Pourquoi et comment un audit de la dette de la RDC ?

21 décembre 2006 par Renaud Vivien




1) Introduction

- Décision du gouvernement norvégien du 3 octobre 2006 d’annuler de façon unilatérale et inconditionnelle une partie des ses créances Créances Créances : Somme d’argent qu’une personne (le créancier) a le droit d’exiger d’une autre personne (le débiteur). bilatérales considérés comme illégitimes envers 5 pays débiteurs (Equateur, Egypte, Jamaïque, Pérou, Sierra Leone) tout en reconnaissant explicitement sa responsabilité partielle dans leur endettement.
- Déclaration du premier ministre Guy Verhofstadt en 2001 à Kinshasa : « le gouvernement belge est déterminé à examiner rapidement l’annulation de la dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
bilatérale à l’égard de la RDC », qu’en est-il aujourd’hui ?
- Quelques données sur la dette publique externe de la RDC :
10,6 milliards de dollars (d’après un rapport du FMI FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.

À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).

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d’avril 2004)
deux tiers dus aux créanciers bilatéraux (majoritairement au Club de Paris Club de Paris Créé en 1956, il s’agit du groupement de 22 États créanciers chargé de gérer les difficultés de remboursement de la dette bilatérale par les PED. Depuis sa création, la présidence est traditionnellement assurée par un·e Français·e. Les États membres du Club de Paris ont rééchelonné la dette de plus de 90 pays en développement. Après avoir détenu jusqu’à 30 % du stock de la dette du Tiers Monde, les membres du Club de Paris en sont aujourd’hui créanciers à hauteur de 10 %. La forte représentation des États membres du Club au sein d’institutions financières (FMI, Banque mondiale, etc.) et groupes informels internationaux (G7, G20, etc.) leur garantit néanmoins une influence considérable lors des négociations.

Les liens entre le Club de Paris et le FMI sont extrêmement étroits ; ils se matérialisent par le statut d’observateur dont jouit le FMI dans les réunions – confidentielles – du Club de Paris. Le FMI joue un rôle clé dans la stratégie de la dette mise en œuvre par le Club de Paris, qui s’en remet à son expertise et son jugement macroéconomiques pour mettre en pratique l’un des principes essentiels du Club de Paris : la conditionnalité. Réciproquement, l’action du Club de Paris préserve le statut de créancier privilégié du FMI et la conduite de ses stratégies d’ajustement dans les pays en voie de développement.

Site officiel : https://www.clubdeparis.fr/
dont la Belgique fait partie) et un tiers aux institutions multilatérales (FMI, BM Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.

En 2022, 189 pays en sont membres.

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principalement).
- La structure de la dette de la RDC envers la Belgique : les prêts d’Etat à Etat (ont une durée de 30 ans et constituent une aide liée c’est à dire destinée à l’achat de biens et de services belges) ; dette provenant de l’agence de garantie d’exportations Ducroire ; dette due à des créanciers privés.

L’annulation d’une partie de cette dette concernant les créances belges pourrait enfin libérer le développement de la RDC. (La Belgique est cinquième plus gros créancier bilatéral de la RDC)
Pour cela, il faut réaliser un audit : constitue une étape indispensable pour justifier l’annulation des créances.

2) Qu’est-ce qu’un audit de la dette ?

- un droit humain : article 21 DUDH ; article 19 PIDESC. Il correspond à une exigence de démocratie et de transparence (droit de savoir et de demander des réparations).
- un droit des pouvoirs publics : droit d’agir et de se prononcer légalement sur le caractère illicite d’une dette, en vertu du droit international (exemple du Paraguay en 2005)
- sur quoi il doit porter ? : toutes les dettes contractées par les pouvoirs publics de la RDC auprès des institutions publiques et privées indépendamment de la nature du régime mais aussi les dettes des entreprises privées qui ont été ensuite transférées à la charge de l’Etat.
- qui en a l’initiative ? : le pouvoir législatif (ex : Pérou en 2001, les Philippines en 2004) ; le pouvoir exécutif (le Brésil dans les années 30), le pouvoir judiciaire (Argentine en 2002).

Mais il faut impérativement une mobilisation populaire et une collaboration entre les pouvoirs publics et la société civile dans la réalisation de l’audit (ex : aux Philippines avec Freedom from debt coalition)

3) Exemples d’audit parlementaires à l’étranger (les plus récents) :

- Pérou : le parlement a commissionné en 2001 un audit de la dette contractée sous le
gouvernement Fujimori (1990-2000), mettant en lumière le soutien de la Banque mondiale au régime Fujimori et à sa réélection ainsi que des détournements de fonds à cette occasion.
- Brésil : des députés, des sénateurs et des représentants de la société civile ont créé en 2003 le Front parlementaire et social d’accompagnement de la dette publique qui a demandé début 2005, avec le soutien de 240 parlementaires, la création d’une Commission parlementaire mixte d’enquête afin de réaliser l’audit des dettes interne et extérieure.
- Philippines : le parlement a élaboré en sept 2004 une résolution sur l’audit de la dette philippine et une commission parlementaire a été créée pour ouvrir les livres de comptes et évaluer les politique en matière d’endettement.

On assiste depuis les années 2000 à une forte mobilisation internationale des parlementaires pour faire des audits mais seulement des pays débiteurs. La Belgique doit donc innover.

4) Pourquoi il faut une coopération entre les Parlementaires belges et la Société civile de la RDC ?

un audit citoyen en RDC est en cours mais se heurte a différents obstacles.
- de nombreux document ne sont accessibles que par autorisation officielle : problème au Mali où refus des autorités de délivrer ces doc aux mouvements populaires
(ex : au Brésil l’audit a pu être fait grâce à des sénateurs de l’opposition).
- de nombreux docs sont éparpillés : il faut donc une étroite collaboration entre le Nord et le Sud.
- pour assurer une médiatisation
- pour faire pression sur les autorités de Kinshasa dans la délivrances des documents nécessaires au travail de l’audit
- pour appuyer ces mêmes autorités si elles veulent faire l’audit en lui fournissant l’assistance technique.

5) Que va apporter l’audit ?

Finalité : déceler les circonstances des prêts consentis par la Belgique à la RDC depuis son indépendance et le transfert de la dette belge au moment de l’indépendance du Congo afin de justifier l’annulation des créances belges ayant un caractère d’illicéité et exiger la réparation des dommages écologique et humains.
L’audit doit répondre à 3 questions : combien la RDC doit réellement ? à qui ? pour quoi ?
En répondant à ces 3 questions, l’audit permettra tout d’abord de :
- révéler les pratiques de corruption et de détournement de fonds de la classe dirigeante de la RDC avec la complicité des créanciers depuis son indépendance en 1960.
- mettre en exergue la responsabilité des créanciers et des institutions financières internationales dans l’endettement illégitime et le sous-développement de la RDC

- connaître la contrepartie des prêts contractés (destination réelle des fonds et leurs bénéficiaires : les prêts ont-ils réellement profité à la population ?). ex : les éléphants blancs Éléphant blanc
éléphants blancs
L’expression « éléphant blanc » désigne un mégaprojet, souvent d’infrastructure, qui amène plus de coûts que de bénéfices à la collectivité.

Pour la petite histoire, la métaphore de l’éléphant blanc provient de la tradition des princes indiens qui s’offraient ce cadeau somptueux. Cadeau empoisonné, puisqu’il entraînait de nombreux coûts et qu’il était proscrit de le faire travailler. Ce terme est généralement utilisé pour désigner des mégaprojets développés dans les pays du Sud.

Ce lien entre le mobile et les outils permettra de comprendre comment la dette fonctionne comme un instrument de domination post-coloniale.

6) Comment réaliser techniquement l’audit ?

Le CADTM (Belgique) et le CETIM (Suisse) ont publié une méthodologie de l’audit de la dette. La nouvelle édition de 2006 est disponible. Au Royaume Uni, l’ONG Christian Aid a également publié une brochure sur la méthodologie de l’audit.

A- Analyse générale du processus d’endettement de la RDC :

- il convient tout d’abord d’étudier les caractéristiques politiques et sociales du pays et son évolution historique (pour établir dette écologique Dette écologique La dette écologique est la dette contractée par les pays industrialisés envers les autres pays à cause des spoliations passées et présentes de leurs ressources naturelles, auxquelles s’ajoutent la délocalisation des dégradations et la libre disposition de la planète afin d’y déposer les déchets de l’industrialisation.

La dette écologique trouve son origine à l’époque coloniale et n’a cessé d’augmenter à travers diverses activités :


- La « dette du carbone ». C’est la dette accumulée en raison de la pollution atmosphérique disproportionnée due aux grandes émissions de gaz de certains pays industriels, avec, à la clé, la détérioration de la couche d’ozone et l’augmentation de l’effet de serre.

- La « biopiraterie ». C’est l’appropriation intellectuelle des connaissances ancestrales sur les semences et sur l’utilisation des plantes médicinales et d’autres végétaux par l’agro-industrie moderne et les laboratoires des pays industrialisés qui, comble de l’usurpation, perçoivent des royalties sur ces connaissances.

- Les « passifs environnementaux ». C’est la dette due au titre de l’exploitation sous-rémunérée des ressources naturelles, grevant de surcroît les possibilités de développement des peuples lésés : pétrole, minéraux, ressources forestières, marines et génétiques.

- L’exportation vers les pays les plus pauvres de produits dangereux fabriqués dans les pays industriels.

Dette écologique et dette extérieure sont indissociables. L’obligation de payer la dette extérieure et ses intérêts impose aux pays débiteurs de réaliser un excédent monétaire. Cet excédent provient pour une part d’une amélioration effective de la productivité et, pour une autre part, de l’appauvrissement des populations de ces pays et de l’abus de la nature. La détérioration des termes de l’échange accentue le processus : les pays les plus endettés exportent de plus en plus pour obtenir les mêmes maigres recettes tout en aggravant mécaniquement la pression sur les ressources naturelles.
...)
- retracer l’évolution du taux d’intérêt Taux d'intérêt Quand A prête de l’argent à B, B rembourse le montant prêté par A (le capital), mais aussi une somme supplémentaire appelée intérêt, afin que A ait intérêt à effectuer cette opération financière. Le taux d’intérêt plus ou moins élevé sert à déterminer l’importance des intérêts.
Prenons un exemple très simple. Si A emprunte 100 millions de dollars sur 10 ans à un taux d’intérêt fixe de 5 %, il va rembourser la première année un dixième du capital emprunté initialement (10 millions de dollars) et 5 % du capital dû, soit 5 millions de dollars, donc en tout 15 millions de dollars. La seconde année, il rembourse encore un dixième du capital initial, mais les 5 % ne portent plus que sur 90 millions de dollars restants dus, soit 4,5 millions de dollars, donc en tout 14,5 millions de dollars. Et ainsi de suite jusqu’à la dixième année où il rembourse les derniers 10 millions de dollars, et 5 % de ces 10 millions de dollars restants, soit 0,5 millions de dollars, donc en tout 10,5 millions de dollars. Sur 10 ans, le remboursement total s’élèvera à 127,5 millions de dollars. En général, le remboursement du capital ne se fait pas en tranches égales. Les premières années, le remboursement porte surtout sur les intérêts, et la part du capital remboursé croît au fil des ans. Ainsi, en cas d’arrêt des remboursements, le capital restant dû est plus élevé…
Le taux d’intérêt nominal est le taux auquel l’emprunt est contracté. Le taux d’intérêt réel est le taux nominal diminué du taux d’inflation.
et l’évolution du PIB PIB
Produit intérieur brut
Le PIB traduit la richesse totale produite sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées.
Le Produit intérieur brut est un agrégat économique qui mesure la production totale sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées. Cette mesure est notoirement incomplète ; elle ne tient pas compte, par exemple, de toutes les activités qui ne font pas l’objet d’un échange marchand. On appelle croissance économique la variation du PIB d’une période à l’autre.
ainsi que le taux de change en les confrontant avec montant de le dette extérieure
- analyser la dette privée et la mettre en relation avec l’évolution de la dette publique (cf le gouvernement argentin a « nationalisé » les dettes privées en 1981)
- identifier les auteurs et rechercher la date de conclusion des contrats
- rechercher si une partie de la dette a été reconvertie en bons (conséquence : éparpillement de la dette)
- retracer l’évolution de la dette interne et la politique fiscale de la RDC (dette interne a un impact sur dette externe et inversement)
- lister les privatisation d’entreprises (se procurer la législation congolaise sur les privatisations, sur les investissements extérieurs, sur le commerce extérieur)

B- Analyse des contrats conclus entre l’Etat et les investisseurs étrangers (suivant une grille de lecture pré-établie car ils utilisent des contrats de prêt standards)

- il faut trouver l’organe qui officiellement autorise la signature du contrat d’endettement extérieur (permettra de savoir le lieu où ces contrats sont conservés)
- il faut identifier les dettes à l’égard du FMI et de la BM
- il faut retrouver les lettres d’intention de la RDC adressée au FMI
- il faut identifier les termes abusifs et les conditions dans lesquelles ces contrats ont été examinés

C- Analyse des contrats négociés par les agences de crédit à l’exportation

Ces contrats représentent 33 % de la dette extérieure de la dette publique de la RDC

D-Examen de la destination réelle des fonds

- rechercher la contrepartie du prêt contracté (comparer la destination prévue et les vrais bénéficiaires)
- rechercher si cette contrepartie est de qualité ( nature du projet financé, savoir si le prêt profite en fait au secteur privé)

Après avoir recueilli les contrats d’endettement et établi les circonstances de fait entourant leur conclusion, on peut confronter les résultats de l’audit aux différents principes juridiques applicables en la matière.

7) Analyse juridique de l’audit

- la nature du droit applicable : les contrats passés entre 2 Etats est un accord international régi exclusivement par le droit des Traités (Convention de Vienne du 23 mai 1969).
- les vices de consentement comme moyens d’annulation : irrégularité de procédure (incompétence du signataire : art 40) ; dol (art 49) ; corruption des représentants de l’Etat (art 51) ; menace ou emploi de la force (art 52)
- les principes généraux du droit comme moyen d’annulation : l’usure ; l’enrichissement sans cause ; coût excessif ; lésion ; abus de droit ; clauses récusables comme les intérêts sur les intérêts
- doctrine de la dette odieuse Dette odieuse Selon la doctrine, pour qu’une dette soit odieuse, et donc nulle, elle doit remplir deux conditions :
1) Elle doit avoir été contractée contre les intérêts de la Nation, ou contre les intérêts du Peuple, ou contre les intérêts de l’État.
2) Les créanciers ne peuvent pas démontrer qu’ils ne pouvaient pas savoir que la dette avait été contractée contre les intérêts de la Nation.

Il faut souligner que selon la doctrine de la dette odieuse, la nature du régime ou du gouvernement qui la contracte n’est pas particulièrement importante, puisque ce qui compte, c’est l’utilisation qui est faite de cette dette. Si un gouvernement démocratique s’endette contre l’intérêt de la population, cette dette peut être qualifiée d’odieuse, si elle remplit également la deuxième condition. Par conséquent, contrairement à une version erronée de cette doctrine, la dette odieuse ne concerne pas seulement les régimes dictatoriaux.
(voir : Eric Toussaint, « La Dette odieuse selon Alexander Sack et selon le CADTM » ).

Le père de la doctrine de la dette odieuse, Alexander Nahum Sack, dit clairement que les dettes odieuses peuvent être attribuées à un gouvernement régulier. Sack considère qu’une dette régulièrement contractée par un gouvernement régulier peut être considérée comme incontestablement odieuse... si les deux critères ci-dessus sont remplis.

Il ajoute : « Ces deux points établis, c’est aux créanciers que reviendrait la charge de prouver que les fonds produits par lesdits emprunts avaient été en fait utilisés non pour des besoins odieux, nuisibles à la population de tout ou partie de l’État, mais pour des besoins généraux ou spéciaux de cet État, qui n’offrent pas un caractère odieux ».

Sack a défini un gouvernement régulier comme suit :
« On doit considérer comme gouvernement régulier le pouvoir suprême qui existe effectivement dans les limites d’un territoire déterminé. Que ce pouvoir soit monarchique (absolu ou limité) ou républicain ; qu’il procède de la « grâce de Dieu » ou de la « volonté du peuple » ; qu’il exprime la « volonté du peuple » ou non, du peuple entier ou seulement d’une partie de celui-ci ; qu’il ait été établi légalement ou non, etc., tout cela n’a pas d’importance pour le problème qui nous occupe. »

Donc, il n’y a pas de doute à avoir sur la position de Sack, tous les gouvernements réguliers, qu’ils soient despotiques ou démocratiques, sous différentes variantes, sont susceptibles de contracter des dettes odieuses.
(Sack 1927) : citer le passage connu.

Une doctrine n’a pas en soi une valeur juridique mais celle ci en a une car 2 jugements se basent sur cette doctrine (Costa Rica 1922, sentence Olmos de 2000). Ces deux jugement dénoncent la responsabilité des créanciers et leur mauvaise foi.

Dans cas de la RDC, la responsabilité des créanciers doit être mise en cause car savaient les détournements de Mobutu (rapport Blummenthal de 1982 : « la corruption érigée comme système caractéristique du Zaïre »).

- Jurisprudence du CIRDI CIRDI Le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) a été créé en 1965 au sein de la Banque mondiale, par la Convention de Washington de 1965 instituant un mécanisme d’arbitrage sous les auspices de la Banque mondiale.

Jusqu’en 1996, le CIRDI a fonctionné de manière extrêmement sporadique : 1972 est la date de sa première affaire (la seule de l’année), l’année 1974 suivit avec 4 affaires, et suivirent de nombreuses années creuses sans aucune affaire inscrite (1973, 1975,1979, 1980, 1985, 1988, 1990 et 1991). L’envolée du nombre d’affaires par an depuis 1996 (1997 : 10 affaires par an contre 38 affaires pour 2011) s’explique par l’effet des nombreux accords bilatéraux de protection et de promotion des investissements (plus connus sous le nom de « TBI ») signés a partir des années 90, et qui représentent 63% de la base du consentement à la compétence du CIRDI de toutes les affaires (voir graphique)). Ce pourcentage s’élève à 78% pour les affaires enregistrées uniquement pour l’année 2011.

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« Klockner » : le droit civil et commercial autorise le Cameroon à ne pas rembourser la Société allemande car cette dernière n’a pas rempli son obligation Obligations
Obligation
Part d’un emprunt émis par une société ou une collectivité publique. Le détenteur de l’obligation, l’obligataire, a droit à un intérêt et au remboursement du montant souscrit. L’obligation est souvent l’objet de négociations sur le marché secondaire.
contractuelle. (jurisprudence à utiliser pour les grands projets comme Inga)

8) Quelles sont les conséquences juridiques de l’audit ?

Pendant la réalisation de l’audit, il faut suspendre le remboursement des créances.
- l’annulation immédiate et inconditionnelle des créances belges illicites au regard de ces principes juridiques sans inclure ces annulation dans l’APD APD On appelle aide publique au développement les dons ou les prêts consentis à des conditions financières privilégiées accordés par des organismes publics des pays industrialisés à des pays en développement. Il suffit donc qu’un prêt soit consenti à un taux inférieur à celui du marché pour qu’il soit considéré comme prêt concessionnel et donc comme une aide, même s’il est ensuite remboursé jusqu’au dernier centime par le pays bénéficiaire. Les prêts bilatéraux liés (qui obligent le pays bénéficiaire à acheter des produits ou des services au pays prêteur) et les annulations de dette font aussi partie de l’APD, ce qui est inadmissible. (cf Norvège)

- la récupération par la peuple congolais des biens mal acquis (cf fortune de Mobutu estimée à 8 milliards de dollars).

Tout à fait possible (ex : août 2004, 700 millions de dollars gelés sur les comptes suisses du dictateur Abasha restitués par le gouvernement suisse au peuple nigérian et décision du 22 février 2005 par la Cour Suprême de Suisse qui reconnaît clairement le caractère délictueux de cette fortune et le droit des peuples à récupérer ces fonds).

- réparation des dommages humains, écologiques et culturels

9) Conclusion

De par sa responsabilité historique et ses liens avec la RDC, la Belgique doit poser le plus rapidement possible un geste non conditionné à l’initiative PPTE PPTE
Pays pauvres très endettés
L’initiative PPTE, mise en place en 1996 et renforcée en septembre 1999, est destinée à alléger la dette des pays très pauvres et très endettés, avec le modeste objectif de la rendre juste soutenable.

Elle se déroule en plusieurs étapes particulièrement exigeantes et complexes.

Tout d’abord, le pays doit mener pendant trois ans des politiques économiques approuvées par le FMI et la Banque mondiale, sous forme de programmes d’ajustement structurel. Il continue alors à recevoir l’aide classique de tous les bailleurs de fonds concernés. Pendant ce temps, il doit adopter un document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP), parfois juste sous une forme intérimaire. À la fin de ces trois années, arrive le point de décision : le FMI analyse le caractère soutenable ou non de l’endettement du pays candidat. Si la valeur nette du ratio stock de la dette extérieure / exportations est supérieure à 150 % après application des mécanismes traditionnels d’allégement de la dette, le pays peut être déclaré éligible. Cependant, les pays à niveau d’exportations élevé (ratio exportations/PIB supérieur à 30 %) sont pénalisés par le choix de ce critère, et on privilégie alors leurs recettes budgétaires plutôt que leurs exportations. Donc si leur endettement est manifestement très élevé malgré un bon recouvrement de l’impôt (recettes budgétaires supérieures à 15 % du PIB, afin d’éviter tout laxisme dans ce domaine), l’objectif retenu est un ratio valeur nette du stock de la dette / recettes budgétaires supérieur à 250 %. Si le pays est déclaré admissible, il bénéficie de premiers allégements de son service de la dette et doit poursuivre avec les politiques agréées par le FMI et la Banque mondiale. La durée de cette période varie entre un et trois ans, selon la vitesse de mise en œuvre des réformes clés convenues au point de décision. À l’issue, arrive le point d’achèvement. L’allégement de la dette devient alors acquis pour le pays.

Le coût de cette initiative est estimé par le FMI en 2019 à 76,2 milliards de dollars, soit environ 2,54 % de la dette extérieure publique du Tiers Monde actuelle. Les PPTE sont au nombre de 39 seulement, dont 33 en Afrique subsaharienne, auxquels il convient d’ajouter l’Afghanistan, la Bolivie, le Guyana, Haïti, le Honduras et le Nicaragua. Au 31 mars 2006, 29 pays avaient atteint le point de décision, et seulement 18 étaient parvenus au point d’achèvement. Au 30 juin 2020, 36 pays ont atteint le point d’achèvement. La Somalie a atteint le point de décision en 2020. L’Érythrée et le Soudan n’ont pas encore atteint le point de décision.

Alors qu’elle devait régler définitivement le problème de la dette de ces 39 pays, cette initiative a tourné au fiasco : leur dette extérieure publique est passée de 126 à 133 milliards de dollars, soit une augmentation de 5,5 % entre 1996 et 2003.

Devant ce constat, le sommet du G8 de 2005 a décidé un allégement supplémentaire, appelée IADM (Initiative d’allégement de la dette multilatérale), concernant une partie de la dette multilatérale des pays parvenus au point de décision, c’est-à-dire des pays ayant soumis leur économie aux volontés des créanciers. Les 43,3 milliards de dollars annulés via l’IADM pèsent bien peu au regard de la dette extérieure publique de 209,8 milliards de dollars ces 39 pays au 31 décembre 2018.
qui viserait à annuler la dette bilatérale illégitime et odieuse. Ce qui pourrait avoir un effet d’entraînement chez les autres créanciers du Nord.


Renaud Vivien

membre du CADTM Belgique, juriste en droit international. Il est membre de la Commission pour la Vérité sur la dette publique de la Grèce créée le 4 avril 2015. Il est également chargé de plaidoyer à Entraide et Fraternité.

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