FSM Tunis

Mobilisation syndicale pour l’audit citoyen

28 mars 2013 par Ridha Maamri


On paye ou on ne paye pas la dette ? Plusieurs associations et syndicats du monde entier ont répondu par un « non » catégorique, du moins pour les dettes odieuses, à déterminer par un audit citoyen. Et c’est dans l’objectif d’impulser une mobilisation internationale pour l’audit citoyen des dettes que ces associations ont tenu une réunion-débat, hier, au siège du Campus d’El Manar, à Tunis, dans le cadre du Forum social mondial. Du Sénégal à la Belgique en passant par l’Espagne et la France, les syndicalistes ont démontré que le mécanisme de la dette, dans le système néolibéral, a profité aux barons de la finance qui poussent vers la « financiarisation de la société », selon le représentant de l’association Attac Espagne. Et ce au détriment de l’étendue et de l’ampleur des services sociaux assurés par les États.



Son compatriote, Miguel, syndicaliste basque, a rappelé le slogan scandé dans leurs actions Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
en Espagne, « On ne doit pas, on ne paye pas », tel que traduit par l’interprète. Dans son pays, le plus grave, a-t-il estimé, est que la dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
privée des banques espagnoles a été transformée en dettes publiques. Du coup, le gouvernement espagnol, a-t-il déploré, a procédé à des coupes budgétaires douloureuses pour financer les services de cette nouvelle dette. Et la dernière réforme de la Constitution espagnole prévoit que le paiement de la dette soit prioritaire à d’autres dépenses, notamment sociales. « On trouve l’argent pour des choses et pas pour d’autres », s’exclame-t-il.

La représentante d’un syndicat français, le plus représentatif dans le secteur des finances et de la fiscalité, a fait, pour sa part, le lien entre l’impôt, les recettes budgétaires, le niveau d’endettement et les services sociaux. Les débats, avance-t-elle, sont davantage focalisés sur les dépenses publiques que sur les recettes budgétaires. Dans un système néolibéral, sous couvert de compétitivité, la tendance est à la baisse des impôts. « On a renoncé à 65 milliards d’euros dans les dérogations de taxation, 34 milliards d’euros dans les programmes de promotion de l’emploi et on compte 19 milliards d’euros en moins dans l’impôt sur les revenus », estime-t-elle. Cette fuite des recettes induit inéluctablement la révision à la baisse des dépenses sociales et recourt à l’endettement pour financer l’éventuel déficit budgétaire. Pourtant, avec un système fiscal vertueux, confie-t-elle, on aurait de moins en moins besoin de passer par les bailleurs de fonds. L’un des slogans accusateurs affichés lors de leurs manifestations, rappelle-t-elle, est : « Stop aux paradis fiscaux Paradis fiscaux
Paradis fiscal
Territoire caractérisé par les cinq critères (non cumulatifs) suivants :
(a) l’opacité (via le secret bancaire ou un autre mécanisme comme les trusts) ;
(b) une fiscalité très basse, voire une imposition nulle pour les non-résidents ;
(c) des facilités législatives permettant de créer des sociétés écrans, sans aucune obligation pour les non-résidents d’avoir une activité réelle sur le territoire ;
(d) l’absence de coopération avec les administrations fiscales, douanières et/ou judiciaires des autres pays ;
(e) la faiblesse ou l’absence de régulation financière.

La Suisse, la City de Londres et le Luxembourg accueillent la majorité des capitaux placés dans les paradis fiscaux. Il y a bien sûr également les Iles Caïmans, les Iles anglo-normandes, Hong-Kong, et d’autres lieux exotiques. Les détenteurs de fortunes qui veulent échapper au fisc ou ceux qui veulent blanchir des capitaux qui proviennent d’activités criminelles sont directement aidés par les banques qui font « passer » les capitaux par une succession de paradis fiscaux. Les capitaux généralement sont d’abord placés en Suisse, à la City de Londres ou au Luxembourg, transitent ensuite par d’autres paradis fiscaux encore plus opaques afin de compliquer la tâche des autorités qui voudraient suivre leurs traces et finissent par réapparaître la plupart du temps à Genève, Zurich, Berne, Londres ou Luxembourg, d’où ils peuvent se rendre si nécessaires vers d’autres destinations.
 ».

Réagissant à ce slogan, le modérateur de la réunion qui vient de la Belgique, l’un des paradis fiscaux, ironise : « Des acteurs belges en France ça fait rire, mais les acteurs français en Belgique ça ne nous fait pas rire », faisant, ainsi, allusion aux gros revenus qui fuient les impôts. Son compatriote, Daniel, constate que dans sa petite ville de moins de 100 mille habitants, Verviers, le niveau d’endettement s’élève à 10% du budget, l’équivalent des dépenses en santé. Dans son allocution, il a mis l’accent sur la coordination entre les pays du Nord et ceux du Sud, victimes depuis longtemps des corollaires des mécanismes de la dette.
Selon le syndicaliste sénégalais, Abdullay, les programmes d’ajustement structuraux imposés aux pays du Sud dans les années 80 se poursuivent sous d’autres formes et d’autres dénominations. L’austérité est l’une des formes les plus présentes ces derniers temps en Europe. Pour son pays, le Sénégal, la dette a doublé en dix ans contre la privatisation des services vitaux, à l’instar de l’eau et de l’électricité. Mais les infrastructures et les services sociaux n’ont pas évolué au même rythme. « La pression des syndicats a freiné le rythme de privatisation », a-t-il rappelé.

Toutefois, la question reste posée : les syndicats pourraient-ils exiger un audit citoyen et s’opposer au paiement des dettes odieuses ?


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