25 février 2015 par Renaud Vivien , Françoise Wasservogel
S’appuyant sur les chiffres publiés par l’OMS (Organisation mondiale de la santé), l’Ong MSF (Médecins Sans Frontières) et la Commission européenne ont annoncé début février 2015 que dans les trois pays les plus touchés par la fièvre hémorragique Ebola (Guinée, Liberia et Sierra Leone), plus de 22 500 cas ont été répertoriés et plus de 9000 personnes y ont succombé.
Presque un an après le début de l’épidémie, les dirigeants du G20
G20
G20 : Le Groupe des vingt (G20) est un groupe composé de dix-neuf pays et de l’Union européenne dont les ministres, les chefs de banques centrales et les chefs d’État se réunissent régulièrement. Il a été créé en 1999, après la succession de crises financières dans les années 1990. Il vise à favoriser la concertation internationale, en intégrant le principe d’un dialogue élargi compte tenu du poids économique croissant pris par un certain nombre de pays. Sont membres : Allemagne, Afrique du Sud, Arabie saoudite, Argentine, Australie, Brésil, Canada, Chine, Corée du Sud, États-Unis, France, Inde, Indonésie, Italie, Japon, Mexique, Royaume-Uni, Russie, Turquie, l’Union européenne (représentée par le Président du conseil et celui de la Banque centrale européenne).
, réunis les 15 et 16 novembre 2014 à Brisbane en Australie, se disaient enfin « résolus à ne ménager aucun effort pour veiller à ce que la Communauté internationale parvienne à mettre fin à l’épidémie et prenne des mesures pour régler ses coûts économiques et humanitaires à moyen terme ». Effet d’annonce ! Cette « aide » sert en réalité à maintenir ces pays dans l’esclavage de la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque Africaine de Développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds Européen de Développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
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Premièrement, sur les 330 millions de dollars d’« aides » annoncés, 160 millions correspondent à de nouveaux prêts. Ces « aides » vont donc alourdir l’endettement de la Guinée, du Liberia et de la Sierra-Leone qui, à terme, devront faire des coupes budgétaires dans leurs services publics, dont ceux de la santé, pour rembourser ces « aides ».
Deuxièmement, sur les 170 millions de dollars restants, 100 millions correspondent à de faux allégements de dette à l’égard du FMI
FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.
À ce jour, 188 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).
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(Fonds monétaire international). Ces « allégements » sont répartis entre la Guinée qui voit 30,2 millions de dollars annulés sur ce qu’elle devait payer jusqu’en septembre 2019 ; le Liberia pour qui 36.4 millions de dollars sont annulés sur les paiements qui devaient être effectués jusqu’en novembre 2018 et la Sierra-Leone pour qui 29,2 millions de dollars seront annulés sur les paiements qui devaient avoir lieu jusqu’en décembre 2016. Il a été annoncé que les États créanciers de ces trois pays feront des allégements pour 70 millions de dollars, mais aucune confirmation officielle n’est connue à ce jour.
Ces allégements appelés « dons pour dette » servent avant tout l’intérêt des créanciers de la Guinée, du Liberia et de la Sierra-Leone, puisqu’ils font du remboursement de la dette la priorité budgétaire de ces pays, malgré la grave crise humanitaire qu’ils traversent. Le FMI précise en effet que « ces dons seront utilisés pour rembourser les paiements futurs du service de la dette Service de la dette Somme des intérêts et de l’amortissement du capital emprunté. ». Ces allégements se feront via un nouveau fonds fiduciaire, créé par le FMI le 5 février 2015, appelé « Fonds d’assistance et de riposte aux catastrophes » censé « fournir une aide exceptionnelle à des pays confrontés à des catastrophes naturelles majeures, y compris des épidémies potentiellement mortelles ». Ce nouveau fonds remplace un autre Fonds fiduciaire pour l’allégement de la dette qui avait été mis en place en 2010 à la suite du tremblement de terre en Haïti.
L’accès à ce fonds d’assistance est très strictement conditionné.
1) Être un pays à très faible revenu.
2) Existence d’une épidémie qui sévit dans plusieurs zones du pays ayant des effets économiques importants (équivalent à 10% du PIB
PIB
Produit intérieur brut
Le PIB traduit la richesse totale produite sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées.
Le Produit intérieur brut est un agrégat économique qui mesure la production totale sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées. Cette mesure est notoirement incomplète ; elle ne tient pas compte, par exemple, de toutes les activités qui ne font pas l’objet d’un échange marchand. On appelle croissance économique la variation du PIB d’une période à l’autre.
…).
3) L’épidémie doit s’étendre au-delà des frontières du pays qui demande « l’assistance ».
4) Le pays doit avoir un programme avec le FMI. Il va sans dire que ces « allégements de dette » sont, comme toute autre « aide » accordée par le FMI, conditionnés à la poursuite des politiques d’ajustement structurel
Ajustement structurel
Les Plans d’ajustement structurel ont été imposés par les IFI en contrepartie de l’octroi de nouveaux prêts ou de l’échelonnement d’anciens prêts, projets financés par la Banque mondiale, conditionnalités du FMI, etc.
Les Plans d’austérité, appliqués depuis aux pays endettés du Nord, sont des copiés/collés des Plans d’ajustement structurel subits par les pays du Sud depuis 30 ans.
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Troisièmement, le montant de ces allégements est minime. Le stock total de la dette de la Guinée, du Liberia et de la Sierra Leone s’élève à 3 milliards de dollars. Il est donc évident que l’allégement de 100 millions de dollars accordé par le FMI n’est rien d’autre que de la poudre aux yeux qui ne changera rien au cycle infernal du système dette.
Cet article est paru dans l’hebdomadaire Le Reporter version papier, en kiosque au Mali, hier.
http://www.maliweb.net/sante/les-pays-accables-par-ebola-maintenus-dans-lesclavage-de-la-dette-823662.html
membre du CADTM Belgique, juriste en droit international. Il est membre de la Commission pour la Vérité sur la dette publique de la Grèce créée le 4 avril 2015. Il est également chargé de plaidoyer à Entraide et Fraternité.
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