22 juin 2017 par Daphné Kioussis
CC - Flickr - Fred Bigio
"Témoin irréfutable à mes côtés, au tribunal du Temps,
la très grande, mère des dieux Olympiens, la Terre noire,
dont j’ai, autrefois, arraché les bornes fichées de tous côtés ;
autrefois esclave, la voilà libre"
Quand nous parlons de la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
, nous sommes directement renvoyés à la crise de la dette publique grecque, et les images sensationnelles qu’elle généra dans les médias, ou à celle des subprimes
Subprimes
Crédits hypothécaires spéciaux développés à partir du milieu des années 2000, principalement aux États-Unis. Spéciaux car, à l’inverse des crédits « primes », ils sont destinés à des ménages à faibles revenus déjà fortement endettés et étaient donc plus risqués ; ils étaient ainsi également potentiellement plus (« sub ») rentables, avec des taux d’intérêts variables augmentant avec le temps ; la seule garantie reposant généralement sur l’hypothèque, le prêteur se remboursant alors par la vente de la maison en cas de non-remboursement. Ces crédits ont été titrisés - leurs risques ont été « dispersés » dans des produits financiers - et achetés en masse par les grandes banques, qui se sont retrouvées avec une quantité énorme de titres qui ne valaient plus rien lorsque la bulle spéculative immobilière a éclaté fin 2007.
Voir l’outil pédagogique « Le puzzle des subprimes »
, inaugurant la crise financière qui se déclencha en 2008 et qui perdure encore aujourd’hui. Pourtant les crises économiques et sociales liées à la question de l’endettement ne sont pas un phénomène nouveau, ni même moderne. Elles existent depuis l’antiquité la plus archaïque. Parmi de nombreux exemples, celui de la crise de la dette qui saisit la cité athénienne à l’aube du VIe siècle avant J.C., et que Solon fut appelé à résoudre, reste encore d’une actualité étonnante.
Dans une société en profonde mutation, une grave crise agraire divise la cité qui se trouve désormais au bord de la guerre civile. Deux camps s’y opposent : l’aristocratie héréditaire d’une part et une masse de paysans sans terre de l’autre. Au cœur du problème se trouve la question de l’endettement des paysans auprès de cette même aristocratie dirigeante, qui conduit, quasi systématiquement, à l’asservissement des endettés.
Une multitude d’éléments est en jeu à cette époque : une explosion démographique et un droit héréditaire par division qui réduit à chaque génération les parts de terre des hommes libres, une économie de subsistance devenue économie marchande qui transforme la composition des classes sociales (les riches sont de moins en moins nombreux et de plus en plus riches, alors que les gens communs sont de plus en plus nombreux et de moins en moins riches), ainsi que l’absence de terres communes. Dans cette situation, le recours des démunis à l’emprunt est inévitable. Mais qu’est-ce qui pousse la classe dirigeante à prêter, alors que le défaut est certain ?
La réponse se trouve sans doute dans la transformation des statuts civiques, et la diffusion grandissante du mécanisme de remboursement par asservissement. Il existait alors deux types d’esclavage pour dettes : un asservissement temporaire, où le remboursement de la dette se fait via le travail et un asservissement définitif, le paranomè, suite à un défaut. C’est-à-dire que de nombreux hommes libres se sont trouvés réduits en esclavage, certains d’entre eux étant même vendus à l’étranger, alors que, par ce même mécanisme, l’aristocratie contrôlait non seulement l’ensemble de la production (des terres et des matières premières qu’elle s’accaparait, à la main d’œuvre qu’elle asservissait), mais de plus en plus la cité tout entière. C’est exactement cette situation que Solon fut appelé à résoudre, en tant que gouverneur pour le présent et en tant que nomothète (celui qui établit les lois) pour le futur.
Malheureusement, nous ne disposons que de rarissimes sources premières sur la question. Parmi elles se trouvent quelques vers élégiaques de Solon, qui cherchait à expliquer par sa poésie, non seulement ses actions en tant qu’homme politique, mais aussi un concept nouveau de justice. Celle-ci se reflète dans les mesures qu’il imposa – parmi lesquelles, la seïsachteia, qui consistait en l’annulation des dettes privées, l’interdiction d’emprunts sur gage de la personne et la création de la boulê des Quatre cents (Conseil des Quatre cents).
Parallèlement, à d’autres réformes qui ont ouvert la voie pour la démocratisation de la société athénienne.
Cet article est extrait du magazine du CADTM : Les Autres Voix de la Planète