage irréparable n’a été causé à l’environnement de la planète. Selon elle, plus on avancera dans le temps, plus on trouvera de réserves de pétrole, de même que, après une phase normale de dégradation de l’environnement, la situation s’améliorera selon des lois objectives de l’économie.
« Prenons cette inquiétude immémoriale qu’une croissance rapide va épuiser les ressources en combustible et que si cela se produit, la croissance sera stoppée net. Les réserves de pétrole sont plus importantes aujourd’hui qu’en 1950. A l’époque, on estimait que les réserves mondiales de pétrole seraient épuisées en 1970. Cela ne s’est pas produit. Aujourd’hui, les réserves connues peuvent durer 40 ans au taux actuel de consommation. Il ne fait pas de doute que quand nous arriverons à 2040, la recherche et le développement auront produit de nouvelles avancées dans la production et l’utilisation de l’énergie ».
« Nous n’avons pas non plus causé de dégât irréparable à l’environnement. Il est clair qu’après une phase initiale de dégradation, la croissance économique entraîne ensuite une phase d’amélioration. Le point critique auquel les gens se mettent à choisir d’investir dans la prévention de la pollution et le nettoyage de zones polluées se situe à environ 5 000 dollars de PIB
PIB
Produit intérieur brut
Le PIB traduit la richesse totale produite sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées.
Le Produit intérieur brut est un agrégat économique qui mesure la production totale sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées. Cette mesure est notoirement incomplète ; elle ne tient pas compte, par exemple, de toutes les activités qui ne font pas l’objet d’un échange marchand. On appelle croissance économique la variation du PIB d’une période à l’autre.
par habitant ».
Anne Krueger : ne condamner sans appel ni les « ateliers de la sueur », ni le travail des enfants
Face aux protestataires qui, dit-elle, ne font pas confiance au relativisme moral, elle n’hésite pas à affirmer qu’il ne faut pas condamner sans appel les soi-disant (sic) « sweatshop factories » (les ateliers de la sueur). Et d’expliquer que les travailleurs des sweathshops au Vietnam ont vu leur salaire multiplié par cinq en très peu de temps, ce qui a « complètement transformé en positif leur vie ». Elle ajoute que si l’on donnait à ces travailleurs « un salaire décent selon nos critères des pays industrialisés, cela éroderait complètement les avantages que retire le monde des affaires en utilisant du travail non qualifié sur le marché mondial ». De même, selon elle, il faut se garder de dénoncer sans appel le travail des enfants car, pour reprendre ses termes, « les alternatives sont encore pires : mourir de faim ou subir la malnutrition ».. Selon Krueger, il n’est pas nécessaire d’interdire le travail des enfants car grâce à la croissance, celui-ci disparaîtra de lui-même. Elle affirme que les inquiétudes concernant une perte de contrôle des citoyens et des pouvoirs publics au profit des transnationales et des flux de capitaux sont déplacées. Par rapport à la critique selon laquelle les bénéfices de la globalisation ne sont pas universellement partagés, elle déclare que l’inégalité ne constitue pas le problème principal et « qu’en plus, il n’y a aucune preuve que la globalisation ait un quelconque impact systémique sur l’inégalité de la répartition des revenus dans un pays ».
« La réalité suggère que l’inégalité mondiale se réduit » (Anne Krueger)
Elle affirme que « les nouvelles sont actuellement très encourageantes : la réalité suggère que l’inégalité mondiale se réduit ».
A noter qu’elle attribue cette réduction de l’inégalité à la « croissance phénoménale de la Chine et de l’Inde » sans mentionner que ces deux pays les plus peuplés de la planète sont parmi les plus méfiants à ouvrir complètement leurs économies.
Anne Krueger termine par un long couplet en faveur de l’agenda de Doha. Elle dit que les gouvernements, en général, ont peur d’ouvrir complètement leurs économies parce que cela va entraîner des pertes d’emploi. Certains gouvernements « ne résistent pas à la tentation de faire des exceptions de manière à protéger certains groupes de travailleurs. C’est pourtant toujours une erreur. Interférer avec le marché produit inévitablement des distorsions. Protéger un groupe d’ouvriers de la compétition étrangère peut en pénaliser d’autres dans le même pays. Sans aucune exception, ce sont les consommateurs qui paient le prix de cette protection, quelle qu’en soit la forme. »
En guise d’argument final, elle déclare que si la Russie veut doubler son revenu par habitant en dix ans, elle ne pourra le faire qu’en adhérant à l’OMC, ce qui implique d’ouvrir complètement son économie. Montrant ainsi l’ampleur de son ignorance et/ou de sa mauvaise foi, elle ajoute : « Je ne connais pas un seul pays qui ait atteint l’objectif de doubler son revenu en une décennie sans s’intégrer à l’économie internationale ». Et de conclure : « Notre rôle fondamental est de faciliter le processus de globalisation. En vérité, c’est pour cela que nous existons. »
Le trio à l’œuvre dans quatre pays bien différents
Dans la suite de cette étude, nous réalisons un rapide tour du monde en commençant par la Russie, dont il vient d’être indirectement question, et en poursuivant par trois pays situés dans des régions différentes : le Timor Oriental en Océanie, le Malawi en Afrique australe et la Bolivie, pays andin d’Amérique du Sud. Nous analysons certains aspects de leurs relations actuelles avec le trio Banque mondiale, le FMI et l’OMC.
a) La mondialisation néolibérale en Russie
Au moment où Anne Krueger faisait ce discours, la Russie était secouée par les démêlés des nouveaux capitalistes russes, les oligarques comme on les appelle, avec la justice de leur pays. La justice russe les poursuivait pour assassinat, vol de biens publics, association de malfaiteurs, corruption... Les oligarques ont accumulé une fortune colossale en quelques années avec le soutien direct du FMI, de la Banque mondiale, des gouvernements de la Triade (à commencer par les gouvernants états-unien, britannique et allemand), de grandes banques privées et de société de clearing comme Clearstream (voir Robert, Denis et Backes, Ernest. 2001. Révélation$, Editions des arènes, Paris, 2001, 455 p. et Robert, Denis. 2002. La boîte noire, Editions des arènes, Paris, 2002, 378 p.).
Ces oligarques sont d’abord le fruit de l’implosion du système bureaucratique de l’Est et de la restauration capitaliste de la fin des années 1980 et des années 1990. Le gouvernement des Etats-Unis, le FMI et la Banque mondiale ont soutenu activement le président russe Boris Eltsine (et ont en partie dirigé ses pas) dans la vague de privatisation gigantesque et rapide qu’il a imposée à la Russie. Les privatisations ont constitué un pillage systématique des biens publics de la Russie au profit des oligarques et de quelques transnationales de la Triade.
Les oligarques russes ont utilisé des méthodes brutales et criminelles qui ressemblent à celles utilisées par les barons voleurs de la fin du XIXe - début XXe aux Etats-Unis. Une nouvelle fois dans l’histoire, l’accumulation capitaliste primitive s’est réalisée dans la violence et le chaos. Mais l’histoire ne se répète pas. Cette fois, le pillage s’est fait sous la haute protection d’organismes multilatéraux internationaux qui ont multiplié les missions d’experts économiques et les prêts multilatéraux visant à faciliter « la transition d’une économie planifiée vers une économie de marché » (pour reprendre l’expression consacrée par les institutions de Bretton Woods).
Joseph Stiglitz analyse avec une plume acérée la transition en Russie. Dans les chapitres cinq et six de La grande désillusion (Fayard, Paris, 2002, 324p.) , il dénonce la responsabilité du FMI et du Trésor américain qui ont soutenu, conseillé et orienté les bureaucrates russes convertis au capitalisme, notamment le président Boris Eltsine. Les méthodes employées n’avaient rien de démocratique.
« Ne nous étonnons pas si tant de chauds partisans du marché ont manifesté une remarquable affinité avec les vieilles méthodes : en Russie, le président Eltsine, muni de pouvoirs immensément supérieurs à ses homologues de n’importe quelle démocratie occidentale, a été incité à circonvenir la Douma (le parlement démocratiquement élu) et à promulguer les réformes par décrets » (J. Stiglitz, 2002, p. 184). Les entreprises publiques ont été vendues pour une bouchée de pain. « Le gouvernement, soumis à une très forte pression de la part des Etats-Unis, de la Banque mondiale et du FMI pour privatiser vite, avait cédé les entreprises publiques pour une misère » (ibidem, p. 194).
La privatisation a constitué un vaste pillage au profit des oligarques qui ont placé une partie de leur larcin à l’Ouest afin qu’il soit blanchi et hors de portée de la justice. « La privatisation assortie de l’ouverture des marchés des capitaux n’a pas conduit à la création de richesses mais au pillage des actifs
Actif
Actifs
En général, le terme « actif » fait référence à un bien qui possède une valeur réalisable, ou qui peut générer des revenus. Dans le cas contraire, on parle de « passif », c’est-à-dire la partie du bilan composé des ressources dont dispose une entreprise (les capitaux propres apportés par les associés, les provisions pour risques et charges ainsi que les dettes).
. C’était parfaitement logique. Un oligarque qui vient de réussir à user de son influence politique pour s’emparer de biens publics valant des milliards, en les payant une misère, va tout naturellement vouloir faire sortir l’argent du pays. S’il le garde en Russie, que se passera-t-il ? Il l’investira dans un pays en état de profonde dépression et risquera non seulement d’en tirer peu de profits, mais de tout se faire confisquer par le gouvernement suivant qui va inévitablement se plaindre - et à très juste titre - de »l’illégitimité« de la privatisation. Toute personne assez habile pour gagner à la loterie mirifique de la privatisation est assez habile aussi pour placer son argent à la Bourse
Bourse
La Bourse est l’endroit où sont émises les obligations et les actions. Une obligation est un titre d’emprunt et une action est un titre de propriété d’une entreprise. Les actions et les obligations peuvent être revendues et rachetées à souhait sur le marché secondaire de la Bourse (le marché primaire est l’endroit où les nouveaux titres sont émis pour la première fois).
américaine en plein essor, ou pour le mettre en lieu sûr dans les comptes secrets des paradis fiscaux
Paradis fiscaux
Paradis fiscal
Territoire caractérisé par les cinq critères (non cumulatifs) suivants :
(a) l’opacité (via le secret bancaire ou un autre mécanisme comme les trusts) ;
(b) une fiscalité très basse, voire une imposition nulle pour les non-résidents ;
(c) des facilités législatives permettant de créer des sociétés écrans, sans aucune obligation pour les non-résidents d’avoir une activité réelle sur le territoire ;
(d) l’absence de coopération avec les administrations fiscales, douanières et/ou judiciaires des autres pays ;
(e) la faiblesse ou l’absence de régulation financière.
La Suisse, la City de Londres et le Luxembourg accueillent la majorité des capitaux placés dans les paradis fiscaux. Il y a bien sûr également les Iles Caïmans, les Iles anglo-normandes, Hong-Kong, et d’autres lieux exotiques. Les détenteurs de fortunes qui veulent échapper au fisc ou ceux qui veulent blanchir des capitaux qui proviennent d’activités criminelles sont directement aidés par les banques qui font « passer » les capitaux par une succession de paradis fiscaux. Les capitaux généralement sont d’abord placés en Suisse, à la City de Londres ou au Luxembourg, transitent ensuite par d’autres paradis fiscaux encore plus opaques afin de compliquer la tâche des autorités qui voudraient suivre leurs traces et finissent par réapparaître la plupart du temps à Genève, Zurich, Berne, Londres ou Luxembourg, d’où ils peuvent se rendre si nécessaires vers d’autres destinations.
. Il n’y avait pas la moindre chance que les choses se passent autrement et, bien évidemment, des milliards ont quitté le pays » (ibidem, p. 193).
Le FMI et la Banque mondiale ont endetté la Russie. Une grande partie de l’argent prêté a été détournée et est repassée à l’Ouest. Banquiers occidentaux, oligarques et gouvernants russes se sont enrichis tandis que les citoyens russes appauvris doivent payer la note. "Quand la crise frappa, le FMI prit la direction des opérations et il demanda à la Banque mondiale de contribuer au sauvetage. Le plan se montait au total à 22,6 milliards de dollars. Le FMI en fournirait 11,2 ; la Banque mondiale devait en prêter 6 ; le reste viendrait du gouvernement japonais.
A la Banque mondiale, le débat interne fut très vif. Parmi nous, beaucoup avaient toujours contesté les prêts à la Russie. (...) Mais en dépit de la forte opposition de son propre état-major, la Banque mondiale subissait une pression politique énorme de l’administration Clinton qui voulait absolument qu’elle prête à la Russie. (...) Quant au FMI, notons-le, il a montré qu’il pouvait ne s’inquiéter en rien de la corruption et des risques qu’elle impliquait pour l’utilisation de l’argent du prêt. (...) Quand on mit le FMI face à la réalité - les milliards qu’il avait donnés (prêtés) à la Russie étaient réapparus sur des comptes en banque chypriotes et suisses quelques jours seulement après le prêt -, il prétendit que ce n’étaient pas ses dollars. (...) En prêtant à la Russie pour une cause perdue, le FMI a endetté les Russes encore davantage. Avec l’argent emprunté, qu’ont-ils obtenu de concret ? Rien. Qui va payer les coûts de cette erreur ? Pas les hauts fonctionnaires du FMI qui ont accordé le prêt. Pas les Etats-Unis qui ont fait pression pour le prêt. Pas les banquiers occidentaux et les oligarques qui ont profité du prêt. Ce sera le contribuable russe." (ibidem, pp. 198, 199, 200, 201).
« Le Trésor et le FMI se sont ingérés dans la vie politique russe. En prenant si fermement parti pour ceux qui étaient aux commandes quand ce processus de privatisation corrompue a créé une inégalité colossale, les Etats-Unis, le FMI et la communauté internationale se sont associés de façon indélébile à des politiques qui, au mieux, ont favorisé les intérêts des riches aux dépens du Russe moyen. » (ibidem, p. 226). Joseph Stiglitz ajoute que la direction de la Banque mondiale lui a interdit de rencontrer l’inspecteur général de la Douma en visite à Washington pour dénoncer l’ampleur de la corruption. « A la Banque mondiale, on m’avait donné l’instruction de ne pas le rencontrer : on avait peur que nous soyons convaincus par ses propos. » (ibidem, p. 226).
La dette odieuse
Dette odieuse
Selon la doctrine, pour qu’une dette soit odieuse, et donc nulle, elle doit remplir deux conditions :
1) Elle doit avoir été contractée contre les intérêts de la Nation, ou contre les intérêts du Peuple, ou contre les intérêts de l’État.
2) Les créanciers ne peuvent pas démontrer qu’ils ne pouvaient pas savoir que la dette avait été contractée contre les intérêts de la Nation.
Il faut souligner que selon la doctrine de la dette odieuse, la nature du régime ou du gouvernement qui la contracte n’est pas particulièrement importante, puisque ce qui compte, c’est l’utilisation qui est faite de cette dette. Si un gouvernement démocratique s’endette contre l’intérêt de la population, cette dette peut être qualifiée d’odieuse, si elle remplit également la deuxième condition. Par conséquent, contrairement à une version erronée de cette doctrine, la dette odieuse ne concerne pas seulement les régimes dictatoriaux.
(voir : Eric Toussaint, « La Dette odieuse selon Alexander Sack et selon le CADTM » ).
Le père de la doctrine de la dette odieuse, Alexander Nahum Sack, dit clairement que les dettes odieuses peuvent être attribuées à un gouvernement régulier. Sack considère qu’une dette régulièrement contractée par un gouvernement régulier peut être considérée comme incontestablement odieuse... si les deux critères ci-dessus sont remplis.
Il ajoute : « Ces deux points établis, c’est aux créanciers que reviendrait la charge de prouver que les fonds produits par lesdits emprunts avaient été en fait utilisés non pour des besoins odieux, nuisibles à la population de tout ou partie de l’État, mais pour des besoins généraux ou spéciaux de cet État, qui n’offrent pas un caractère odieux ».
Sack a défini un gouvernement régulier comme suit :
« On doit considérer comme gouvernement régulier le pouvoir suprême qui existe effectivement dans les limites d’un territoire déterminé. Que ce pouvoir soit monarchique (absolu ou limité) ou républicain ; qu’il procède de la « grâce de Dieu » ou de la « volonté du peuple » ; qu’il exprime la « volonté du peuple » ou non, du peuple entier ou seulement d’une partie de celui-ci ; qu’il ait été établi légalement ou non, etc., tout cela n’a pas d’importance pour le problème qui nous occupe. »
Donc, il n’y a pas de doute à avoir sur la position de Sack, tous les gouvernements réguliers, qu’ils soient despotiques ou démocratiques, sous différentes variantes, sont susceptibles de contracter des dettes odieuses.
de la Russie et des autres pays issus de l’ex-bloc soviétique
Le dossier de la dette russe, comme celui des autres Etats issus de l’implosion de l’ex-bloc soviétique, est trop peu discuté sur la scène internationale, y compris au sein des mouvements progressistes des pays concernés. Et pourtant, la dette contractée par la Russie dans les circonstances décrites plus haut entre de toute évidence dans la catégorie des dettes odieuses. Cette dette n’a pas été contractée pour mener à bien des politiques respectueuses des intérêts des citoyens, au contraire. Par ailleurs, une grande partie des prêts ont été détournés au vu et au su des créanciers. Les créanciers (FMI, Banque mondiale, membres du Club de Paris, créanciers privés) connaissaient les pratiques délictuelles, voire criminelles, des emprunteurs. Si les citoyens russes se dotaient à l’avenir d’un nouveau régime, ils seraient en droit de refuser de payer la dette odieuse contractée pour financer la transition. Ils seraient également en droit de refuser de payer la dette héritée de l’ancien régime bureaucratique dictatorial. Ce qui vient d’être dit est probablement valable également pour les autres Etats issus de l’ex-bloc soviétique.
Les oligarques russes bénéficient d’un avis favorable de la presse occidentale
Lorsqu’au cours de l’année 2003, la justice russe s’en est prise aux oligarques, la grande presse occidentale (les gouvernements occidentaux aussi mais plus discrètement) a réagi en demandant de la clémence à l’égard de ceux-ci. Non pas que ces médias considéraient que les oligarques étaient innocents, pas du tout. Ce qui était en jeu, c’était la pérennité des privatisations. Ces médias considèrent qu’il serait très dangereux de les remettre en cause même si Le Monde reconnaît que « Selon un sondage de l’institut Romir, 77% des Russes sont favorables à la révision des privatisations » (Le Monde, 23/07/2003). Marie-Pierre Subtil, correspondante du Monde à Moscou, a écrit plusieurs articles critiquant l’offensive de la justice russe (« qui ouvre la porte à une révision des privatisations », Le Monde, 27-28 juillet 2003) contre les oligarques même si elle reconnaît qu’ils ont accumulé leur fortune sur l’escroquerie à grande échelle. Elle dit du principal oligarque visé, Mikhaïl Khodorkovski (né en 1963), patron de Ioukos [42] , qu’il « n’est certes pas une oie blanche. Sa fortune - la plus grande de Russie, estimée à 7,2 milliards de dollars par le magazine Fortune - a été bâtie au milieu des années 1990, quand les plus ambitieux et les moins scrupuleux des russes, ont acquis pour une bouchée de pain les biens de l’Etat au moment de leur privatisation » (ibidem). Mais en même temps, la même journaliste dresse une liste d’initiatives positives de ce nouveau baron voleur parmi lesquelles la création d’une fondation philanthropique internationale qui compte Henry Kissinger parmi ses administrateurs. Selon une enquête réalisée en octobre 2003 par Le Monde la quasi entièreté des avoirs de M. Khodorkovski (Ioukos y compris) est détenue par des sociétés établies à Gibraltar et dans les îles Anglo-Normandes (Le Monde, 2-3 novembre 2003). Dans le montage financier on retrouve la sulfureuse société Menatep qui détiendrait 60,5% de Ioukos (voir D. Robert, op. cit.).
Un autre oligarque mérite d’être mentionné. Il s’agit de Roman Abramovich (né en 1966). En 2003, il avait aussi des ennuis avec la justice russe. Il est le patron d’un empire qui comprend, entre autres, Sibneft, société pétrolière, RusAl, producteur d’aluminium, ICN Russia, entreprise pharmaceutique. En 2003, il a acheté le prestigieux club de football britannique Chelsea. La société holding qui lui permet d’être le propriétaire de cet empire a son siège dans la City de Londres. Selon le Financial Times, en 2003, il cherchait à vendre la plupart de ses actifs en Russie afin de placer le capital en lieu sûr... Le Financial Times écrit dans un édito que la Russie est une nouvelle fois à la croisée des chemins : ou bien consolider le capitalisme en amnistiant les oligarques qui ont commis des crimes économiques ce qui implique d’accepter une inégalité profonde ou bien faire une révolution. L’éditorialiste propose en se pinçant le nez d’opter pour le premier choix.
« A la racine du problème, nous trouvons les dérapages du processus de privatisation en Russie. En raison du chaos - et de l’injustice profonde - qui ont présidé au partage du butin, les dirigeants russes auront toujours une arme puissante pointée sur les capitalistes installés dans le pays. En fin de compte, il n’y a guère que deux façons de sortir de cette impasse : soit accorder une amnistie officielle, du moins pour les délits économiques des oligarques, soit s’emparer de leurs biens, c’est-à-dire soit accepter de criantes inégalités, soit entamer une nouvelle révolution. Aucune des deux options n’est satisfaisante. Mais comme ils ont essayé la seconde en 1917, les Russes pourraient bien estimer plus sage de s’accommoder cette fois-ci d’un pouvoir oligarchique détestable ” traduit du Financial Times, 21 juillet 2003.
Le FMI, la Banque mondiale, le Trésor des Etats-Unis et les créanciers privés sont tout à fait favorables au choix proposé par le Financial Times et autres ténors de la presse internationale : une amnistie les concernerait aussi car ils ont été directement impliqués dans les crimes économiques en tant que complices et en tant que bénéficiaires. Quant aux transnationales de la Triade, celles des Etats-Unis en premier lieu, elles sont candidates à acquérir une grande partie de Ioukos, de Sibneft et d’autres. Des offres précises ont été rendues publiques au cours de l’année 2003. Les oligarques qui sont propriétaires de Ioukos et de Sibneft ont répondu très favorablement : ils veulent avoir du cash pour le placer hors de la Russie. Enfin, le Trésor des Etats-Unis [43], le FMI et la Banque mondiale en concertation avec la direction de l’OMC préparent l’adhésion de la Russie à cette institution. C’est dans cette perspective qu’il faut comprendre le ton et le contenu du discours d’Anne Krueger prononcé le 18 juin à Saint-Pétersbourg.
b) L’offensive de la Banque mondiale et le FMI sur Timor Oriental [44]
Aujourd’hui peuplé de 800.000 habitants, situé à 500 Km des côtes australiennes, le Timor Oriental a accédé à l’indépendance en mai 2002 après plusieurs décennies de lutte de libération. Deux Timorais sur cinq vivent avec moins de 55 cents de dollars par jour. Les trois quarts de la population n’ont pas accès à l’électricité et la moitié n’a pas d’eau potable. Ancienne colonie portugaise jusqu’en 1975, le Timor Oriental a été annexé à l’Indonésie par la dictature de Suharto. La lutte de libération a connu des moments forts dans les années 1970 à la fin du régime portugais (la révolution des œillets en 1974 au Portugal a notamment débouché sur l’indépendance des colonies portugaises : Guinée-Bissau, Cap Vert, Angola, Mozambique, Timor Oriental...) et en 1998-99, après le renversement de Suharto par le peuple indonésien. Le principal mouvement de libération, le FRETILIN, qui a recouru à la lutte armée pendant près de 30 ans, dispose aujourd’hui d’une confortable majorité au sein du parlement. Le président de la République, Xanana Gusmao, est une figure historique du FRETILIN. La lutte de libération après la chute de Suharto a coûté la vie à plus de 100.000 Timorais. A partir de 1999, suite à un référendum au cours duquel la population timoraise à une majorité écrasante a choisi l’indépendance, le pays a été mis sous administration de l’ONU.
Le pays a une économie très pauvre, peu diversifiée, sans industrie. L’activité principale est constituée par l’agriculture (plus de 75% de la population est rurale). A part le café destiné à l’exportation, l’essentiel de la production agricole est tourné vers la satisfaction de la demande intérieure ce qui constitue, selon moi, un avantage. Le défi de toute politique économique dirigée vers l’amélioration des conditions de vie de la population consiste à prendre en compte la réalité de cette agriculture locale. Cependant, le pétrole et le gaz vont être déterminants pour l’avenir du Timor oriental. En pleine mer, à l’endroit où les eaux territoriales australiennes et timoraises se jouxtent, se trouvent d’importantes réserves de pétrole et de gaz. De puissants intérêts financiers et économiques australiens ont réussi à s’octroyer la plus grande partie du gâteau du temps de la dictature de Suharto. Quand le Timor est devenu indépendant et a voulu renégocier les accords pour obtenir la part qui lui revenait de droit, l’Australie a refusé. Les autorités timoraises ont envisagé d’en appeler à la Cour Internationale de Justice de La Haye mais ont finalement renoncé face aux menaces de rétorsion économique de la part de l’Australie. Le risque est grand que le Timor Oriental subisse le sort de pays comme l’Angola ou le Congo Brazzaville car l’exploitation des champs pétroliers et gaziers sera dominée par quelques multinationales pétrolières. Si les autorités n’y prennent garde, le bonheur des pétroliers et de la minorité nantie des Timorais peut faire le malheur du pays et de ses habitants.
Un gouvernement qui souhaite ne pas endetter le pays
Le nouvel Etat est né sans dette et le gouvernement a pris la sage décision de refuser d’emprunter. Jusqu’à quand résistera-t-il aux avances des prêteurs ? Pour la reconstruction du pays, il n’accepte de la communauté internationale que des dons. La Banque mondiale qui avait débarqué avec un plan d’endettement, a dû adopter une nouvelle stratégie pour arriver à convaincre les autorités d’appliquer le Consensus de Washington. Elle a réussi à s’imposer comme l’institution qui coordonne la majeure partie des dons provenant de la communauté internationale. Elle profite de sa fonction d’intermédiaire pour obtenir des autorités récipiendaires qu’elles acceptent d’appliquer une politique néo-libérale : abandon des barrières douanières (au détriment des agriculteurs locaux notamment dans la production du riz), imposition d’une politique de recouvrement des coûts (droit d’inscription élevé dans l’enseignement supérieur et universitaire, soins de santé payants), privatisation de la gestion du secteur électricité et installation de compteurs électriques à pré-paiement...
Il faut ajouter un autre phénomène très grave : seule une partie minoritaire de chaque don (de 10 à 20% seulement) atteint réellement l’économie locale. La majeure partie des sommes représentées par les dons est dépensée à l’extérieur du Timor, soit sous la forme de rémunérations des experts étrangers, soit en achats de biens et de services sur les marchés internationaux. La Banque mondiale réussit à imposer le recours à des consultants internationaux (certains provenant directement de la Banque mondiale) dont les honoraires représentent 15 à 30% des dons. La Banque mondiale prélève elle-même 2% sur chaque don qu’elle gère. L’inégalité des rémunérations est particulièrement frappante. Un expert international reçoit une rémunération de 500 dollars par jour (à quoi il faut ajouter la prise en charge de tous ses frais sur place) tandis que le travailleur timorais moyen perçoit de 3 à 5 dollars par jour. La représentante de la Banque mondiale, quant à elle, gagne environ 15.000 dollars par mois. Et son collègue du FMI qui en gagne autant, s’oppose activement à l’adoption par le parlement d’une loi fixant un salaire minimum légal. Il n’a pas hésité et à écrire qu’un salaire de 3 à 5 dollars par jour était beaucoup trop élevé.
Au cours des séminaires que j’ai donné, j’ai comparé l’attitude de la Banque mondiale à celle de Christophe Colomb et d’autres conquistadors qui, pour s’établir sur un territoire, commençaient par faire des cadeaux. La première fois que j’ai fait cette comparaison, j’ai pensé qu’elle allait entraîner des protestations de l’auditoire. Il n’en a rien été. Au Timor, beaucoup de personnes sincèrement engagées dans la reconstruction du pays sont très inquiètes de l’influence prise par la Banque mondiale. Elles ont l’impression que leur gouvernement lui-même commence à se laisser influencer par le credo néolibéral et se demandent comment redresser la barre.
c) Les responsabilités du FMI dans la famine au Malawi
Le courrier d’information du réseau « 50 years is Enough » de juin 2002 révèle les incompétences du FMI et sa responsabilité dans la mort de milliers de personnes au Malawi.
Depuis 1998, le Malawi, pays de 11 millions d’habitants [45], est entré dans la liste des Pays Pauvres Très Endettés
PPTE
Pays pauvres très endettés
L’initiative PPTE, mise en place en 1996 et renforcée en septembre 1999, est destinée à alléger la dette des pays très pauvres et très endettés, avec le modeste objectif de la rendre juste soutenable.
Elle se déroule en plusieurs étapes particulièrement exigeantes et complexes.
Tout d’abord, le pays doit mener pendant trois ans des politiques économiques approuvées par le FMI et la Banque mondiale, sous forme de programmes d’ajustement structurel. Il continue alors à recevoir l’aide classique de tous les bailleurs de fonds concernés. Pendant ce temps, il doit adopter un document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP), parfois juste sous une forme intérimaire. À la fin de ces trois années, arrive le point de décision : le FMI analyse le caractère soutenable ou non de l’endettement du pays candidat. Si la valeur nette du ratio stock de la dette extérieure / exportations est supérieure à 150 % après application des mécanismes traditionnels d’allégement de la dette, le pays peut être déclaré éligible. Cependant, les pays à niveau d’exportations élevé (ratio exportations/PIB supérieur à 30 %) sont pénalisés par le choix de ce critère, et on privilégie alors leurs recettes budgétaires plutôt que leurs exportations. Donc si leur endettement est manifestement très élevé malgré un bon recouvrement de l’impôt (recettes budgétaires supérieures à 15 % du PIB, afin d’éviter tout laxisme dans ce domaine), l’objectif retenu est un ratio valeur nette du stock de la dette / recettes budgétaires supérieur à 250 %. Si le pays est déclaré admissible, il bénéficie de premiers allégements de son service de la dette et doit poursuivre avec les politiques agréées par le FMI et la Banque mondiale. La durée de cette période varie entre un et trois ans, selon la vitesse de mise en œuvre des réformes clés convenues au point de décision. À l’issue, arrive le point d’achèvement. L’allégement de la dette devient alors acquis pour le pays.
Le coût de cette initiative est estimé par le FMI en 2019 à 76,2 milliards de dollars, soit environ 2,54 % de la dette extérieure publique du Tiers Monde actuelle. Les PPTE sont au nombre de 39 seulement, dont 33 en Afrique subsaharienne, auxquels il convient d’ajouter l’Afghanistan, la Bolivie, le Guyana, Haïti, le Honduras et le Nicaragua. Au 31 mars 2006, 29 pays avaient atteint le point de décision, et seulement 18 étaient parvenus au point d’achèvement. Au 30 juin 2020, 36 pays ont atteint le point d’achèvement. La Somalie a atteint le point de décision en 2020. L’Érythrée et le Soudan n’ont pas encore atteint le point de décision.
Alors qu’elle devait régler définitivement le problème de la dette de ces 39 pays, cette initiative a tourné au fiasco : leur dette extérieure publique est passée de 126 à 133 milliards de dollars, soit une augmentation de 5,5 % entre 1996 et 2003.
Devant ce constat, le sommet du G8 de 2005 a décidé un allégement supplémentaire, appelée IADM (Initiative d’allégement de la dette multilatérale), concernant une partie de la dette multilatérale des pays parvenus au point de décision, c’est-à-dire des pays ayant soumis leur économie aux volontés des créanciers. Les 43,3 milliards de dollars annulés via l’IADM pèsent bien peu au regard de la dette extérieure publique de 209,8 milliards de dollars ces 39 pays au 31 décembre 2018.
(PPTE). Mais, entre 2000 et 2002, le programme d’allégement de la dette a été suspendu pour des raisons allant du manque de transparence dans les dépenses, des contradictions dans les rapports financiers, des retards dans les programmes de privatisation, des problèmes de corruption ou de faibles performances économiques.
Comme les autres pays soumis au diktat des institutions de Bretton Woods, le Malawi a été contraint d’appliquer un programme de privatisation extrêmement rapide et étendu. Le point cardinal de ce programme a été la privatisation des agences d’aide et de contrôle de la production agricole (l’une de ces agences gérait les réserves alimentaires du pays et l’autre, leur marché ou leur distribution). Le début de privatisation s’est accompagné, dans la plus pure « tradition » de l’ajustement structurel, de la réduction ou l’élimination des soutiens aux petits agriculteurs tels l’accès au crédit et la fourniture de fertilisants et de semences, de l’arrêt des subventions aux aliments de bases destinés aux consommateurs et de la suppression d’autres interventions de stabilisation des prix.
A la responsabilité du FMI et de la Banque mondiale, il faut ajouter celle du troisième larron, l’OMC : la libéralisation du commerce des produits agricoles et le dumping causé par les subventions agricoles aux exportations par les pays du Nord ont en effet contribué à la famine qui a sévi en Afrique Australe, au Malawi en particulier.
Les premiers signes de famine dans les zones rurales apparaissent en octobre 2001. Alors que la sécheresse de 1991-1992 n’avait pas entraîné de famine, les choix de politique économique imposés par une décennie de programmes d’ajustement structurel ont entraîné en 2001 et 2002 des restrictions alimentaires catastrophiques.
Voici la série de mesures qui ont précipité le Malawi dans la crise.
Le FMI et l’Union européenne ont appelé avec insistance le Malawi à privatiser la gestion de ses réserves de grains et à fonctionner sur base du principe du recouvrement des coûts. En 1999, l’Agence Nationale des Réserves Alimentaires est partiellement privatisée mais ni le gouvernement ni les créanciers internationaux ne jugent nécessaire de lui fournir un capital de départ. L’agence a donc dû faire plusieurs emprunts auprès de banques privées et gouvernementales ce qui s’avérera suicidaire puisque certains emprunts commerciaux impliqueront des taux d’intérêts annuels de 56%.
Pour récupérer des liquidités
Liquidité
Liquidités
Capitaux dont une économie ou une entreprise peut disposer à un instant T. Un manque de liquidités peut conduire une entreprise à la liquidation et une économie à la récession.
, le FMI et la Bm poussent alors l’agence à vendre une partie de ses stocks à un moment où les prix du maïs étaient très bas ce qui a entraîné de grosses pertes. Les liquidités tirées de ces ventes ont principalement servi à rembourser les crédits commerciaux.
Lorsque les premiers déficits alimentaires sont apparus, le gouvernement a cherché une aide alimentaire en Occident. Cette dernière n’arrivant pas, il s’est vu contraint d’emprunter sur les marchés internationaux 30 millions de dollars pour financer l’achat de 130.000 tonnes de maïs, à un moment où les prix remontaient.
Le coup de grâce a été donné par les institutions internationales, qui soupçonnant une gestion corrompue de la part de l’Agence Nationale des Réserves Alimentaires, a suspendu l’aide au gouvernement. La mission du FMI de mai 2002 s’est soldée par un refus de sa part d’accorder un prêt de 47 millions de dollars et par une suspension de l’allégement de dette programmé dans le cadre de l’initiative PPTE.
Les Etats-Unis, profitant de l’urgence causée par la famine et dans le cadre de l’ouverture commerciale imposée par l’OMC, ont alors déversé des tonnes de maïs transgénique au Malawi, ce qu’il aurait refusé dans des conditions moins dramatiques. En effet, le Malawi, comme d’autres pays, craint les risques des OGM
OGM
Organisme génétiquement modifié
Organisme vivant (végétal ou animal) sur lequel on a procédé à une manipulation génétique afin de modifier ses qualités, en général afin de le rendre résistant à un herbicide ou un pesticide. En 2000, les OGM couvraient plus de 40 millions d’hectares, concernant pour les trois-quarts le soja et le maïs. Les principaux pays producteurs étaient les USA, l’Argentine et le Canada. Les plantes génétiquement modifiées sont en général produites intensivement pour l’alimentation du bétail des pays riches. Leur existence pose trois problèmes.
Problème sanitaire. Outre la présence de nouveaux gènes dont les effets ne sont pas toujours connus, la résistance à un herbicide implique que le producteur va multiplier son utilisation. Les produits OGM (notamment le soja américain) se retrouvent gorgés d’herbicide dont dont on ignore les effets sur la santé humaine. De plus, pour incorporer le gène nouveau, on l’associe à un gène de résistance à un antibiotique, on bombarde des cellules saines et on cultive le tout dans une solution en présence de cet antibiotique pour ne conserver que les cellules effectivement modifiées.
Problème juridique. Les OGM sont développés à l’initiative des seules transnationales de l’agrochimie comme Monsanto, pour toucher les royalties sur les brevets associés. Elles procèdent par coups de boutoir pour enfoncer une législation lacunaire devant ces objets nouveaux. Les agriculteurs deviennent alors dépendants de ces firmes. Les États se défendent comme ils peuvent, bien souvent complices, et ils sont fort démunis quand on découvre une présence malencontreuse d’OGM dans des semences que l’on croyait saines : destruction de colza transgénique dans le nord de la France en mai 2000 (Advanta Seeds), non destruction de maïs transgénique sur 2600 ha en Lot et Garonne en juin 2000 (Golden Harvest), retrait de la distribution de galettes de maïs Taco Bell aux USA en octobre 2000 (Aventis). En outre, lors du vote par le parlement européen de la recommandation du 12/4/2000, l’amendement définissant la responsabilité des producteurs a été rejeté.
Problème alimentaire. Les OGM sont inutiles au Nord où il y a surproduction et où il faudrait bien mieux promouvoir une agriculture paysanne et saine, inutiles au Sud qui ne pourra pas se payer ces semences chères et les pesticides qui vont avec, ou alors cela déséquilibrera toute la production traditionnelle. Il est clair selon la FAO que la faim dans le monde ne résulte pas d’une production insuffisante.
pour la santé et la biodiversité mais en plus, il craint de voir de futures exportations vers l’Europe (si celle-ci maintient des restrictions aux produits transgéniques) bloquées suite à la présence d’OGM dans sa production.
Le rapport final de la mission de mai 2002 du FMI établit que « le secteur parastatal continuera à représenter un risque pour la bonne exécution des décisions budgétaires en 2002 et 2003 ». Malgré la crise, le FMI continue de voir l’Agence nationale des réserves alimentaires comme une saignée dans le cadre budgétaire. Dans sa vision, les dépenses de cette agence doivent être réduites afin de générer suffisamment de marges pour le service de la dette.
Il omet de mentionner que l’Agence nationale des réserves alimentaires avait, avant le régime de privatisations, réussi lors de la sécheresse de 1991-1992 à distribuer les stocks de réserve à des prix accessibles dans tout le pays jusqu’aux dépôts ruraux les plus reculés. En 2002, cette capacité avait complètement disparu.
Le marché du maïs était, préalablement aux réformes, exclusivement réservé à une société étatique, la Société de commerce et de développement agricole (ADMARC). Ce monopole a été levé. Dans le futur, l’ADMARC ne sera plus capable d’emprunter pour des activités d’intervention sur les prix ou les déficits avec la garantie de l’Etat. Malgré le fait que peu d’agents privés soient intéressés par le rachat des activités non rentables dans les zones reculées du pays, les dirigeants du FMI et de la Banque ont cependant vivement recommandé le maintien de l’objectif d’une privatisation totale pour la fin 2002.
N’est-il pas étonnant que le FMI qui déclare ne pas avoir d’expérience en politique de sécurité alimentaire dispense des « conseils et avis » dans un domaine qui affecte directement la sécurité alimentaire ?
Quel serait le sens de poursuivre des objectifs macro-économiques tels que le choix de baser la croissance sur le seul secteur privé, la poursuite d’une rigueur budgétaire dogmatique et l’objectif d’augmenter les exportations si ces objectifs n’ont qu’un faible impact sur la capacité d’une économie à assurer sa sécurité alimentaire ?
d) La lutte du peuple pour l’exercice de la souveraineté sur les ressources naturelles en Bolivie
Depuis l’an 2000, à deux reprises, la population de la Bolivie (environ dix millions d’habitants) s’est mobilisée pour défendre les biens publics. En février 2000, la mobilisation s’était limitée à la région de Cochabamba et portait sur le maintien de la propriété publique de l’eau. En 2003, en septembre - octobre, une grande partie du peuple bolivien s’est soulevée contre la vente d’une grande partie des réserves de gaz naturel à un consortium transnational. D’une certaine façon, le peuple bolivien à majorité indienne montre l’exemple à l‘humanité. L’enjeu est de mettre un terme au transfert des ressources naturelles et des biens publics vers le domaine privé. Cette dimension de la lutte des Boliviens concerne directement à la fois les populations du Centre et celles de la Périphérie qui, toutes ensemble, sont affectées par le rouleau compresseur des privatisations impulsé notamment par le trio Banque mondiale / FMI / OMC. A cela s’ajoute pour les populations de la Périphérie un enjeu supplémentaire : stopper le pillage et l’épuisement de leurs ressources naturelles par les transnationales des pays du Centre qui bénéficient de la complicité des gouvernants et des classes dominantes locales.
La Bolivie est considérée comme le pays le plus pauvre d’Amérique latine ; le revenu annuel per capita, en 2002, se situait à 882 dollars et un tiers de la population, soit environ 2 700 000, vivait avec 200 dollars par année. La réduction du revenu per capita a été systématique et constante dans les quatre dernières années, selon l’INE - Institut National de la Statistique. Or cette chute de revenu a affecté plus dramatiquement les pauvres et les secteurs vulnérables.
La Bolivie est un des quatre pays latino-américains à faire partie des quarante-deux PPTE. Les institutions de Bretton Woods considèrent le pays comme un modèle en terme de consultation de la société civile que ce soit par le gouvernement ou par elles-mêmes. De son côté, le gouvernement des Etats-Unis considère que la Bolivie est - jusqu’au moment où ses lignes sont écrites [46] - une alliée fidèle : elle permet aux militaires états-uniens de parcourir son territoire et elle a réalisé un vaste programme de destruction de champs de culture de coca, la plante traditionnelle des Indiens. Enfin, l’OMC peut également être satisfaite : la Bolivie a baissé radicalement ses tarifs douaniers et a livré ses producteurs locaux à la concurrence des transnationales du Nord.
La success story version Washington qui se traduit par un drame pour la population commence en 1985 quand la réaction (les partisans de l’ex-dictateur Hugo Banzer et ceux de Paz Estensoro) gagne les élections et impose au pays un plan d’ajustement structurel
Plan d'ajustement structurel
En réaction à la crise de la dette, les pays riches ont confié au FMI et à la Banque mondiale la mission d’imposer une discipline financière stricte aux pays surendettés. Les programmes d’ajustement structurel ont pour but premier, selon le discours officiel, de rétablir les équilibres financiers. Pour y parvenir, le FMI et la Banque mondiale imposent l’ouverture de l’économie afin d’y attirer les capitaux. Le but pour les États du Sud qui appliquent les PAS est d’exporter plus et de dépenser moins, via deux séries de mesures. Les mesures de choc sont des mesures à effet immédiat : suppression des subventions aux biens et services de première nécessité, réduction des budgets sociaux et de la masse salariale de la fonction publique, dévaluation de la monnaie, taux d’intérêt élevés. Les mesures structurelles sont des réformes à plus long terme de l’économie : spécialisation dans quelques produits d’exportation (au détriment des cultures vivrières), libéralisation de l’économie via l’abandon du contrôle des mouvements de capitaux et la suppression du contrôle des changes, ouverture des marchés par la suppression des barrières douanières, privatisation des entreprises publiques, TVA généralisée et fiscalité préservant les revenus du capital. Les conséquences sont dramatiques pour les populations et les pays ayant appliqué ces programmes à la lettre connaissent à la fois des résultats économiques décevants et une misère galopante.
très dur [47]. Dans les quinze années qui ont suivi, la vague des privatisations a touché presque tous les secteurs : les hydrocarbures (pétrole et gaz), les chemins de fer, les télécommunications, le transport aérien, le système de pension, l’électricité, les mines, les forêts...
En 2000, la bataille de l’eau
En 1999, le gouvernement propose, pour la zone de Cochabamba, un contrat de concession au consortium international Aguas de Tunari. Ses principales caractéristiques : le prix de l’eau est dollarisé et s’adapte à l’inflation
Inflation
Hausse cumulative de l’ensemble des prix (par exemple, une hausse du prix du pétrole, entraînant à terme un réajustement des salaires à la hausse, puis la hausse d’autres prix, etc.). L’inflation implique une perte de valeur de l’argent puisqu’au fil du temps, il faut un montant supérieur pour se procurer une marchandise donnée. Les politiques néolibérales cherchent en priorité à combattre l’inflation pour cette raison.
des prix aux Etats-Unis ; tous les systèmes d’eau potable (construits notamment par des habitants, des coopératives locales, etc.) passent aux mains du consortium sans contrepartie ; malgré une augmentation maximum du prix de 35% prévue dans le contrat, les tarifs augmentent dès le début de 400% sans aucune amélioration du service rendu. L’eau est devenue une marchandise et n’est plus un bien social. A Cochabamba, le peuple bolivien se met en marche : création d’une Coordination, marches pacifiques, négociations, médiations, consultation populaire, blocages des rues... Mis sous pression, le gouvernement plie : les principaux objectifs de la Coordination sont atteints.
Ainsi que l’explique Carmen Julieta Peredo Montaño, membre de cette Coordination, cette lutte exemplaire se base le fait que « les organisations rurales exploitent les ressources d’eau en les considérant comme des biens sociaux prêtés par « mère nature ». Pour elles, l’eau est synonyme de vie. Elle ne peut être considérée comme une marchandise, contrairement à ce que les gouvernants de la Bolivie prétendent, en complète soumission aux « recommandations » de la Banque mondiale et du FMI ; ces derniers pré-conditionnent l’appui économique pour des projets d’eau potable et de traitement de base de l’eau à sa mercantilisation et sa privatisation au travers de lois et de contrats qui ont été refusés à l’unanimité par les citoyens cochabambins » (Via Campesina, Une alternative paysanne, 2002, p.154).
Raúl Zibechi résume bien l’évolution du côté des mouvements sociaux : « Les explosions sociales de l’année 2000 ont profondément modifié la carte politico-sociale du pays. Le mouvement paysan est apparu comme la principale force sociale, organisée autour de la Fédération des cultivateurs de coca du Chapare (dirigée par Evo Morales, député) et la Confédération syndicale unitaire des travailleurs paysans de Bolivie (CSUTCB), dirigée par Felipe Quispe. Les organisations paysannes avaient elles-mêmes traversé de profonds changements. La CSUTCB fut fondée en 1979 à l’image et avec l’appui de la Centrale ouvrière bolivienne (COB) et s’est définie comme une organisation paysanne. Après deux décennies, en tirant les conclusions des changements subjectifs vécus par la majorité sociale du pays, elle se définit alors en tant qu’ « organisation indigène qui rassemble tous les peuples et nations indigènes et originaires de Bolivie ». Du discours de classe, qu’elle n’a jamais abandonné, elle est passée à un discours historique et ethnique, qui insiste sur les demandes de terres et de territoires, ce qui implique une gestion participative dans les ressources naturelles. Cette évolution est le reflet de la perte de centralité de la classe ouvrière du fait de l’instauration des politiques néo-libérales à partir de la moitié des années 1980. Ce mouvement, cependant, est parvenu à articuler d’amples secteurs de la population bolivienne, en particulier dans l’Altiplano. C’est ainsi qu’a surgi un nouveau sujet social, hétérogène, diversifié, mais articulé autour de l’identité aymara (synthèse de la nouvelle identité nationale, qui se manifeste dans l’utilisation du drapeau arc-en-ciel appelé Wiphala en langue aymara) et ancré dans plusieurs zones, comme El Alto et les communautés indigènes. Les élections de juin 2002 ont amené ce nouveau sujet à conquérir une représentation importante dans les institutions étatiques. Les deux fronts électoraux qui se sont présentés (le Mouvement au socialisme de Morales et Pachakutik de Quispe) ont récolté un quart des votes et ont failli disputer la présidence face au candidat de l’ambassade des Etats-Unis, Sanchez de Lozada » (extrait de l’article « La Bolivie à la croisée des chemins, ALAI, América Latina en Movimiento, 16-10-03).
La bataille du gaz de septembre - octobre 2003
Comme l’écrivent Roxana Paniaqua, Ana Maria Seifert et Frida Villareal (L’Aut’Journal, 15 octobre 2003), “pour comprendre les enjeux autour de l’exportation du gaz naturel en Bolivie, il est nécessaire de mentionner quelques faits saillants des dernières années. On doit reculer jusqu’en 1985, alors qu’a été appliqué le Programme d’ajustement structurel prôné par le FMI. Une des mesures de ce programme visait la stabilisation monétaire du pays et touchait notamment à l’entreprise d’hydrocarbures qui appartenait à l’État, Yacimientos Petrolíferos Fiscales Bolivianos (YPFB). L’entreprise s’est vue imposer le transfert de 75 à 85% de ses revenus au Trésor de la Nation, ce qui a mené à son affaiblissement, au ralentissement de l’exploitation et de la production, ainsi qu’à la paralysie de la construction des réseaux de distribution de gaz à l’intérieur du pays. Ces mesures ont aggravé l’endettement de l’entreprise et ont servi de prétexte pour décrier la « mauvaise gestion » des entreprises étatiques. À partir de 1990, la privatisation ou « capitalisation » est avancée comme la solution à la crise : on annule le monopole de YPFB pour différentes étapes du traitement des hydrocarbures. En 1996, la Loi sur les hydrocarbures permet, entre autres, la libéralisation totale du marché d’hydrocarbures, établit une contribution fiscale très basse à l’État de la part des entreprises privées. Depuis lors, les entreprises pétrolières étrangères contrôlent la majeure partie des réserves pétrolières. En effet, 80% de réserves de gaz sont contrôlées par Petrobras (Brésil), Total, Maxus (Ibéro-français) et Repsol (Espagne) ».
Soit dit en passant le processus décrit plus haut est parfaitement comparable à qui est arrivé à la même époque en Argentine avec l’entreprise pétrolière YPF (voir chapitre 16).
Depuis 1997, d’importantes réserves de gaz naturel ont été découvertes dans le pays. L’évaluation de la firme internationale Goldyer & Mac Naughton estime les réserves de gaz naturel en Bolivie à 52 trillions de pieds cubes en 2003. Il s’agit de la deuxième réserve la plus importante de l’Amérique du Sud selon la International Energy.
En effet, les réserves certifiées dans la sous-région sud-américaine ont atteint à 123.7 trillions de pieds cubes, 42% appartiennent à la Bolivie, 20,8% à l’Argentine et 16,6% au Venezuela. Or, une fois couverts la demande interne et les contrats d’exportation dans la sous-région, il en reste suffisamment pour exporter ailleurs. Il ne s’agit donc pas d’un problème de pénurie de gaz. Le problème se situe plutôt dans la propriété des réserves de gaz, la transformation et la distribution de cette ressource, ainsi que dans les revenus que l’État bolivien en tirerait s’il pouvait exporter sans intermédiaire.
Si les médias n’ont pas manqué de relever que la révolte a des racines historiques (le gaz devait être exporté vers les Etats-Unis et le Mexique via le littoral chili or deux pays sont en froid depuis 1879 et l’annexion par Santiago de l’ancien littoral bolivien), le mécontentement puise à une autre source moins évoquée par la presse : la volonté des peuples indigènes de reprendre le contrôle de leurs ressources naturelles des mains des multinationales.
Pour que le prix soit concurrentiel, c’est-à-dire pour que le niveau de profit soit considéré acceptable par le consortium international qui serait chargé de l’exportation (Pacific LNG), on demande à l’État bolivien de diminuer ses exigences monétaires qui, comme on l’a vu, ont déjà été diminuées à cause de la Loi sur les hydrocarbures de 1996.
Les devises que la Bolivie obtiendrait avec ce projet sont de 70 millions de dollars par année contre 1.300 pour la Pacific LNG. Donc, pour chaque dollar versé en impôt en Bolivie, les sociétés pétrolières en gagneraient vingt. Les Boliviens paient au prix fort leurs bonbonnes de gaz et alors que le pays dispose d’immenses réserves de gaz naturel, de nombreux paysans de l’Altiplano continuent de se chauffer à la bouse ou de cuisiner en brûlant du bois et de la paille. Non seulement les Boliviens voient leurs ressources naturelles bradées aux transnationales pétrolières mais celles-ci en réalisent un super-profit. Le problème comme le souligne Evo Morales, fondateur du Mouvement vers le Socialisme (MAS), n’est pas de refuser de vendre le gaz, mais de le vendre à d’autres conditions favorables au peuple bolivien. « Les Boliviens ont perdu le contrôle de cette richesse au profit des multinationales. Et l’actuel projet d’exportation de gaz ne nous rapporterait rien. Or les hydrocarbures sont notre vie, notre espoir, notre patrimoine. Comment justifier que, pendant que l’on saccage notre territoire ancestral, que l’on exporte nos richesses, nous nous appauvrissons toujours plus ? » (Le Courrier, 4 octobre 2003).
L’énorme mobilisation populaire qui a secoué le pays en septembre et en octobre 2003 a été réprimée dans le sang par le régime de Gonzalo Sanchez de Lozada : on dénombrerait plus de 80 morts. Au lieu d’être tétanisée, la population a été galvanisée et a tenu bon face au terrorisme d’Etat. C’est le régime que s’est effrité et le président a fini par démissionner le 17 octobre et s’est réfugié à Miami.
Pourquoi un soulèvement populaire de janvier 2005 à El Alto ?
Le 13 janvier 2005, après 3 jours de mobilisation des habitants de El Alto, le président bolivien a émis un décret par lequel il met fin à la concession de 30 ans accordée à la transnationale Suez des Eaux. Il s’agit d’une nouvelle victoire du peuple bolivien dans sa lutte pour récupérer le contrôle public sur ses ressources naturelles. Déjà en avril 2000, les habitants de la région de Cochabamba avaient réussi à se débarrasser de la domination du consortium international dirigé par la transnationale états-unienne Bechtel sur la distribution d’eau dans la région. En octobre 2003, un soulèvement national durement réprimé (plus de 90 morts) avait entraîné la chute du président Lozada et la suspension du projet de vente du gaz naturel à un consortium transnational privé dirigé lui aussi par des grandes entreprises états-uniennes.
Le 24 juillet 1997, suite aux pressions exercées par la Banque mondiale (BM) et le FMI, les autorités boliviennes ont accordé à l’entreprise Aguas del Illimani - Suez une concession de 30 ans pour la distribution d’eau potable et l’assainissement des eaux usées de la municipalité de El Alto et de la capitale La Paz. Aguas del Illimani est contrôlée par l’entreprise Suez qui domine au niveau mondial le commerce de l’eau en compagnie de Vivendi (France) et de Thames (Grande-Bretagne). Cette concession a été attribuée de manière frauduleuse car on n’a pas respecté les règles normales d’un appel d’offres public. Celui-ci a été lancé sur la base d’une étude réalisée par la banque française Paribas. Une seule entreprise répondit à l’appel : Aguas del Illimani - Lyonnaise des eaux (Suez). Au lieu de procéder à un nouvel appel afin de recevoir plusieurs offres, le contrat a été signé à la va-vite. Cette concession à une entreprise transnationale est le résultat de la privatisation de l’entreprise municipale publique Samapa, qui a été imposée par la BM, le FMI et la Banque interaméricaine de développement (BID) lors de la renégociation de la dette bolivienne en 1996.
La BM est d’ailleurs directement partie prenante de la privatisation puisqu’elle détient 8% des actions de Aguas del Illimani par le biais de son instrument d’investissement privé, la Société Financière d’Investissements. De son côté, la Lyonnaise des eaux - Suez détient 55% des actions.
Suez privait 200.000 habitants de El Alto d’eau potable.
Alors que Aguas de Illimani affirmait que toute la population de El Alto avait accès à l’eau potable, la réalité était bien différente. 70.000 personnes vivaient dans des maisons non raccordées à la distribution d’eau car le prix du raccordement était exorbitant. En effet, il atteignait la somme astronomique de 445 dollars soit approximativement 8 mois de salaire minimum. Par ailleurs, 130.000 vivant sur le territoire de la concession accordée à Aguas del Illimani sont en dehors de l’aire desservie par la transnationale.
Insuffisance d’investissement dans l’entretien et l’amélioration des installations
Selon le contrat signé en 1997, Aguas del Illimani était tenue de garantir l’entretien et l’amélioration des conduites d’eau et des égouts. En réalité, les investissements réalisés étaient tout à fait insuffisants. Entre 1997 et 2004, Aguas del Illimani n’aurait investi que pour un montant de 55 millions de dollars provenant principalement de prêts de la BM et de la BID ou de dons provenant de gouvernements au titre de l’aide publique au développement. C’est le cas des dons de la Suisse destinés à garantir l’accès des pauvres à l’eau potable. L’insuffisance d’investissements s’est traduite par des foyers de contaminations dans certains quartiers dus à la distribution d’eau non potable.
Augmentation des tarifs
Au début du contrat, en 1997, les tarifs ont augmenté de 19%. Le coût du raccordement a quant à lui augmenté de 33%. Alors que la loi bolivienne interdit la dollarisation
Dollarisation
Substitution du dollar à la monnaie nationale, laquelle, à la différence d’un régime d’arrimage, disparaît totalement. La dollarisation est l’ultime stade de la disparition de l’autonomie monétaire.
des tarifs (loi 2066 du 11 avril 2000, art. 8), Aguas del Illimani a indexé les tarifs au dollar.
Voler les pauvres et les pouvoirs publics
Avec des tarifs exorbitants, Suez amortissait ses faibles investissements et s’octroyait un taux de profit de 13%. Non contente de cela, elle avait obtenu grâce à l’article 26 du contrat la garantie qu’en cas de non renouvellement de la concession en 2027, les autorités publiques devraient rembourser à l’entreprise tous les investissements réalisés. Par ailleurs, alors que Suez s’était engagée à verser à l’entreprise municipale Samapa 8 millions de dollars par an, celle-ci affirme qu’elle n’a reçu en réalité que 3,5 millions de dollars par an.
Banque mondiale : juge et partie
Pour toutes ces raisons, l’ensemble de la population de El Alto est sorti dans les rues trois jours durant exigeant le départ de Aguas del Illimani - Suez et le retour de la distribution d’eau au secteur public. Suez a annoncé suite au décret pris par le président de la Bolivie, qu’elle déposerait plainte auprès du CIRDI
CIRDI
Le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) a été créé en 1965 au sein de la Banque mondiale, par la Convention de Washington de 1965 instituant un mécanisme d’arbitrage sous les auspices de la Banque mondiale.
Jusqu’en 1996, le CIRDI a fonctionné de manière extrêmement sporadique : 1972 est la date de sa première affaire (la seule de l’année), l’année 1974 suivit avec 4 affaires, et suivirent de nombreuses années creuses sans aucune affaire inscrite (1973, 1975,1979, 1980, 1985, 1988, 1990 et 1991). L’envolée du nombre d’affaires par an depuis 1996 (1997 : 10 affaires par an contre 38 affaires pour 2011) s’explique par l’effet des nombreux accords bilatéraux de protection et de promotion des investissements (plus connus sous le nom de « TBI ») signés a partir des années 90, et qui représentent 63% de la base du consentement à la compétence du CIRDI de toutes les affaires (voir graphique)). Ce pourcentage s’élève à 78% pour les affaires enregistrées uniquement pour l’année 2011.
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(Centre international des différends relatifs aux investissements), une des cinq branches du groupe Banque mondiale. Si jamais, le CIRDI acceptait de recevoir la plainte, son jugement serait frappé de nullité car la Banque mondiale serait à la fois juge et partie. En effet, comme indiqué précédemment, la Banque mondiale est actionnaire de Aguas del Illimani.
Conclusion
Le trio FMI - BM - OMC mène une politique concertée et essaye d’imposer un ensemble serré de contraintes aux économies des PED. Ces contraintes constituent autant d’obstacles à l’exercice de la souveraineté, rendent difficile le développement de synergies Sud/Sud et l’accès à un développement harmonieux. Elles poussent les autorités des PED à ouvrir totalement leurs économies aux échanges commerciaux et aux investissements de capitaux. Les producteurs locaux ne résistent pas longtemps à la concurrence effrénée que leur livrent les firmes des pays industrialisés ou d’autres PED. Par ailleurs, l’encouragement à privatiser les ressources naturelles favorise l’émergence d’oligarques locaux comme en Russie ou renforce la mainmise des firmes transnationales sur des ressources vitales pour les peuples. Heureusement, des peuples sont entrés en résistances pour reconquérir le contrôle public sur les ressources naturelles. A ce niveau, le peuple bolivien a joué un rôle exemplaire.
[1] La création de l’OMC, entérinée par les accords de Marrakech en 1994, constitue une nouveauté par rapport à la BM, au FMI, à l’OMS qui sont toutes des organisations reliées au système des Nations unies. L’OMC est totalement indépendante de l’ONU.
[2] Les quatre premiers accords précités appartiennent à l’Annexe 1 A.
[3] Annexe 1 B.
[4] Annexe 1 C.
[5] Déclaration de Doha, 14 novembre 2001, § 1.
[6] Article 1 de l’accord.
[7] Article 1 de l’AGCS. En ce qui concerne la portée de la privatisation, qui apparaît sous le nom de libéralisation, selon les Lignes directrices et procédures pour les négociations sur le commerce des services, adoptées le 28 mars 2001 par le Conseil du commerce des services, il est dit ce qui suit : « 1. Aucun secteur de service ni mode de fourniture ne sera exclu a priori ». S/L/93 - 29 mars 2001.
[8] Article 1 de l’ADPIC.
[9] Conférence ministérielle, Cinquième session, Cancún, 10 - 14 septembre 2003, Déclaration de Ramón Rosales Linares, ministre de la Production et du Commerce WT/MIN(03)/ST/48, 11 septembre 2003, (03-4795), Venezuela, § 4.
[10] ONU- CDH, La mondialisation et ses effets sur la pleine jouissance des droits de l’homme, Rapport final présenté par J. Oloka Onyango et Deepika Udagama, conformément à la décision 2000/105* de la Sous Commission, E/CN.4/Sub.2/2003/14, 25 juin 2003, § 4.
[11] ATTAC. 2004. Harribey, Jean-Marie, sous la coordination de, Le développement a-t-il un avenir ? Pour une société solidaire et économe, Fayard, Paris.
[12] L’échéance de deux ans pour arriver à un accord (§ 6), essentiel pour les pays du Sud, fixée par la dite Déclaration, n’a pas été respectée. L’accord sur la question n’a été signé que le 30 août 2003 par 146 Etats membres après huit mois de blocage permanent de la part des pays développés, en particulier (Mise en œuvre du paragraphe 6 de la Déclaration de Doha sur l’accord sur les ADPIC et la santé publique, OMC- WT/L540 1er. Septembre 2003). Cet accord devrait autoriser l’importation de médicaments génériques par les pays pauvres, démunis d’industrie pharmaceutique ou avec des ressources financières très limitées. Cependant, la procédure est tellement complexe et difficile à mettre en œuvre qu’il est permis légitimement de douter de son application effective.
[13] FIDH, Commerce et droits de l’homme, 16/04/2001. Voir également ONU- CDH, La mondialisation et ses effets sur la pleine jouissance des droits de l’homme, Résolution de la Commission des droits de l’homme, 2003/23, 55e séance, 22 avril 2003. Adoptée par 38 voix contre 15.
[14] WTO - The Relationship Between Trade and Debt. Working Group on Trade, Debt and Finance, Note by Secretariat, 12 september 2002, (02-4824), § 4.
[15] Idem, § 9.
[16] OMC- Groupe de travail du commerce, Les effets de l’instabilité financière et de la volatilité sur les échanges, les finances et le développement, Communication de la CNUCED, WT/WGTDF/W/5, 26 juin 2002, (02-3544), § 19.
[17] OMC- Groupe de travail du commerce, de la dette et des finances, Amélioration de l’accès au financement du commerce, WT/WGTDF/W/23, 25 mars 2004, (04-1374), Note du Secrétariat, § 12.
[18] Déclaration de Doha, § 5.
[19] OMC- Fonds Monétaire International, Banque Mondiale et Organisation Mondiale du commerce, Rapport du directeur général du FMI, du Président de la Banque Mondiale et du directeur général de l’OMC sur la cohérence, WT/GC/13, 19 octobre 1998, p.14.
[20] Idem.
[21] OMC- Cohérence dans l’élaboration des politiques économiques au niveau mondial. Coopération de l’OMC avec le FMI et la Banque Mondiale, Rapport du directeur général, 10 octobre 2001, § 12.
[22] OMC - Communication du FMI, Perspectives de l’économie mondiale, WT/WGTDF/W/13, 30 septembre 2002, § 12.
[23] OMC - Cohérence dans l’élaboration des politiques économiques au niveau mondial. Coopération de l’OMC avec le FMI et la Banque Mondiale, Rapport (1999) du Directeur général, WT/TF/COH/S/3 21 octobre 1999, (99-4573), Add. I 59éme réunion du Comité du développement (Comité ministériel conjoint des Conseils des gouverneurs de la Banque mondiale et du FMI), Déclaration de M. Renato Ruggiero, Coordination des politiques dans l’économie mondiale. Rapports entre le commerce, la finance et le développement et nouvelles négociations de l’OMC, p. 7. Add. II , 60e réunion du Comité du développement (Comité ministériel conjoint des Conseils des gouverneurs de la Banque Mondiale et du FMI), 27 septembre 1999, Déclaration de Mike Moore, p.12-13.
[24] OMC- Cohérence dans l’élaboration des politiques économiques au niveau mondial. Coopération de l’OMC avec le FMI et la Banque mondiale, Rapport (1999) du Directeur général, WT/TF/COH/S/3 21 octobre 1999, (99-4573, Add. II 60e réunion du Comité du développement (Comité ministériel conjoint des Conseils des gouverneurs de la Banque mondiale et du FMI), 27 septembre 1999, Déclaration de Mike Moore, p.12-13.
[25] OMC- Fonds Monétaire International, Banque mondiale et Organisation Mondiale du Commerce, Rapport du directeur général du FMI, du Président de la Banque Mondiale et du Directeur général de l’OMC sur la cohérence, WT/GC/13, 19 octobre 1998, § 3.
[26] OMC- C-TN, Consejo general, Reunión sobre la coherencia en la formulación de la política económica a escala mundial y la cooperación entre la OMC, el FMI y el BM, 13 de mayo 2003, p. 4 (c’est moi qui traduis).
[27] Idem.
[28] OMC- Fonds Monétaire International, Banque Mondiale et Organisation Mondiale du commerce, Rapport du directeur général du FMI, du Président de la Banque Mondiale et du Directeur général de l’OMC sur la cohérence, WT/GC/13, 19 octobre 1998, p.3.
[29] Ibid. § 4.
[30] Approuvés par le Conseil général à sa réunion des 7, 8 et 15 novembre 1996, OMC- Accords entre l’OMC et le FMI et la Banque Mondiale, WT/L/194 ( 96-4878) 18 novembre 1996.
[31] OMC- Groupe de travail du commerce, de la dette et des finances, Les effets de l’instabilité financière et de la volatilité sur les échanges, les finances et le développement, WT/WGDTF/W/5/Rev. 1, 31 juillet 2002 (02-4229), § 15.
[32] Idem.
[33] Cons., ONU -CDH, Droits économiques, sociaux et culturels, L’initiative des pays pauvres très endettés (PPTE). Evaluation des cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté (CSLP) dans l’optique des droits de l’homme, Rapport de Fantu Cheru, Effets des politiques d’ajustement structurel et dette extérieure sur la jouissances effective de tous les droits de l’homme, E/CN/:2001/56, 18 janvier 2001, § 21-30.
[34] OMC- Groupe de travail du commerce, de la dette et des finances, Les effets de l’instabilité financière et de la volatilité sur les échanges, les finances et le développement, WT/WGTDF/W/5, 26 juin 2002, Ibid., § 19.
[35] UNDP, Human Development Report : Deepening Democracy in a Fragmented World, New York, Oxford, 2002, p.112-117.
[36] Rapport final présenté par J. Oloka Onyango et Deepika Udagama, Ibid., § 28.
[37] OMC- Groupe de travail du commerce, de la dette et des finances, Les effets de l’instabilité financière et de la volatilité sur les échanges, les finances et le développement, WT/WGDTF/W/5/Rev. 1, 31 juillet 2002 (02-4229), §15
[38] J. Stiglitz dans La grande désillusion tente, sans convaincre, de séparer les rôles respectifs de la Banque et du FMI. Il tire à boulets rouges sur le FMI tout en ménageant la Banque.
[41] Certains avanceront pour contrer cette argumentation l’exemple de la Chine. La Chine maintient un important solde positif de sa balance commerciale. Elle exporte plus vers les pays de la Triade (à commencer par les Etats-Unis) et le reste du monde qu’elle n’en importe. Son endettement extérieur relativement modéré vu la taille de l’économie ne constitue pas, toutes choses restant égales, un grave problème car elle dispose d’une épargne très importante principalement en dollars. La Chine et le Japon sont en termes relatifs les principaux détenteurs de bons du Trésor des Etats-Unis. Bref, la Chine est créancière des Etats-Unis. La dette extérieure publique de la Chine est grosso modo équivalente aux créances qu’elle détient sur les Etats-Unis sous forme de bons du Trésor. Selon l’Union des Banque Suisses et l’OCDE, en juin 2003, la Chine, le Japon, Hongkong et la Corée du Sud détenaient ensemble pour 696 milliards de dollars de bons du Trésor des Etats-Unis. L’exemple de la Chine ne contredit pas l’argumentation de l’auteur. Car la Chine a une insertion très particulière dans le marché mondial. Elle maintient de très importantes protections à l’égard du marché mondial et la taille de son marché intérieur est considérable. Le danger pour la Chine est que ses autorités acceptent de se plier aux exigences du trio Banque mondiale / FMI / OMC en abandonnant le contrôle sur les mouvements de capitaux, en rendant convertible sa monnaie, en libérant le contrôle sur les investissements et en supprimant ses barrières douanières. Toutes ses mesures sont demandées par l’UE, les Etats-Unis, le Japon et sont relayées par le trio. L’avenir nous montrera que si le processus de restauration capitaliste en cours en Chine se combine avec l’application du Consensus de Washington, les effets négatifs des politiques néolibérales - déjà perceptibles - prendront une ampleur dramatique pour une partie majoritaire de la population.
[42] Ioukos est la principale entreprise pétrolière russe qui a annoncé la fusion avec Sibneft, autre pétrolier russe. La fusion pourrait faire de la nouvelle entité la quatrième société pétrolière mondiale. Une autre journaliste du Monde, Sophie Shihab, sous-titre ainsi son article du 6 août 2003 : « Le groupe Ioukos, un des plus influents et des moins opaques (sic) du capitalisme à la russe, est la cible des attaques du parquet qui l’accuse de vol, meurtre et évasion fiscale. Vladimir Poutine joue sur la fibre populiste auprès d’une opinion qui réclame une révision des privatisations. »
[43] A propos de l’attitude du Trésor des Etats-Unis en matière de commerce international, Joseph Stiglitz mentionne un épisode piquant remontant à l’époque où il était conseiller du président W. Clinton. Il dénonce Paul O’Neill qui a été Secrétaire d’Etat au Trésor sous la présidence de G. W. Bush (P. O’Neill a été remplacé par J. Snow en décembre 2002). En 1994, alors qu’il était directeur de la transnationale ALCOA, productrice d’aluminium, il a mis en place avec la Russie un cartel des producteurs d’aluminium afin de limiter la baisse du prix de ce produit sur le marché mondial (ibidem, p. 229 à 231).
[44] La partie consacrée à Timor oriental a été écrite à la suite d’un séjour dans l’île. L’auteur s’est rendu du 18 au 23 mars 2003 à Dili, capitale du Timor Oriental, pour répondre à une invitation du ministère de la Planification et des Finances ainsi que de l’Université nationale. Il était accompagné d’une responsable de Focus on the Global South dont le siège est à Bangkok. Les institutions invitantes voulaient recevoir une formation critique sur la Banque mondiale et les politiques qu’elle recommande. Une formation a été donnée aux cadres supérieurs du ministère de la Planification et des Finances ainsi qu’aux étudiants et professeurs de l’Université nationale. Le séjour a été également l’occasion de rencontrer des mouvements citoyens, des organisations sociales, la représentante plénipotentiaire de la Banque mondiale et son collègue du FMI.
[45] Plus de 15% de la population est atteinte du virus du sida et l’on prévoit d’ici 2010, une perte de 17 années d’espérance de vie.
[46] Ecrit le 19 octobre 2003, deux jours après la démission du Président Gonzalez de Lozada et sa fuite en hélicoptère vers Miami.
[47] Le gouvernement était conseillé à l’époque par l’économiste Jeffrey Sachs qui, une douzaine d’années plus tard, est devenu un critique virulent du FMI et de la Banque. En 2003, Jeffrey Sachs défendait cependant le programme appliqué en Bolivie en 1985 (voir le FT, 9/04/2003).
Docteur en sciences politiques des universités de Liège et de Paris VIII, porte-parole du CADTM international et membre du Conseil scientifique d’ATTAC France.
Il est l’auteur des livres, Banque mondiale - Une histoire critique, Syllepse, 2022, Capitulation entre adultes : Grèce 2015, une alternative était possible, Syllepse, 2020, Le Système Dette. Histoire des dettes souveraines et de leur répudiation, Les liens qui libèrent, 2017 ; Bancocratie, ADEN, Bruxelles, 2014 ; Procès d’un homme exemplaire, Éditions Al Dante, Marseille, 2013 ; Un coup d’œil dans le rétroviseur. L’idéologie néolibérale des origines jusqu’à aujourd’hui, Le Cerisier, Mons, 2010. Il est coauteur avec Damien Millet des livres AAA, Audit, Annulation, Autre politique, Le Seuil, Paris, 2012 ; La dette ou la vie, Aden/CADTM, Bruxelles, 2011. Ce dernier livre a reçu le Prix du livre politique octroyé par la Foire du livre politique de Liège.
Il a coordonné les travaux de la Commission pour la Vérité sur la dette publique de la Grèce créée le 4 avril 2015 par la présidente du Parlement grec. Cette commission a fonctionné sous les auspices du parlement entre avril et octobre 2015.
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Eric Toussaint : “Les crises font partie du métabolisme du système. Transformer les banques en services publics”14 avril, par Eric Toussaint , Lode Vanoost
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3 avril, par Eric Toussaint , Collectif , Olivier Bonfond , Christine Pagnoulle , Paul Jorion , Jean-François Tamellini , Zoé Rongé , Économistes FGTB , Nadine Gouzée
3 avril, par CADTM , Eric Toussaint , Collectif , Anaïs Carton