Un rapport recommande à la Grèce de ne pas payer la dette « odieuse »

22 juin 2015 par Agence France Presse


Un audit réalisé par des experts internationaux conclut que « la Grèce ne devrait pas payer cette dette illégale, illégitime et odieuse ».



En pleine angoisse mondiale sur les conséquences d’un possible défaut d’Athènes, un audit commandé en avril par la présidente du Parlement grec, réalisé par des experts internationaux, conclut jeudi que « la Grèce ne devrait pas payer cette dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
illégale, illégitime et odieuse ». Le rapport, présenté mercredi et jeudi au Parlement, détaille la mise en place des deux plans de sauvetage du pays, en 2010 et en 2012, qui prévoient 240 milliards d’euros de prêts en échange de mesures économiques et sociales qui ont mis le pays sur le flanc.

Les experts réunis par la très à gauche présidente du Parlement hellénique Zoé Konstantopoulou ont pour la plupart leur idée sur la question. Beaucoup sont membres du Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde (CADTM), dont le Belge Éric Toussaint, l’un des fondateurs du comité, auteur de nombreux ouvrages sur la dette et la mondialisation Mondialisation (voir aussi Globalisation)
(extrait de F. Chesnais, 1997a)
Jusqu’à une date récente, il paraissait possible d’aborder l’analyse de la mondialisation en considérant celle-ci comme une étape nouvelle du processus d’internationalisation du capital, dont le grand groupe industriel transnational a été à la fois l’expression et l’un des agents les plus actifs.
Aujourd’hui, il n’est manifestement plus possible de s’en tenir là. La « mondialisation de l’économie » (Adda, 1996) ou, plus précisément la « mondialisation du capital » (Chesnais, 1994), doit être comprise comme étant plus - ou même tout autre chose - qu’une phase supplémentaire dans le processus d’internationalisation du capital engagé depuis plus d’un siècle. C’est à un mode de fonctionnement spécifique - et à plusieurs égards important, nouveau - du capitalisme mondial que nous avons affaire, dont il faudrait chercher à comprendre les ressorts et l’orientation, de façon à en faire la caractérisation.

Les points d’inflexion par rapport aux évolutions des principales économies, internes ou externes à l’OCDE, exigent d’être abordés comme un tout, en partant de l’hypothèse que vraisemblablement, ils font « système ». Pour ma part, j’estime qu’ils traduisent le fait qu’il y a eu - en se référant à la théorie de l’impérialisme qui fut élaborée au sein de l’aile gauche de la Deuxième Internationale voici bientôt un siècle -, passage dans le cadre du stade impérialiste à une phase différant fortement de celle qui a prédominé entre la fin de Seconde Guerre mondiale et le début des années 80. Je désigne celui-ci pour l’instant (avec l’espoir qu’on m’aidera à en trouver un meilleur au travers de la discussion et au besoin de la polémique) du nom un peu compliqué de « régime d’accumulation mondial à dominante financière ».

La différenciation et la hiérarchisation de l’économie-monde contemporaine de dimension planétaire résultent tant des opérations du capital concentré que des rapports de domination et de dépendance politiques entre États, dont le rôle ne s’est nullement réduit, même si la configuration et les mécanismes de cette domination se sont modifiés. La genèse du régime d’accumulation mondialisé à dominante financière relève autant de la politique que de l’économie. Ce n’est que dans la vulgate néo-libérale que l’État est « extérieur » au « marché ». Le triomphe actuel du « marché » n’aurait pu se faire sans les interventions politiques répétées des instances politiques des États capitalistes les plus puissants (en premier lieu, les membres du G7). Cette liberté que le capital industriel et plus encore le capital financier se valorisant sous la forme argent, ont retrouvée pour se déployer mondialement comme ils n’avaient pu le faire depuis 1914, tient bien sûr aussi de la force qu’il a recouvrée grâce à la longue période d’accumulation ininterrompue des « trente glorieuses » (l’une sinon la plus longue de toute l’histoire du capitalisme). Mais le capital n’aurait pas pu parvenir à ses fins sans le succès de la « révolution conservatrice » de la fin de la décennie 1970.
. Leurs conclusions sont sans appel. D’abord, la dette grecque peut être considérée comme « illégale », car « les lois européennes et internationales ont été bafouées, tout comme les droits de l’homme, pour mettre en place » ces programmes. Deuxièmement, estiment-ils, beaucoup des prêts consentis « sont illégitimes, car ils n’ont pas été utilisés au bénéfice de la population mais pour sauver les créanciers privés de la Grèce ».

« Illégale », « illégitime », « odieuse »

Enfin, ces plans de sauvetage sont « odieux, car les créanciers et la Commission européenne savaient leurs conséquences possibles », mais « ont fermé les yeux sur les violations des droits de l’homme » qu’ils ont engendrées. « Illégale », « illégitime », « odieuse », l’audit conclut clairement : « La Grèce ne doit pas payer cette dette. » Sauf qu’en 2009-2010 les banques grecques étaient très fragilisées par la crise, et menaçaient par contagion les banques françaises, allemandes ou américaines. Et, comme après le sauvetage des banques de 2008, il était difficile d’en faire avaler un autre aux citoyens européens, on a « dramatisé » la situation grecque, selon M. Toussaint, et « créé l’idée que le problème était celui des dettes souveraines et non celui des dettes privées. C’était un excellent moyen pour mener des politiques d’austérité en Grèce ».

La réalisation de cet audit reprend une revendication de longue date du parti de la gauche radicale Syriza, dont est issu le gouvernement. En 2011, le documentaire grec Debtocracy, auquel avait participé M. Toussaint, avait fait un parallèle remarqué avec l’Équateur où en 2007 une partie de la dette, reconnue « odieuse », avait été effacée. La commission d’experts est-elle sérieuse en recommandant à la Grèce de ne pas payer alors qu’elle risque d’être déclarée en défaut si elle ne paye pas 1,5 milliard d’euros au FMI FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.

À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).

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le 30 juin ?

« La Grèce n’a jamais obtenu de réparations allemandes »

Pour M. Toussaint, si la Grèce menaçait sérieusement de ne plus payer le FMI ou la BCE BCE
Banque centrale européenne
La Banque centrale européenne est une institution européenne basée à Francfort, créée en 1998. Les pays de la zone euro lui ont transféré leurs compétences en matières monétaires et son rôle officiel est d’assurer la stabilité des prix (lutter contre l’inflation) dans la dite zone.
Ses trois organes de décision (le conseil des gouverneurs, le directoire et le conseil général) sont tous composés de gouverneurs de banques centrales des pays membres et/ou de spécialistes « reconnus ». Ses statuts la veulent « indépendante » politiquement mais elle est directement influencée par le monde financier.
, « les créanciers lui courraient après », c’est-à-dire que le Premier ministre Alexis Tsipras aurait le beau rôle. « Mais nous ne sommes pas là pour dire au gouvernement grec ce qu’il doit faire », ajoute-t-il. Mme Konstantopoulou, qui devient au fil des jours une véritable icône pour certains Grecs, a évoqué une autre commission qu’elle avait lancée à son arrivée, cette fois sur les réparations que pourrait devoir l’Allemagne à la Grèce pour ses exactions durant la Seconde Guerre mondiale.

« La Grèce n’a jamais obtenu de réparations allemandes. Alors qu’il s’agissait de crimes contre l’humanité commis par les nazis pendant l’occupation, les autres pays ont accepté de passer outre. Et maintenant les Grecs devraient se prosterner pour payer une dette qui n’est pas la leur, et qui n’est pas liée à des crimes internationaux ? » s’est-elle exclamée. Elle a indiqué que la commission « n’en était qu’au premier stade de ses recherches ». L’idée planerait de demander à l’ancien président de la BCE Jean-Claude Trichet, ou à l’ancien directeur général du FMI Dominique Strauss-Kahn, tous deux en poste en 2010, de venir apporter leurs commentaires.