16 décembre 2022 par Attac France
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Ce lundi 12 décembre, les 27 États membres de l’Union européenne (UE) se sont mis d’accord pour transposer l’accord mondial négocié en octobre 2021 sous l’égide de l’OCDE. Cet accord prévoit notamment un taux minimal d’imposition des bénéfices des multinationales de 15%. Présenté comme « historique » par ses promoteurs, il est en réalité historiquement insuffisant.
La transposition de l’accord mondial de l’OCDE
OCDE
Organisation de coopération et de développement économiques
Créée en 1960 et basée au Château de la Muette à Paris, l’OCDE regroupait en 2002 les quinze membres de l’Union européenne auxquels s’ajoutent la Suisse, la Norvège, l’Islande ; en Amérique du Nord, les USA et le Canada ; en Asie-Pacifique, le Japon, l’Australie, la Nouvelle-Zélande. La Turquie est le seul PED à en faire partie depuis le début pour des raisons géostratégiques. Entre 1994 et 1996, deux autres pays du Tiers Monde ont fait leur entrée dans l’OCDE : le Mexique qui forme l’ALENA avec ses deux voisins du Nord ; la Corée du Sud. Depuis 1995 et 2000, se sont ajoutés quatre pays de l’ancien bloc soviétique : la République tchèque, la Pologne, la Hongrie, la Slovaquie. Puis d’autres adhésions se sont produites : en 2010, le Chili, l’Estonie, Israël et la Slovénie, en 2016 la Lettonie, en 2018 la Lituanie et, en 2020, la Colombie est devenue le trente-septième membre.
Site : www.oecd.org
aurait été rendue possible par la levée du veto de la Hongrie, obtenue après de laborieuses négociations et un allègement de certaines sanctions que l’UE devait appliquer à la Hongrie. Il intervient également alors que les institutions européennes sont secouées par une affaire de corruption par le Qatar, paradis fiscal
Paradis fiscaux
Paradis fiscal
Territoire caractérisé par les cinq critères (non cumulatifs) suivants :
(a) l’opacité (via le secret bancaire ou un autre mécanisme comme les trusts) ;
(b) une fiscalité très basse, voire une imposition nulle pour les non-résidents ;
(c) des facilités législatives permettant de créer des sociétés écrans, sans aucune obligation pour les non-résidents d’avoir une activité réelle sur le territoire ;
(d) l’absence de coopération avec les administrations fiscales, douanières et/ou judiciaires des autres pays ;
(e) la faiblesse ou l’absence de régulation financière.
La Suisse, la City de Londres et le Luxembourg accueillent la majorité des capitaux placés dans les paradis fiscaux. Il y a bien sûr également les Iles Caïmans, les Iles anglo-normandes, Hong-Kong, et d’autres lieux exotiques. Les détenteurs de fortunes qui veulent échapper au fisc ou ceux qui veulent blanchir des capitaux qui proviennent d’activités criminelles sont directement aidés par les banques qui font « passer » les capitaux par une succession de paradis fiscaux. Les capitaux généralement sont d’abord placés en Suisse, à la City de Londres ou au Luxembourg, transitent ensuite par d’autres paradis fiscaux encore plus opaques afin de compliquer la tâche des autorités qui voudraient suivre leurs traces et finissent par réapparaître la plupart du temps à Genève, Zurich, Berne, Londres ou Luxembourg, d’où ils peuvent se rendre si nécessaires vers d’autres destinations.
notoire. L’histoire ne s’encombre guère de paradoxes.
L’accord mondial pourrait désormais être transposé dans les droits nationaux dans les deux prochaines années sauf surprise de dernière minute. Difficile cependant d’y voir une bonne nouvelle, tant les mesures qu’il prévoit sont limitées.
A titre d’exemple, le taux plancher est si bas qu’il risque d’entériner une taxation plus faible pour les multinationales que pour les PME, qui n’ont pas de filiales dans des paradis fiscaux. Les recettes fiscales dégagées seraient largement insuffisantes pour répondre aux défis mondiaux sociaux, écologiques et économiques. Ce taux minimal de 15 % pourrait par ailleurs entraîner une course à la baisse des taux.
Certes, aucun accord de la sorte n’avait été trouvé antérieurement. Mais tout aussi historique est la faiblesse de l’impôt sur les sociétés : son taux nominal n’a jamais été aussi faible depuis plus d’un demi-siècle en France comme dans la plupart des États du monde, et singulièrement au sein des pays de l’OCDE. Il pesait 2,2 % du PIB
PIB
Produit intérieur brut
Le PIB traduit la richesse totale produite sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées.
Le Produit intérieur brut est un agrégat économique qui mesure la production totale sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées. Cette mesure est notoirement incomplète ; elle ne tient pas compte, par exemple, de toutes les activités qui ne font pas l’objet d’un échange marchand. On appelle croissance économique la variation du PIB d’une période à l’autre.
en France en 2019 contre 3 % au sein de l’OCDE.
Tout aussi historique est l’ampleur de l’évitement de l’impôt, toujours permis par des voies légales (l’optimisation fiscale) et illégales (fraude). Cette dernière représente 80 milliards d’euros en France et environ 800 milliards d’euros au sein de l’Union européenne. Le tout dans une période de crise sanitaire qui a révélé à quel point l’évitement de l’impôt avait dégradé le système de santé.
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S’agissant de l’accord sur l’imposition des multinationales, la suite est malheureusement prévisible. Une nouvelle fois, les gouvernements se féliciteront de cette « avancée historique » et s’en contenteront. Cela ne les empêcheront pas de poursuivre la baisse du taux nominal de l’impôt sur les sociétés, qui sait jusqu’au plancher de 15 %.
Par ailleurs, au sein de l’Union européenne, le débat sur les critères qui structureront les politiques budgétaires et les orienteront vers l’austérité est relancé. En France, la réforme des retraites, menée au nom des économies budgétaires, envoie un signal particulièrement inquiétant. Face aux politiques néolibérales, il y a urgence à réorienter les choix. En matière de politique fiscale notamment, l’accord de l’OCDE montre qu’il n’existe aucun obstacle à la mise en œuvre d’un dispositif international.
Pour Attac, il faut désormais tenir compte de la réalité du modèle économique des grands groupes et adapter l’impôt sur les sociétés en conséquence, de telle sorte que les multinationales ne puissent plus jouer des prix de transfert, y compris en les manipulant afin de délocaliser artificiellement et frauduleusement leurs bénéfices vers des paradis fiscaux.
La taxation unitaire et le renforcement des moyens juridiques, humains et matériels alloués à la lutte contre l’évasion fiscale constitueraient une réponse adaptée. Au-delà, la période nécessite une politique fiscale et budgétaire qui privilégie la bifurcation sociale et écologique telle qu’Attac l’a défendue dans sa note « Reprendre la main ».
Source : Attac France
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