26 juillet 2018 par Zoe Konstantopoulou
Retraités grecs lors d’un rassemblement anti-austérité à Athènes Photo : Yannis Kolesidis/EPA
Le Premier ministre grec et Syriza ont trahi leur peuple et leurs principes. Ils doivent partir.
La semaine dernière (ndlr : article initialement publié en anglais le 9 juillet 2018), c’était le troisième anniversaire du référendum de 2015, par lequel le peuple grec a dit non à plus d’austérité et non aux atteintes à la démocratie par les créanciers.
La semaine précédente, Alexis Tsipras, le Premier ministre qui a trahi le courageux « non » du peuple grec, s’est rendu à Londres pour présenter comme une prouesse sa capitulation devant la troïka, composée de la Commission européenne, du Fonds monétaire international
FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.
À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).
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(FMI) et de la Banque centrale européenne (BCE
BCE
Banque centrale européenne
La Banque centrale européenne est une institution européenne basée à Francfort, créée en 1998. Les pays de la zone euro lui ont transféré leurs compétences en matières monétaires et son rôle officiel est d’assurer la stabilité des prix (lutter contre l’inflation) dans la dite zone.
Ses trois organes de décision (le conseil des gouverneurs, le directoire et le conseil général) sont tous composés de gouverneurs de banques centrales des pays membres et/ou de spécialistes « reconnus ». Ses statuts la veulent « indépendante » politiquement mais elle est directement influencée par le monde financier.
).
Imaginez comment réagirait le peuple britannique face à un Premier ministre élu pour mettre fin aux privatisations et qui au contraire aurait privatisé presque tout ce qui était public ; qui aurait été élu pour servir la paix et qui au lieu de cela aurait facilité les actions militaires contre des cibles en Syrie et aurait accepté de vendre des armes à des pays accusés de commettre des crimes au regard du droit international ; qui aurait été élu pour protéger les domiciles des particuliers et qui serait resté les bras ballants pendant que les banques procédaient à leur saisie, laissant les gens à la rue ; qui aurait été élu pour promouvoir la démocratie et l’indépendance de son pays et qui pourtant l’aurait livré en pâture à l’Union européenne, au FMI et à la BCE.
C’est là ce que Tsipras a fait subir au peuple grec.
J’étais députée de Syriza et présidente du Parlement grec pendant les sept mois qu’a duré le premier gouvernement de ce parti. Lorsque Tsipras a signé le troisième mémorandum en dépit de sa toxicité, en 2015, j’ai lutté de toutes mes forces pour préserver nos procédures parlementaires que le Premier ministre et la troïka foulaient aux pieds. En dépit des pressions permanentes, j’ai refusé de déroger à nos règles démocratiques et d’endetter encore plus notre peuple. Avec des dizaines d’autres parlementaires de Syriza, j’ai voté contre cet accord monstrueux.
Tsipras a alors dissous prématurément le Parlement pour nous écarter, les parlementaires dissidents et moi.
Trois ans plus tard, sa capitulation devant la troïka s’est révélée aussi désastreuse que nombre d’entre nous l’avions prédit. La vie de nos concitoyens est devenue intolérable. Le chômage des jeunes est devenu la norme et on estime à 8 % la part de la population qui a quitté le pays à la recherche d’un emploi. Le salaire minimum ne permet pas de couvrir les factures et des centaines de milliers de familles doivent se passer d’électricité pendant de longues périodes.
Cette tragédie a commencé dès 2010, mais Tsipras et son gouvernement soi-disant de gauche ont tout fait pour prouver qu’ils pouvaient mener les politiques austéritaires mieux que leurs prédécesseurs. Ils se vantent même de dépasser les cruels objectifs de la troïka en matière de coupures budgétaires et d’impôts.
Pendant les élections anticipées de 2015, Tsipras a prétendu avoir signé le troisième mémorandum parce que la troïka lui avait promis des discussions sur un allègement de la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
. Le 21 juin dernier, l’Eurogroupe a convenu d’une extension de dix ans de l’échéancier de remboursement de la Grèce, ce qui en définitive, signifie que davantage d’enfants et de jeunes deviendront endettés contre leur volonté. Chaque nouveau-né en Grèce voit le jour avec une dette de 40 000 euros, et de moins en moins de bébés naissent depuis l’imposition de mesures d’austérité.
Tsipras a salué la prolongation de l’échéancier dans un discours où il qualifie ce 21 juin de « jour historique ». Je doute que quelqu’un s’en souvienne l’année prochaine. La dette de la Grèce, source de nos ennuis, a été déclarée « illégitime, illégale, odieuse et insoutenable » par la commission parlementaire d’audit de la dette que j’avais convoquée lorsque j’étais présidente du Parlement en 2015. Tsipras n’a jamais utilisé les rapports officiels de cette commission. Sous son mandat, la dette de la Grèce s’est encore accrue et selon les prévisions, elle devrait exploser.
L’Eurogroupe a imposé à la Grèce un objectif d’excédent budgétaire d’au moins 2,2 % du PIB
PIB
Produit intérieur brut
Le PIB traduit la richesse totale produite sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées.
Le Produit intérieur brut est un agrégat économique qui mesure la production totale sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées. Cette mesure est notoirement incomplète ; elle ne tient pas compte, par exemple, de toutes les activités qui ne font pas l’objet d’un échange marchand. On appelle croissance économique la variation du PIB d’une période à l’autre.
d’ici 2060. Tsipras prétend que la Grèce « sortira proprement » du mémorandum en août prochain : il a déjà légiféré pour introduire de nouvelles mesures austéritaires prescrites par la troïka jusqu’à 2022, accepté la surveillance de l’économie jusqu’à 2060 et a renoncé à tout contrôle sur les biens publics jusqu’à 2114.
Tsipras prétendait vouloir mettre à bas les oligarques des médias. Aujourd’hui pourtant, ces anciens oligarques n’ont rien perdu de leur pouvoir et une nouvelle génération s’est même installée, les « oligarques de l’ère Tsipras ».
Sa politique étrangère a connu le même sort : en octobre dernier, alors qu’il représentait un État en faillite, il a dépensé pas moins de 2,4 milliards de dollars pour l’achat d’avions de chasse F-16 aux États-Unis. Il a ensuite fait l’éloge de Donald Trump qui, selon lui, perpétue « la tradition de démocratie et de liberté » née en Grèce. En bon caniche de Washington, Tsipras a également noué d’étroites relations avec le gouvernement israélien de Benjamin Netanyahou, a accepté de vendre des armes à l’Arabie Saoudite, dont le régime est actuellement accusé de bombarder des enfants au Yémen et a levé le véto de la Grèce à l’expansion de l’OTAN
OTAN
Organisation du traité de l’Atlantique Nord
Elle assure aux Européens la protection militaire des États-Unis en cas d’agression, mais elle offre surtout aux États-Unis la suprématie sur le bloc occidental. Les pays d’Europe occidentale ont accepté d’intégrer leurs forces armées à un système de défense placé sous commandement américain, reconnaissant de ce fait la prépondérance des États-Unis. Fondée en 1949 à Washington et passée au second plan depuis la fin de la guerre froide, l’OTAN comprenait 19 membres en 2002 : la Belgique, le Canada, le Danemark, les États-Unis, la France, la Grande-Bretagne, l’Islande, l’Italie, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas, le Portugal, auxquels se sont ajoutés la Grèce et la Turquie en 1952, la République fédérale d’Allemagne en 1955 (remplacée par l’Allemagne unifiée en 1990), l’Espagne en 1982, la Hongrie, la Pologne et la République tchèque en 1999.
dans les Balkans. Il a également signé des accords sur les réfugiés qui constituent une violation criante du droit international humanitaire.
Depuis 2015, il a mis en œuvre un programme de privatisation cynique, vendant à vil prix nos ports, nos aéroports, nos côtes, nos voies ferrées, nos compagnies d’électricité, d’eau et de gaz, nos sites archéologiques et culturels, nos théâtres, nos tribunaux, nos mines d’or et d’autres entreprises prospères. Aucun de ses prédécesseurs néolibéraux n’avait osé aller aussi loin.
En 2017, son gouvernement a lancé la vente aux enchères en ligne des logements de familles qui n’étaient plus en mesure de s’acquitter de leur dette envers leur banque, en ayant recours à des méthodes anticonstitutionnelles et à la violence policière. Comme avocate, j’ai même vu la police user de gaz lacrymogène dans un tribunal. Pour complaire à la troïka, il a même criminalisé les manifestations contre la vente aux enchères des domiciles.
En tant que dirigeante du parti Trajet de liberté, j’ai appelé le peuple grec à résister à la troïka et à Syriza, son gouvernement vassal. Nous demandons le soutien de tous les progressistes, y compris de nos amis du parti travailliste britannique.
Syriza n’est pas le parti de gauche qu’il prétend être. Il est devenu un zombie politique, piétinant toutes les valeurs progressistes alors qu’il se rend, tel un somnambule, vers son trépas électoral. Sa destitution est la première étape vers la restauration de la démocratie en Grèce.
Zoe Konstantopoulou est l’ancienne Présidente du Parlement hellénique.
Traduit depuis l’anglais par Hélène Tagand
Source : The Guardian
avocate et femme politique grecque. Ex-députée du parti de la gauche radicale Syriza, qui a gagné les élections législatives du 25 janvier 2015 en Grèce, a été la plus jeune présidente de la Vouli (Parlement grec), de janvier à octobre 2015, et la deuxième femme seulement à exercer cette fonction. Dès son élection elle mandata, en avril 2015, un audit de la dette publique grecque avec la formation de la Commission pour la vérité sur la dette publique. Zoé Konstantopoulou s’est opposée à la trahison du résultat du référendum du 5 juillet 2015 par le gouvernement d’Alexis Tsipras. En 2016, elle a fondé une nouvelle organisation politique appelée Trajet de Liberté.
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