Les 20 ans du CADTM

8 décembre 2010




Fondé en Belgique le 15 mars 1990, cela fait 20 ans que le CADTM milite sur tous les continents au côté d’hommes et de femmes qui se battent pour l’émancipation des peuples contre l’impérialisme, le néocolonialisme, le capitalisme et le patriarcat, en prenant comme angle d’attaque la dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
. Le CADTM a fêté cette formidable aventure, du 24 novembre au 1er décembre 2010 en Belgique, avec une série d’activités publiques en présence de représentants des organisations de son réseau international.

Le CADTM a organisé pour l’occasion une conférence-débat, suivie d’une soirée conviviale, en présence des membres du réseau CADTM international, de Pierre Galand (président du Centre d’Action Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
Laïque, CAL) , de Francois Houtart (fondateur du Centre Tricontinental et de la revue Alternatives Sud), d’Arnaud Zacharie (secrétaire général du CNCD) et bien d’autres intervenants, cette journée a permis de découvrir l’histoire et l’actualité du CADTM, celles de la lutte contre la dette et plus largement, du mouvement altermondialiste, des pays et organisations membres du réseau international CADTM. 
A l’occasion de cette journée, un hommage a été rendu à Jos Geudens (1947-2010) co-fondateur du CADTM et à Denise Comanne (1949-2010), co- fondatrice du CADTM, féministe engagée dans les luttes locales et internationales contre le capitalisme, le racisme et le patriarcat.

Retrouvez ci-dessous les interventions, photos et videos de cet anniversaire !

Le CADTM a fêté ses 20 ans, le 27 novembre 2010 à Bruxelles. Avec entre autres :

Aminata Touré Barry (CAD Mali), Abdul Khalik (CADTM et Labour Party Pakistan), François Houtart (Centre Tricontinental), Eric Toussaint (CADTM Belgique), Gus Massiah (Forum Social Mondial), Olivier Bonfond et Myriam Bourgy (CADTM Belgique), Emilie Atchaka (Bénin), Arnaud Zacharie (CNCD), Jawad Moustakbal (Attac-CADTM Maroc)



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Réalisation : Chris Den Hond, durée : 11 min.

Ouverture par un hommage à Jos Geudens (1947-2010) et à Denise Commane (1949-2010)

Hommage à Denise Comanne par Aminata Tourre Barry (Mali), Pierre Galand, Gus Massiah, Eric Toussaint.



Réalisation : Chris Den Hond, durée : 3 min.

1er Panel : Aux origines du combat contre la dette du tiers-monde



Les intervenant-e-s reviennent sur leur engagement contre la dette dans les années 80/début 90 et expliquent de façon concise le problème de la dette, des IFI.

Avec Éric Toussaint (Fondateur du CADTM et Président du CADTM Belgique), Pierre Galand (Président du Centre d’action Laïque), Gus Massiah (membre du conseil scientifique d’ATTAC France).

Pierre Galand (Président du Centre d’action Laïque)

Gus Massiah (membre du conseil scientifique d’ATTAC France)

Hommage à Denise Comanne par Gus Massiah

2e panel : Abolir la dette pour libérer le développement



Les intervenant-e-s reviennent sur la campagne Dakar 2000 et la campagne du CNCD/CADTM en Belgique pour finir sur la situation en Belgique aujourd’hui.

Avec Arnaud Zacharie (Secrétaire général du CNCD) et Paola Peebles (Responsable des campagnes pour Amnesty International Belgique)

Arnaud Zacharie (Secrétaire général du CNCD)

Paola Peebles (Responsable des campagnes pour Amnesty International Belgique)

Projection du film « Le salaire de la dette » avec la participation du réalisateur Jean-Pierre Carlon




le salaire de la dette 2/3

Plus d’infos :Les Productions du Lagon

3e panel : Les luttes au Sud contre la dette



Les intervenant(e)s présentent la lutte contre la dette dans leurs pays respectifs.

Avec Abdul Khaliq (CADTM Pakistan), Maria Elena Saludas (ATTAC Argentine) et Maria Lucia Fattorelli (Audit Citoyen de la Dette, Brésil), Mimoun Rahmani (ATTAC-CADTM Maroc).

Abdul Khaliq, CADTM Pakistan (ANG)

Maria Elena Saludas, ATTAC-CADTM Argentina (ESP)

Maria Lucia Fatorelli, Auditoria de la divida cuidadana (ESP)

Mimoun Rahmani, ATTAC-CADTM Maroc

 4e panel : L’annulation de la dette au cœur du mouvement altermondialiste

Les intervenant(e)s font le lien entre la dette et les autres thématiques altermondialistes, les mouvements sociaux, les liens avec la dette au Nord, etc.

Avec François Houtart (militant de la cause du Tiers-Monde, fondateur du centre tricontinental – CETRI) et Eric Toussaint.|

Discours de François Houtart, centre tricontinental




Réalisation : Chris Den Hond, durée : 7 min.

Discours d’Eric Toussaint




Réalisation : Chris Den Hond, durée : 15 min.

19h10 : Musique ! Avec le groupe de musique du Monde Tant pis pour les voisins !

Le CADTM vous invite également à consulter les interventions issues du 9e Séminaire international sur la dette et les droits humains, et de la formation « Dette publique dans les pays du Nord : Et si on demandait des comptes ? », tenus à l’occasion de cette semaine d’activités

 Contributions des membres du réseau CADTM au numéro spécial « 20 ans » de la revue Les autres voix de la planète
Feuilletez l’integralité de la revue ici !

 Lire l’article d’Eric Toussaint, « Le CADTM a 20 ans, vive le CADTM ! »

C’est à l’initiative de VAK que les contacts ont commencé avec le CADTM en 1998. La collaboration n’a cessé de se renforcer depuis et VAK joue un rôle important pour renforcer la présence du CADTM en Asie du Sud. Qu’est-ce que votre adhésion au CADTM vous apporte ? Quel rôle joue VAK dans le réseau CADTM ?

VAK et le CADTM entretiennent depuis plus de 10 ans une relation dynamique, basée sur des valeurs et une analyse de la réalité socio-politique communes. Cette relation s’est enrichie au travers d’interactions mutuelles, de l’organisation commune d’activités, de campagnes et de séminaires en Asie du Sud, afin de sensibiliser sur la dette en tant que mécanisme subtil de néocolonisation qui entrave toute perspective de développement humain substantiel en Asie du Sud.

Ces séminaires ont permis de développer un front contre la dette en Asie du Sud, visant à renforcer les solidarités entre des mouvements sociaux et des individus qui partagent l’objectif de lutter pour la justice et de construire des résistances populaires contre les forces de la mondialisation Mondialisation (voir aussi Globalisation)
(extrait de F. Chesnais, 1997a)
Jusqu’à une date récente, il paraissait possible d’aborder l’analyse de la mondialisation en considérant celle-ci comme une étape nouvelle du processus d’internationalisation du capital, dont le grand groupe industriel transnational a été à la fois l’expression et l’un des agents les plus actifs.
Aujourd’hui, il n’est manifestement plus possible de s’en tenir là. La « mondialisation de l’économie » (Adda, 1996) ou, plus précisément la « mondialisation du capital » (Chesnais, 1994), doit être comprise comme étant plus - ou même tout autre chose - qu’une phase supplémentaire dans le processus d’internationalisation du capital engagé depuis plus d’un siècle. C’est à un mode de fonctionnement spécifique - et à plusieurs égards important, nouveau - du capitalisme mondial que nous avons affaire, dont il faudrait chercher à comprendre les ressorts et l’orientation, de façon à en faire la caractérisation.

Les points d’inflexion par rapport aux évolutions des principales économies, internes ou externes à l’OCDE, exigent d’être abordés comme un tout, en partant de l’hypothèse que vraisemblablement, ils font « système ». Pour ma part, j’estime qu’ils traduisent le fait qu’il y a eu - en se référant à la théorie de l’impérialisme qui fut élaborée au sein de l’aile gauche de la Deuxième Internationale voici bientôt un siècle -, passage dans le cadre du stade impérialiste à une phase différant fortement de celle qui a prédominé entre la fin de Seconde Guerre mondiale et le début des années 80. Je désigne celui-ci pour l’instant (avec l’espoir qu’on m’aidera à en trouver un meilleur au travers de la discussion et au besoin de la polémique) du nom un peu compliqué de « régime d’accumulation mondial à dominante financière ».

La différenciation et la hiérarchisation de l’économie-monde contemporaine de dimension planétaire résultent tant des opérations du capital concentré que des rapports de domination et de dépendance politiques entre États, dont le rôle ne s’est nullement réduit, même si la configuration et les mécanismes de cette domination se sont modifiés. La genèse du régime d’accumulation mondialisé à dominante financière relève autant de la politique que de l’économie. Ce n’est que dans la vulgate néo-libérale que l’État est « extérieur » au « marché ». Le triomphe actuel du « marché » n’aurait pu se faire sans les interventions politiques répétées des instances politiques des États capitalistes les plus puissants (en premier lieu, les membres du G7). Cette liberté que le capital industriel et plus encore le capital financier se valorisant sous la forme argent, ont retrouvée pour se déployer mondialement comme ils n’avaient pu le faire depuis 1914, tient bien sûr aussi de la force qu’il a recouvrée grâce à la longue période d’accumulation ininterrompue des « trente glorieuses » (l’une sinon la plus longue de toute l’histoire du capitalisme). Mais le capital n’aurait pas pu parvenir à ses fins sans le succès de la « révolution conservatrice » de la fin de la décennie 1970.
, par-delà les frontières.

VAK publie également en anglais la plupart des livres de Damien Millet et Eric Toussaint afin de toucher un public anglophone. Le fait de proposer des ouvrages a eu un impact considérable sur le développement de contre-discours au mythe dominant selon lequel « il n’y a pas d’alternatives au FMI FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.

À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).

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et à la Banque mondiale Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.

En 2022, 189 pays en sont membres.

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 ».

Le CADTM, et particulièrement Eric Toussaint et Denise Comanne, ont joué un rôle très important, graĉe leurs apports en termes d’analyses et de stratégies d’action, afin de renforcer notre compréhension de la dette du tiers-monde et de développer nos stratégies de campagne. Au-delà des relations organisationelles qui bénéficient mutuellement à VAK et au CADTM, une amitié très forte s’est tissée, au fil des ans, entre Eric et Denise et ma femme Mercy et moi. Ces relations personnelles ont fortement contribué à renforcer notre engagement en faveur de la justice pour tous-tes.

Ajit Muricken, Vikas Adhyayan Kendra (VAK), Inde

Vous venez de participer à la création en Grèce du Comité contre la dette. En quoi votre participation antérieure à des activités du CADTM vous a-t-elle aidé à franchir ce pas ?

L’élément déterminant pour que l’on prenne conscience de l’importance capitale de la question de la dette a été notre participation à la première Université d’été du CADTM en juillet 2009. Evidemment, à cette date, on ne pouvait pas imaginer que le problème de la dette publique, traditionnellement réservé aux pays du tiers-monde, allait très bientôt servir dans notre pays, la Grèce, comme prétexte au déclenchement d’une vraie guerre des riches contre les pauvres et les salariés. On peut donc dire sans difficulté que le CADTM nous a non seulement aidé à comprendre plus vite que les autres l’explosion du problème de la dette au Nord, mais aussi incité à penser la réaction à ce problème en termes de mouvement international et internationaliste de ceux d’en bas. Car nous sommes plus que jamais convaincus qu’il n’y aura de salut que dans et par la lutte commune, au-delà des frontières.

Sonia et Yorgos Mitralias, Comité contre la dette, Grèce
Le travail du CADTM Pakistan vient de prendre de l’ampleur suite à la catastrophe naturelle qui a frappé ton pays en août 2010. En quoi la participation au CADTM international vous a-t-elle aidé à intervenir auprès de l’opinion publique pakistanaise ?

Suite aux inondations qui ont dévasté le pays, le CADTM Pakistan a lancé une campagne pour l’annulation de la dette du Pakistan. Le réseau CADTM nous a aidé à faire connaître le cas du Pakistan au niveau international en produisant et en diffusant des analyses et des appels en faveur de nos revendications. Par ailleurs, nous nous appuyons sur les analyses du réseau pour étayer notre argumentation pour l’annulation de la dette auprès des médias locaux et de nos listes de contacts emails. Tout cela nous aide à porter la dette au rang des problématiques majeures de développement au Pakistan. Le CADTM international a également lancé un appel à la solidarité financière afin de nous permettre de renforcer nos actions en faveur de l’annulation de la dette auprès de la population pakistanaise.

Abdul Khaliq, CADTM Pakistan
En quoi est-ce important pour ton organisation principalement composée de femmes de faire partie du réseau CADTM international ?
Qu’est-ce que cette adhésion vous apporte ? Qu’est-ce que vous apportez au CADTM ?


Cela a été très important pour nous, femmes du CADD, d’intégrer le réseau. Le CADTM travaille sur les enjeux mondiaux et principalement sur la dette. Les conséquences de la dette enlisent les femmes de notre pays dans la pauvreté ; il est donc très important pour nous de faire le lien entre ce que vivent les femmes quotidiennement et la dette du Bénin.
Le réseau CADTM nous permet de nous former, de nous informer, et de faire le lien entre nos realités locales et les politiques néolibérales globales. Ainsi, nous relayons les enjeux mondiaux en nous mobilisant au niveau local. Nous renforçons également nos capacités par les exposés que nous présentons au réseau. Enfin, nous apportons aux militant-e-s du réseau le vécu de notre combat quotidien, les informations issues de la base.

Emilie Atchaka, Cercle d’Autopromotion pour le Développement Durable (CADD), Bénin
Tu insistes régulièrement sur la nécessité de renforcer des sujets sociaux afin qu’ils soient les acteurs du changement politique et social, quel doit être le rôle du CADTM à ce niveau-là ?

Face à la nouvelle offensive du capital, la résistance populaire est encore faible, excepté dans la région latino-américaine et caribéenne qui connaît des expériences de changements politiques. Face à cette nouvelle situation historique, le CADTM doit poursuivre dans la voie dans laquelle il s’est engagé jusqu’ici, c’est à dire contribuer à la constitution de sujets sociaux, critiques et engagés, qui soient protagonistes des processus de transformation.

Quel est, pour toi, le défi principal que doit relever le réseau CADTM, 20 ans après sa création et après une décennie de Forum sociaux ?

Le principal défi du CADTM est de contribuer à renforcer les luttes spécifiques, concrètes, et de continuer à soutenir le développement d’initiatives émancipatrices à l’échelle internationale. Aider à fixer des agendas d’actions collectives et des stratégies communes. Débattre et aider à la construction d’alternatives issues des expériences accumulées par les résistances. Et, de cette manière, avancer dans la recherche d’autres paradigmes, centrés sur l’égalité, le buen vivir (bien-vivre), les principes de solidarité, de complémentarité et d’harmonie avec la nature.

Maria Elena Saludas, ATTAC Argentine
Toi qui as été un des artisans de « Dakar 2000. Afrique : des résistances aux alternatives », veux-tu expliquer le rôle qu’a joué le CADTM tant dans la conception que dans l’organisation de cette importante rencontre internationale.

Ensuite quelles ont été les retombées de cette rencontre au Sénégal et au-delà ?

La Conférence de Dakar 2000, tenue en décembre 2000, a été une première dans la mise en synergie des mouvements sociaux qui travaillent sur la dette. Le Conseil des ONG au Sénégal (CONGAD) a été chargé de l’organisation et un Comité international a été mis en place, avec la participation, entre autres organisations, du CADTM, du CNCD (Coupole des ONG belges) et de Jubilé Sud. Cette conférence, première rencontre internationale en Afrique sur la dette, a été un succès dans lequel le CADTM a joué un grand rôle. Ce fut un rôle de pionnier, d’éclaireur et d’avant-garde politique. Concernant les activités de la Conférence, il faut en ce sens rappeler le Tribunal des femmes contre la Banque mondiale et le FMI, sur l’endettement de l’Afrique. Ce tribunal a été repris lors d’une des éditions du Forum social mondial à Porto Alegre.
A cette époque, beaucoup de personnes n’avaient pas encore tous les détails sur l’endettement de l’Afrique. Au cours des voyages d’Éric Toussaint, nous avons tenu des conférences publiques et donné des interviews à la presse, qui ont permis de sensibiliser et de former sur cette thématique.

La Conférence de Dakar a eu de larges répercussions et des retombées significatives au Sénégal et en Afrique. Au Sénégal, une structure formelle sur la dette a été formée : le CADTM Sénégal. Depuis lors, les ONG, syndicats et mouvements sociaux ont intégré cette question dans leurs activités. En Afrique, beaucoup de gens ne savent pas que le Forum des peuples qui se tient au Mali chaque année est une résultante de la rencontre de Dakar en 2000. Depuis, les mouvements qui n’ont cessé d’acculer les IFI et les États complices ont obtenu des victoires importantes sur la question, même si la guerre reste à gagner. Mais, plus que jamais, nous sommes convaincus qu’il faut annuler la dette, pour libérer le développement. La lutte continue !

Mignane Diouf, CADTM Sénégal

Pourquoi ATTAC Maroc a-t-elle adhéré au CADTM ? En quoi est-ce important pour une organisation agissant dans le monde arabe de faire partie du CADTM ?

Depuis sa création en juillet 2000, ATTAC Maroc est considérée comme un espace de réflexion critique permettant de déchiffrer les mécanismes et conséquences de l’offensive néolibérale sur notre propre réalité sociale dans les différents terrains où elle s’exerce. ATTAC lutte pour « une autre mondialisation, loin de toute logique de repli, fondée sur la solidarité entre les peuples pour que demain soit synonyme de justice sociale, de démocratie, de dignité, de développement solidaire dans un monde qui soit autre chose qu’un marché ». [Extrait de la plate-forme d’ATTAC Maroc]. C’est dans ce contexte que s’inscrit notre lutte pour l’annulation de la dette du tiers-monde, et c’est ainsi que la dette a été et est toujours au centre de nos préoccupations. D’où notre intérêt pour le travail que réalise le réseau CADTM.

Le groupe local d’ATTAC à Agadir (ville au sud du Maroc) a été le premier à adhérer au CADTM. C’est à partir du Congrès national extraordinaire de 2005 qu’ATTAC Maroc adhère, en tant que tel, au CADTM international. Le réseau CADTM est connu par son analyse critique (voire radicale) des politiques néolibérales, notamment en matière de dette, d’ajustement structurel et sur les IFI. L’adhésion d’ATTAC Maroc à ce réseau ne peut que renforcer sa position et sa lutte.

Quelles sont, selon toi, les principales forces et faiblesses du réseau CADTM ? Et comment pallier ces faiblesses ?

Le premier point fort du CADTM est sa capacité d’analyse critique des politiques ultralibérales dictées par les institutions internationales (FMI, BM, OMC OMC
Organisation mondiale du commerce
Créée le 1er janvier 1995 en remplacement du GATT. Son rôle est d’assurer qu’aucun de ses membres ne se livre à un quelconque protectionnisme, afin d’accélérer la libéralisation mondiale des échanges commerciaux et favoriser les stratégies des multinationales. Elle est dotée d’un tribunal international (l’Organe de règlement des différends) jugeant les éventuelles violations de son texte fondateur de Marrakech.

L’OMC fonctionne selon le mode « un pays – une voix » mais les délégués des pays du Sud ne font pas le poids face aux tonnes de documents à étudier, à l’armée de fonctionnaires, avocats, etc. des pays du Nord. Les décisions se prennent entre puissants dans les « green rooms ».

Site : www.wto.org
) et de propositions d’alternatives radicales au système dominant. Les productions du réseau (livres, revue, brochures, articles, vidéos, site internet…) en témoignent. La dette constitue, bien sûr, l’angle d’attaque. Partant de ses outils, le CADTM peut être considéré comme une véritable école de formation des militants qui luttent contre la dette et les IFI et, d’une manière générale, pour un autre monde plus juste et solidaire. Les militants du CADTM sont d’ailleurs très sollicités pour animer des conférences, séminaires et débats à différentes échelles.

Le réseau CADTM se caractérise également par sa structure très souple qui a montré son efficacité. Le secrétariat international joue dans ce cadre un rôle fondamental de communication et de collaboration entre les différentes organisations membres. Doté depuis deux ans d’une charte politique et d’une charte de fonctionnement, le CADTM international est désormais structuré en réseaux continentaux, ce qui ne peut que renforcer son action et sa visibilité.
Vu la complexité des questions analysées par le CADTM, il n’est pas aisé de rendre son « discours » facilement compréhensible pour les couches sociales les plus démunies, les plus touchées par les ravages de la mondialisation néolibérale. Il s’avère alors nécessaire de développer des moyens de sensibilisation plus accessibles tels que le théâtre, les ciné-clubs, la musique engagée, la radio, etc.

Il est souhaitable aussi de penser à l’élargissement du réseau, en particulier vers la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, une zone qui constitue le maillon faible du CADTM, même si pour la plupart des mouvements sociaux arabes, des thèmes autres que la dette sont considérés comme prioritaires, tels que la guerre et les problèmes sociaux... quoique la dette est justement une des causes directes ou, au moins, un facteur aggravant de ces problèmes.

Mimoun Rahmani, membre du comité scientifique d’ATTAC Maroc, membre de la coordination du réseau CADTM Afrique

Qu’est-ce que le réseau CADTM apporte à ATTAC Japon ?

La rencontre entre le CADTM et les activistes d’Attac Japon fut postérieure à la campagne mondiale Jubilée 2000.

A Porto Alegre en janvier 2005, j’ai trouvé un stand de livres sur la dette derrière le hall où se tenait l’Assemblée des mouvements sociaux. Je pris un livre intitulé 50 questions/50 réponses sur la dette, le FMI et la Banque mondiale et m’adressai à une dame : « Y-a-t-il une traduction en japonais de cet ouvrage ? ». Denise Comanne me répondit « Non » (je ne savais alors pas encore qu’il s’agissait de Denise Comanne). J’achetai le livre et le lus intégralement lors du vol de retour vers le Japon. Ce fut notre premier contact avec le CADTM. Les militants d’ATTAC Japon ont ensuite traduit le livre en japonais afin de conscientiser à nouveau le public sur la question des dettes illégitimes. Nous nous impliquions pleinement à traiter cette problématique. Depuis lors, nous sommes restés en relation avec le CADTM, en plus des contacts que nous entretenions déjà avec l’APMDD (Mouvement Asie-Pacifique sur la dette et le développement), ce qui a vraiment aidé à ATTAC Japon à se saisir d’informations importantes, d’outils utiles, de contacts à l’étranger, et à participer à des discussions ou activités internationales sur l’annulation des dettes illégitimes.

Yoko Akimoto, ATTAC Japon

En quoi est-ce important pour ton organisation principalement composée de femmes de faire partie du réseau CADTM international ?
Qu’est-ce que cette adhésion vous apporte ? Qu’est-ce que vous apportez au CADTM ?


L’UFDH milite pour les droits des femmes et le respect de la dignité humaine, et s’inscrit en cela pleinement dans le combat du CADTM, qui considère comme partie intégrante de ses objectifs et revendications l’émancipation des femmes.

La femme congolaise vit aujourd’hui dans des conditions d’insécurité sociale et alimentaire insupportables. De nombreuses femmes congolaises sont victimes de violences et de viols. L’économie de la famille repose principalement sur la femme, qui travaille dans les champs, se débrouille pour nourrir ses enfants, leur payer des études ou des soins médicaux. La femme kasaïenne1 n’accède ni aux ressources naturelles (alimentation, eau, énergie, terre, semence) ni aux ressources financières (exclusion de la femme de l’héritage, sans revenu propre). Nombre de femmes, dont le travail n’est ni comptabilisé ni rémunéré, sont exclues des circuits économiques. En revanche, celle qui travaille va payer 30% de son salaire annuel au titre de l’impôt sur le revenu. Cet argent va directement dans les caisses du Trésor public et sert à payer les créanciers. La femme congolaise qui travaille dans la fonction publique touche moins de 50 dollars par mois, au moment où plus de 600 millions de dollars sont consacrés au paiement de la dette chaque année ! Ce système patriarcal capitaliste, dont la dette occupe une place centrale, nous condamne à mener une vie inhumaine et indigne.

Dans ces conditions, adhérer au CADTM nous aide à renforcer notre lutte. J’ai beaucoup appris du CADTM. Avant, je voyais les interventions des institutions financières internationales (IFI) comme des dons, généreusement octroyés par ces banques ! Aujourd’hui, nous avons une meilleure compréhension des IFI et du rôle clé qu’elles occupent au sein du capitalisme mondial. Grâce au CADTM, je suis maintenant familiarisée avec des concepts juridiques tels que la dette odieuse Dette odieuse Selon la doctrine, pour qu’une dette soit odieuse, et donc nulle, elle doit remplir deux conditions :
1) Elle doit avoir été contractée contre les intérêts de la Nation, ou contre les intérêts du Peuple, ou contre les intérêts de l’État.
2) Les créanciers ne peuvent pas démontrer qu’ils ne pouvaient pas savoir que la dette avait été contractée contre les intérêts de la Nation.

Il faut souligner que selon la doctrine de la dette odieuse, la nature du régime ou du gouvernement qui la contracte n’est pas particulièrement importante, puisque ce qui compte, c’est l’utilisation qui est faite de cette dette. Si un gouvernement démocratique s’endette contre l’intérêt de la population, cette dette peut être qualifiée d’odieuse, si elle remplit également la deuxième condition. Par conséquent, contrairement à une version erronée de cette doctrine, la dette odieuse ne concerne pas seulement les régimes dictatoriaux.
(voir : Eric Toussaint, « La Dette odieuse selon Alexander Sack et selon le CADTM » ).

Le père de la doctrine de la dette odieuse, Alexander Nahum Sack, dit clairement que les dettes odieuses peuvent être attribuées à un gouvernement régulier. Sack considère qu’une dette régulièrement contractée par un gouvernement régulier peut être considérée comme incontestablement odieuse... si les deux critères ci-dessus sont remplis.

Il ajoute : « Ces deux points établis, c’est aux créanciers que reviendrait la charge de prouver que les fonds produits par lesdits emprunts avaient été en fait utilisés non pour des besoins odieux, nuisibles à la population de tout ou partie de l’État, mais pour des besoins généraux ou spéciaux de cet État, qui n’offrent pas un caractère odieux ».

Sack a défini un gouvernement régulier comme suit :
« On doit considérer comme gouvernement régulier le pouvoir suprême qui existe effectivement dans les limites d’un territoire déterminé. Que ce pouvoir soit monarchique (absolu ou limité) ou républicain ; qu’il procède de la « grâce de Dieu » ou de la « volonté du peuple » ; qu’il exprime la « volonté du peuple » ou non, du peuple entier ou seulement d’une partie de celui-ci ; qu’il ait été établi légalement ou non, etc., tout cela n’a pas d’importance pour le problème qui nous occupe. »

Donc, il n’y a pas de doute à avoir sur la position de Sack, tous les gouvernements réguliers, qu’ils soient despotiques ou démocratiques, sous différentes variantes, sont susceptibles de contracter des dettes odieuses.
, la dette illégitime Dette illégitime C’est une dette contractée par les autorités publiques afin de favoriser les intérêts d’une minorité privilégiée.

Comment on détermine une dette illégitime ?

4 moyens d’analyse

* La destination des fonds :
l’utilisation ne profite pas à la population, bénéficie à une personne ou un groupe.
* Les circonstances du contrat :
rapport de force en faveur du créditeur, débiteur mal ou pas informé, peuple pas d’accord.
* Les termes du contrat :
termes abusifs, taux usuraires...
* La conduite des créanciers :
connaissance des créanciers de l’illégitimité du prêt.
, et en mesure de distinguer les dettes que notre pays peut rembourser et les dettes odieuses qu’il doit absolument répudier. Etre membre du CADTM nous apporte des clés pour comprendre et des outils utiles à notre lutte. Les jeunes de l’association, de même que d’autres jeunes de la communauté, enrichissons nos connaissances grâce au travail réalisé par les membres du réseau (articles, conférences, etc.). Une étudiante membre de UFDH/CADTM a même axé son mémoire de licence en économie sur la dette extérieure de la RDC.

Nous mettons ainsi notre engagement, notre disponibilité et notre expertise au profit de la lutte pour l’annulation de la dette. Notre travail repose sur l’éducation populaire des Congolais : le système capitaliste, les IFI, l’impérialisme ou encore les fonds vautours Fonds vautour
Fonds vautours
Fonds d’investissement qui achètent sur le marché secondaire (la brocante de la dette) des titres de dette de pays qui connaissent des difficultés financières. Ils les obtiennent à un montant très inférieur à leur valeur nominale, en les achetant à d’autres investisseurs qui préfèrent s’en débarrasser à moindre coût, quitte à essuyer une perte, de peur que le pays en question se place en défaut de paiement. Les fonds vautours réclament ensuite le paiement intégral de la dette qu’ils viennent d’acquérir, allant jusqu’à attaquer le pays débiteur devant des tribunaux qui privilégient les intérêts des investisseurs, typiquement les tribunaux américains et britanniques.
sont des thèmes fréquemment abordés et dénoncés. Nous interpellons également les élus afin qu’ils se mobilisent en faveur d’un audit de la dette en RDC.

En quoi est-ce important pour le CADTM de participer aux activités de la Marche mondiale des femmes (MMF Money Market Funds
MMF
Les Money Market Funds (MMF) sont des sociétés financières des États-Unis et d’Europe, très peu ou pas du contrôlées ni réglementées car elles n’ont pas de licence bancaire. Ils font partie du shadow banking. En théorie, les MMF mènent une politique prudente mais la réalité est bien différente. L’administration Obama envisage de les réglementer car, en cas de faillite d’un MMF, le risque de devoir utiliser des deniers publics pour les sauver est très élevé. Les MMF suscitent beaucoup d’inquiétude vu les fonds considérables qu’ils gèrent et la chute depuis 2008 de leur marge de profit. En 2012, les MMF états-uniens maniaient 2 700 milliards de dollars de fonds, contre 3 800 milliards en 2008. En tant que fonds d’investissement, les MMF collectent les capitaux des investisseurs (banques, fonds de pension…). Cette épargne est ensuite prêtée à très court terme, souvent au jour le jour, à des banques, des entreprises et des États.
Dans les années 2000, le financement par les MMF est devenu une composante importante du financement à court terme des banques. Parmi les principaux fonds, on trouve Prime Money Market Fund, créé par la principale banque des États-Unis JP.Morgan, qui gérait, en 2012, 115 milliards de dollars. La même année, Wells Fargo, la 4e banque aux États-Unis, gérait un MMF de 24 milliards de dollars. Goldman Sachs, la 5e banque, contrôlait un MMF de 25 milliards de dollars.
Sur le marché des MMF en euros, on trouve de nouveau des sociétés états-uniennes : JP.Morgan (avec 18 milliards d’euros), Black Rock (11,5 milliards), Goldman Sachs (10 milliards) et des européennes avec principalement BNP Paribas (7,4 milliards) et Deutsche Bank (11,3 milliards) toujours pour l’année 2012. Certains MMF opèrent également avec des livres sterling. Bien que Michel Barnier ait annoncé vouloir réglementer le secteur, jusqu’à aujourd’hui rien n’a été mis en place. Encore des déclarations d’intention...
1. L’agence de notation Moody’s a calculé que pendant la période 2007-2009, 62 MMF ont dû être sauvés de la faillite par les banques ou les fonds de pensions qui les avaient créés. Il s’est agi de 36 MMF opérant aux États-Unis et 26 en Europe, pour un coût total de 12,1 milliards de dollars. Entre 1980 et 2007, 146 MMF ont été sauvés par leurs sponsors. En 2010-2011, toujours selon Moody’s, 20 MMF ont été renfloués.
2 Cela montre à quel point ils peuvent mettre en danger la stabilité du système financier privé.
) ? Quel rôle joue ton organisation dans la MMF, notamment dans la rencontre de Bukavu d’octobre 2010 ?


La MMF est une organisation féministe internationale qui milite contre la pauvreté et les violences faites aux femmes en pointant leurs causes structurelles. L’égalité entre les femmes et les hommes ainsi que la reconnaissance des droits des femmes sont au cœur de son combat. A l’instar du CADTM, la MMF inscrit son action dans la perspective d’un changement économique, social et politique radical, en faveur de la justice sociale et de la souveraineté des peuples. La MMF et le CADTM font cela en renforçant les mouvements sociaux et les réseaux aux niveaux national et international. De fait, les objectifs des deux organisations se rencontrent et se renforcent mutuellement : d’où notre engagement au sein de la MMF afin d’apporter notre analyse en matière d’endettement et de plans d’ajustement structurel, dont les femmes sont les premières victimes.

L’évènement de clôture de la 3e Action internationale de la MMF se tient chez nous, à Bukavu, dans la province du Kasaï Oriental. Dès lors, l’UDFH est le point focal de cette édition. Nous avons mobilisé la population à travers des émissions à la radio et à la télévision, des réunions et des conférences, la production de banderoles, etc. Des femmes aux élu-e-s, nous invitons les Congolais-es à participer massivement à notre lutte.

Yvonne Ngoyi, Union des Femmes pour la Dignité Humaine (UFDH), RDC

Votre organisation a adhéré au CADTM en 2009 alors qu’elle était déjà membre à la fois de Jubilé Sud et de Latindadd, qu’est-ce qui vous a convaincu d’intégrer le réseau CADTM ?

Nous travaillons avec le CADTM depuis le Forum social mondial de Porto Alegre, en janvier 2002, où nous avons réalisé des activités communes. Depuis lors, nous avons collaboré au sein de divers espaces, notamment au sein de la CAIC, la Comission d’Audit intégral de la dette en Equateur.

C’est très important pour l’Audit Citoyen de la Dette d’être membre du CADTM car nous partageons des objectifs communs dans la lutte contre la dette financière, illégale et illégitime, comme mécanisme de domination des peuples du Sud. C’est en outre un honneur de participer au réseau CADTM du fait de la portée internationale de ces actions et de l’importance d’articuler des organisations sociales sérieuses, qui travaillent à changer et transformer la planète en un espace de justice et de respect pour tous les peuples et la nature.

Quel est, selon toi, le défi principal que doit relever le réseau CADTM, 20 ans après sa création et après une décennie de Forum sociaux ?

La proposition de mener un audit de la dette, sur laquelle nous insistons systématiquement lors de rencontres de mouvements sociaux, s’est concrétisée dans plusieurs pays comme en Equateur, au Paraguay, au Brésil avec les Commissions parlementaires d’enquête sur la dette, et peut-être bientôt en Argentine. C’est important que le CADTM participe à ces processus, notamment sur la question de la conversion de la dette externe en dette interne, qui doit être dénoncée en tant que continuation de ce processus de domination.

Suite à la crise financière provoquée par l’attitude irresponsable de la banque privée, qui a fortement touché la classe travailleuse jusque dans les pays européens, il me semble fondamental que le CADTM impulse des processus d’audits citoyens, particulièrement dans les pays les plus affectés, afin de prouver (comme nous l’avons fait en Equateur sur base des documents auxquels nous avons eu accès) la véritable nature de la dette contractée par ces pays pour sauver la banque privée. Par le biais d’audits, nous pouvons dénoncer les agissements du système financier international et avancer de nouvelles propositions en faveur de relations financières justes et transparentes, qui constituent un aspect fondamental afin de tendre vers cet « autre monde » que nous réclamons à chaque forum social mondial.

Maria Lucia Fattorelli, coordinatrice de l’Audit Citoyen de la Dette, Brésil

Hommage à Denise Comanne par Gus Massiah

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