9 mars par Christian Delarue
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Elle se mène dans la rue comme dans l’Assemblée nationale, mais aussi au plan théorique.
A) Le clivage théorique sur les retraites
Une tribune sur Libération [1] portant sur la capitalisation des retraites, nommée « France : Retraites, l’illusion de la capitalisation », écrit par Jean-Marie Harribey, Pierre Khalfa et Christiane Marty, économistes, membres de la Fondation Copernic et d’Attac, vient utilement préciser que la capitalisation ne vient pas « compléter » la répartition, comme on le laisse entendre trop souvent, car il y a « cannibalisation », ce qui signifie que la capitalisation détruit peu à peu mais sûrement la répartition et sa logique.
Dans « Retraites - Saison 2022 » (Fondation Copernic page 43) Christiane Marty indique que la capitalisation reste faible en France qui est donc un territoire de conquête pour la bourgeoisie assurantielle et plus largement le pouvoir de la finance privée (5, 1% du montant total des cotisations, et 2,1% du montant total des pensions versées en 2020). Elle ajoute, ce qui est important pour montrer le rôle de l’État, que la capitalisation est favorisée par des dispositifs de défiscalisation.
Ce « construire la répartition ou la détruire par la capitalisation » (dit ici en termes frommien) recouvre une contradiction classe-peuple, ou même pour parler comme Waren Buffet une « guerre de classes » (guerre, c’est moins euphémisé que « contradiction ») entre chaque classe dominante et le peuple-classe d’une nation. Car l’introduction de la capitalisation ne s’est pas faite qu’en France.
Le peuple-classe de France (avec diverses classes et strates des 99%) a tout intérêt a défendre la répartition mais la classe dominante, sa fraction assurantielle [2] au premier chef mais les autres composantes aussi, a elle intérêt contraire à réduire plus encore la répartition pour placer plus de capitalisation, cette dernière est en effet source de gros profits qui engraissent cette classe sociale, alors que la répartition ne lui apporte rien, bien au contraire.
B) La bataille idéologique plus générale
Notons bien - c’est important- que le classisme comme forme de domination [3] vient d’en-haut, de la classe dominante et pas d’en-bas ainsi que les libéraux le disent en ajoutant parfois que la lutte de classe d’en-bas n’est guère « fraternelle » !
De là à vouloir interdire toute résistance populaire de type gilets jaunes ou résistances étudiantes, pour ne laisser que les luttes syndicales mais celles jugées « fraternelles », il y a un pas qui permet de passer de fascisation à fascisme pour interdire les syndicats de classe, la grève et les manifestations de rue.
Le 7 mars 23 la France des 99% bloque la France du 1% ET le 8 mars les féministes font de même : Ni classisme, ni sexisme.
Aujourd’hui 4 mars des rassemblements contre le projet Darmanin portant un nouveau durcissement des conditions d’entrée des étrangers sollicitant l’asile.
Outre faire reculer Macron sur cette réforme de classe il y a d’autres enjeux
La démocratie représentative, avec son histoire faite de conquêtes démocratiques contre la version censitaire et la version masculine, est « à bout de souffle ». On répète qu’elle est « en crise » depuis longtemps. Elle arrive désormais à un point de captation important par la classe dominante et au-delà elle, son bloc social dominant, qu’elle devient une sorte de masque d’une ploutocratie très inégalitaire, qui s’arroge des droits pour elle et des obligations
Obligations
Obligation
Part d’un emprunt émis par une société ou une collectivité publique. Le détenteur de l’obligation, l’obligataire, a droit à un intérêt et au remboursement du montant souscrit. L’obligation est souvent l’objet de négociations sur le marché secondaire.
pour le reste de la population.
Il importe, à mon sens, de faire plus le lien entre Démocratie et refus de la « thatchérisation du monde » menée depuis 1979 par les élites néolibérales, et donc avec lien explicite avec un « État de droit nouveau », Etat social fort (vraie « main gauche de l’Etat »), République sociale (ses conquêtes historiques post-45 étatisée à tort), République écosocialiste et démocratie éco-socialiste pour qui veut penser à un changement de paradigme ou le « cœur capitaliste » deviendrait marginal, une sorte de prolongation historique de la République sociale.
On ne peut se limiter - même si c’est nécessaire - à discuter des seuls mécanismes démocratiques (cumul des mandats horizontaux et verticaux par exemple mais rien sur la sur-représentation des couches aisées chez les élus, etc) hors inscription sociale , en faisant aussi comme si les citoyens étaient égaux (premier masque) et comme si les sujets marchands étaient eux aussi égaux (second masque). Je n’évoque là que les premières critiques d’un livre qui fut important à mes yeux, celui de Tony Andréani et Marc Feray publié il y à 30 ans (en 1993 ed L’Harmattan) sous le titre « Discours sur l’égalité parmi les hommes » et le sous-titre « Penser l’alternative ».
La « gauche » PS a oublié l’égalité au profit de l’équité ou de l’égalité des chances. Les inégalités de richesses ont explosées au fil des ans et d’autres inégalités - santé, scolaires, logement, transport, etc (liées aux besoins sociaux) - viennent s’y ajouter ainsi que diverses discriminations. Les inégalités économiques profitent à la classe dominante qui accumulent des revenus faramineux sous diverses formes et qui les placent souvent dans les paradis fiscaux
Paradis fiscaux
Paradis fiscal
Territoire caractérisé par les cinq critères (non cumulatifs) suivants :
(a) l’opacité (via le secret bancaire ou un autre mécanisme comme les trusts) ;
(b) une fiscalité très basse, voire une imposition nulle pour les non-résidents ;
(c) des facilités législatives permettant de créer des sociétés écrans, sans aucune obligation pour les non-résidents d’avoir une activité réelle sur le territoire ;
(d) l’absence de coopération avec les administrations fiscales, douanières et/ou judiciaires des autres pays ;
(e) la faiblesse ou l’absence de régulation financière.
La Suisse, la City de Londres et le Luxembourg accueillent la majorité des capitaux placés dans les paradis fiscaux. Il y a bien sûr également les Iles Caïmans, les Iles anglo-normandes, Hong-Kong, et d’autres lieux exotiques. Les détenteurs de fortunes qui veulent échapper au fisc ou ceux qui veulent blanchir des capitaux qui proviennent d’activités criminelles sont directement aidés par les banques qui font « passer » les capitaux par une succession de paradis fiscaux. Les capitaux généralement sont d’abord placés en Suisse, à la City de Londres ou au Luxembourg, transitent ensuite par d’autres paradis fiscaux encore plus opaques afin de compliquer la tâche des autorités qui voudraient suivre leurs traces et finissent par réapparaître la plupart du temps à Genève, Zurich, Berne, Londres ou Luxembourg, d’où ils peuvent se rendre si nécessaires vers d’autres destinations.
. Cela ne va pas aux classes populaires.
La CGT pose un maxi à 15000€, soit 10 X 1500€ de salaire minimum. Ce qui fait un écart de 1 à 10 . Et extension du salaire minimum en Europe.
[1] à lire en date du 3 mars 2023 sur :
https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/retraites-lillusion-de-la-capitalisation-20230303_DT3AKHZBKRA25PLIIZZG6SGSKQ
[2] Macron au service de la bourgeoisie assurantielle. sur ce blog et sur :
http://amitie-entre-les-peuples.org/Retraite-Macron-au-service-de-la-bourgeoisie-assurantielle
[3] Au classisme on peut ajouter le sexisme, le racisme.
Les deux niveaux des dominations globales
http://amitie-entre-les-peuples.org/Les-deux-niveaux-des-dominations-globales-Christian-Delarue
Responsable national du MRAP en charge de l’altermondialisme (ATTAC et CADTM)
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