23 avril 2018 par Robin Delobel
Couverture du prochain AVP de mai 2018
Comme le CADTM l’a montré récemment dans une étude sur la dette belge, le coût réel des sauvetages bancaires est régulièrement relativisé, tout comme leur impact sur la dette publique est sous-estimé.Voici près de dix ans, les plus grandes banques belges (Fortis, Dexia, KBC, l’assureur Ethias), au bord de la faillite, étaient sauvées par l’État belge. [1]
Il en est de même pour une multitude de banques à travers le monde.
Suite à l’explosion de la crise, banquiers, financiers et politiques annonçaient une grande moralisation du système financier et bancaire, la fin des bonus et des rémunérations. Nicolas Sarkozy, lors de son discours de Toulon en septembre 2008, proposait même une restructuration de grande ampleur de tout le secteur bancaire mondial. Rien de tout ça n’a eu lieu. Et comme si ça ne suffisait pas, les banques s’amusent à poursuivre juridiquement toute personne protestant contre leurs méfaits, par exemple pour avoir déplacé symboliquement des chaises en vue d’informer l’opinion publique sur l’évasion fiscale.
Au-delà de l’impact significatif sur les finances publiques, il importe avant tout de pointer les coûts sociaux causés par la crise et surtout la gestion qui en a été faite. L’augmentation de la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
publique qui a suivi les sauvetages bancaires a ensuite été utilisée comme prétexte pour justifier des mesures d’austérité et des réformes structurelles toujours en cours aujourd’hui. Ces mesures touchent le droit du travail, le secteur de la santé, les pensions, le chômage, mais concernant les banques c’est le néant !
La crise financière de 2007-2008 avait pourtant ouvert une fenêtre d’opportunité pour réformer le fonctionnement du secteur bancaire et financier, mais le peu qui a été fait concerne une minorité d’activités ou a été détricoté. Parmi ces réformes bien peu ambitieuses, un exemple frappant, concernant la France et la loi bancaire de 2013, émane de Frédéric Oudéa, le PDG de la Société Générale, qui a reconnu devant la Commission des finances de l’Assemblée nationale que cette loi concernerait moins de 1 % des activités de son groupe. Patrick Saurin, ex porte-parole de Sud Solidaires BPCE et membre du CADTM France pose clairement l’enjeu : « Le système bancaire apparaît aujourd’hui comme une énorme bombe à retardement avec de multiples facteurs de risque : des banques d’une taille démesurée, une interconnexion entre elles qui multiplie les risques, des activités spéculatives très hasardeuses, des fonds propres Fonds propres Capitaux apportés ou laissés par les associés à la disposition d’une entreprise. Une distinction doit être faite entre les fonds propres au sens strict appelés aussi capitaux propres (ou capital dur) et les fonds propres au sens élargi qui comprennent aussi des dettes subordonnées à durée illimitée. insuffisants, un contrôle très insuffisant, des sanctions très faibles en cas de manquement, ce que résume parfaitement la formule too big to jail, (trop grosses pour aller en prison)" [2].
Nous ne le répéterons jamais assez, le rôle et l’impact des banques est trop important pour continuer à le laisser aux mains des banquiers. C’est pourquoi au CADTM, nous proposons des mesures radicales pour rendre les banques au service de la population : réduire leur taille, simplifier leur fonctionnement et les reconnecter au réel, ce qui passe aussi par l’interdiction de la spéculation
Spéculation
Opération consistant à prendre position sur un marché, souvent à contre-courant, dans l’espoir de dégager un profit.
Activité consistant à rechercher des gains sous forme de plus-value en pariant sur la valeur future des biens et des actifs financiers ou monétaires. La spéculation génère un divorce entre la sphère financière et la sphère productive. Les marchés des changes constituent le principal lieu de spéculation.
. [3]
La première mesure de réduction radicale de la taille des banques permettrait de supprimer le risque « trop grande pour faire faillite », inhérent à ces banques dites systémiques. Ces dernières, en cas de problème, risquent d’entraîner avec elles de nombreuses autres grandes banques, tant le secteur est interconnecté, répercutant ensuite les effets sur l’économie réelle.
La re-privatisation de Belfius
En Belgique, la banque Belfius prépare une entrée en bourse Bourse La Bourse est l’endroit où sont émises les obligations et les actions. Une obligation est un titre d’emprunt et une action est un titre de propriété d’une entreprise. Les actions et les obligations peuvent être revendues et rachetées à souhait sur le marché secondaire de la Bourse (le marché primaire est l’endroit où les nouveaux titres sont émis pour la première fois). , ce qui rapporterait entre deux et quatre milliards d’euros et permettrait de désendetter l’État, selon le gouvernement. Or, selon nous, une banque devrait profiter avant tout aux citoyens. La plateforme Belfius est à nous, créée il y a plus d’un an et réunissant 21 organisations francophones et néerlandophones, appelle à s’opposer à la privatisation de la banque.
A l’occasion d’un débat sur la radio La Première en janvier 2018, la RTBF reprenait gentiment le discours gouvernemental, arguant qu’il « souhaite, depuis son entrée en fonction, valoriser ses bijoux de famille et qu’en gardant 51% des parts Belfius devrait donc garder son statut d’entreprise publique et son ancrage belge ». Une bien maigre consolation, la stratégie du TINA est bien intégrée dans les esprits.
Au-delà de l’espace belge et de Belfius, nous militons au CADTM pour la socialisation intégrale du système bancaire. Qu’est-ce que cela représente et en quoi cela diffère de la nationalisation ? Patrick Saurin : « Parce que nous considérons que l’épargne, le crédit, la sécurité des encaisses monétaires et la préservation de l’intégrité des systèmes de paiement (espèces, cartes, chèques, virements, paiements électroniques, etc.) relèvent de l’intérêt général, nous préconisons la création d’un service public bancaire par la socialisation de la totalité des entreprises du secteur bancaire et de l’assurance. Ce service public disposerait de la maîtrise et du contrôle de la création monétaire. La socialisation, terme que nous préférons à celui de nationalisation, signifie que les établissements sont placés sous contrôle citoyen dans le cadre d’un dispositif associant les salariés, les clients, les élus locaux, les associations et les représentants des instances bancaires nationales et régionales. Seule une telle organisation est susceptible de permettre au service bancaire de devenir un véritable outil au service de la collectivité, et de ne plus être une arme entre les mains de quelques spéculateurs qui spolient les populations. Un tel système bancaire socialisé devrait être l’outil du financement du projet essentiel des années qui viennent : la transition écologique ».
Il ne faut donc pas confondre socialisation du système bancaire et centralisation entre les mains de l’État. La socialisation permettrait de soustraire les citoyens et les pouvoirs publics à l’emprise des marchés financiers
Marchés financiers
Marché financier
Marché des capitaux à long terme. Il comprend un marché primaire, celui des émissions et un marché secondaire, celui de la revente. À côté des marchés réglementés, on trouve les marchés de gré à gré qui ne sont pas tenus de satisfaire à des conditions minimales.
. Ce qui signifie une réappropriation des choix de financement, en somme dédier l’activité bancaire au bien commun.
Cet article reprend quelques éléments qui seront développés en profondeur dans la prochaine revue du CADTM Les autres voix de la planète, à paraître fin avril 2018, consacré aux banques et à la socialisation. Publié sur http://kairospresse.be
Pour vous abonner et recevoir ce prochain numéro, rendez-vous sur cette page :
http://www.cadtm.org/Revue-Les-autres-voix-de-la
Sommaire de l’AVP banques et socialisation
Introduction de la revue
[1] Jérémie Cravatte, Le coût réel des sauvetages bancaires, 23 janvier 2018, L’écho.
[2] Revue L’Anticapitaliste numéro 86, avril 2017.
[3] Par manque de place nous ne développons pas ici toutes les propositions du CADTM sur les banques, pour approfondir voir le texte www.cadtm.org/Que-faire-des-banques-Version-2-0
France
« Les dernières années c’est les meilleures années pour la retraite, mais c’est les pires au boulot »10 mars, par Robin Delobel
6 mars, par Robin Delobel , Yiorgos Vassalos
7 décembre 2022, par Sushovan Dhar , Robin Delobel
18 novembre 2022, par Sushovan Dhar , Robin Delobel
15 octobre 2022, par Robin Delobel , Michael Roberts
5 octobre 2022, par Maria Elena Saludas , Robin Delobel
14 juin 2021, par Robin Delobel , Richecarde Célestin
14 janvier 2021, par Robin Delobel , Milan Rivié , Anaïs Carton
8 décembre 2020, par Robin Delobel
4 décembre 2020, par Robin Delobel , Anaïs Carton , Romain Compère