16 mars 2018 par Erwan Mana’ch
Fonds vautour planant sur la foule lors de la mobilisation du 7 mars 2018 à Bruxelles (CC)
Présent à Bruxelles à l’occasion de la mobilisation du 7 mars dernier pour soutenir la loi contre les fonds vautours en Belgique, Politis revient en détail sur les agissements de ces fonds rapaces et les contours de la loi belge attaquée devant la cour constitutionnelle belge par NML Capital.
Nous publions ici quelques extraits de ce dossier. La version complète est disponible sur le site de Politis pour les abonné-e-s.
La Belgique tente d’encadrer pour la première fois l’activité des fonds qui génèrent des bénéfices exorbitants en forçant des États surendettés à rembourser de vieilles créances.
Un front de douze magistrats grisonnants trône en surplomb d’une poignée d’avocats, sous les ors de la Cour constitutionnelle belge. La petite salle feutrée, accessible par une porte dérobée au coin de l’imposante place Royale, à Bruxelles, est exceptionnellement comble, serrée dans un silence de cathédrale. Une solennité qui tranche avec l’impudence des personnages. Ce 7 mars, c’est le « fonds vautour
Fonds vautour
Fonds vautours
Fonds d’investissement qui achètent sur le marché secondaire (la brocante de la dette) des titres de dette de pays qui connaissent des difficultés financières. Ils les obtiennent à un montant très inférieur à leur valeur nominale, en les achetant à d’autres investisseurs qui préfèrent s’en débarrasser à moindre coût, quitte à essuyer une perte, de peur que le pays en question se place en défaut de paiement. Les fonds vautours réclament ensuite le paiement intégral de la dette qu’ils viennent d’acquérir, allant jusqu’à attaquer le pays débiteur devant des tribunaux qui privilégient les intérêts des investisseurs, typiquement les tribunaux américains et britanniques.
» NML Capital qui comparaît. Ou plutôt ses avocats, venus soutenir un recours en annulation déposé contre une loi de 2015.
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Ce petit business se porte à merveille depuis la dérégulation financière des années 1980, car les États au bord de la faillite ne manquent pas.
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Pour les populations locales, les conséquences sont souvent irréparables. En 2002, le Malawi a dû vendre une partie de sa réserve de maïs pour rembourser un fonds vautour. La famine sévissait la même année pour les deux tiers de ses citoyens, marqués par la pénurie alimentaire.
12% du PIB des pays africains seraient captés par des fonds vautours selon le FMI
« Un État n’est pas une banque. Il a d’autres obligations que le remboursement de sa dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
, plaide Olivier Stein, l’avocat des ONG venues défendre la loi belge, qui tente de masquer son stress devant l’imposant parterre d’éminences. Les États doivent assurer la santé, l’éducation et la sécurité. L’action des fonds vautours a un impact très négatif sur ces droits humains. »
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L’avocat des associations objecte la question « morale » et les dégâts humains engendrés par l’activité des fonds vautours. « Ils ciblent délibérément des pays en situation de faiblesse, s’indigne-t-il. Mais, le plus scandaleux, c’est qu’ils savent que des démarches sont engagées par d’autres pour sauver ces pays. Ils spéculent donc sur le fait que les autres vont se montrer plus raisonnables et restructurer leur dette pour sauver l’État de la faillite. » Et 92 % des créanciers de l’Argentine ont en effet concédé une décote d’environ 70 %, selon l’ONU. Ce que NML Capital a, lui, catégoriquement refusé.
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Leur image ne les préoccupe pas, glisse un journaliste spécialisé dans l’économie des liquidateurs de créance, pas mécontent que la question morale soit enfin posée sur le dossier des rachats de ces dettes d’États. Au contraire, ils aiment apparaître dans ce type d’affaires pour envoyer un signal. » Faire savoir que NML Capital obtient toujours gain de cause.
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Le combat ne fait néanmoins que commencer, alors que les fonds vautours continuent leurs manœuvres, ciblant cette fois le Mozambique. [...] Et le spectre d’une crise de la dette plus étendue sur le continent africain refait également surface depuis plusieurs mois.
L’autre motif d’inquiétude de Renaud Vivien, c’est la tendance, observée depuis 2008, au développement de ces pratiques sur le terrain de la dette des particuliers. Ces fonds « se mettent à racheter les créances des gens qui ne peuvent plus payer leur abonnement téléphonique ou leur facture d’électricité et font une plus-value
Plus-value
La plus-value est la différence entre la valeur nouvellement produite par la force de travail et la valeur propre de cette force de travail, c’est-à-dire la différence entre la valeur nouvellement produite par le travailleur ou la travailleuse et les coûts de reproduction de la force de travail.
La plus-value, c’est-à-dire la somme totale des revenus de la classe possédante (profits + intérêts + rente foncière) est donc une déduction (un résidu) du produit social, une fois assurée la reproduction de la force de travail, une fois couverts ses frais d’entretien. Elle n’est donc rien d’autre que la forme monétaire du surproduit social, qui constitue la part des classes possédantes dans la répartition du produit social de toute société de classe : les revenus des maîtres d’esclaves dans une société esclavagiste ; la rente foncière féodale dans une société féodale ; le tribut dans le mode de production tributaire, etc.
Le salarié et la salariée, le prolétaire et la prolétaire, ne vendent pas « du travail », mais leur force de travail, leur capacité de production. C’est cette force de travail que la société bourgeoise transforme en marchandise. Elle a donc sa valeur propre, donnée objective comme la valeur de toute autre marchandise : ses propres coûts de production, ses propres frais de reproduction. Comme toute marchandise, elle a une utilité (valeur d’usage) pour son acheteur, utilité qui est la pré-condition de sa vente, mais qui ne détermine point le prix (la valeur) de la marchandise vendue.
Or l’utilité, la valeur d’usage, de la force de travail pour son acheteur, le capitaliste, c’est justement celle de produire de la valeur, puisque, par définition, tout travail en société marchande ajoute de la valeur à la valeur des machines et des matières premières auxquelles il s’applique. Tout salarié produit donc de la « valeur ajoutée ». Mais comme le capitaliste paye un salaire à l’ouvrier et à l’ouvrière - le salaire qui représente le coût de reproduction de la force de travail -, il n’achètera cette force de travail que si « la valeur ajoutée » par l’ouvrier ou l’ouvrière dépasse la valeur de la force de travail elle-même. Cette fraction de la valeur nouvellement produite par le salarié, Marx l’appelle plus-value.
La découverte de la plus-value comme catégorie fondamentale de la société bourgeoise et de son mode de production, ainsi que l’explication de sa nature (résultat du surtravail, du travail non compensé, non rémunéré, fourni par le salarié) et de ses origines (obligation économique pour le ou la prolétaire de vendre sa force de travail comme marchandise au capitaliste) représente l’apport principal de Marx à la science économique et aux sciences sociales en général. Mais elle constitue elle-même l’application de la théorie perfectionnée de la valeur-travail d’Adam Smith et de David Ricardo au cas spécifique d’une marchandise particulière, la force de travail (Mandel, 1986, p. 14).
en suivant le même procédé ». Un marché effroyablement prometteur.
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Source : Politis
11 décembre 2017, par Eric Toussaint , Erwan Mana’ch