6 mai 2018 par Patrick Saurin
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Alors que la Société Générale s’apprête à signer un accord avec la justice américaine pour son implication dans l’affaire de la manipulation du Libor (un taux interbancaire) et pour de graves accusations de corruption en Libye, en France les banques continuent de commettre leurs exactions en toute impunité et surtout d’en retirer des profits aussi considérables qu’illégitimes.
Aux États-Unis, c’est un chèque estimé à 1 milliard de dollars que la Société Générale devrait verser dans le cadre d’un accord amiable pour échapper à des poursuites et préserver son image. Rappelons qu’entre 2008 et 2014, les banques américaines ont déboursé 110 milliards de dollars pour solder des procès relatifs aux subprimes
Subprimes
Crédits hypothécaires spéciaux développés à partir du milieu des années 2000, principalement aux États-Unis. Spéciaux car, à l’inverse des crédits « primes », ils sont destinés à des ménages à faibles revenus déjà fortement endettés et étaient donc plus risqués ; ils étaient ainsi également potentiellement plus (« sub ») rentables, avec des taux d’intérêts variables augmentant avec le temps ; la seule garantie reposant généralement sur l’hypothèque, le prêteur se remboursant alors par la vente de la maison en cas de non-remboursement. Ces crédits ont été titrisés - leurs risques ont été « dispersés » dans des produits financiers - et achetés en masse par les grandes banques, qui se sont retrouvées avec une quantité énorme de titres qui ne valaient plus rien lorsque la bulle spéculative immobilière a éclaté fin 2007.
Voir l’outil pédagogique « Le puzzle des subprimes »
tandis que dans le même temps les banques françaises s’acquittaient de quelques malheureux millions d’euros. Selon une étude du Boston Consulting Group [1], les banques ont payé 321 milliards de dollars entre 2009 et 2016 pour des activités non conformes à la réglementation. Les pénalités des soi-disant régulateurs européens représentent à peine 6 % de ce total, preuve s’il en est de leur laxisme à l’égard des banques. À titre d’exemple, en France, sur l’ensemble de l’année 2016, l’Autorité de contrôle prudentiel a infligé des sanctions aux banques pour un montant total de… 6,5 millions d’euros !
Sous la protection d’un quatuor d’institutions félonnes composé du gouvernement, du parlement, du conseil constitutionnel et des juridictions civiles et administratives, devenus des professionnels de la forfaiture, les banques continuent de verser des rémunérations éhontées à leurs dirigeants, de gaver leurs actionnaires grâce à des profits démesurés réalisés sur le dos de la population, des hôpitaux et des collectivités locales. Un seul exemple pour bien comprendre l’étendue de l’escroquerie bancaire. À Nîmes, la communauté d’agglomération a remboursé au Crédit Foncier de France (filiale du Groupe BPCE) un emprunt toxique de 10 millions d’euros en versant à la banque, en plus des 10 millions, une indemnité de remboursement anticipé de 58,6 millions d’euros. Cela dans un contexte où les banques privées empruntent l’argent à la BCE
BCE
Banque centrale européenne
La Banque centrale européenne est une institution européenne basée à Francfort, créée en 1998. Les pays de la zone euro lui ont transféré leurs compétences en matières monétaires et son rôle officiel est d’assurer la stabilité des prix (lutter contre l’inflation) dans la dite zone.
Ses trois organes de décision (le conseil des gouverneurs, le directoire et le conseil général) sont tous composés de gouverneurs de banques centrales des pays membres et/ou de spécialistes « reconnus ». Ses statuts la veulent « indépendante » politiquement mais elle est directement influencée par le monde financier.
à 0 %, voire à moins 0,40 % et où l’on nous bassine à longueur de journée avec le statut des cheminotes et des cheminots. Il y a quelques jours, suite à des recours engagés par des collectivités contre les banques qui leur avaient fait souscrire des emprunts toxiques, la Cour de cassation a rendu des décisions qui exonèrent ces banques de toute responsabilité.
La dette, instrument de chantage pour justifier la mise en place de politiques d’austérité, l’attaque des droits sociaux et le démantèlement des services publics
Plus que jamais, la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
devient un instrument de chantage pour justifier la mise en place de politiques d’austérité, l’attaque des droits sociaux et le démantèlement des services publics. Derrière la dette publique nationale, la dette des établissements publics de santé, la dette des collectivités territoriales, la dette de la sécurité sociale, celle de la SNCF, la dette des ménages et des étudiants, une même logique est à l’œuvre. D’abord, faire des cadeaux fiscaux aux plus riches et maintenir au plus bas les salaires, les pensions et les prestations sociales. Ensuite, compenser le manque financier qui en résulte par des emprunts souscrits auprès des banques, voire par un paiement d’achats alimentaires différé comme vient de le mettre en place Casino. Puis, il n’y a plus qu’à utiliser les médias pour relayer le discours dominant destiné à culpabiliser les salariés bénéficiaires de droits trop généreux, et les familles, coupables de dépenses sociales démesurées. Enfin, les professionnels des basses œuvres du capital n’ont plus qu’à voter de nouvelles lois pour graver dans le marbre les dispositifs de régression sociale.
Il est grand temps de mettre à bas ce système dette par l’annulation des dettes illégales, illégitimes, odieuses et insoutenables qui imposent aux populations un racket avec la complicité des institutions. Les milliards d’euros volés chaque année par les banques, les grosses sociétés et les très riches contribuables manquent à la société pour assurer une fin de vie respectueuse à ses anciens, soigner dignement ses malades, donner à sa jeunesse les moyens d’étudier dans des conditions correctes et permettre à ses travailleuses et ses travailleurs de percevoir un salaire qui permette de vivre décemment.
Toutes et tous ensemble, solidairement, luttons pour engager dès ce mois de mai un premier pas déterminé vers la désobéissance citoyenne et le renversement du système mortifère qui détruit la planète et nos vies.
a été pendant plus de dix ans chargé de clientèle auprès des collectivités publiques au sein des Caisses d’Épargne. Il est porte-parole de Sud Solidaires BPCE, membre du CAC et du CADTM France. Il est l’auteur du livre « Les prêts toxiques : Une affaire d’état ».
Il est membre de la Commission pour la Vérité sur la dette publique de la Grèce, créée le 4 avril 2015.
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