Solutions émancipatrices au problème de la dette publique

27 décembre 2015 par Didier Epsztajn


Nouvelle formule de la revue Les autres voix de la planète.

« Restructuration, défaut de paiement, audit de la dette, annulation. Ces termes sont de plus en plus évoqués dans le débat public au sujet des réponses à apporter face à l‘excès de la dette publique, qui peut être insoutenable, illégitime, illégale voire odieuse. »



Les auteur-e-s reviennent sur la définition des « restructurations de dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
 », les conditions imposées contraire aux intérêts des pays endettés et des populations, les calculs économiques et géopolitiques, la nécessaire priorité à donner à « la réalisation d’un audit intégral de la dette (avec la participation citoyenne active), combinée si nécessaire à la suspension des remboursements ».

Dans les différents articles, elles et ils abordent, entre autres, les plans d’ajustement structurels, le FMI FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.

À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).

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« pompier pyromane », les politiques menées en direction des Pays pauvres très endettés PPTE
Pays pauvres très endettés
L’initiative PPTE, mise en place en 1996 et renforcée en septembre 1999, est destinée à alléger la dette des pays très pauvres et très endettés, avec le modeste objectif de la rendre juste soutenable.

Elle se déroule en plusieurs étapes particulièrement exigeantes et complexes.

Tout d’abord, le pays doit mener pendant trois ans des politiques économiques approuvées par le FMI et la Banque mondiale, sous forme de programmes d’ajustement structurel. Il continue alors à recevoir l’aide classique de tous les bailleurs de fonds concernés. Pendant ce temps, il doit adopter un document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP), parfois juste sous une forme intérimaire. À la fin de ces trois années, arrive le point de décision : le FMI analyse le caractère soutenable ou non de l’endettement du pays candidat. Si la valeur nette du ratio stock de la dette extérieure / exportations est supérieure à 150 % après application des mécanismes traditionnels d’allégement de la dette, le pays peut être déclaré éligible. Cependant, les pays à niveau d’exportations élevé (ratio exportations/PIB supérieur à 30 %) sont pénalisés par le choix de ce critère, et on privilégie alors leurs recettes budgétaires plutôt que leurs exportations. Donc si leur endettement est manifestement très élevé malgré un bon recouvrement de l’impôt (recettes budgétaires supérieures à 15 % du PIB, afin d’éviter tout laxisme dans ce domaine), l’objectif retenu est un ratio valeur nette du stock de la dette / recettes budgétaires supérieur à 250 %. Si le pays est déclaré admissible, il bénéficie de premiers allégements de son service de la dette et doit poursuivre avec les politiques agréées par le FMI et la Banque mondiale. La durée de cette période varie entre un et trois ans, selon la vitesse de mise en œuvre des réformes clés convenues au point de décision. À l’issue, arrive le point d’achèvement. L’allégement de la dette devient alors acquis pour le pays.

Le coût de cette initiative est estimé par le FMI en 2019 à 76,2 milliards de dollars, soit environ 2,54 % de la dette extérieure publique du Tiers Monde actuelle. Les PPTE sont au nombre de 39 seulement, dont 33 en Afrique subsaharienne, auxquels il convient d’ajouter l’Afghanistan, la Bolivie, le Guyana, Haïti, le Honduras et le Nicaragua. Au 31 mars 2006, 29 pays avaient atteint le point de décision, et seulement 18 étaient parvenus au point d’achèvement. Au 30 juin 2020, 36 pays ont atteint le point d’achèvement. La Somalie a atteint le point de décision en 2020. L’Érythrée et le Soudan n’ont pas encore atteint le point de décision.

Alors qu’elle devait régler définitivement le problème de la dette de ces 39 pays, cette initiative a tourné au fiasco : leur dette extérieure publique est passée de 126 à 133 milliards de dollars, soit une augmentation de 5,5 % entre 1996 et 2003.

Devant ce constat, le sommet du G8 de 2005 a décidé un allégement supplémentaire, appelée IADM (Initiative d’allégement de la dette multilatérale), concernant une partie de la dette multilatérale des pays parvenus au point de décision, c’est-à-dire des pays ayant soumis leur économie aux volontés des créanciers. Les 43,3 milliards de dollars annulés via l’IADM pèsent bien peu au regard de la dette extérieure publique de 209,8 milliards de dollars ces 39 pays au 31 décembre 2018.
(PPTE), les non-annulation des dettes multilatérales et l’annulation de créances Créances Créances : Somme d’argent qu’une personne (le créancier) a le droit d’exiger d’une autre personne (le débiteur). impayables, le sens réel des mouvements de transferts financiers (des pays « pauvres » aux créanciers riches), la dette comme nouvel instrument de domination…

Elles et ils parlent de l’accord de 1953 sur la réduction de la dette « allemande », du pillage de l’Irak, des conditionnalités Conditionnalités Ensemble des mesures néolibérales imposées par le FMI et la Banque mondiale aux pays qui signent un accord, notamment pour obtenir un aménagement du remboursement de leur dette. Ces mesures sont censées favoriser l’« attractivité » du pays pour les investisseurs internationaux mais pénalisent durement les populations. Par extension, ce terme désigne toute condition imposée en vue de l’octroi d’une aide ou d’un prêt. catastrophiques assorties aux dettes et restructurations de celles-ci, des leçons de la politique menée en Argentine, des dettes odieuses et de la suspension unilatérale des remboursements, des audits, « La lutte pour la dignité du peuple grec s’inscrit dans celle du peuple argentin et de tous les autres peuples du monde pour le droit de connaître la vérité sur la dette publique », de la domination exercée par une minorité détentrice de capital, de dette illégitime et des modalités de son annulation par de l’Equateur…

Le second chapitre est consacré à la Grèce.

Les auteur-e-s mettent en relation les politiques menées vis à vis de l’Allemagne en 1953 et de la Grèce durant les dernières années. Elles et ils donnent des définitions pour la « dette publique illégitime », la « dette illégale Dette illégale Les dettes illégales sont les dettes qui ont été contractées en violation des procédures légales en vigueur (par exemple en contournant les procédures parlementaires), celles qui ont été marquées par une faute grave du créancier (par exemple par recours à la corruption, à la menace ou à la coercition) ou issues de prêts assortis de conditions violant le droit national (du pays débiteur ou créancier) et/ou international, dont les principes généraux du droit.  », la « dette publique odieuse » et la « dette publique insoutenable », exposent le travail et les conclusions de la « Commission pour la vérité »…

(Voir : Rapport Préliminaire de la Commission pour la vérité sur la dette publique grecque, rapport-preliminaire-de-la-commission-pour-la-verite-sur-la-dette-publique-grecque/ ou note de lecture sur le Rapport de la commission pour la vérité sur la dette publique grecque, la-dignite-des-populations-grecques-vaut-plus-quune-dette-illegale-illegitime-odieuse-et-insoutenable)

Les auteur-e-s analysent aussi le cas de l’Islande, du plan Brady, la BCE BCE
Banque centrale européenne
La Banque centrale européenne est une institution européenne basée à Francfort, créée en 1998. Les pays de la zone euro lui ont transféré leurs compétences en matières monétaires et son rôle officiel est d’assurer la stabilité des prix (lutter contre l’inflation) dans la dite zone.
Ses trois organes de décision (le conseil des gouverneurs, le directoire et le conseil général) sont tous composés de gouverneurs de banques centrales des pays membres et/ou de spécialistes « reconnus ». Ses statuts la veulent « indépendante » politiquement mais elle est directement influencée par le monde financier.
comme « fonds vautour Fonds vautour
Fonds vautours
Fonds d’investissement qui achètent sur le marché secondaire (la brocante de la dette) des titres de dette de pays qui connaissent des difficultés financières. Ils les obtiennent à un montant très inférieur à leur valeur nominale, en les achetant à d’autres investisseurs qui préfèrent s’en débarrasser à moindre coût, quitte à essuyer une perte, de peur que le pays en question se place en défaut de paiement. Les fonds vautours réclament ensuite le paiement intégral de la dette qu’ils viennent d’acquérir, allant jusqu’à attaquer le pays débiteur devant des tribunaux qui privilégient les intérêts des investisseurs, typiquement les tribunaux américains et britanniques.
 »…

La troisième partie est consacrée au FMI, au cadre juridique de l’ONU, au modèle productif visant à générer des devises nécessaires aux remboursements des dettes illégitimes, aux projets de restructuration de la dette au Portugal, au « non-paiement »…

Des argumentaires et des analyses indispensables pour comprendre les mécanismes de la dette, la nécessité des audits citoyens sur l’endettement, « Notre objectif est de NE PAS payer la dette illégitime et/ou illégale contractée en notre nom, sans notre accord, qui ne bénéficie pas à la population et que nous avons déjà payée plusieurs fois, car, en fin de compte, avec tant de vol et de gaspillage, le véritable créancier, c’est nous, le peuple » et les possibles politiques…

SOMMAIRE
- Introduction
- Définitions

I. QUI PROFITE DES RESTRUCTURATIONS DE DETTE ?
- L’initiative PPTE
- Des restructurations favorables aux débiteurs
- L’Irak, fausse générosité et vrai pillage
- Leçons de l’Argentine pour les pays européens
- La restructuration de la dette argentine
- Résistances à l’endettement impérialiste
- L’Équateur et la dette illégitime
- Équateur – Argentine, deux voies différentes

II. UNE SOLUTION À LA CRISE GRECQUE ?
- Audit de la dette grecque : unité de lieu, temps et action Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.

- Définition des termes de la Commission pour la Vérité
- L’accord de Londres de 1953
- La restructuration grecque de 2012
- Les auditions de la Commission pour la Vérité
- L’Islande, un modèle ?
- Le Plan Brady
- Le rapport de la Commission pour la Vérité
- BCE : un fonds vautour

III. UNE SOLUTION RÉFORMISTE ?
- Le FMI analyse les faits
- Le cadre juridique de l’ONU
- Commentaires sur la restructuration portugaise
- Restructuration ou non-paiement ?

AVP n°66 – Les autres voix de la planète, http://cadtm.org/Les-autres-voix-de-la-planete-no65
2e semestre 2015

La revue du CADTM, Liège 2015, 90 pages