15 juillet 2012 par Damien Millet , Patrick Saurin
Afin de sortir de la crise des emprunts toxiques, Damien Millet, porte-parole du CADTM France et Patrick Saurin, délégué syndical de Sud BPCE, membres du Collectif pour un audit citoyen de la dette publique, se prononcent en faveur de l’instauration d’un plafond légal des taux d’intérêt des prêts consentis aux collectivités locales, hôpitaux, organismes de logements social...
Depuis quelques années, un grand nombre de collectivités territoriales, d’hôpitaux publics, d’organismes de logement social et même d’associations est pris au piège des « prêts toxiques ». La gravité de cette situation a nécessité la création, en 2011, d’une commission d’enquête parlementaire qui a travaillé sous l’impulsion de Claude Bartolone, son président, et de Jean-Pierre Gorges, son rapporteur, pour identifier les causes de cette catastrophe et préconiser des solutions. Cette commission a chiffré à 18,8 milliards d’euros l’encours des prêts à risque et à 730 millions d’euros le surcoût annuel résultant de ces emprunts. Mais sept mois après que la commission a rendu son rapport, aucune mesure concrète n’a été prise pour soulager les milliers d’acteurs publics locaux asphyxiés par les prêts toxiques. Voilà pourquoi les impayés des collectivités locales ont grimpé de 30 à 103 millions d’euros entre fin décembre 2011 et fin avril 2012 pour la seule banque Dexia.
Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que plusieurs dizaines d’entre elles se soient résolues à engager une action
Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
en justice contre leurs banques. Ainsi, la commune de Sassenage a assigné Dexia devant le Tribunal de grande instance de Nanterre fin 2011 et a décidé de suspendre unilatéralement le paiement des intérêts de deux prêts toxiques sans attendre la décision du tribunal. Dans un avis du 31 mai 2012, la Chambre régionale des comptes d’Auvergne Rhône-Alpes, saisie par Dexia, sans se prononcer sur le fond de l’affaire, a refusé de mettre la collectivité en demeure d’inscrire le paiement des intérêts dans son budget, considérant que « la dépense litigieuse […] doit être regardée comme étant sérieusement contestée dans son principe et dans son montant ».
Le 4 juillet 2012, la ville de Saint-Etienne a remporté une nouvelle bataille contre la Royal Bank of Scotland (RBS) à qui elle a stoppé le paiement des intérêts en attendant un jugement sur le fond. La Cour d’appel de Paris a confirmé le jugement déjà rendu fin 2011 par le Tribunal de grande instance de Paris, qui affirmait que les prêts structurés souscrits par les acteurs publics locaux « se sont révélés être des produits spéculatifs à haut risque et dont la légalité est aujourd’hui sérieusement contestée devant le juge du fond » avant de conclure : « Dès lors, il ne nous apparaît pas que la cessation du versement des échéances de ses emprunts par la Ville de Saint-Etienne doive être considérée comme constituant un trouble manifestement illicite ». La Cour d’appel vient d’ajouter que « les prêts en cause sont soumis, après une première période de taux fixe, à un taux variable, sans aucun plafond, ce qui contrevient à l’interdiction pour ces collectivités de souscrire à des contrats spéculatifs et renvoie aux conditions de passation de ces prêts au regard notamment de cette contrainte légale et de l’obligation
Obligations
Obligation
Part d’un emprunt émis par une société ou une collectivité publique. Le détenteur de l’obligation, l’obligataire, a droit à un intérêt et au remboursement du montant souscrit. L’obligation est souvent l’objet de négociations sur le marché secondaire.
de conseil de la Royal Bank ». Un signal d’alerte fort est ainsi adressé aussi bien aux banques qu’aux pouvoirs publics.
La situation est actuellement bloquée. Les banques sont peu enclines à renégocier les prêts et ne proposent le plus souvent aux emprunteurs en difficulté qu’un rallongement excessif de la durée des emprunts sans réduire l’exposition au risque de taux. Sachant que les actions en justice s’inscrivent dans un temps long, les pouvoirs publics peuvent prendre très vite une mesure efficace et juste : l’instauration d’un taux d’usure pour les prêts aux acteurs publics locaux [1], à l’instar de ce qui est pratiqué pour les prêts immobiliers aux particuliers et les prêts aux entreprises. S’inspirant de l’article L 313-3 du Code de la consommation, ce taux pourrait être égal au taux fixe moyen correspondant à la durée concernée consenti au cours du trimestre précédent, augmenté d’un tiers. Les entreprises et les particuliers sont protégés par l’existence d’un tel taux d’usure, pourquoi les acteurs publics locaux ne le sont-ils toujours pas ?
Publié sur Médiapart
[1] C’est-à-dire d’un plafonnement du taux d’intérêt qu’il est possible de réclamer.
professeur de mathématiques en classes préparatoires scientifiques à Orléans, porte-parole du CADTM France (Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde), auteur de L’Afrique sans dette (CADTM-Syllepse, 2005), co-auteur avec Frédéric Chauvreau des bandes dessinées Dette odieuse (CADTM-Syllepse, 2006) et Le système Dette (CADTM-Syllepse, 2009), co-auteur avec Eric Toussaint du livre Les tsunamis de la dette (CADTM-Syllepse, 2005), co-auteur avec François Mauger de La Jamaïque dans l’étau du FMI (L’esprit frappeur, 2004).
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a été pendant plus de dix ans chargé de clientèle auprès des collectivités publiques au sein des Caisses d’Épargne. Il est porte-parole de Sud Solidaires BPCE, membre du CAC et du CADTM France. Il est l’auteur du livre « Les prêts toxiques : Une affaire d’état ».
Il est membre de la Commission pour la Vérité sur la dette publique de la Grèce, créée le 4 avril 2015.
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